De Puydt Remi libéral
né en 1789 à Poperinghe décédé en 1844 à Schaebeek
Représentant entre 1833 et 1841, élu par les arrondissements de Mons et Diekirch(Extrait de : G. GUILLAUME, dans Biographie nationale de Belgique, t. V, 1876, col. 640-647)
DE PUYDT (Remi), homme de guerre et ingénieur (…), né à Poperinghe le 3 août 1789, décédé à Schaerbeek le 20 septembre l844, fit ses humanités à Bruxelles et se rendit ensuite à Paris pour y étudier l'architecture et le génie civil. La marche des événements ne permettait pas alors de réaliser toujours le programme que l'on s'était donné : cédant aux entraînements de l'époque, De Puydt prit du service et fut nommé lieutenant d'infanterie légère (l813), puis capitaine (1814). Il fit les campagnes de Saxe et de Silésie, fut blessé de deux coups de baïonnette à Bautzen, d'un coup de lance dans une rencontre en l813 et démissionné en 1815. Rendu à la vie civile, De Puydt exerça les fonctions de receveur des droits et accises à Wiltz (Luxembourg). Mais bientôt il quitta ces fonctions modestes, pour s'adonner exclusivement aux études et aux travaux vers lesquels l'entraînaient ses aptitudes : l'architecture et les travaux publics. De 1819 à l830, l'arrondissement de Charleroi et la ville de Mons furent, par ses soins, dotés de maisons communales, de maisons d'écoles, d'hospices, de prisons, de casernes, de ponts et de routes.
Au début de la révolution qui sépara la Belgique de la Hollande, De Puydt fut appelé au commandement de la garde civique de Mons, puis nommé ingénieur en chef des ponts et chaussées, fonctions qu'il échangea contre celles de lieutenant-colonel du génie (23 juin 1831). Il fut investi, en cette qualité, du commandement en chef du génie de l'armée (1831) ; assista au siége d'Anvers fait par l'armée française (1832), puis obtint le grade de colonel (1837) et siégea à la chambre des représentants depuis 1833 jusqu'en 1841.
Le nombre des projets de travaux publics conçus, étudiés et en partie exécutés par le colonel De Puydt est considérable et atteste, tout à la fois, sa haute intelligence et son habileté incontestées comme ingénieur.
Nous allons en donner une analyse rapide :
1° La canalisation de la Sambre sur une étendue de plus de vingt lieues, entreprise immense dont Remi De Puydt dirigea tous les travaux d'art et de terrassement (1825) ;
2° Le canal de Meuse et Moselle et ses embranchements, le plus vaste projet de travaux publics qui ait été entrepris en Belgique à cette époque, devait mettre tout le centre du pays, c'est-à-dire, les vallées de l'Ourthe et de la Sure, les Flandres, Anvers et les districts industriels de Charleroi en communication avec le Rhin, donner un essor vigoureux au commerce et à l'industrie en ouvrant une voie facile d'écoulement et d'échange ; porter la fertilisation sur la zone immense du sol schisteux qui sépare les terrains calcaires de l'Ourthe inférieure des terrains de gypse de la basse Sure.
« Le roi Guillaume, dit Vifquin dans son ouvrage sur les voies navigables en Belgique, se passionna pour cette entreprise et la soutint de son influence royale et des capitaux de sa famille. » Les travaux, commencés en 1827, furent interrompus par les événements de 1830 qui, en déplaçant les intérêts et même les frontières, rendirent désormais irréalisable l'exécution de ces travaux dans leur ensemble.
On pourra se faire une idée générale de leur importance par ces données : la longueur totale du tronc principal était de 262,972 mètres ; un bateau parti de Liége devait s'élever à la hauteur de 381 m. 59 c. en franchissant 118 écluses ; traverser un bief de partage de 5,370 m. en souterrain sur 2,528 m. ; enfin redescendre 306m. 64 c., jusqu'à la Moselle, au moyen de 97 écluses.
3° La canalisation de la Meuse. Dès 1826, Remi De Puydt avait démontré l'immense bienfait qui résulterait pour le commerce et pour l'industrie de l'exécution de ce travail. La Meuse, disait-il, qui est non-seulement le tronc principal de la navigation de la moitié de la Belgique, mais aussi la grande ligne de communication entre la France et la Hollande, la Meuse reçoit dans son cours des rivières canalisées et des canaux, mais le lien entre tous ces cours d'eau est en quelque sorte annihilé par sa navigation propre. Il démontrait la possibilité de ce travail en écartant le danger des inondations au moyen de nombreux barrages d'un système particulier ; il établissait, enfin, par des calculs irréfutables que la dépense serait modérée et produirait un revenu avantageux.
