de Luesemans Charles, Joseph, Pascal libéral
né en 1808 à Tirlemont décédé en 1882 à Liège
Représentant entre 1848 et 1859, élu par l'arrondissement de Louvain(BOCHART Eugène, Biographie des membres des deux chambres législatives. Session 1857-1858, Bruxelles, 1858, folio n°32)
DE LUESEMANS, Charles-Joseph-Pascal
Décoré de la Croix de Fer et chevalier de l’Ordre Léopold
Né à Tirlemont, le 20 avril 1808,
Représentant, élu par l’arrondissement de Louvain
Issu d'une ancienne famille de St-Trond, M. De Luesemans, élève de l'université de Liége, fut reçu avocat en 1829.
Il prit une part active aux événements de 1830, et reçut de ce chef la Croix de Fer pour s'être distingué comme délégué à Bruxelles par la commission de sureté publique de Liége et de commandant en second d'un corps de volontaires en 1830 et 1831.
Rentré dans ses foyers à Tirlemont, il consacra vingt années de travaux assidus à défendre les intérêts des particuliers comme avocat, et à secourir les pauvres, à titre de membre et de président du bureau de bienfaisance.
En 1835, M. De Luesemans publiait une brochure ayant pour titre : Le duel est-il punissable par les lois actuellement en vigueur en Belgique ?
L'auteur fait d'abord l'historique des duels, en passant en revue les anciens combats entre quelques champions choisis dans les armées, pour mettre fin à des guerres de peuple à peuple, les combats juridiques, les tournois de la chevalerie ; puis il examine avec une rare habileté toutes les ordonnances des rois, des conciles, et les diverses interprétations des jurisconsultes les plus éminents.
Le 29 juillet 1844, dans un discours prononcé lors de l'inauguration de l'école de bienfaisance de Tirlemont, discours qui fut imprimé sur la demande des membres du conseil communal, M. de Luesemans disait :
« Oui, messieurs, c'est une consolation pour les amis de l'humanité, c'est une garantie pour l'Association, c'est un argument contre les doctrines dissolvantes, et les craintes de leurs sinistres résultats, que ce désir d'instruire et ce besoin d'apprendre qui se manifestent de toutes parts, chez les hommes de toutes les conditions.
« Qui dit instruire et apprendre, embrasse tout ce qui doit développer les germes de l'utile, du juste, du moral, que le Créateur a mis dans le cœur de l'homme en naissant.
« Les hommes sont égaux et libres, c’est là un principe d’incontestable vérité humanitaire. Et cependant, aucune vérité n’a plus été mal comprise, n’a fourni matière à plus de paradoxes, n’a engendré plus de commotions sociales que celle-là : les hommes sont égaux et libres. C’est cette pensée que nous croyons devoir développer, en remontant un peu plus haut ; c’est elle qui doit présider à notre enseignement, c’est elle que nous avons mission d’interpréter ; c’est elle que la jeunesse qui nous est confiée, doit apprendre à envisager sans faiblesse, mais aussi sans exagération. »
La même année, M. de Luesemans quitte le barreau de Tirlemont pour celui de Louvain. Les libéraux n'ont pas oublié ses anciens services: en 1845, il est élu conseiller communal et nommé échevin en 1848.
En 1846, M. de Luesemans présente au conseil communal de Louvain, au nom du collège des bourgmestre et échevins, un remarquable rapport sur le nouveau tarif de l'octroi de cette ville, et bientôt après il remet au même conseil un projet de règlement sur les bâtisses.
M. de Luesemans fut aussi le rapporteur de l'adresse que le conseil communal de Louvain envoya, le 11 mars 1848, à la Chambre des représentants et au Sénat, et qui est le document le plus complet des espérances que cet honorable citoyen à toujours nourries d'un gouvernement de tous pour tous, et non de quelques-uns pour quelques-uns. Nous ne citerons qu'un seul passage de cette adresse :
« Ne serait-ce pas une heureuse idée d'instituer un concours pour le meilleur manuel du citoyen à l'usage des écoles primaires? »
La même année, le Congrès agricole reçut de M. de Luesemans, et admit à l'honneur d'être reproduit dans ses annales, un mémoire sur la question du crédit agricole.
