de Vrière Adolphe, Pierre, Aloïs libéral
né en 1806 à Bruges décédé en 1885 à Laeken
Ministre (affaires étrangères) entre 1857 et 1861 Représentant entre 1857 et 1870, élu par l'arrondissement de Bruges(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio n°48)
BARON DE VRIERE, Adolphe-Pierre-Aloyse,
Commandeur de l'Ordre Léopold, grand-croix des ordres du Christ de Portugal, du Danebrog, de l'Etoile polaire, de l'Aigle blanc de Russie, de Charles III, du Lion et du Soleil de Perse, et des saints Maurice et Lazare ; commandeur de l'ordre de la Couronne de fer d'Autriche ; chevalier de Notre-Dame de Villa-viçosa ;
Né à Bruges, le 9 avril 1806,
Représentant, élu par l’arrondissement de Bruges.
M. Adolphe de Vrière fit ses humanités à Paris, au Collège de Louis-le-Grand, et alla étudier le droit à l'Université de Leyde, où il reçut, en 1826, le diplôme de docteur.
De retour en Belgique, quoique très jeune encore, il vécut dans l'intimité des hommes les plus distingués alors dans la politique et dans la presse.
En 1830, le Gouvernement provisoire nomma M. de Vrière commissaire de l'arrondissement de Bruges.
En 1834, il fut attaché comme secrétaire à la mission de M. le comte Duval de Beaulieu, chargé de notifier l'avénement du roi aux cours de Prusse, de Saxe, et aux familles ducales alliées de notre nouveau souverain.
Cette mission terminée, M. de Vrière reprit ses fonctions de commissaire d'arrondissement; mais ses premiers pas dans la diplomatie l'avaient fait remarquer ; son commissariat n'était plus qu'un acheminement à de plus hauts emplois.
En 1844, il fut nommé chargé d'affaires en Danemark ; en 1845, ministre résident en Portugal.
Vers cette époque, il fut mêlé à des événements importants. Ce que les contemporains ne peuvent pas affirmer, mais ce que l'histoire dira sans doute, c'est que lors du mariage espagnol, les rapports entre la France et l'Angleterre étant profondément troublés, ce fut la sage habileté du roi Léopold qui parvint à ramener la bonne harmonie entre ces deux puissantes nations.
M. le baron de Vrière fut à cette époque chargé de plusieurs missions importantes à Londres et à Paris. La lutte entre la France et l'Angleterre pouvait dégénérer en guerre européenne ; si le baron de Vrière eut une part même légère, comme agent du roi, au rétablissement de l'entente cordiale des deux peuples, nous devons l'en féliciter, et considérer cette page de sa vie comme l'une des plus sérieuses et des plus belles.
En 1847, le baron de Vrière ayant perdu son père, le soin de ses affaires privées le rappelèrent en Belgique. Le ministère libéral du 12 août venait de se constituer ; il offrit à M. de Vrière, qui l'accepta, le gouvernement de la province de Namur.
Ses talents administratifs, son exquise urbanité, son obligeance extrême, lui valurent, dans cette province, l'amitié de tous, même de ses adversaires politiques.
Les qualités qu'il venait de déployer à Namur ne donnèrent que plus de vivacité aux regrets qu'il inspira, lorsque, l'année suivante, il plut à Sa Majesté de l'appeler au poste de gouverneur de la province du Hainaut.
Mais Bruges était sa ville natale, et il se trouvait tout naturellement désigné pour occuper dans la Flandre occidentale les fonctions qu'il avait si utilement et si brillamment remplies dans le Namurois et dans le Hainaut. En 1849, M. le baron de Vrière quitta Mons pour Bruges.
Le nouveau gouverneur de la Flandre occidentale trouva cette province encore souffrante de la longue crise industrielle qui avait si cruellement pesé sur les provinces flamandes. Cependant, grâce aux sages mesures prises par le gouvernement, ses laborieuses populations renaissaient à l'espoir d'un meilleur avenir.
Les premiers ateliers d'apprentissage qui avaient été fondés pour enseigner aux ouvriers les nouveaux procédés de tissage avaient déjà porté d'heureux fruits.
M. le baron de Vrière travailla activement à la multiplication et au perfectionnement de ces institutions, et conclut de nombreux contrats avec des industriels, pour y introduire la fabrication des tissus variés ; c'est ainsi que l'ancienne industrie de Roubaix fut, au bout de quelques années, transplantée tout entière dans la Flandre occidentale, et que plusieurs autres industries, attirées par l'habileté des tisserands flamands et le bas prix de la main d'œuvre, vinrent également s'y fixer.
