d'Andrimont Léon, Victor libéral
né en 1836 à Liège décédé en 1905 à Bruxelles
Représentant entre 1878 et 1884, élu par l'arrondissement de Verviers(Extrait de La Meuse, du 10 avril 1905)
Une triste nouvelle nous est parvenue, hier, de Bruxelles. M. Léon d*Andrimont, sénateur pour Verviers, était mort dimanche matin des suites d'une pneumonie contractée mardi au sortir de la séance du Sénat.
C’est un des membres les plus distingués et les plus écoutés de la gauche de la Chambre Haute qui disparaît avec lui.
M. d'Andrimont était né à Liége, le 29 mars 1836. Après de solides études à l’Athénée royal, il conquit en 1857 le diplôme d'ingénieur à l'Ecole des Mines et s'occupa aussitôt d’affaires industrielles et financières dans lesquelles il ne devait pas tarder à occuper une place prépondérante en raison de l'étendue de ses connaissances, de la lucidité de son esprit, de la rectitude de son jugement.
Très épris des idées libérales qu'il défendait avec ardeur, des questions économiques qui furent durant toute sa carrière l'objet de ses constantes préoccupations, il fut un des promoteurs en Belgique du crédit coopératif et en 1864 il fonda, avec M. Micha, la Banque populaire de Liége, dont il fut le président effectif pendant quarante ans.
Il y quinze jours, La Meuse rendait compte de l'assemblée générale des associés de la Banque populaire et du banquet dans lequel les sociétaires, en célébrant le quarantième anniversaire de la fondation de la Banque, avaient acclamé M. d’Andrimont comme président d'honneur et lui avaient offert son portrait.
M. d’Andrimont était président de la Fédération des banques populaires de Belgique depuis sa fondation.
Il s'attacha toute sa vie à propager par la parole et par la plume les idées de mutualité et de coopération et publia plusieurs ouvrages qui ont été très remarqués : « Le Crédit Agricole » ; « La Coopération ouvrière en Belgique » ; « Des Associations et Institutions ouvrières en Belgique », etc.
M. d’Andrimont débuta dans la politique au Conseil provincial où il représenta le canton de Dolhain de 1876 à 1878. Il passa alors à la Chambre comme député pour
L’arrondissement de Verviers et son mandat lui fut renouvelé jusqu'en 1894. Pendant dix ans, il fit partie du bureau de la Chambre en qualité de secrétaire. En mai 1900, il fut élu sénateur.
Au Parlement, M. d’Andrimont prêta une attention toute particulière aux questions commerciales et spécialement au consulat. Il prononça plusieurs discours remarquables qui ont servi en quelque sorte de base à la réorganisation du corps consulaire belge.
Membre du Comptoir d 'Escompte de Liége, président du Conseil d'Administration des Charbonnages du Hasard, M. Andrimont était encore administrateur ou commissaire de plusieurs sociétés industrielles et financières. Ses avis faisaient autorité et il remplissait ses multiples mandats avec un zèle et une ponctualité remarquables.
D’un esprit large, ouvert à toutes les opinions, M. d’Andrimont était d'un commerce particulièrement agréable, son accueil était toujours aimable et chaleureux et nul ne savait mieux réconforter et encourager.
Après avoir longtemps habité Liége, M. d’Andrimont s’était ficé à Bruxelles où ses salons étaient fréquentés par la meilleure société. Il passait tous les étés dans son superbe domaine de Limbourg qu’il affectionnait tout particulièrement et où il était en contact presque quotidien avec ses mandataires.
Il était commandeur des Ordres de Léopold et du Christ de Portugal, officier des Ordres de la Couronne d’Italie et de la Couronne de Roumanie, chevalier des Ordres de la Couronne de Chêne et de Charles III d’Espagne, porteur de la décoration spéciale de mutualité de première classe.
Son successeur au Sénat est M. Edouard Peltzer de Clermont.
La mort de M. d’Andrimont sera vivement ressentie tant au pays de Verviers et de Liége qu’à Bruxelles, et constitue une perte bien douloureuse pour Mme d’Andrimont et sa famille.
