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Delcour Charles (1811-1889)

Portrait de Delcour Charles

Delcour Charles, Nicolas, François catholique

né en 1811 à Dolhain décédé en 1889 à Louvain

Ministre (intérieur) entre 1871 et 1878 Représentant entre 1863 et 1889, élu par l'arrondissement de Louvain

Biographie

(DESCAMPS-DAVID E., La vie et les travaux de M. Charles Delcour, Louvain, Vanlinthout, 1890)

(page 3) Jean-Baptiste Charles Guillaume DELCOUR est né à Dolhain-Limbourg, le 4 septembre 1811. Après avoir reçu la première instruction à l'école primaire de Limbourg, il fréquenta de 1822 à 1830 le collège royal de Liége. Au témoignage du chef de cet établissement, Charles Delcour se distinguait par la vigueur de son intelligence et par une ardeur opiniâtre au travail. Une certaine faiblesse de la vue lui rendait l'étude difficile: les remarquables aptitudes dont il était doué triomphèrent de cet obstacle. Son diplôme de sortie du collège porte cette note: summa cum laude et quam honorificentissime.

Le jeune lauréat fit de brillantes études philosophiques à Louvain. Il obtint à Liége, le 27 juillet 1832, le grade de candidat en droit summa cum laude. Le 24 janvier 1834, il méritait le diplôme de docteur en droit, également avec la marque d'honneur la plus élevée.

Le 17 novembre de la même année il fut attaché au cabinet de M. le comte de Theux, (page 4) ministre de l'Intérieur. L'on ne pouvait débuter dans la carrière administrative sous un maître plus éminent. Et ce maître, à son tour, ne pouvait trouver instrument mieux préparé que le nouveau docteur en droit à profiter d'une expérience consommée. Charles Delcour passa deux ans au ministère de l'Intérieur sous la direction de M. de Theux : aux éloges que lui décerna, au moment de la séparation, ce « maître en l'art de gouverner », il est aisé de comprendre toute l'estime et toute l'affection que l'illustre homme d'Etat avait vouées à son jeune et modeste collaborateur.

A la fin de ce stage rapide passé dans l'administration, Charles Delcour vit s'ouvrir devant lui la carrière du haut enseignement, avec ses lumineux horizons, avec ses joies pures et fécondes puisées dans la recherche et dans la communication de la vérité scientifique.

L'Université catholique était fondée. L'attraction des grands souvenirs l'avait ramenée à Louvain, centre séculaire de la haute culture intellectuelle en Belgique. Les chefs de l'institution naissante s'attachaient à grouper autour d'eux la phalange des maîtres destinés à asseoir la renommée et à assurer le rayonnement bienfaisant du nouvel Etablissement d'enseignement supérieur. Charles Delcour fut nommé le 1er octobre 1836 professeur de droit public et administratif.

« Ceux d'entre nous · ainsi s'exprimait-il lui-même dans une circonstance solennelle qui (page 5) réveillait puissamment les souvenirs - ceux d'entre nous qui, pendant la période de 1825 à 1830, ont subi la violence qui était faite à leurs sentiments catholiques et à leurs consciences, qui ont été témoins des angoisses du clergé et des préoccupations des familles, ont salué avec un enthousiasme indicible l'affranchissement de l'instruction, comme une œuvre de réparation du passé et un gage des plus grandes espérances pour l'avenir. Le pays n'a pas attendu longtemps à en recueillir les fruits. Profitant de la liberté rendue à l'Eglise, l'épiscopat s'est empressé, dès 1834, de fonder l'Université catholique. Appuyer l'enseignement supérieur sur l'union de la science et de la foi, montrer au monde entier, dans un siècle si tourmenté par les doctrines philosophiques et sociales les plus dangereuses, la fécondité toujours nouvelle de l'Eglise catholique quand il s'agit du bonheur et de l'instruction du peuple, montrer aux détracteurs de la religion que l'Eglise est l'amie sincère de la science, de ses progrès et de sa propagation, c'était une entreprise noble et glorieuse, mais pleine alors de difficultés... Dieu a béni l'œuvre patriotique de l'épiscopat belge... Grâce à la convention du 13 octobre 1835, conclue entre les évêques et l'administration communale de Louvain, la vieille cité brabançonne a vu renaître dans ses murs l'Alma Mater, qui, pendant près (page 6) de quatre siècles, avait fait sa gloire et sa prospérité. »

