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Devolder Joseph (1842-1919)

Biographie

(Extrait de : LIVRAUW François, Le Parlement Belge en 1900-1902, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1901, p.577)

Avocat la Cour d'appel de Bruxelles, directeur à la Société Générale pour favoriser l'Industrie nationale.

Fit ses humanités au Collège Saint-Michel, sa philosophie à l'Institut Saint-Louis et son droit à l'Université libre de Bruxelles : conquit en 1864 le diplôme de docteur en droit.

Inscrit la même année au tableau de l'ordre du Barreau de Bruxelles, il fit partie du Conseil de discipline de l'ordre des avocats et présida le Bureau des consultations gratuites.

Ancien secrétaire du Comité général des Ecoles libres et ancien vice-président de l'Association conservatrice de Bruxelles.

Le 26 octobre 1884, il succéda à M. Woeste comme chef du Département de la justice. Elu député d'Audenarde aux élections du 8 juin 1886 il donna sa démission de membre de la Chambre le 21 avril 1887. Le 26 octobre de la même année, il échangea le portefeuille de la justice contre celui de l'intérieur et fit partie du Conseil de la Couronne jusqu'au 6 novembre 1890. Occupa, peu de temps après, le poste de directeur à la Société Générale.

Le 11 octobre 1891, l'arrondissement de Neufchâteau le choisit comme sénateur et lui renouvela ses pouvoirs aux élections subséquentes.

Le Roi le nomma Ministre d'Etat le 7 mai 1900.

Vice-président du Conseil supérieur de l'Etat Indépendant de Congo depuis 1890, il a été chargé par le Gouvernement du Congo des négociations avec le Gouvernement de la République française qui ont abouti au traité du 14 août 1892.

Ancien membre de la Commission de l'examen diplomatique, fait partie de la Commission chargée d'étudier les questions relatives à la situation militaire du pays.

Commandeur de l'Ordre de Léopold, grand-officier de la Légion d'Honneur, grand-cordon des Ordres des SS. Maurice et Lazare, de Takovo de Serbie et du Soleil-Levant du Japon.


(Extrait de : Annales parlementaires. Sénat, séance du 11 février 1919, pp. 39-40)

NOTIFICATION DU DÉCÈS DE M. DEVOLDER.

M. le président se lève et prononce le discours suivant, que le Sénat écoute debout :

Messieurs, la guerre a fait une nouvelle victime parmi nous.

Les émotions et les douleurs patriotiques, la perte d'un fils tendrement aimé, fauché sur la terre d'Afrique au cours d'une action d'éclat, avaient profondément atteint M. Devolder. Depuis quatre années sa santé déclinait rapidement, et en ces derniersdix mois nous assistions impuissants et affligés à sa longue agonie.

Pendant une carrière publique de plus de trente années, M. Devolder a rempli au parlement, dans les conseils de la Couronne, au conseil supérieur du Congo, un rôle remarquable.

Il est entré dans la politique par les sommets. C'est en 1884, comme ministre de la justice, qu'il s'est fait entendre pour la première fois, dans une assemblée publique, et, dès le principe, il s'y est affirmé comme orateur et comme homme de gouvernement.

Garde des sceaux, il eut une très grande part à la révision du code de procédure pénale. C'est dans ces mêmes fonctions qu'il prit l'initiative des premières lois sociales élaborées par le parlement et notamment celles interdisant le paiement des salaires en nature, consacrant l'insaisissabilité des salaires, réglementant le travail des enfants.

Notre honorable collègue n'abandonna le département de la justice que pour prendre au ministère de l'intérieur et de l'instruction publique la lourde succession de l'honorable M. Thonissen, vaincu par l'âge et par le travail.

Là M. Devolder marqua son passage spécialement par la révision de la loi sur l'enseignement supérieur. Les principes qu'elle contient continuent après trente années à régir cette matière.

Elu à la Chambre des représentants, il n'hésita point, peu de temps après, à renoncer à un mandat que sa conscience délicate lui montrait, à raison d'une circonstance fortuite, comme incompatible avec ses fonctions de chef de la magistrature.