(Extrait de La Réforme, du 11 avril 1904)
Mort de M. L. d’Andrimont, sénateur pour l’arrondissement de Verviers
M. Léon d’Andrimont, sénateur pour l’arrondissement de Verviers, est mort hier à Bruxelles.
M. Léon d’Andrimont, dont les 69 ans sonnaient le 29 mars dernier, était encore mardi dernier au Sénat.
Un rhume pris ce jour-là dégénérait le surlendemain en bronchite, puis en pneumonie. Il s’alita vendredi matin et aujourd’hui dimanche, à 10 h. 1/4, il rendait le dernier soupir.
Léon d’Andrimont était né à Liége, le 29 mars 1836. Elève de l’Athénée de Liége, puis de l’Université , il était reçu ingénieur des mines le 11 avril 1857.
Fixé à Limbourg dans le splendide château qui domine la vallée de la Vesdre et qui forme l’un des plus beaux sites de la Belgique, il devint en 1876 conseiller provincial de ce canton. En 1878, il était élu représentant de l’arrondissement de Verviers et nommé secrétaire à la Chambre. Il remplit ces dernières fonctions pendant dix ans.
Durant seize ans, sous le régime censitaire, Léon d’Andrimont fut élu tête de liste à Verviers.
Le nouveau régime électoral le tint éloigné de la politique jusqu’au 27 mai 1900, date à laquelle il fut élu sénateur pour Verviers.
Son activité cultivée, sa bienveillance, son tact et sa distinction le faisaient une personnalité très écoutée. C’était un Wallon wallonisant comme son frère, l’ancien bourgmestre de Liége.
A la Chambre et au Sénat, il s’occupait surtout des relations commerciales de la Belgique et s’appliquait à faire donner le plus d’extension possible à l’organisation de nos consulats.
Léon d’Andrimont a publié de nombreux ouvrages sur la mutualité, la coopération, les institutions de crédits, etc.
(Extrait de Annales parlementaires de Belgique. Sénat, séance du 11 avril 1905, pp. 269-270)
M. le président se lève et prononce les paroles suivantes, que le Sénat écoute débout. - Messieurs, depuis notre dernière réunion, la mort a de nouveau fauché dans nos rangs.
Notre excellent collègue, M. d'Andrimont, qui mardi encore avait siégé parmi nous, et qui, vendredi même, m'écrivait au sujet de son rapport sur la convention entre la Belgique et le Monténégro, a succombé dimanche matin à une pneumonie.
La famille du regretté défunt m'a fait savoir qu'elle déclinait les honneurs militaires et préférait que le service funèbre eût un caractère exclusivement privé.
Nous déferons à ce vœu ; mais qu'il nous soit permis de consacrer ici quelques paroles de profond regret à un collègue à l'égard duquel, tous, ici, membres de la majorité comme de l'opposition, nous nourrissions des sentiments de profonde estime et de sincère attachement.
M. d'Andrimont était, en effet, un collègue, dans toute la force du terme; il avait à un haut degré l'esprit de corps ; il était toujours prêt à assumer un travail et il l'accomplissait consciencieusement.
Jamais un mot discourtois à l'égard d'un membre de cette assemblée, ni de la Chambre dont il fit partie si longtemps et dont il fut secrétaire, n'a effleure ses lèvres, et s'il défendait ses convictions avec ardeur, la discussion terminée, sa bonhomie l'entraînait à frayer cordialement avec ses adversaires.
L'arrondissement de Verviers trouva toujours en lui un ardent défenseur de tous ses besoins, et lorsqu'il en parlait, c'était avec une sorte d'enthousiasme.
Il serait impossible d'énumérer les nombreux discours qu'il consacra à ses besoins industriels et agricoles.
Qu'il me suffise de rappeler, entre autres, l'intérêt qu'il attacha aux différentes lignes de chemins de fer qui le traversent, ses appréciations sur sa culture herbagère, sur l'hygiène communale, sur le parti à tirer de ses forêts.
Mais M. d'Andrimont ne bornait pas son horizon à l'arrondissement qui l'envoyait siéger parmi nous.