Les étudiants en droit des premières années de l'Université de Louvain ont gardé, des leçons du jeune professeur de droit public et administratif,- également remarquables par l'érudition, par la sûreté de la doctrine et par la netteté de l'exposition, - un souvenir ineffaçable.

En 1844, M. le professeur Delcour abandonna une partie des leçons qu'il avait données jusqu'alors pour occuper la chaire de droit civil approfondi. Il était appelé à succéder à M. Gérard Ernst, l'aîné des membres de ce « " triumvirat aussi docte qu'aimable » (François Schollaert, Lettre à Ulric Ernst) qui contribua si puissamment à l'illustration de l'université naissante. Dans l'enseignement de cette nouvelle et si importante branche du droit - il devait conserver ce cours avec celui de droit administratif spécial, jusqu'à la fin de sa carrière professorale - M. Delcour déploya toutes les qualités maîtresses qui distinguent le grand jurisconsulte et le professeur éminent. Il excellait à élucider les matières les plus épineuses et les plus compliquées de l'ordre juridique. Nul mieux que lui ne possédait l'art d'éclairer les questions par leurs sommets, de faire jaillir d'un mot la lumière dans les esprits et d'ouvrir aux jeunes intelligences en éveil les vastes horizons de la science du droit. L'étudiant puisait dans son enseignement cette possession (page 7) des principes qui fait la principale force du jurisconsulte. Il apprenait à grouper avec méthode autour d'eux les conséquences et les applications. Il aimait à suivre le maître, quand celui-ci dans le développement des controverses, mettait - pour parler avec Demolombe, - toutes voiles dehors, et dégageait enfin l'argument vainqueur des éléments secondaires de conviction. Souvent dans l'exposé des systèmes divers d'interprétation, M. Delcour se passionnait vivement pour la vérité juridique à défendre contre les interprètes téméraires ou fantaisistes. Et ses élèves du cours de droit civil approfondi gardent, avec le charme de ses leçons, avec l'amour de la science qu'il savait leur inspirer, le souvenir de foudroyantes apostrophes lancées à Toullier ou à tel jurisconsulte malhabile, trop égaré hors des voies de la vraie doctrine et de la saine jurisprudence.

« C'est par milliers qu'à l'Université catholique M. Delcour forma des élèves. Disséminés dans les sphères sociales, politiques, judiciaires et administratives, tous ont conservé de leur ancien professeur un impérissable souvenir. Ce souvenir s'adresse à la fois au jurisconsulte savant et à l'homme dévoué, au guide paternel et éclairé, qu'en toutes circonstances ils ont trouvé sur leur route. Car M. Delcour ne se contentait pas de les armer de toutes pièces pour le bon combat, il les suivait dans leur existence avec une persévérante sympathie, heureux de leur succès à et toujours prêt - dans les mauvais jours - à (page 8) les réconforter et à les défendre. Que d'hommes dont le panache brille aujourd'hui au soleil, que de soldats et de lutteurs blanchis sous le harnais dans les rangs obscurs de la rude mêlée sociale, lui doivent gratitude et reconnaissance ! » (Victor Genry, M. Delcour, ministre d’Etat)

Le temps que n'absorbait pas l'accomplissement des devoirs professionnels était consacré par M. Delcour à de savantes et utiles publications. La première de ces œuvres dans l'ordre chronologique est un remarquable Traité théorique et pratique du droit électoral appliqué aux élections communales : il date de 1842. En 1846 parut le premier volume du Traité de l'administration des fabriques d'église, ouvrage de premier ordre accueilli avec une égale faveur par la science et par la pratique, resté malheureusement inachevé. Signalons encore l'importante dissertation juridique Des dons et legs charitables, renfermant une série d'observations sur le projet de loi du 15 janvier 1854. Le résumé des leçons données par M. Delcour aux étudiants du doctorat en droit se trouve consigné dans quatre gros volumes in-8°, autographiés à l'usage des élèves du savant professeur. Ces volumes portent le titre de Cours de droit civil. Il y a là des trésors de recherches scientifiques, de bonne doctrine et de judicieuse interprétation auxquels aiment toujours à recourir ceux qui ont reçu de M. Delcour l'initiation à cette partie capitale de la science du droit.