Mais De Puydt avait à combattre des préjuges invétérés et à lutter contre des intérêts particuliers, qui trouvèrent de puissants appuis chez des personnes influentes ; il ne put vaincre une opposition continue, persévérante, à l'exécution de ses projets, et la canalisation de la Meuse fut ajournée.
4° Canal dans l'Entre-Sambre et Meuse. Ce travail, proposé en 1829, consistait en un tronc navigable composé de l'Heure et de l'Hermeton avec embranchement sur Chimay et Couvin et en diverses branches de chemins de fer par les vallées affluentes, pour rattacher au tronc principal les terrains à minerai et les établissements les plus importants. Par ce moyen, disait De Puydt, on abaissera le prix de fabrication en diminuant notablement le prix des transports et on permettra à nos établissements métallurgiques de soutenir avantageusement la lutte avec les fers anglais.
Les événements de 1830 arrêtèrent la réalisation de ce projet, qui fut reproduit, en 1837, sous la forme d'un chemin de fer, aujourd'hui en pleine exploitation.
5° Canal de Mons à Alost. Le projet de ce canal rentrait dans le plan d'ensemble conçu par De Puydt, car il ouvrait au commerce et à l'industrie de Mons le marché des Flandres, de la Hollande et de la mer. Diverses circonstances en ont empêché la réalisation.
6° Canal de Mons à la Sambre.
7° Communications pour ouvrir vers Mons et la Sambre des débouchés aux charbons du centre. Dans la pensée de R. De Puydt, ces travaux avaient pour but d'appeler les nombreux bassins houillers du Hainaut à exploiter tous les marchés de l'intérieur et de l'extérieur ; réaliser cette pensée, c'était évidemment agir dans le sens des intérêts généraux et tendre à les satisfaire de la manière la plus efficace. Malheureusement des rivalités diverses ont jusqu'aujourd’hui mis obstacle à l'exécution de ces projets.
8° Routes dans le Luxembourg. La construction des routes dans le Luxembourg était, d'après la pensée de De Puydt, le complément naturel et indispensable du système dont le canal de Meuse et Moselle avec ses embranchements n'était que la principale base. Mais son canal, la première maille du réseau, ne s'achevant pas, il reprit ses projets de routes, après les avoir disposées de manière à leur faire produire le plus grand effet utile, tant au profit de l'agriculture et de l'industrie qu'au profit de l'exécution du canal, dont il ne cessa de presser la construction. Une pensée d'équité le dominait aussi dans ses efforts pour doter le Luxembourg de routes nouvelles : il avait constaté que dans cette la province il n'y avait, par lieue carrée, que 1,150 m. de longueur de routes, tandis que la Flandre en avait 3,450 et le Hainaut 3,400. Pour arriver à la réalisation de son projet, il fonda la Société des Ardennes, puis présenta à la chambre, dont il était membre, un projet de loi autorisant un emprunt de 16 millions (1833) ; ce fut aussi grâce à ses efforts et à son initiative qu'à l'époque où l'établissement des chemins de fer fut décrété, la législature accorda un subside de 2 millions pour dédommager le Luxembourg de se trouver exclu de l'avantage de posséder des voies ferrées, dont la construction, à cette époque, paraissait impossible. On peut donc dire en toute vérité qu'une grande part dans les travaux qui ont été exécutés au profit de cette province est due aux efforts et à l'initiative de De Puydt.
La réputation de talent dont jouissait R. De Puydt le signala deux fois à l'attention du souverain pour des missions spéciales. Le roi Guillaume s'étant trouvé intéressé dans l'entreprise du percement de l'isthme de Panama, dont la concession avait été accordée à une compagnie hollandaise, chargea Remi de Puydt de se rendre en Amérique pour examiner cette question importante. Les événements de 1830 arrêtèrent l'exécution de ce projet, mais De Puydt en avait fait l'objet de ses études, et, en 1872, on a vu reparaître son nom dans les mémoires techniques et des revues résumant les différents tracés proposés.
En 1841, lorsqu'il fut question d'un établissement belge dans l'Etat de Guatemala, le roi Léopold 1er, rendant hommage à la variété des aptitudes de De Puydt, le choisit pour négociateur et administrateur de cette importante affaire. Notre compatriote, non-seulement obtint du gouvernement de Guatemala un traité autorisant la colonisation projetée, mais il traça, dans une série de rapports, la ligne de conduite à suivre et les conditions indispensables qui devaient, selon lui, amener la réussite de l'entreprise. Ses conseils ne furent malheureusement pas suivis et l'affaire aboutit à un désastre.
