De Fré Louis, Joseph libéral
né en 1814 à Louvain décédé en 1880 à Uccle
Représentant entre 1858 et 1880, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait de Dictionnaire historique de la laïcité en Belgique, Bruxelles, 2005, pp. 86-87)
DEFRE Louis (pseudonyme BONIFACE Joseph) (1816-1880)
Élevé dans un milieu catholique rigide, il fait ses études de droit à l'Université de Louvain. En 1839, il est promu avocat et, après un séjour à Paris, il s'installe à Bruxelles; il entre en 1854 à l'Association libérale. Deux ans plus tard, il devient membre de la Chambre des représentants. Il y siégera jusqu'à sa mort. En tant que bourgmestre d'Uccle où il a élu domicile (1864-1872), il fit entreprendre d'importants travaux urbanistiques et contribua à étendre et défendre l'enseignement communal et laïque. Sous le pseudonyme de Joseph Boniface (ou de Maurice Voituron utilisé une seule fois), il a publié de nombreux pamphlets politiques qui connurent un grand succès et dans lesquels il mettait en cause le pouvoir de l'Eglise. Le plus connu est intitulé Uylenspiegel patriote. À la Chambre, il a plaidé pour l'abolition de la peine de mort, et à la suite d'une intervention de la « Fabrique » qui demandait l'autorisation d'exhumer la dépouille du colonel J. Demoor, un héros de la révolution, enterré civilement en terre bénie, Louis Defré intervint personnellement tant à la Chambre (22 juillet 1862) qu'au conseil communal pour refuser l'exhumation. Le laïcisme qui ressort de ses pamphlets, a été étudié de manière approfondie par A. Erba. Sa fille, A. Bron, lui avait consacré une biographie. Il avait été initié aux « Amis Philanthropes » en 1856.
(A. BRON, Joseph Boniface. Biographie anecdotique par un ami d'enfance, Bruxelles 1881. - J. FRANCIS, Uccle et ses bourgmestres, Bruxelles, 1973, p. 179-182 - R. DE SMED, La question des cimetières et les francs-maçons bruxellois (Problèmes d'histoire du christianisme, n'9, 1980), p. 136-154 - PEELLAERT, p. 116-117 -ERBA, p. 121-184 avec analyse fouillée de ses pamphlets).
(BOCHART Eugène, Biographie des membres des deux chambres législatives. Session 1857-1858, Bruxelles, 1858, folio n°25)
DE FRÉ, Louis-Joseph
Né à Louvain, le 19 décembre 1814,
Représentant, élu par l’arrondissement de Bruxelles
M. Louis De Fré fit ses premières études au collège de Louvain. On aurait pu lui appliquer dès lors ce vers de Delille :
« Jadis Caton, enfant, fut un boudeur sublime. »
En rhétorique, il s'appliquait déjà à mettre son professeur en contradiction avec ses leçons. Casimir Delavigne, dans un autre esprit d'indépendance, faisait, au Lycée Napoléon, des vers français au lieu de discours latins, de la dissertation littéraire au lieu de versions grecques: Casimir Delavigne fut poète, M. Louis De Fré devint écrivain politique.
Le rhétoricien passa du collège à l'université de Louvain. Simple étudiant, il publia, en septembre 1835, son premier article dans le Journal de Louvain. On discutait alors la loi sur l'enseignement supérieur. M. De Fré développa l'idée qu'une seule université de l'Etat suffisait à la Belgique, et réclama le siège de cet établissement d'instruction supérieure pour sa ville natale.
L'étudiant-journaliste fut reçu docteur en droit le 11 avril 1839, après avoir passé trois années sur les bancs de l'université de Louvain. Puis, muni de son diplôme, il partit pour Paris où il suivit les cours de Rossi, de Blondeau et de Duranton.
En octobre 1840, M. De Fré vint se fixer à Bruxelles et se fit inscrire au tableau des avocats, sous le patronage de M. Louis Van Overbeke dont l'esprit élevé et indépendant n'a pas été sans influence sur le futur publiciste.
En 1841, les instances de plusieurs amis le décidèrent à écrire dans le Journal de Louvain quelques lettres qu'il signa du pseudonyme de Joseph Boniface ; mais bientôt il déposa la plume ; et sentant qu'il fallait, pour lutter, autre chose que la facilité d'écrire sur des faits particuliers, il consacra ses loisirs à l'étude des grandes questions sociales et politiques qui étaient à cette époque à l'ordre du jour en France et en Belgique. Il publia, de 1845 à 1850, une série de brochures sans nom d'auteur, et dans lesquelles il fit preuve de sentiments élevés et d'études sérieuses, mais qui n'annonçaient pas encore un écrivain original. Ces brochures sont pour ainsi dire des enfants abandonnés que le père n'a jamais cherché à légitimer.