(page 9) Pendant seize ans, de 1846 à 1862, M. le professeur Delcour a publié régulièrement dans la Revue catholique des notices fort intéressantes réunies chaque année en brochures - à partir de 1853 sous ce titre : Questions usuelles et pratiques sur l'administration des fabriques d'église. Ces notices forment un bulletin de jurisprudence d'une haute valeur et d'une précieuse utilité pratique. Un coup d'œil jeté sur la partie de la bibliographie ci-annexée où nous les signalons, fera saisir l'importance et la variété des questions examinées, dans cet ordre, par le savant jurisconsulte dont les avis, sages et sûrs, étaient si recherchés et si universellement appréciés.

En 1863, le corps électoral de l'arrondissement de Louvain confia à M. Delcour le mandat de membre de la Chambre des représentants. Elève du comte de Theux, mûri dans la connaissance des affaires publiques et des choses de l'enseignement, il était, mieux que tout autre, préparé à la mission qui allait lui incomber. Déjà depuis longtemps, du reste, M. Delcour avait pris une part active à la lutte engagée par l'Association catholique de Louvain pour le triomphe de nos convictions religieuses et la sauvegarde de nos libertés. A la Chambre, le nouveau représentant mit, avec une abnégation et une persévérance remarquables, au service du pays et en particulier de l'arrondissement de Louvain, sa belle intelligence et ses connaissances nombreuses. Pas une question intéressant nos populations - villes ou campagnes - n'échappa à sa sollicitude. » (Charles Boguet, La mort de M. Delcour.)

Nous donnons, dans la bibliographie ci-jointe, la liste des principaux travaux parlementaires de M. Delcour de 1863 à 1871, date de son entrée au ministère. Une analyse de ces travaux dépasserait les limites de cette notice : nous pouvons à peine procéder ici par simple nomenclature, tant les matériaux abondent. Le président actuel de la Chambre des représentants, dans le remarquable discours prononcé sur la tombe de son ancien maître, a rendu à l'illustre défunt ce témoignage autorisé : « Il n'y eut pas à la Chambre, de 1863 à 1871, une seule discussion importante, qu'elle eût pour objet la politique, le droit ou l'enseignement - l'enseignement surtout à laquelle le représentant de Louvain ne prit une part considérable et souvent prépondérante. » « La modération de son caractère, » ajoute M. De Lantsheere, "sa profonde science, son extrême courtoisie, donnaient à sa parole une autorité particulière. »

En 1869 M. Delcour fut élu conseiller communal de Louvain. Il fit partie, à ce titre, de l'administration Smolders qui a laissé en notre ville de si excellents souvenirs.

Bientôt après, Sa Majesté qui depuis longtemps avait voué au sage et savant professeur de Louvain une profonde estime et une véritable affection, l'appela dans les conseils de la Couronne.

(page 11) M. Delcour, promu à l'éméritat dans ces circonstances, quitta le haut enseignement catholique et libre pour devenir chef de l'enseignement public en Belgique. C'était une perte immense pour l'université ; ce n'était pas la seule, on le sait, que les intérêts du pays devaient imposer à notre corps enseignant. Les noms de deux vétérans du haut enseignement catholique se pressent ici sous notre plume, évoquant l'expression de la reconnaissance universitaire et de la gratitude nationale.