L'œuvre de transformation industrielle des Flandres, qu'avait conçue M. le ministre de l'intérieur Rogier, fut ainsi accomplie rapidement dans la Flandre occidentale, sous l'énergique impulsion de son habile gouverneur.
La ville de Bruges, autrefois si renommée par sa prospérité industrielle et commerciale, était restée inactive au milieu de ce mouvement de renaissance qui se manifestait autour d'elle ; M. le baron de Vrière résolut de l'arracher à cette torpeur. Dans ce but, il attira à Bruges plusieurs industriels étrangers ; leurs établissements, soumis à l'organisation des ateliers d'apprentissage, formèrent les nombreux ouvriers aptes à divers genres de travaux manufacturiers, et bientôt des Brugeois, à leur tour, stimulés par l'exemple, formèrent des établissements industriels dont plusieurs sont aujourd'hui très importants.
Là ne devaient pas se borner les efforts du gouverneur pour régénérer sa ville natale ; il ne suffisait pas de former des ouvriers tisserands, il fallait ouvrir une source féconde de développement pour l'industrie en général; le baron de Vrière créa une école industrielle principalement destinée aux ouvriers, et il introduisit une section de dessin industriel dans l'académie des beaux-arts dont il était le président.
Toutes ces mesures ont peu à peu imprimé à la ville de Bruges un commencement d'activité qui, chaque année, devient plus sensible.
Bruges doit à l'initiative de M. le baron de Vrière l'établissement du jardin public, la construction de l'hôtel provincial, le rétablissement des statues dans les niches de la façade de l'hôtel de ville, l'agrandissement des locaux de l'académie des beaux-arts et d'autres travaux importants dont il conçut l'idée.
La signification politique des élections communales de 1857, ayant amené la retraite du cabinet De Decker-Vilain XIIII, M. Rogier fut chargé de former un nouveau ministère. Déjà en 1852, le Roi avait jeté les yeux sur le gouverneur de la Flandre occidentale pour faire partie de son conseil ; M. le baron de Vrière reçut pour la seconde fois l'offre du portefeuille des affaires étrangères, et il suivit au pouvoir ses amis politiques.
Vinrent les élections du 10 décembre; les électeurs de l'arrondissement de Bruges, en nommant M. le baron de Vrière pour leur représentant à la Chambre, donnèrent leur assentiment à l'avénement ministériel du gouverneur de la Flandre occidentale, et ils renouvelèrent son mandat à une immense majorité, en 1859.
Le ministère du baron de Vrière s'est signalé déjà par des traités importants et par d'énergiques efforts pour donner un large développement à nos relations commerciales avec les pays lointains.
Nous terminerons cette biographie par la citation d'un quatrain fait en son honneur, le 28 juin 1850 :
« Namur regrette encor le Magistrat fidèle « Que Mons a demandé, mais n'a pu retenir, « Bruges l'a réclamé, Bruges maintient pour Elle, « Celui dont tous les cœurs gardent le souvenir. »
(Extrait de l’Echo du Parlement, du 18 juillet 1885)
La Chambre des représentants a reçu aujourd'hui notification du décès d'un de ses anciens membres, M. le baron de Vrière, ministre d'Etat.
M. le baron de Vrière était gouverneur de la Flandre occidentale lorsqu'il entra dans le cabinet de 1857 en qualité de ministre des affaires étrangères ; il fut élu représentant de Bruges aux élections du 10 décembre et fit partie de la Chambre jusqu'en 1870, avec une interruption de mandat du 12 janvier 1864 au 11 août de la même année.
II quitta le département des affaires étrangères en octobre 1861 à l'occasion de la reconnaissance. du royaume d'Italie. Sa nomination de ministre d'Etat datait du 4 novembre 1861. M. le baron de Vrière avait été dans la diplomatie avant d'occuper les fonctions de gouverneur à Mons et à Bruges ; il avait représenté le gouvernement du Roi, notamment, pensons-nous, à Copenhague et à Lisbonne. Rentré dans la vie privée, M. le baron de Vrière n'hésita pas à répondre à l'appel de ses amis politiques de Bruges, chaque fois qu'ils firent appel à son dévouement ; c’est ainsi qu'il accepta, en juin 1882, une candidature pour le Sénat. C'était un homme de haute intelligence, sincère dans ses convictions, doué d'un esprit très fin et qui a honoré toutes les fonctions dont il a été revêtu.
(Extrait de l’Echo du Parlement, du 20 juillet 1885)
Aujourd’hui ont eu lieu les funérailles de M. le baron de Vrière. Un grand nombre de notabilités politiques y assistaient.
M. le ministre des affaires étrangères a prononcé le discours suivant devant le cercueil :
« Messieurs, « Je lis sur les armoiries du baron de Vrière celte devise « Regi et Patriae », au Roi et à la patrie !
