De Wandre Pierre, Marie, Barthel libéral
né en 1822 à Liége décédé en 1893 à Charleroi
Représentant entre 1864 et 1870, élu par l'arrondissement de Charleroi(Extrait de la Gazette de Charleroi, du 20 avril 1893)
Pressés par les nécessités de notre tirage, nous n'avons pu hier qu'annoncer fort sommairement la mort de l'homme éminent qui, pendant tant d'années, avec tant de dignité et de distinction, a représenté notre arrondissement à la Chambre des représentants et au Sénat.
Le public nous saura gré assurément de lui rappeler brièvement la carrière défunt par le regretté défunt.
M. Barthe Dewandre était né à Liége le 15 août 1822. Il était le fils de M. Barthélémy Dewandre, avocat général, puis conseiller à la cour de cassation. II fit ses études à l'université de Bruxelles, qui lui décerna le diplôme de docteur en septembre 1845.
M. Barthe Dewandre s'inscrivit aussitôt en qualité d’avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.
Trois ans après, en 1848, une circonstance particulière l'amena à se fixer dans notre arrondissement, où dès lors se passa toute sa vie publique et privée. M. de Haussy, son beau-père, ayant en effet été appelé aux fonctions de ministre de la justice, M. Dewandre lui succéda dans son étude d’avocat.
Le canton de Fontaine-l'Evêque, où il avait fixé sa résidence, le choisit en qualité de conseiller provincial, le 28 mai 1850.
Quelques années plus tard, il fut nommé en la même qualité pour Charleroi.
Mais c'est surtout partir de 1856 que la part prise par l'éminent défunt aux destinées politiques de notre arrondissement devient prépondérante. En cette année mémorable pour le parti libéral carolorégien, il fut un de ceux qui aidèrent le plus fortement à constituer une Association libérale. Celle-ci le choisit, pendant plusieurs années, comme son secrétaire, et c'est en cette qualité qu'il prit une part considérable aux élections du 10 décembre 1857 qui firent triompher les cinq candidats de la liste libérale de Charleroi.
Ce fut en 1864 que M. Barthel Dewandre fut pour la première fois nommé représentant pour l'arrondissement de Charleroi. Son esprit avisé et pratique, la rare distinction de sa parole, ne tardèrent pas à le faire remarquer à la Chambre. Malheureusement, la fortune électorale lui fut peu après défavorable ainsi qu'à ses collègues libéraux.
En 1870, l’arrondissement de Charleroi envoya pour la seconde fois M. Barthel Dewandre siéger à la Chambre.
Un fait assurément peu connu et qu'il est intéressant de rappeler, c'est qu'au cours de la même année 1870, M. Dewandre fut élu en qualité de conseiller communal de Charleroi ; mais il donna sa démission presqu'aussitôt après, lors de sa rentrée à la Chambre, ne voulant pas cumuler deux mandats électifs.
Notre Association libérale ayant été reconstituée en 1874, M. Dewandre en fut nommé président, fonction qui résigna en 1878 pour prendre la vice-présidence de la même assemblée.
En cette même année 1878, il donna sa démission de représentant, pour prendre au Sénat la place qu'il a si dignement occupée jusqu'aux élections dernières, où l'âge autant que la modestie lui firent trouver le fardeau trop lourd pour ses épaules.
En 1880, lors des fêtes du cinquantenaire, le Sénat, voulant dignement honorer cette vie toute de labeur et de dévouement à la chose publique, appela M. Barthel Dewandre aux fonctions de vice-président de la Haute-Assemblée. Le regretté défunt a rempli ces fonctions comme il les remplissait toutes : avec une dignité et une aménité dont ses anciens collègues n'ont pas encore perdu le souvenir.