La situation du pays à l'avènement du cabinet dont fit partie M. Delcour a été caractérisée par l'éminent homme d'Etat lui-même dans une circonstance mémorable, lors de son jubilé parlementaire. Nous lui laissons la parole : « Les élections parlementaires de 1870 avaient donné la majorité aux catholiques et le baron d'Anethan, chef du nouveau ministère, avait exposé en ces termes le programme de la politique du gouvernement : « Eviter les luttes stériles qui fatiguent et divisent la nation, écarter surtout celles qui touchent au domaine de la conscience, nous paraît un impérieux devoir. Nous nous efforcerons de substituer à ces luttes des débats féconds, de nature à développer toutes les libertés publiques conformément à l'esprit de notre Constitution. » Ce programme de paix et de conciliation s'exécutait avec une entière loyauté, lorsqu'un incident, manifestement provoqué dans la pensée d'amener la ruine du ministère, obligea le baron (page 12) d'Anethan et ses collègues de remettre leurs démissions dans les mains du Roi. La situation violente qui fut la suite de cet incident parlementaire avait provoqué dans le pays une agitation factice qui ne pouvait se prolonger sans mettre en péril le libre jeu de nos institutions. Conservant la majorité dans le Parlement, les catholiques occupaient constitutionnellement le pouvoir et avaient le droit de s'y maintenir. Telles sont les conditions dans lesquelles le cabinet de 1871 a pris naissance : calmer les esprits agités, poursuivre la politique de sage modération du ministère précédent, consolider la majorité parlementaire, là était sa mission. »

Le cabinet de 1871 présidé par M. Malou s'est maintenu pendant près de sept ans au pouvoir. Ce que le ministre de l'intérieur, durant cette période de sa vie, a dépensé d'intelligente et d'infatigable activité, de dévouement à tous les grands intérêts du pays, d'abnégation personnelle et de patriotique sagesse, ceux-là seuls pourraient le dire en toute compétence qui ont été les associés de la tâche délicate et difficile qui incombait alors à nos gouvernants.

Les lois préparées et défendues à la tribune nationale par M. Delcour comme ministre, les actes administratifs dus à son initiative ne peuvent être l'objet d'une énumération complète. Il faut ici procéder par catégories et se borner à quelques traits saillants. Nous donnons ci-après l'indication des principaux travaux ministériels de l'éminent homme d'Etat d'après (page 13) un excellent résumé fait par M. le sénateur Roberti.

Rappelons seulement qu'au milieu des occupations les plus absorbantes, le ministre d'alors demeura fidèle à ce qui fut, avec l'amour de la religion et de son pays, la grande passion de sa vie : le développement de l'instruction. A la suite de la loi de 1876 sur la collation des grades académiques, l'enseignement supérieur reçut une grande impulsion. L'enseignement moyen obtint de notables accroissements, notamment en ce qui concerne la langue flamande, dont l'emploi en matière répressive et administrative fut en même temps réglé d'une manière plus équitable. L'enseignement primaire enfin fut de la part de M. Delcour l'objet d'une particulière sollicitude et de nombreuses faveurs, parmi lesquelles il faut rappeler le crédit de vingt millions demandé par lui pour la construction de maisons d'écoles.

Les élections de juin 1878, en déplaçant la majorité parlementaire, firent rentrer M. Delcour dans l'opposition. Lutteur sans trêve, il ne songea pas un seul instant au repos. Le lendemain du jour où il était renversé du poste éminent où il avait travaillé au bien du pays et à l'affermissement de nos droits, on le retrouva sur la brèche pour défendre ces droits contre les entreprises d'un gouvernement hostile arrivé au pouvoir grâce à de fallacieuses promesses. (page 14) L'aiguillon d'un grand devoir à remplir dans la lutte violente qui commençait donnait au ministre de la veille un regain de jeune et généreuse énergie. « Le pays subissait la plus douloureuse réaction ; c'était la guerre partout : guerre à l'enseignement religieux dans les écoles, guerre à l'enseignement libre par la loi de malheur de 1879, guerre au clergé et aux fabriques d'église dans la gestion de leurs biens, guerre aux vœux des communes dans les nominations des bourgmestres et des échevins, guerre à l'autonomie provinciale et communale par l'envoi des commissaires spéciaux chargés de poursuivre l'exécution des plus odieuses mesures de contrainte. A ce bilan si chargé déjà, il faut ajouter, dans l'ordre des intérêts religieux et généraux, la suppression de la légation belge auprès du St-Siège, les impôts nouveaux décrétés pour payer les dépenses scolaires, le déficit des budgets et l'exclusion systématique des catholiques des fonctions publiques » (Discours de M. Delcour lors de la célébration de son jubilé parlementaire).