C'est le 14 octobre 1894 que l'arrondissement de Neufchâteau l'appela à remplacer le comte Philippe de Limburg-Stirum parmi nous. Réélu les 27 mai 1900, 29 mai 1904 et 2 juin 1912, son mandat sénatorial ne connut aucune interruption.

Dans cette enceinte, notre regretté collègue prit une part considérable aux discussions importantes.

Les débats sur les questions électorales, les droits d'entrée, les sociétés commerciales, l'instruction primaire, les règlements d'atelier ont fait l'objet de sa particulière et influente intervention.

Chargé par le souverain de l'Etat indépendant du Congo de délicates négociations diplomatiques, il fit prévaloir les justes prétentions confiées à sa sagacité et à son énergie.

Animé de profondes convictions religieuses, il mettait une singulière ardeur à les défendre.

Dès les premiers mots de ses discours, on sentait qu'il disait sa pensée et rien que sa pensée.

Nature sincère et droite, il allait au but sans détours et il s'exprimait avec clarté et avec force.

Sa loyauté et sa franchise lui assuraient l'estime de tous ses collègues.

Sa perte est ressentie sur tous les bancs de l'assemblée, sa mémoire sera fidèlement conservée parmi nous.

Le Sénat sera unanime pour charger son bureau de faire parvenir ses profondes condoléances à la famille du regretté défunt.


(Ginette KURGAN-VAN HENTENRYK, dans Nouvelle biographie de Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2010, t. 10, pp. 161-162,

DEVOLDER, Joseph, Emmanuel, avocat, ministre, financier, né à Bruxelles le 7 janvier 1842, y décédé le 10 janvier 1919.

La carrière de Joseph Devolder illustre de façon exemplaire les voies de l’ascension sociale dans la Belgique du XIXe siècle. Fils d’un cultivateur de Turnhout, son père Jacques Devolder (1800-1870), après avoir participé aux combats de la Révolution de 1830, s’installe à Bruxelles où il ouvre un commerce de mercerie. De son mariage avec Marie-Anne Lenaerts, il a cinq enfants dont le quatrième, Joseph, est le centre des aspirations sociales de la famille. Il sera le seul d’entre eux à faire des études supérieures et à pouvoir se marier.

Après ses humanités au Collège Saint-Michel, Joseph Devolder poursuit ses études à l’Institut Saint-Louis à Bruxelles, puis à l’Université libre de Bruxelles, où il obtient brillamment le diplôme de docteur en droit en 1864.

Au cours de la première phase de sa carrière au barreau de Bruxelles, il se taille une grande réputation comme avocat et conseil de grandes entreprises et s’y lie d’amitié avec Auguste Beernaert. En 1884, le roi Léopold II fait appel à Beernaert pour former un gouvernement catholique modéré afin de ramener le calme dans un pays déchiré par la guerre scolaire. Beernaert confie le portefeuille de la Justice à son ami Devolder dont il partage les convictions religieuses et la modération politique. Sous son ministère, Joseph Devolder doit faire face aux émeutes ouvrières de 1886 ; il dépose au nom du gouvernement les projets des premières lois sociales et s’attache à la révision du code de procédure pénale. En octobre 1887, il échange le portefeuille de la Justice contre celui de l’Intérieur et de l’Instruction publique où son passage est marqué par la révision de la loi sur l’enseignement supérieur. Deux ans plus tard, à l’occasion du procès dit « du grand complot », Devolder doit se défendre au Parlement avec ses collègues Beernaert et Lejeune, son successeur à la Justice, des accusations de provocation lancées par l’opposition libérale. Malgré la virulence des attaques et une défaite électorale à Bruxelles, le gouvernement réussit à se maintenir au pouvoir.