Peu de temps après, aux élections générales de 1848, M. de Luesemans obtint des électeurs de l'arrondissement de Louvain le mandat de membre de la Chambre des représentants.
Choisi pour secrétaire par l'honorable assemblée, le député de Louvain fut bientôt distingué par son activité et son savoir. Deux rapports lui furent confiés : l'un sur le budget des dotations, qui donna lieu à une importante discussion à propos des conseillers à la cour des comptes, et l'autre sur celui des affaires étrangères.
Partisan des économies, et surtout de celles qui touchent plus directement aux travailleurs, l'honorable M. de Luesemans, dans la discussion du projet de loi relatif à l'institution d'une caisse générale d'assurances sur la vie fit entendre ces patriotiques paroles :
« Nous désirons tous moraliser les classes inférieures ; et les exciter à l'épargne. Tout le monde est d'accord qu'il est urgent d'améliorer les classes laborieuses, et d'y faire pénétrer le besoin d'ordre et de moralité. Je considère la loi que nous discutons comme un premier pas dans la voie de l'association libre. Je considère l'action du gouvernement comme salutaire, chaque fois qu'elle à pour but de provoquer, de coordonner, d'encourager, de diriger l'initiative individuelle, sans engager ni amoindrir les libertés publiques. »
L'institution des bourses universitaires, dont il réclama le maintien avec force, et surtout le mode d'organisation des jurys d'examen offrirent encore à M. de Luesemans l'occasion de développer ses idées en fait d'instruction publique :
« La mission du gouvernement, dit l'honorable membre, est, d'après moi, de se placer à la tête de l'instruction, d'élever les études aussi haut qu'elle peuvent atteindre, de donner à son enseignement, toutes les conditions d'ordre, de moralité, de force, qui lui concilient toutes les adhésions, et de défier les établissements libres, sur le terrain de la science.
« Ce que je voudrais aussi, messieurs, c'est que le gouvernement ajoutât à tous les titres qu'il a déjà conquis dans le domaine de l'instruction, celui de ne jamais chercher la gloire des établissements de l'Etat que dans la supériorité de leur enseignement.
« Alors, messieurs, l'enseignement de l'Etat serait arrivé à sa plus haute expression, et dans la lutte incessante de l'intelligence, qui ne manquerait pas de naître, l'infériorité seule, serait condamnée à l'expiation. »
Aux élections de 1850, les efforts du parti libéral pour faire réélire M. de Luesemans comme représentant furent infructueux. L'honorable citoyen, non réélu à la Chambre, conserva ses fonctions d'échevin. En 1850, il fit le rapport au conseil sur la fondation De Rare, qui donna lieu au procès actuellement pendant devant la cour de Gand. Deux ans après, il reçut une double récompense, il fut nommé bourgmestre et chevalier de l'Ordre Léopold.
Magistrat intègre, conciliant et éclairé, M. de Luesemans est à la fois l'ami des lois et le protecteur des arts. La restauration de l'hôtel-de-ville de Louvain, commencée avant lui, peut être considérée comme un des grands faits qui s'accomplirent sous son administration.
En 1857, M. de Luesemans prit sa revanche des élections de 1850. Les électeurs de Louvain lui remirent un nouveau mandat de représentant.
La conduite parlementaire de l'honorable député ne s'est jamais démentie : tel il était à sa première élection, tel nous le revoyons aujourd'hui, toujours loyal, toujours ferme dans ses convictions, toujours dévoué aux intérêts du pays.
(Extrait du Journal de Bruxelles, du 28 mars 1882)
Nécrologie
M. Ch. de Luesemans dit la Gazette de Liége, gouverneur de la province de Liége, sortait dimanche, à midi. de la rue de l'Université ; il venait de quitter, au Passage-Lemonnier, M. Braconier-de-Macar et de saluer amicalement, le chapeau à la main, une connaissance, quand soudain il s'arrêta, chancela, tomba à la renverse. Deux facteurs de, la poste s'empressèrent de le relever ; il ne donnait plus que quelques signes de vie. On le transporta dans la pharmacie la plus proche.