Assailli sur tant de points à la fois par un adversaire qui braquait le pouvoir comme une arme contre la liberté, le parti catholique organisa sur toute la ligne cette vigoureuse résistance qui devait aboutir au triomphe.

Au premier rang des combattants dans la lutte scolaire, M. Delcour donna une nouvelle preuve de son dévouement à la cause de l'instruction du (page 15) peuple et de l'éducation chrétienne des classes indigentes. « C'était au mois d'août 1879-nous dit un de ses plus vaillants collaborateurs, M. le représentant Schollaert - une fédération se forma pour continuer à assurer à l'enfant du peuple une éducation profondément chrétienne. L'âge de M. Delcour, les fatigues d'un laborieux ministère, quitté depuis un an à peine, lui donnaient droit au repos. Appel fut cependant fait à son dévouement et cet appel fut aussitôt entendu. M. Delcour accepta la présidence de la Fédération. Jamais présidence ne fut plus effective. Son premier soin fut de tirer parti des excellentes écoles libres existant déjà dans notre ville et de les développer. Puis il fallut réunir les ressources pour en fonder de nouvelles Et ici qu'il me soit permis de signaler l'inépuisable charité de cet insigne bienfaiteur de nos écoles. Modeste et bon, il s'efforçait de cacher ses générosités; il nous est parfois arrivé pourtant de deviner son secret... Ce qui le préoccupait surtout c'était d'assurer aux milliers d'enfants qui suivent nos classes une instruction solide. Aussi le programme de l'enseignement avait été de sa part l'objet d'une étude particulière. Il veillait à ce que ce programme fut rigoureusement suivi. Il apportait tous ses soins au bon recrutement du personnel enseignant. Il ne reculait devant aucune démarche pour s'assurer le concours de bons (page 16) maîtres et de bonnes maîtresses, aucun sacrifice ne lui semblait trop lourd pour atteindre ce but important., Ses efforts ont été bénis et il nous laisse nos écoles ayant à leur tête un directeur et une directrice dont les noms sont synonymes d'abnégation, de vertu et de dévouement. Il savait combien il est important de contrôler par soi-même l'application des méthodes et les progrès des élèves. Aussi, malgré ses multiples occupations, savait-il trouver le temps d'inspecter nos diverses classes. Il faisait interroger les enfants, contrôlait les registres de présence, remettait aux plus sages et aux plus actifs les bonnes notes méritées. A la fin de l'année les distributions des prix étaient de vraies fêtes qu'il présidait toujours et chacune d'elle a été l'occasion d'un discours remarquable dans lequel notre regretté président exposait ses vues sur l'une ou l'autre question relative à l'enseignement. »

Membre du conseil de fabrique de l'église St-Joseph depuis 1852, président de ce conseil depuis 1879, époque où il succéda en cette qualité au regretté Emile De Becker M. Delcour fut pendant 37 ans l'administrateur vigilant et bienfaisant de cette paroisse, où il édifiait si souvent les fidèles par les manifestations publiques de ses convictions religieuses. Vice-président de la conférence St-Pierre, il aimait pratiquement les pauvres comme a voulu que (page 17) nous les aimions le Dieu « qui est Charité » et comme s'attache de le faire la société de St-Vincent de Paul.