Ingénieur sorti de l'université de Liége, ayant fait ses premières armes au conseil provincial, il était profondément imbu de cette idée que, pour parler et agir utilement, il faut être armé par une éducation et une instruction spécialisées. Cette préoccupation d'un bon enseignement professionnel en toute matière se retrouve à chaque instant de sa carrière. Il le désirait à tous les degrés ; il le demandait pour les agriculteurs ; il le réclamait de la part du personnel forestier. La question forestière était, du reste, un de ses thèmes favoris, et c'est avec raison que le gouvernement l'avait nomme membre du conseil supérieur des forêts.
Souvent nous l'avons entendu prôner les écoles de laiterie, l'instruction primaire agricole, les fermes modèles.
La formation technique, il la voulait notamment en matière commerciale et consulaire.
Profondément libre-échangiste, notre collègue estimait qu'un pays avec une population dense et des limites étroites comme le nôtre ne peut s'enrichir que par l'exportation et par l'épargne. Ces deux idées complétaient dans son esprit celle que je viens d'indiquer.
Tout ce qui se rapportait à l'exportation avait ses faveurs et c'était sans cesse qu'il y revenait. Réorganisation consulaire, musée commercial, chambres de commerce belges à l'étranger, lignes de navigation, marine marchande, etc., constituaient autant de sujets que notre collègue a traités avec conscience et compétence et souvent avec succès.
Mais il lui semblait que l'épargne devait marcher de pair avec nos progrès industriels et commerciaux, il la trouvait indispensable dans toutes les classes de la société, estimant, non sans raison, qu'une nation n'a de force qu'autant qu'elle dispose d'une réserve et c'est ainsi, messieurs, qu'il fut un des fondateurs de la première banque populaire du pays, et qu'il était président de la Fédération des banques populaires belges et président de la Banque populaire de Liége ; il participa avec conscience à l'enquête sur la petite bourgeoisie et ne laissa passer aucune occasion de traiter des caisses de retraite, des mutualités d'assurances rurales et industrielles et de notre grande institution de la Caisse d'épargne et de retraite.
Nombreuses sont, du reste, ses publications sur ces différentes matières.
Messieurs, le Sénat sera unanime à déplorer le décès de ce collègue instruit, à l'esprit pratique, aux convictions patriotiques, au commerce aimable, et c'est de tout cœur qu'il lui envoie par ma bouche un dernier adieu. Il sera unanime aussi pour décider qu'une lettre de condoléance sera adressée à la famille du regrette défunt. (Très bien ! très bien ! sur tous les bancs.)
M. Dupont. - La mort frappe, à coups répétés, la gauche du Senat. Après Decoster, d'Andrimont !
Chaque jour encore, nous regrettons l'absence de cet ami, qui nous donnait, dans tous les débats importants, l'appui de sa parole vibrante et de sa vigoureuse éloquence !
Et, aujourd'hui, nous perdons l'un de nos plus anciens parlementaires, qui, depuis près de trente ans, avait voué son existence à la chose publique et qui jouissait parmi nous d'une autorité incontestée, due à son talent, à son caractère et à sa haute expérience des hommes et des choses.
Après avoir passé par le conseil provincial, Léon d'Andrimont siégea pendant dix-huit ans à la Chambre, qui lui confia à dix reprises successives les fonctions de secrétaire.
Les élections de 1894, basées sur un système électoral nouveau, le firent rentrer dans la vie privée. Mais des 1900, l'arrondissement de Verviers l'investissait d'un mandat au Sénat. Nous avons été témoins du dévouement avec lequel il l'a rempli.
Ingénieur, mêlé par ses intérêts personnels et de famille à la direction d'affaires importantes, il nous apportait le concours de ses connaissances pratiques.
Sa parole s'animait et s'élevait quand il s'agissait de défendre les grands intérêts du pays, les principes du parti libéral, la réforme de notre organisation militaire et de notre enseignement, la liberté commerciale et les institutions utiles à la classe ouvrière.