Ce qui caractérisait, en effet, surtout l'homme éminent dont le parti libéral déplore la perte, c'était la plus exquise urbanité d allures et de langage. Quelque forte que fût sa conviction, il l'exprimait toujours avec une mesure et une correction qui se font de plus en plus rares. II réunissait en lui l’ensemble des qualités que les résument dans un mot expressif autant qu'énergique : M. Barthel Dewandre était un parfait gentleman. En d’autres termes, Ia distinction extérieure correspondait chez lui à la distinction intellectuelle et morale. Le pays perd en Barthel Dewandre un noble esprit et un grand cœur.
Et s'il nous est permis de parler discrètement de nous-mêmes, nous ajouterons qu'ici, à la Gazette, où son expérience nous a tant de fois été d'un si précieux secours, nous ne perdrons pas de sitôt le souvenir de cette physionomie si hautement sympathique à tous ceux qui ont eu l'occasion de vivre auprès d'elle.
(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, p. 256)
Docteur en droit de l'université libre de Bruxelles (1845)
Avocat au barreau de Charleroi (1845-1893)
Conseiller provincial du Hainaut (1850-1864)
Secrétaire (1854-1859), puis bâtonnier de l'ordre des avocat au barreau de Charleroi (1866-1869, 1874-1875)
Administrateur dans les sociétés suivantes :
- Compagnie du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand et ses extansions §1863-1890)
- membre du conseil général de la C.G.E.R (1865-1893)
- président du conseil d'administration de la S.A Compagnie du carbonnage de Piéton (1870)
- compagnie des lits militaires (1873, 1887)
- comptoir d'escompte à Charleroi de la Banque nationale (1873-1893)
- S. A. des Laminoirs, Hauts Fourneaux, Forges, Fonderies et Usines de la Providence à Marchienne-au-Pont
- Ateliers Germain
(Extrait de la Gazette de Charleroi, du 22 avril 1893)
Funérailles de M. Barthe Dewandre
Les funérailles civiles du regretté M. Barthel Dewandre ont eu lieu hier à onze heures du matin, avec une grande solennité. Dès 10 heures du' matin, la foulé se presse à la mortuaire somptueusement drapée de deuil et devant le cercueil qui disparaît sous les couronnes et les fleurs. Toutes les notabilités du bassin de Charleroi et les personnalités les plus marquantes du pays, parmi lesquelles de nombreux sénateurs et représentants, sont venues rendre les derniers devoirs à l'homme de bien si prématurément disparu.
Un bataillon du premier chasseurs, sous le mandement de M. le major Van Canneghem, le drapeau et la musique du premier régiment de chasseurs à pied, viennent rendre les honneur au Commandeur de l'Ordre de Léopold.
Avant la levée du corps des discours sont prononcés par MM. Noël, bâtonnier de l'ordre des avocats ; Olivier, président de l'Association libérale ; Louis Biourge, président du conseil d'administration de la Société des Forges et hauts-fourneaux de la Providence ; Julien Dulait, administrateur-gérant de la Société Electricité et Hydraulique.
Voici ces discours :
Discours de M. Noël
« J'apporte sur la tombe de notre éminent confrère le témoignage des regrets du barreau de Charleroi.
« Bien qu'il eût renoncé à la vie active du barreau depuis un certain temps déjà, M. Dewandre avait laissé au Palais une telle empreinte, joué un rôle si considérable que sa disparition nous atteint à l'égal de celle d’un de nos membres les plus occupés.
« Il était une illustration de l'ordre des avocats.
« Il était, en effet, un de ces hommes qui honorent une profession et nul peut-être n'a donné à notre barreau plus de lustre et de véritable dignité.
« Avocat dès 1843 il vint, son stage à peine terminé, succéder à Charleroi, à un homme qui y a laissé un grand renom de science et a marqué dans l'histoire du pays.
« Il appartenait lui-même à cette race de grands magistrats dont les noms nous sont restés familiers : il avait trouvé au foyer paternel ces exemples et ces leçons qui sont l’honneur de la magistrature ; la science juridique, l’élévation de caractère, la droiture indéfectible de son père sont proverbiales dans le monde judiciaire.