Le résumé rapide que nous venons de faire des travaux de De Puydt suffira pour apprécier l'élévation des vues et la sûreté du coup d'œil de celui qui les a conçus. Avant 1830, les travaux publics n'avaient pas pris l'essor qu'ils ont acquis depuis. Aujourd'hui les conceptions les plus téméraires, un tunnel à travers les Alpes, un tunnel sous la Manche, des câbles qui relient les deux mondes, sont acceptées d'emblée par l'esprit public, qui ne doute plus de rien. Il fallait faire alors l'éducation de ce même esprit public et rassurer les capitalistes timides qui refusaient de s'engager ; il fallait apprendre à l'un et aux autres à marcher résolument dans les grandes voies du progrès. Il fallait enfin jouer le rôle d'initiateur. Il y avait donc un certain mérite à créer de toutes pièces un ensemble de travaux d'une utilité incontestable, et d'en poursuivre, avec persévérance, la pénible réalisation. R. De Puydt n'est pas parvenu à faire accepter tous ses projets, mais il est à remarquer que toutes les voies de communication projetées par lui ont été les premières exécutées aussitôt que le grand élan fut donné après 1830. Elles ont été exécutées quelquefois. il est vrai, sous une autre forme, les canaux se transformant en chemins de fer ; mais l'idée-mère restait debout, puisque les besoins d'échange, entre les points de consommation que De Puydt s'était évertué toute sa vie à signaler, recevaient leur légitime satisfaction. Ces satisfactions, De Puydt les avait ardemment ambitionnées et vaillamment poursuivies au détriment de sa fortune personnelle, à travers mille obstacles, avec le talent, le dévouement et l'activité qui composaient sa nature d'élite.
Les circonstances n'ont pas offert au colonel De Puydt l'occasion de se signaler comme ingénieur militaire. Nous nous bornons à constater qu'ayant été chargé de suivre, tous les jours et dans tous ses détails, les travaux de l'armée française assiégeant, en 1832, la citadelle d'Anvers, il fit de ce siége une relation critique, fort intéressante, dont le ministre de la guerre, le lieutenant général baron Evain, n'a pas permis la publication.
On a vu que le colonel De Puydt avait siégé à la chambre des représentants. Il y représenta d'abord l'arrondissement de Mons et, plus tard, celui de Diekirch qui fut compris, en 1839, dans le territoire cédé à la Hollande. Dans le courant de sa carrière parlementaire, le colonel De Puydt prit une part active aux plus importantes discussions et se montra toujours soucieux du bien-être du soldat et jaloux du prestige et de la dignité de l'officier. Il fut chargé de rédiger de nombreux rapports dont quelques-uns sont fort remarquables ; notamment celui relatif à la création de l'école militaire, et ceux qui concernent les lois sur l'avancement et les pensions militaires. C'est à son initiative que l'on doit l'établissement de la carte du pays par le dépôt de la guerre et l'indemnité de première mise allouée aux sous-lieutenants nouvellement nommés. Rappelons aussi qu'au moment où il fut question de régler la séparation de la Belgique et de la Hollande, il prononça un remarquable discours ; il y déplorait avec autant d'éloquence que d’indignation l’abandon de nos frères luxembourgeois et poussait vigoureusement à la résistance en affirmant que, quelles que fussent les forces militaires de la Hollande, des Belges défendant leurs foyers et leurs familles en auraient raison.
Le colonel De Puydt était décoré de la Croix de fer et de l'ordre de Léopold.
Le colonel De Puydt a publié de nombreux mémoires, presque tous dans le but de vulgariser ses projets de travaux publics. Voici les titres des plus importants : Mémoire sur le déboisement des forêts en Belgique, 1826 - Mémoire sur le canal de Meuse et Moselle, 1831. - Mémoire sur la canalisation de la Sambre, 1834. - Rapport sur l'emploi des troupes aux travaux publics 1836, travail important, où l'auteur rend compte de la mission qu'il avait reçue d'aller examiner en France les routes stratégiques exécutées par la troupe, afin de pouvoir juger s'il serait avantageux d'employer nos soldats à des travaux de l'espèce. - Mémoire sur le chemin de fer de Charleroi à la Meuse, 1837. - Mémoire sur le chemin de fer de l'Entre-Sambre et Meuse, 1837. - Mémoire sur la Société des Ardennes ; Considérations sur différentes communications dans la province de Luxembourg, 1837. - Rapport sur le canal de Mons à la Sambre, 1840. Mémorial de l'officier du génie, 1841, Liége, 8 vol. in-8°.