« Il est des hommes dont le caractère est si noble, la vie si pure, la conscience si droite, qu'il se forme autour d'eux comme une auréole de respect, de confiance et d'affection » (de Lantsheere, Discours prononcé aux funérailles de M. Delcour). Tel fut Charles Delcour. Honoré des plus hautes distinctions nationales et étrangères (M. Delcour était grand officier de l'ordre de Léopold, grand cordon de l'ordre du Lion et du Soleil de Perse, grand-croix de l'ordre du Christ de Portugal, grand officier de la Légion d'honneur, chevalier de l'ordre des SS. Maurice et Lazarre), créé vers la fin de sa carrière ministre d'Etat, comblé de gloire, comblé de témoignages d'estime et d'affection, notamment lors de la célébration de son jubilé parlementaire, il ne voyait dans tous ces honneurs qu'une occasion de s'interroger lui-même, de se demander en conscience s'il avait fait assez pour le devoir et s'il n'était pas tenu de faire davantage à l'avenir.

L'Eglise, la Patrie, l'Université, l'arrondissement de Louvain pouvaient encore (page 18) légitimement attendre de lui, en sa vigoureuse vieillesse, de nombreux et signalés services. Il avait cette année, en l'absence du vénéré Mgr de Haerne, présidé comme doyen d'âge le Parlement à son ouverture, et tous, amis et adversaires, l'avaient à cette occasion félicité de sa verdeur. Dévoué jusqu'au bout à la cause de l'enseignement, il n'avait pas décliné la tâche ardue de rapporteur du projet de loi actuellement en délibération et qui intéresse au plus haut point l'avenir des hautes études en Belgique. Il avait au contraire assumé cette mission avec vaillance et s'y était attaché tout entier, avec la conscience d'un grand devoir national à remplir, avec l'espérance de doter enfin le pays d'un régime définitif en matière d'enseignement supérieur. Il était armé de toutes pièces pour soutenir le choc et l'entrecroisement des opinions divergentes. Le 20 novembre il prononçait un long et magistral discours pour défendre son rapport. Une salve d'applaudissements couvrit les derniers accents de sa parole encore chaude et vibrante. Et pendant que toutes les mains se tendaient vers lui pour le féliciter, pendant qu'il accueillait en souriant ces étreintes confraternelles, un doigt invisible, le doigt de la mort posait son cachet sur ses lèvres sages et éloquentes. Le discours du 20 novembre, à l'insu de tous, fut l'adieu suprême de M. Delcour au Parlement belge et comme le chant du cygne de cette nature si bien douée, si harmonieusement développée. Huit jours après, l'éminent homme d'Etat nous était enlevé.

(page 10) Un accident insignifiant d'apparence a brisé en quelques jours une constitution robuste encore et a rendu vaines toutes les ressources de l'art médical. A l'improviste, Dieu a repris à lui son fidèle serviteur en ne lui laissant que le temps de se recueillir un moment, de jeter un regard anxieux sur sa dernière œuvre inachevée, de reporter ce regard vers le ciel dégagé de tout lien terrestre, et de consommer, par un libre sacrifice, une vie consacrée tout entière au bien.

Les épreuves dont est semée toute existence humaine n'avaient pas été épargnées à M. Delcour dans le domaine de la vie de famille : il avait été frappé dans ses plus chères affections par la mort de sa femme et de ses filles. Sa vie intime s'écoulait calme et laborieuse dans la société de son gendre, M. le professeur Martens, de son petit-fils, de sa petite-fille et souvent aussi de l'ami discret, savant et sage qui devait lui prodiguer au dernier moment les divines consolations de son ministère.

Charles Delcour a quitté la terre auréolé d'une gloire sans tache. L'exemple de son existence était une exhortation perpétuelle à la fidélité, au devoir et à la vertu. Sa mort nous parle comme sa vie. Le vieux lutteur est tombé comme les vaillants, les armes à la main, dans la mêlée, après avoir sonné la charge et claironné la victoire, défendant les deux causes qui lui étaient chères par excellence - avec celles de la religion et de la patrie - celles de l'enseignement et de la liberté.

[Suit la liste des publications, travaux et interventions parlementaires de Charles Delcour, non reprise dans la présente version numérisée]