« M. Dewandre n'y dérogea point.
« Avec de tels exemples, fidèle à de telles traditions, il fut avocat dans le sens élevé du mot.
« Il défendit certes avec énergie, les intérêts de ses clients, mais il ne fut jamais le serviteur de leurs querelles ni le courtisan de leurs passions.
« Après avoir interrogé soigneusement celui qui recourait à ses lumières. il examinait scrupuleusement les titres et le documents que l'on invoquait et il disait alors avec une sincérité absolue, ce qui lui paraissait être le droit et la vérité.
« La profession d'avocat ainsi entendue, tout en assurant l’indépendance du conseil, lui donné une autorité à laquelle personne ne peut soustraire.
« Aussi, M. Dewandre devint vite, non seulement le guide de ses clients, mais leur ami.
« Il eut bientôt une situation exceptionnelle à Charleroi ; pas un procès important auquel il ne fût mêlé ; pas un différend délicat où son avis ne fût réclamé.
« Pareille confiance, rebelle à l’intrigue et aux habiletés de la vie, M. Dewandre l'avait obtenue à un degré égal de se clients et des magistrats, appréciateurs bien placés de sa droiture et de son sentiment de la justice.
« Son opinion avait une force que l'on subissait sans pouvoir s'en défendre.
« Il n’avait pourtant pas une éloquence ardente et chaleureuse ; ce n'était non plus l'imagination qui dominait chez notre éminent confrère ; il ne la prisait guère du reste au barreau ; les rêveries n'ont que faire au palais et il pensait que le raisonnement dans sa simplicité avait autrement de force et d'efficacité.
« Et ce fut un des facteurs les plus puissants de sa grande situation.
« Il était d'une logique serrée : sa dialectique était irrésistible. J'ai eu peu l'occasion d'entendre cette voix aimée qui allait se taire prématurément ; mais, combien souvent nos anciens nous ont redit leur admiration devant ce talent si souple et si complet !
« Nul mieux que lui ne savait apporter la lumière dans une affaire et dissiper les obscurités que la passion, la mauvaise foi, les faiblesses humaines sèment dans les choses de la vie. Il était surtout supérieur dans l'art d'exposer le procès ; personne ne l'a dépassé cet égard, bien peu l'ont égalé. Là éclataient la lucidité de son esprit et sa vigoureuse intelligence.
« Exposer clairement une affaire, la développer devant des magistrats auxquels elle est inconnue encore, en termes d'une telle netteté qu'il leur semble que l'étude du dossier soit déjà faite, que rien ne leur soit plus étranger, c’est là une grande et réelle supériorité qui n'appartient qu'aux esprits d'élite.
« M. Dewandre discutait les différends les plus ardus avec une clarté et une facilité d'exposition toujours égales.
« Arrivé au barreau au moment où notre industrie prenait son essor, il eut à plaider les procès de mine les plus importants, toutes les questions délicates que les relations industrielles provoquaient ; il n'y avait généralement ni précédents, ni jurisprudence, ni doctrine; M. Dewandre y apporta des lumières qui faisaient paraître simples ces problèmes obscurs.
« Sa discussion était loyale, ses plaidoiries toujours empreintes de l'urbanité la plus exquise. Il était courtois à la barre, comme il l’était envers tous et dans toutes les relations de la vie.
« Sa langue était sobre, concise, mais lumineuse et il ne restait rien dire après lui.
« Aussi il n'était pas de plus redoutable adversaire. Personne ne s'étonna de la place qu'il s'était créée au barreau de Charleroi ; elle était la résultante nécessaire et naturelle de sa science, de sa clarté d'exposition, de sa rare droiture, de la forte et vigoureuse simplicité qui marquait toutes ses plaidoiries.
« Les suffrages de ses confrères l'appelèrent souvent dans le Conseil de l'ordre ; plusieurs fois il fut bâtonnier et tous éprouvaient alors le sentiment que la première charge était échue au plus digne et au meilleur.