Préoccupé de la nécessité pour la Belgique de se répandre au dehors, il porta spécialement son attention sur les questions économiques et industrielles et sur la réorganisation de notre représentation consulaire à l'étranger et ses conseils ont été suivis à de nombreuses reprises par le gouvernement.
A une époque déjà lointaine, il fut en Belgique, par ses efforts et par ses écrits, l'un des promoteurs du mouvement coopératif et mutualiste.
Il meurt au moment où la Banque populaire de Liège, fondée par lui, vient de célébrer, dans une grandiose manifestation, le 40ème anniversaire de sa présidence.
Liberal sincère et ferme, Léon d'Andrimont fut, dans la bonne et dans la mauvaise fortune, le défenseur ardent de notre opinion.
Le charme de ses relations, sa parfaite courtoisie, sa large tolérance lui ont conquis les sympathies de tous les membres de cette assemblée ; sa perte suscite parmi nous des regrets unanimes. Nous conserverons le souvenir ému de ce citoyen d'élite qui nous est enlevé si soudainement, alors qu'il semblait appelé a rendre encore d'éminents services au pays, au parti libéral et à son arrondissement. (Très bien ! sur tous les bancs.)
M. Simonis. - Au nom de la droite, mais tout spécialement au nom de la députation sénatoriale de l'arrondissement de Verviers, je tiens à joindre mes regrets à ceux qui viennent d'être si bien exprimés à la mémoire de notre regretté collègue par notre honorable président et par l'honorable M. Dupont ; je m'unis d'autant plus volontiers à cette manifestation de sympathie que j'avais avec Léon d'Andrimont les relations les plus agréables, bien que nous ne fussions pas en communauté d'opinions politiques.
Notre regrette collègue était profondément attaché à l'arrondissement de Verviers et il veillait avec un soin extrême aux intérêts de celui-ci sous le rapport industriel, commercial, agricole et social.
Toutes les questions concernant la mutualité faisaient également l'objet de ses constantes préoccupations. Membre de la commission permanente des sociétés de secours mutuels depuis le 14 décembre 1868, il en était l'un des vice-présidents depuis le 5 mars 1902.
Léon d'Andrimont s'intéressait vivement aussi à tout ce qui peut contribuer à l'amélioration morale et matérielle de nos populations ouvrières et c'est à ce titre qu'il fut désigné comme membre de la commission du travail instituée, en 1886, par le gouvernement d'alors avec mission de faire une enquête sur les relations entre le capital et le travail dans notre pays. Notre regretté collègue s'acquitta de ce mandat avec autant de tact que de dévouement.
Nous avons tous, messieurs, pu apprécier les qualités du distingué collègue que nous pleurons, son exquise urbanité, la délicatesse de ses sentiments et son ardent désir de se rendre utile à la patrie ; nous lui conserverons toujours un affectueux souvenir. (Très bien ! sur tous les bancs.)
M. le comte de Smet de Naeyer, ministre des finances et des travaux publics. - Messieurs, il serait difficile de rien ajouter aux paroles émues et éloquentes qui viennent d'être prononcées par l'honorable président de cette assemblée, par l'honorable M. Dupont, au nom de la gauche, et par l'honorable M. Simonis, au nom de la droite. Nous déplorons tous la perte que le Sénat vient de faire dans la personne de M. d'Andrimont et le gouvernement ne peut que s'associer sans réserves aux éloges et aux regrets unanimement exprimés. (Très bien ! très bien !)
M. Picard. - Messieurs, il vient d'être dit tout ce qui pouvait être dit en l'honneur de notre regretté collègue, que je voyais encore à son banc la semaine dernière et à qui, depuis longtemps, je serrais si cordialement la main, car il était un exemple de bonhomie courtoise et de zèle. Je m'associe donc, au nom du banc socialiste, aux paroles élogieuses qui viennent d'être prononcées. Ce qui a été dit était noble et ému. M. d'Andrimont restera pour moi l'exemple du sénateur consciencieux qui savait pratiquer cette chose si essentielle à nos discussions et qu'on rappelait tout à l'heure : l'urbanité législative. (Très bien ! très bien !)