En 1846, M. De Fré concourut activement à l'organisation d'une crèche et d'une école gardienne à Saint-Josse-ten-Noode, unissant ainsi la pratique à la théorie.
En 1848, il coopéra à la rédaction du journal hebdomadaire l'Organisation sociale, œuvre de dévouement et de propagande libérale ; ce journal disparut pour faire place à La Civilisation qui obtint aussi le concours de M. De Fré.
Ce ne fut qu'en 1850 qu'il publia; sous le pseudonyme de Maurice Voituron, sa première brochure politique ayant pour titre : Le parti libéral joué par le parti catholique, dans la question de l'enseignement supérieur.
Cet écrit a surtout pour but de démontrer que : 1° l'intérêt national, l'intérêt financier et le rayonnement scientifique exigeaient la création d'une seule université de l'Etat à Louvain; 2° que ces grands intérêts n'ont été sacrifiés que pour permettre à l'iniversité de Malines de venir s'établir à Louvain.
Ces idées développées sous la forme d'une épître adressée à M. De Ram, recteur magnifique, révélèrent pour la première fois, chez l'auteur, cette ironie mordante qui devait plus tard donner un cachet particulier à tous ses écrits.
M. De Fré imita, dans cette première attaque contre le parti catholique, la manière de Timon. Cette brochure, entièrement basée sur des chiffres, donna lieu à de vives ripostes de la part de ses adversaires. Les Petites-Affiches et Le Courrier de Louvain secouèrent rudement l'auteur, qui eut le courage de répondre dans les mêmes journaux en signant de son véritable nom. Ces attaques violentes contre la première brochure de M. De Fré semblent avoir laissé dans son esprit des traces profondes, car il revient souvent sur la violence de ces premières attaques.
L'étude de Paul-Louis Courrier, de Pascal et de la Satyre Ménippée lui fournit de nouvelles armes pour de nouveaux combats. Il échange la manière de Timon contre l'ironie plus gauloise de Paul-Louis, et sous son premier pseudonyme de Joseph Boniface, qu'il ne va plus quitter, il publie en 1853 une autre brochure De l'indépendance nationale au point de vue catholique.
Ce titre indique que l'auteur voit la nationalité belge aux prises avec des influences étrangères. Toute la presse libérale loua fort cette brochure ; et la presse catholique l'attaqua vivement.
Une série de petits volumes, intitulés Hommes et Doctrines du parti catholique paraît à de courts intervalles Joseph Boniface sort désormais de l'obscurité.
La première partie en est publiée à la veille des élections de 1854, et trois éditions sont épuisées en quelques jours.
Pour la première fois, en Belgique, la propagande politique se fait à l'aide du croquis des adversaires dont l'auteur combat les idées.
« On vous mystifie, s'écrie l'auteur au parti libéral. »
Il essaiera plus tard, avec le plus grand succès, la forme du dialogue selon la méthode de Pascal. Rendons justice à Joseph Boniface, ses portraits politiques sont tracés avec une grande finesse et ne blessent point l'homme privé.
M. De Fré a enfin trouvé sa voie d'écrivain : il sera pamphlétaire, comme Paul-Louis. Le pamphlet, ce n'est ni l'insulte, ni l'injure; c'est une façon vive et saisissante de mettre en lumière et de rendre accessibles aux masses les idées politiques que l'on professe. Le pamphlet, voilà son arme, voilà le flambeau de son parti !
En 1854, M. De Fré, nommé membre du conseil de discipline de l'ordre des avocats et toujours réélu depuis, se fait admettre à l'Association libérale, et en octobre de la même année 1854, il publie une brochure avec ce titre De la Convention d'Anvers. On en remarque l'épigraphe extraite de Paul-Louis Courrier : « Laissez dire, laissez-vous blâmer… Laissez-vous pendre, mais publiez votre pensée. »
Le premier dans la presse il a attaqué ce compromis entre le pouvoir laïque et le pouvoir spirituel, en matière d'enseignement moyen. Cet écrit exerça une grande influence, et, lors de la discussion parlementaire qui suivit la publication de cet écrit, MM. H. De Brouckere et Lebeau en citèrent des passages à la Chambre.
En janvier 1855, Joseph Boniface formule en maximes toute la politique de ses adversaires. Cet écrit a pour titre « Maximes catholiques politiques à l'usage du père de famille. »
Peu après, il se constitue ironiquement le défenseur du ministre de la justice devant la magistrature belge, à l'occasion de la demande d'extradition des frères Jacquin, et met les rieurs de son côté contre le client qu'il s'est choisi.
A cette époque, M. De Fré, sollicité par M. A. Dubois, conseiller communal de Gand, consentit à envoyer, chaque semaine, sous forme de lettre, au Messager de Gand, des appréciations rapides sur les événements du jour. Pendant quinze mois, c'est-à dire jusqu'à la disparition du Messager, M. De Fré nota les choses du monde politique et littéraire, blâmant les unes et louant les autres, avec une entière franchise et un abandon absolu.