« Si sa voix était muette depuis quelques années, il n'était pourtant pas devenu étranger au barreau ; il tenait à ce titre d'avocat qu'il avait illustré et en nous donnant un excellent confrère aimé de tous, il lui continuait ses leçons et ses sages conseils.
« Il nous quitte laissant un nom honoré.
« Puisse son exemple montrer à ceux que les luttes de la vie portent parfois au découragement, ce que peuvent l'intelligence et le travail mis au service du droit et de la justice.
« Cher et vénéré confrère, adieu ! »
Discours de M. Olivier
« Messieurs,
« La mort vient encore de coucher dans la tombe un des hommes dont la personnalité considérable est attachée à la vie politique de notre arrondissement depuis plus de trente années.
« C'est avec une profonde émotion que chacun de nous a reçu la nouvelle inattendue que M. Dewandre, dont l'âge paraissait avoir à peine affaibli la robuste et Imposante constitution, était terrassé par une maladie grave, précurseur d'une fin prochaine.
« M. Dewandre méritait en effet à tant de titres la vénération dont il était l'objet non seulement de la part des siens, mais aussi de tous ceux qui l'ont connu et spécialement de tous les membres de la grande famille libérale.
« Au nom de l'Association libérale de l'arrondissement de Charleroi. je viens accomplir la pénible mission de lui adresser le suprême adieu.
« M. Barthel Dewandre appartenait à cette classe de citoyens d’élite, qui prodiguent de tout cœur leur dévouement à la cause politique qu'ils ont embrassée.
« Le libéralisme rendra un juste et perpétuel hommage à la fermeté et à la sincérité des convictions politiques de celui qui n'est plus.
« Homme de principe, il n'a connu aucune défaillance ; inclinons-nous, Messieurs, avec un profond respect devant la dépouille mortelle de cet homme dont le renom de loyauté politique sera pieusement gardé par chacun de nous.
« Dès son entrée au barreau, où il sut faire apprécier de suite toutes les qualités de sa haute intelligence, il fut porté par le canton de Fontaine-l'Evêque au conseil provincial du Hainaut.
« Sa première élection eut lieu le 28 mai 1850.
« Nous sommes aujourd'hui séparés, Messieurs, de cette date bien éloignée, par une longue période au cours de laquelle M Barthel Dexandre ne cessa un seul jour de consacrer tous ses efforts à la défense tant des intérêts généraux du pays que des principes du libéralisme.
« Il représenta successivement les cantons de Fontaine-l'Evêque et de Charleroi au conseil provincial pendant quatorze ans.
« En même temps, il prenait la part la plus active à l'organisation des luttes politiques sur le terrain législatif. Sans cesse sur la brèche, il fut l'un des chefs de l'Association libérale dès sa fondation qui remonte à près de quarante années.
« Il lui consacra un labeur quotidien et acharné ; en qualité de secrétaire, il prépara avec bonheur les élections mémorables du 10 décembre 1857, qui furent un triomphe complet pour le parti libéral de Charleroi.
« M. Dewandre a toujours été l'esclave du devoir ; il savait que pour réussir dans les luttes électorales, il faut organiser de longue main la victoire. Aussi, loin de reculer devant la tâche si ingrate et si ardue qui incombe à ceux qui ont en mains la direction d’une association politique, il n'a cessé d'apporter une collaboration active à tous les détails de l'administration, en même temps qu'il venait éclairer du vif éclat de son talent distingué les discussions soulevées d'abord au sein du comité puis dans les assemblées publiques de l'Association libérale.
« Nommé Président de ce corps politique après les élections de 1857, il se démit de ses fonctions lorsqu'il fut élu membre de la Chambre en 1864, mais il fut encore appelé à la présidence dans la suite, alors qu'il remplissait un mandat parlementaire.