La carrière ministérielle de Joseph Devolder prend fin en novembre 1890, lorsque la Société Générale de Belgique fait appel à lui pour occuper un poste de directeur traditionnellement réservé à un juriste expérimenté et influent. A ce titre, il siège au conseil d’administration d’une trentaine de sociétés de chemins de fer, charbonnages, banques.

Grâce à son amitié avec Beernaert et suite à son passage au gouvernement, Joseph Devolder est devenu conseiller et intermédiaire du roi Léopold II dans ses entreprises coloniales. Nommé le 27 novembre 1889 vice-président du Conseil supérieur du Congo, la plus haute instance judiciaire de l’Etat indépendant du Congo, il en devient président en 1903. En 1899, il accède à la présidence de la Banque d’Outremer, fondée par Albert Thys avec d’autres banquiers, mais dont le roi veut faire un instrument de sa politique d’expansion en Chine. Il collabore aussi étroitement avec Thys et, moyennant rémunération, dans la prise de contrôle pour le compte de Léopold II de la société américaine concessionnaire de la ligne Hankow-Canton. En dépit de ses liens personnels avec Edouard Despret qui représente la Société Générale dans les sociétés coloniales du groupe Thys, Joseph Devolder fait preuve d’une grande prudence dans ses interventions en faveur des thèses du roi au sein de la banque. Sa conscience professionnelle l’incite d’ailleurs à démissionner avec Thys de l’entreprise Hankow-Canton lorsque Léopold II veut en évincer les associés américains dans des conditions peu orthodoxes. La rupture avec le roi n’entame pas sa collaboration avec Thys. Devenu vice-gouverneur de la Société Générale à la mort d’Edouard Despret, il lui succède aussi en 1907 à la présidence de la Compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie, de la Compagnie du chemin de fer du Congo et de la Compagnie du Katanga.

Ses convictions religieuses ont conduit Joseph Devolder à exercer des responsabilités au sein du parti catholique : il a assisté Jules Malou comme secrétaire du Comité général des écoles libres et occupé la vice-présidence de l’Association conservatrice de Bruxelles. Devenu ministre de la Justice sans être parlementaire, il se fait élire à la Chambre comme représentant d’Audenarde en juin 1886, mandat dont il démissionne le 21 avril 1887 pour incompatibilité avec sa fonction ministérielle. C’est seulement après son entrée à la Société Générale qu’il se fait élire au Sénat en 1894, lors des premières élections qui suivent la révision constitutionnelle de 1893. Il y représente la province de Luxembourg jusqu’à sa mort en 1919.

Orateur sobre et apprécié pour sa franchise et la clarté de ses propos, il participe activement aux grands débats sur les questions électorales, l’instruction primaire et les problèmes concernant directement la vie des entreprises. Sa haute position dans les milieux financiers et ses liens avec la Cour l’exposent à des critiques sur l’influence qu’il exerce à leur profit au Parlement. Suite au vote par la Chambre de l’incompatibilité des mandats législatifs avec ceux d’administrateur de sociétés congolaises dont l’Etat indépendant du Congo est actionnaire, il annonce officiellement au Sénat la renonciation à ses principaux mandats d’administrateur le 4 septembre 1908. Il démissionne effectivement de la présidence de la Compagnie du Katanga et de la Compagnie du chemin de fer du Congo pour participer aux débats sur l’annexion du Congo par la Belgique et la Charte coloniale. A l’automne 1910, il démissionne de la Société Générale pour raisons de santé et se retire des affaires pour se consacrer quelques années encore à son activité parlementaire. Grâce à sa fortune considérable, il a acquis en 1902 un hôtel rue de Trêves, dans le prestigieux quartier Léopold, où il se constitue une collection éclectique d’oeuvres d’art.

De son mariage en 1875 avec Adèle Ronchain (1856-1940), issue d’une famille aisée établie à Bruxelles, naissent trois fils, dont l’aîné Armand est anobli en 1921 avec effet rétroactif sur son père, et deux filles qui contractent mariage dans la noblesse. Les dernières années de sa vie sont assombries par la mort d’un autre de ses fils durant la campagne d’Afrique en 1915