En octobre 1855, parut la brochure la plus considérable et la plus travaillée de Joseph Boniface : De l'influence du dogme catholique sur la politique nationale. L'auteur, par une nouvelle méthode, y mêle le style ironique au style sérieux.
En 1856, la veille des élections parlementaires, il publie ses Timides et respectueuses observations au sujet de la lutte électorale. Cet écrit produisit un grand effet, et accrut la réputation du publiciste. qui termina son travail par un appel enthousiaste à la fusion de toutes les nuances du parti libéral.
Au mois de septembre de la même année, il publia, en réponse aux mandements des évêques de Gand et de Bruges, un pamphlet ayant pour titre : De l'Intolérance catholique et des lettres pastorales qui, par deux éditions, aida puissamment au réveil du libéralisme.
Plus tard une lutte des plus ardentes va s'ouvrir sur le terrain de la charité. Joseph Boniface s'y prépare, et au commencement de 1857, il lança successivement dans le public trois brochures, où, popularisant les principes de la société moderne qu’il veut faire triompher, il met la question à la portée de tous, et sa voix bien connue est suivie d’un long retentissement.
Ces trois brochures sont Lettre à l'Évêque de Bruges ; Le Frère quêteur, qui a reçu les honneurs d'une traduction flamande, et Lettre à M. De Decker.
Au mois de novembre, la Chambre des représentants est dissoute, et trois nouveaux écrits sont jetés par Joseph Boniface dans la balance électorale; les voici :De la stratégie catholique ; Le parti épiscopal ; Appel aux honnêtes gens. L'opinion libérale reconnaissante désigne M. De Fré pour l'un des représentants de Bruxelles. L'écrivain échoue contre M. Charles de Brouckere, bourgmestre de la capitale.
Le lendemain de son échec électoral, M. De Fré publie ses Correspondances politiques qui avaient paru précédemment dans le Journal de Gand.
M. Rogier, qui avait été honoré d'une double élection, opta pour Anvers et laissa un siège vacant dans la députation bruxelloise. Des quarante et un opposants du dernier Parlement, M. de Perceval était le seul que les élections générales eussent renversé. M. De Fré refusa de se mettre sur les rangs pour laisser arriver M. de Perceval, qui obtint ainsi, comme réparation, une grande majorité.
Au mois de juin 1858, le décès de l'honorable M. Anspach nécessita une nouvelle élection, et, cette fois, M. De Fré fut proclamé membre de la Chambre des représentants après une lutte fort vive contre le ministère qui lui avait opposé un de ses collègues, M. Partoes.
Beaucoup se demandaient si le nouveau député serait à la hauteur de l'écrivain. L'honorable M. De Fré est apprécié maintenant. Tous les partis lui rendent cette justice que, s'il sait manier l'épigramme dans ses pamphlets, il sait aussi lutter avec courtoisie dans les discussions de la Chambre. Les débats sur la réforme postale, l'enseignement, la liberté de la presse et la liberté de la chaire, auxquels il a pris part, ont assigné, parmi les orateurs parlementaires, un rang distingué au Représentant de Bruxelles.
Il n'est plus à la Chambre, une seule question grave sur laquelle l'honorable M. De Fré ne donne publiquement son avis.
Tous les partis attendent sa parole, et reconnaissent unanimement que le député a surpassé l'écrivain.
L’homme satyrique n’avait qu’une idée spéciale à soutenir, et prenait toutes les formes par la faire triompher. Le représentant de Bruxelles vois sa mission agrandie par le mandat parlementaire. Il ne suit plus le programme restreint qu’il s’était créé, il voit de plus haut ; son intelligence, au lieu de s’éblouir aux rayons de la politique générale, s’est vivifiée par le contact journalier des partis.
L’honorable M. De Fré, loin de faire profession d’exclusivisme, dit à ses amis comme à ses adversaires, tout ce qu’il croit être vrai et juste. Il met en pratique cette maxime d’un de ses écrits :
« Développer la vie morale d’une nation, telle doit être la préoccupation constante des hommes politiques. »
Parlementaire dans toute la force du mot, l’honorable représentant de Bruxelles ne vote pas pour une opinion, il vote pour sa conscience.
(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, p. 135)
Docteur en droit de l'université catholique de Louvain, 1839
Avocat à la cour d'appel de Bruxelles, 1839-1880 ; publiciste
Conseiller communal 1859-1860, puis bourgmestre d'Uccle 1864-1872 et 1879-1880
membre du Vlaamse Vooruit à Bruxelles (1858)
Autre référence biographique : A. BRON, Joseph Boniface. Biographie anecdotique par un ami d'enfance, Bruxelles, 1881.