« C'est ainsi qu'à l'époque si troublée où des dissensions intestines avaient amené certains des chefs du Parti libéral à abandonner la main de leurs amis pour saisir celle de leurs adversaires, M. Dewandre préféra succomber sous cette coalition disparate et peu honorable pour les hommes des deux partis, en s'enveloppant dans les plis du drapeau libéral. L'Association libérale resta debout grâce aux efforts d 'un groupe de vaillants libéraux qui comptaient M. Dewandre parmi leurs chefs.
« Il garda la présidence de l'Association libérale jusqu'en juin 1876. Il dirigea les débats avec la grande autorité que lui avaient acquise ses qualités solides d orateur parlementaire et sa profonde expérience des affaires
« Depuis lors et jusqu'au 1er mai 1887, il ne cessa de faire partie du comité central de l'Association libérale et il assista à toutes ses réunions avec la plus grande assiduité, et sans que son zèle se soit jamais démenti.
« Telle est bien la preuve la plus éloquente de son ardent dévouement aux intérêts de son parti.
« Excusez-moi, Messieurs, de m'appesantir sur ces faits dont l'importance peut ne pas vous apparaître de suite. Je veux en tirer un enseignement salutaire pour tous les libéraux.
« Il faut que chacun d'eux sente son zèle et son ardeur se stimuler à l'exemple que nous a laissé la haute personnalité de celui dont nous déplorons aujourd'hui la perte.
« Puisse le dernier souffle de cet homme, grand par le dévouement de son parti, allumer au sein de tous les libéraux une flamme vivifiante qui les anime de la volonté indomptable de faire triompher les principes de la liberté de conscience et d’une généreuse et sage démocratie !
« La carrière parlementaire de M. Barthel Dewandre a été aussi longue qu'honorablement remplie.
« Elu député pour l'arrondissement de Charleroi, en 1864, il sut mettre au service du mandat qui lui était confié un talent si distingué, d’orateur, une connaissance si approfondie des affaires qu’il prit immédiatement un rang de plus marquants au sein du Parlement.
« Traitant à la fois des questions juridiques et politiques et des intérêts si importants de l'industrie et de la finance, il fit preuve de qualités complexes, qui le mirent à la fois au premier rang des orateurs politiques et des orateurs d'affaires.
« En 1866, il fut appelé à nouveau par la confiance du corps électoral à l'honneur de siéger au Parlement ; il continua à y représenter avec une égale autorité l'arrondissement de Charleroi, jusqu'en 1870.
« En 1874, il sollicita un mandat au Sénat.
« Il était digne à tous égards d'appartenir à la Chambre Haute. La noble distinction que reflétait toute sa personne, ses grandes qualités morales, son affabilité qui commandait les plus ardentes sympathies, en même temps que l'autorité qui s'attachait à sa parole éloquente et â sa profonde connaissance des affaires, le placèrent immédiatement parmi les chefs de la gauche de cette assemblée.
« En 1880, il fut appelé à la vice-présidence du Sénat, l'une des fonctions les plus élevées de l'Etat.
« Il sut se rendre digne de l'honneur que ses pairs lui avaient réservé : ceux-ci lui ont rendu le juste hommage dû à sa haute impartialité et à son exquise bienveillance.
« Le Roi reconnut à diverses reprises les grands et signalés services rendus au pays par M. Barthel Dewandre; celui-ci était commandeur de l'Ordre de Léopold.
« L'année dernière les instantes sollicitations du Comité central de l'Association libérale n'ont pu le décider à accepter une nouvelle candidacure.
« Ce n'était pas cependant qu'il se désintéressât des choses de la politique, car son ardent dévouement pour son parti n’a jamais connu de défaillance.
« Que dis-je ! Il n'avait pas hésité à se rallier aux larges idées de la politique nouvelle et il était un partisan convaincu du principe du suffrage universel.
« Il n'admettait pas les formules dont le but était de méconnaltre le principe constitutionnel de l'égalité politique des citoyens et il préconisait la plus large extension possible du corps électoral.