Le moribond ouvrit un instant les yeux, incapable de s'exprimer, et bientôt après rendait le dernier soupir. M. le curé de Saint-Denis, arrivé en toute hâte, Madame de Luesemans. appelée aussitôt du palais. ne trouvèrent plus qu’un cadavre. Rien ne faisait prévoir cette catastrophe ; bien que septuagénaire, M. de Luesemans semblait n'avoir rien perdu de son intelligente activité ni de sa santé robuste : qu'on juge de l'émotion produite en ville par l’annonce de cette foudroyante nouvelle. M. le gouverneur de Luesemans, grand officier de l'ordre Léopold. Descendant d’une vieille famille de la noblesse flamande du pays de Liége.
Il venait d'achever de brillantes études à l'université de Liége, et avait été reçu avocat depuis une année, à l'âge de 21 ans, quand éclata le mouvement de 1830. Lui-même, en ouvrant la session du conseil provincial du cinquantième anniversaire d'indépendance, a raconté en détail la part qu'il prit à Liége à ce mouvement aux cotés des Rogier et des Lebeau.
Il alla en 1841 se fixer à Louvain, où, conseiller communal en 1843, échevin en 1848, il devait, à partir de 1832, occuper onze ans les fonctions de bourgmestre. Il avait été plusieurs fois le candidat du libéralisme à la Chambre pour cet arrondissement ; il en fut nommé le représentant en 1848. Non réélu en 1850, il rentra au Parlement en 1852 pour n'en plus sortir que neuf ans après.
Il y aura bientôt vingt ans que M. le baron de Macar résigna les fonctions de gouverneur de la province de Liége; ce ne fut peut être pas sans quelque surprise tout d'abord qu'on les vit confier, le 30 septembre 1863, au bourgmestre de Louvain.
M. de Luesemans toutefois revenait en quelque sorte ainsi au pays de ses ancêtres, et si les débuts de son administration se ressentirent trop d'abord de la vivacité des luttes dont il sortait, bientôt cependant il sut se conquérir, dans tous les rangs, dans tous les partis, l'estime et le respect.
Libéral, et ne s'en cachant jamais, il avait gardé dans le cœur quelque chose du caractère chevaleresque du libéralisme patriotique de 1830 ; fonctionnaire du gouvernement. il se sentait surtout, dans le rang élevé qu'il occupait, le représentant du Roi, et il se plaisait, à ce titre, à se tenir au-dessus des mesquines préoccupations de parti, à juger de haut les hommes et les choses...
M. de Luesemans a pu, dans ces derniers temps, même au fort de nos discordes intestines, rallier cordialement autour de lui, sur le terrain de l'art ou de la charité, les représentants les plus opposés de nos divers partis.
Le succès du comité mixte de secours aux inondés, dû à l'initiative de nos amis, fut son œuvre.
On ne gardera pas moins la mémoire de cette exposition de l'art ancien, qui fera époque aussi dans nos annales artistiques.
Si M. de Luesemans ne fut pas un gouverneur selon le cœur de certains sectaires, nous osons croire qu'il le fut selon celui de son souverain, et nous n'en voudrions d'autre preuve que le touchant télégramme adressé par Léopold II à Mme Charles de Luesemans.
Mgr l'évêque pas manqué d'être des premiers aussi à faire parvenir à la digne compagne du défunt. à l'épouse si dévouée, si croyante et si terriblement frappée et à la famille entière de M. de Luesemans l'expression de sa vive condoléance.
La Gazette de Liége, de laquelle nous extrayons les détails qui précèdent ajoute encore : « Sa famille, son entourage ont pu rendre, au contraire, témoignage de l'intention formelle qu’il leur avait plusieurs fois exprimée : c'est dans la foi catholique qu'il entendait mourir. Et cette volonté est affirmée, aussi nettement que possible, nous le savons, dans un testament écrit de sa propre main.
« Les obsèques religieuses dé M. de Luesemans seront célébrées mercredi, dans l’église Saint-Jacques, les abords de Sainte-Croix, sa paroisse, ne permettant point le déploiement d'un cortège funèbre tel que celui qui l'escortera ce jour-là. La ville entière y prendra part. »