» L'existence de cet homme d'Etat a été marquée par des services signalés rendus au Roi et au pays.
« Il a été fidèle à sa devise !
» Avant que nous nous séparions de sa dépouille mortelle du baron de Vrière, je crois devoir, en ma qualité de ministre des affaires étrangères, retracer brièvement les actes de sa vie politique.
« Dès 1830, le Gouvernement provisoire confiait au baron de Vrière es fonctions de commissaire d'arrondissement à Bruges. Ces fonctions, qu'il remplit non sans distinction, il les conserva jusqu'en 1841, époque à laquelle il abandonna momentanément la carrière administrative pour entrer dans le corps diplomatique.
« La diplomatie ne lui était d'ailleurs pas étrangère. Les aptitudes spéciales et les qualités dont le baron de Vrière était doué, l’avaient signalé à l’attention du roi Léopold Ier. Sa Majesté le désigna pour accompagner, comme secrétaire de légation, le comte du Val de Beaulieu, chargé en 1831, d’une mission près différentes cours d’Allemagne.
« En 1841. nous trouvons le baron de Vrière chargé d'affaires de Belgique à Copenhague, et, en 1845, chargé d'affaires à Lisbonne.
« Deux ans plus tard, le 21 juin 1847, le roi Léopold Ier lui conféra le grade de ministre et résident près de S. M. le roi de Portugal. C'est vous dire, messieurs, que le diplomate avait toujours été à la hauteur de la tâche qu'il tenait de la confiance de Sa Majesté et de son gouvernement.
« Au cours de ses différentes missions, le baron de Vrière sut se concilier d'une manière particulière l’estime et la bienveillance des souverains près desquels il était accrédité.
« Rappelé en Belgique par la mort de son père, le baron de Vrière ne reprit plus l’exercice de ses fonctions à l’étranger.
« Successivement gouverneur des provinces de Namur, du Hainaut et de la Flandre occidentale, le regretté défunt reçut, le 20 juillet 1854, à raison de ses excellents services, un nouveau témoignage de la satisfaction du Roi qui lui accorda une promotion dans l'ordre de Léopold en le nommant commandeur.
« En 1857, le baron de Vrière fut appelé à faire partie des conseils de la couronne avec le portefeuille des affaires étrangères, et la même année il entra à la Chambre des représentants ; où il siégea jusqu'en 1870.
« Son passage au département des affaires étrangères fut marqué par des actes internationaux importants. Je citerai notamment le traité de commerce conclu le 1er juin 1861 avec la France, traité qui inaugura un système douanier basé sur les principes du libre-échange ; la convention du 18 février 1861 avec le Hanovre, relative au péage du stade. Cette convention, de même que celle concernant la capitalisation des droits du Sund. qui l'a précédé de quelques années, ouvrit la voie à la glorieuse négociation qui aboutit plus tard à l'affranchissement de l'Escaut.
« Longue serait d'ailleurs l'énumération des traités et conventions auxquels le baron de Vrière a attaché son nom. Il a su mener à bien des questions délicates et importantes, par des arrangements qui ont eu une influence et heureuse et des résultats durables.
« C'est le 26 octobre 1861 que le baron de Vrière remit sa démission entre les mains du roi. Sa Majesté reconnut ses services en le nommant simultanément ministre d'Etat et en l'élevant au grade d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire.
« Plus tard, le roi Léopold II, par un arrêté du 6 juin 1868, lui conféra un grade élevé dans l'ordre national, celui de grand officier.
« Telle fut, à grands traits, la vie publique de celui dont nous déplorons la perte. Que vous dye vous dirai-je, messieurs, de la vie privée du baron de Vrière ? Cette vie s'est écoulée au milieu de nous tout entière, et nous savons tous qu'elle a été celle d'un homme de bien, dévoué à son pays et à sa famille. Il vient de s'éteindre entouré des siens. Son âme est remontée vers Dieu avec la sérénité du devoir accompli sur la terre où il ne laisse que des regrets.
« Qu'il me soit permis, avant de voir refermer cette tombe, d'ajouter encore un reconnaissant hommage personnel ; car il m'a été donné, au début de ma carrière, de servir sous les ordres du baron de Vrière dans ce même département ministériel au nom duquel, comme au nom de l'administration provinciale du Hainaut où il fut également mon prédécesseur, je lui adresse un suprême adieu.
Le service funèbre a été célébré à l'église de Laeken. La dépouille mortelle de M. de Vrière a été transportée, après la cérémonie religieuse, à Bruges, pour être inhumée dans le caveau de famille.