« Sa place était donc marquée au sein du Sénat constituant. L'Association libérale de Charleroi eût été fière de proposer au corps électoral de l'arrondissement de confirmer le mandat de M. Dewandre pour l'appeler apporter le concours de sa parole autorisée dans un débat aussi solennel et dont la solution exercera une influence capitale sur les destinées du pays.
« Sa résolution resta inébranlable ; il se sentait souffrant et il nous le disait avec une amertume qu'il savait à peine déguiser ; la délégation du Comité qu'il avait recue avec cette bienveillante affabilité qui était, le fond de son caractère, s’est retirée émue et désolée en pensant que le parti libéral perdait l'un de ses chefs les plus dignes et que pareille perte était inappréciable.
« M. Dewandre nous donnait donc, hélas ! de bonnes et solides raisons pour justifier sa retraite ; l'âge, le labeur constant d'une vie de travail et de dévouement aux siens et à la chose publique avaient déprimé les forces de cette vaillante nature.
« Qui eût pensé que l'évènement eût aussitôt réalisé ses appréhensions !
« Aujourd'hui, M. Dewand n'est plus ; tous les actes de sa vie politique ont été dictés par une loyauté à toute épreuve ; il est mort de même fidèle à ses convictions philosophiques.
« Allez en paix, Berthel Dewandre ; vos grandes vertus civiques ont encore illustré le nom déjà si grand qui vous avait été légué par votre père et vous laissez à vos enfants les cachets de la vraie noblesse, qui ne reposent que sur l'honneur et la reconnaissance de la patrie pour les grands citoyens.
« Adieu, M. Barthel Dewandre, au nom du parti libéral, au nom de l’Association libérale de l'arrondissement de Charleroi, je vous dis un dernier et éternel adieu !!! »
Discours de M. Louis Biourge
« Messieurs,
« La mort frappe à grands coups les membres du Conseil d'administration de la Société des Forges de la Providence : l'an dernier, c'était M. Tesch qui était frappé, hier M. Puissant, aujourd'hui c'est M. Dewandre dont nous déplorons tous la perte.
« Pendant les longues années qu’il fut administrateur, Dewandre ne cessa de se préoccuper des intérêts de notre société ; homme du devoir avant tout, il apportait dans ses fonctions la plus grande exactitude, et malgré les nombreuses affaires dans lesquelles il était intéressé, nul n'était plus assidu nos réunions ; dans nos conseils ses avis, toujours fortement motivés, avaient une sage influence. Ses connaissances juridiques, sa haute capacité et sa longue expérience des affaires leur donnaient un grand poids ; prenant sans cesse part à nos discussions, Dewandre apportait la clarté et la netteté d’expression qui étaient les marquantes de son esprit, et tout en défendant avec fermeté son opinion, il savait y mettre cette mesure et cette courtoisie qui lui étaient habituelles, et dont nous conserverons le meilleur souvenir.
« Sa mort laisse parmi nous un vide considérable, nous perdons en lui non seulement un collaborateur, mais encore un ami.
« En disparaissant. Dewandre emporte tous les regrets de ses collèges et du personnel des Forges de la Providence, et c'est au nom de tous que je viens dire un dernier adieu à celui qui fut notre ami, à l'administrateur probe, zélé et dévoué de notre société. »
Discours de Julien Dulait
« Messieurs,
« Mes fonctions d'administrateur-gérant de la Société Electricité et Hydraulique m'imposent le douloureux devoir de dire un suprême adieu à son regretté président.
« Fondateur de notre société, M. Dewandre n’a cessé de s'occuper de ses intérêts, avec un soin jaloux, et chaque jour faisait mieux apprécier la valeur de ses conseils.
« Sévère à ceux qui déméritaient' nul mieux que lui ne savait encourager les travailleurs. Réservant à tous un accueil bienveillant, c’est avec une égale bonté qu'il prêtait à chacun l'aide de ses lumières.
« Plus que tout autre, cher M. Dewandre, j’ai pu dans une collaboration quotidienne apprécier les belles qualités de cœur, et la sympathie pleine de respect et d'affection que je vous portais s'en accroissait davantage.
« Au nom de mes collègues, au nom du personnel de la société, cher et regretté président, adieu, nous ne vous oublierons jamais. »
A 11 heures, le cortège s'est ébranlé et s'est déployé par le quai pour gagner directement la route de Fontaine-l'Evêque où devait avoir lieu l’inhumation.
Les clairons militaires ouvraient la marche ; la musique du régiment suivait, jouant des marches funèbres.
M. le major Van Caneghem, précédait une compagnie dont les pelotons rangés en colonne, l’arme à la bretelle, occupaient toute la largeur du boulevard.
Venait ensuite l’étendard du premier chasseurs, voilé de crêpe et entouré de son escorte.
De très nombreuses couronnes et palmes étaient portées par des délégués des diverses administrations et sociétés dont faisait partie le regretté défunt.
Elles étaient offertes par :
Le personnel de la société Electricité et Hydraulique ;
Le conseil d’administration de la même société ;
La société des Forges de la Providence ;
Le directeur, les employés et ouvriers de la société anonyme des Clouteries mécaniques de Fontaine-l’Evêque ;
La société des Forges de Saarbruck (une couronne en bronze) ;
La société des ex-sous-officiers de Charleroi ;
La société des fanfares de Fontaine-l’Evêque ;
Le-corbillard suivait, disparaissant sous les fleurs offertes par la famille et les amis.
Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Noël, Van Hoegarde, président de la Banque nationale, Olivier Piret-Goblet, sénateur, Louis Biourge et Julien Dulait.
M.M. Franz, Georges, Edmont, Paul, Emile et Armand Dewandre, fils du défunt, et M. Emile Clymans, son beau-fils, conduisaient le deuil.
La foule suivait, recueillie. Nous y avons remarqué le comité central de l’Association libérale, de nombreuses délégations des sauveteurs de la Sambre et des ex-sous-officiers. Au local de l'Association libérale, le drapeau, voilé de crêpe, flottait en berne au balcon.
Des soldats formaient la haie et une compagnie de chasseurs terminait le cortège qui a suivi les quais et les rues de Beaumont, de la Prison et du Grand Central.
Au viaduc de la porte de Mons, de nombreuses voitures ont emporté les assistants jusqu'à Fontaine-l'Evêque.
Au haut de la montagne de Fontaine, le cortège s'est reformé avec l'ordre parfait qui avait marqué toute l'organisation de la funèbre cérémonie. II a été rejoint par la fanfare de cette ville, le personnel de la société de Clouteries et une grande partie de la population de Fontaine.
M. Libotte, vice-président des fanfares a prononcé à son tour le discours suivant :
« Messieurs,
« Au nom de la fanfare de Fontaine-l’Evêque, dont le regretté M. Dewandre était membre d'honneur je viens qui n'est plus.
« Depuis sa fondation, protégé notre Société, et vain que nous nous sommes adressés à son bon cœur et à sa générosité.
« Lorsque nous avons eu la douleur de perdre notre cher et bien-aimé président-fondateur, nous avons trouvé en M. Dewandre nouveau soutien qui s'est attaché à compenser cette perte. Aujourd'hui c'est un ami dévoué qui disparaît et ce nouveau vide laissera des regrets éternels parmi les membres de la fanfare.
« Soyez persuadé, cher et regretté Barthel, que votre souvenir restera toujours gravé dans la mémoire des membres de la fanfare de Fontaine-l'Evêque qui, par ma voix, vous disent un éternel adieu.
« Adieu, Barthel, adieu. »
Après l’inhumation dans le caveau de la famille, l'assistance s'est retirée en proie aux plus profonds regrets.