Cruyt Alexandre, François catholique
né en 1823 à Lokeren décédé en 1885 à Gand
Représentant entre 1870 et 1878, élu par l'arrondissement de GandNécrologie.
Hier soir, est décédé en notre ville, à l'âge de 62 ans, M. Alexandre Cruyt. avocat pres la cour d'appel de Gand, ancien membre de la Chambre des Représentants.
Depuis longtemps M. Cruyt lui-même prévoyait ce funèbre dénouement qui le minait et il se préparait à la mort en chrétien. Dieu lui aura tenu compte de ses souffrances, de sa foi, de ses œuvres.
Entré au barreau gantois en 1848, après de brillantes études faites à l'université catholique de Louvain, M. Cruyt n'avait pas tardé à y conquérir une place éminente. Son esprit réfléchi, son jugement droit, son coup d'œil juridique le rendaient singulièrement apte aux affaires civiles et commerciales et justifiaient la confiance d'une nombreuse clientèle.
Ses occupations multipliées et t ses goûts paisibles éloignaient naturellement M. Cruyt des luttes politiques. Il ne s’y mêla qu'assez tard, en sacrifiant ses répugnances au sentiment élevé des devoirs du chrétien dans la vie publique. Elu député de l'arrondissement de Gand à la suite du soulagement universel de 1870, il fut réélu en 1874 et s'acquitta, pendant huit ans, de son mandat parlementaire avec autant de dévouement que de distinction.
C'était un chrétien fervent et, comme nous l'avons dit, les dernières années de sa vie ont été une continuelle préparation à la mort.
M. Cruyt laisse un fils prêtre, vicaire de la paroisse Saint-Sauveur, à Gand, et trois filles, dont l'aînée est religieuse du Sacré-Cœur.
(Extrait du Bien public, du 24 janvier 1885)
Nécrologie.
L'enterrement de l'avocat Alexandre Cruyt, ancien membre de la Chambre des Représentants, a eu lieu hier matin.
A la maison mortuaire où s'étaient rendus avec les parents et les amis, bon nombre de membres du barreau, maître Drubbel, bâtonnier de l'ordre, a prononcé l'éloge du défunt.
On nous saura gré de reproduire ici à titre de suprême hommage rendu à un jurisconsulte chrétien, cette allocution qui a virement touché l'auditoire et que l'accent ému de l'amitié rendait encore plus éloquente :
« Rapproché par tant de points du confrère que nous pleurons, mais séparé de lui par l'âge, je ne m'attendais point à remplir un jour le triste devoir qui m'incombe aujourd'hui, de lui rendre, au nom du barreau gantois, le suprême hommage de l'estime et de l'affection. Et cependant il en est ainsi. Le mal implacable qui depuis plus d'un an le tenait éloigné de sa chère profession nous l'a enlevé à jamais.
« Préparé par de fortes études, Alexandre Cruyt entra au barreau au mois d'octobre 1848, et fit son stage chez feu notre regretté confrère maître Balliu. II se révéla par des qualités sérieuses et solides et en peu de temps obtint parmi nous une place importante et distinguée. Laborieux et consciencieux, il traitait avec un soin poussé jusqu'au scrupule les affaires qui lui étaient confiées ; il les exposait devant les tribunaux avec exactitude et clarté, les discutait avec une vigueur de logique que souvent nous avons admirée et une science du droit enrichie par l'étude de tous les jours.
« Le tact judiciaire qu'il avait acquis lui permettait de discerner rapidement et sûrement, même dans les affaires les plus complexes, le point faible de l'adversaire et la raison qui devait emporter la conviction du juge.
« Sa parole ne recherchait pas le brillant ni l'éclat. Elle était sobre et mesurée, élégante et grave. Ses pladoiries portaient l'empreinte de cette dignité sans prétention qui se retrouve dans toute la carrière de notre regretté confrère et forme en quelque sorte la caractéristique de sa vie.
« Avec ces qualités Cruyt était devenu au barreau de Gand un avocats les plus considérés et aussi les plus aimés. De bonne heure ses confrères l'élurent membre du conseil de discipline de l'ordre et, sauf les interruptions nécessitées par le roulement, il y siégea jusqu'à son décès.
« Il avait le véritable sentiment de la confraternité si en honneur parmi nous. II était bienveillant, courtois et conciliant. II ne redoutait pas la lutte, mais il aimait la paix. Bien des fois, en faveur du repos et de la tranquillité des familles, il recommanda et amena des transactions heureuses. II fut le conseiller sage et prévoyant de nombreuses familles divisées par des questions d'intérêt ou éprouvées par des difficultés d'un ordre plus délicat et plus intime, et il leur prodigua à la fois les ressources de son talent, les fruits de son expérience et le dévouement de son cœur. Le bien qu'il fit sous ce rapport restera dans le souvenir reconnaissant de ceux qu'il a aidés et assistés.
« Son cœur, si d'autres en ont éprouvé la bonté toujours prête à se dévouer, dois-je le dire, seuls ses enfants en ont connu toutes les tendresses et peuvent, à cette heure de la séparation, mesurer ce qu'il renfermait pour eux de trésors de sollicitude et d'amour paternel.
« Frappé jeune encore dans ses affections les plus chères, il resta veuf avec quatre enfants en bas âge. Malgré ses occupations absorbantes, il sut trouver le moyen et il eut la tendresse voulue pour suppléer aux soins et aux devoirs de la mère trop tôt ravie à ses enfants. Mais aussi quelles joies et quelles consolations n'a-t-il pas recueillies en retour ? Lorsqu'à son lit de mort, il aura jeté un dernier regard autour de lui, il a pu sa dire : mes enfants sont là, mes efforts ont été bénis, mes leçons seront écoutées, mes exemples seront suivis !
« Je me borne à rappeler qu'en 1870 Alexandre Cruyt fut appelé par les suffrages de ses concitoyens à représenter l'arrondissement de Gand à la Chambre. Les qualités de l'avocat se retrouvèrent chez le membre de la législature et il y obtint l'estime de ses adversaires comme de ses amis politiques, La croix de l'ordre de Léopold dont le Roi l'honora en 1878 fut la consécration de huit années de services rendus au pays et a la cause qui lui était chère.
« Vous le savez, Cruyt était un homme de fortes convictions et d'une foi ardente. Aussi lorsque la maladie vint le visiter, il ne fut point pris au dépourvu. Comme il avait fait d’autres sacrifices, ainsi il fit le sacrifice de sa vie. II se prépara à la mort avec la sérénité et la piété du chrétien et remit son âme à son Créateur résigné et tranquille.
« Pendant votre vie, cher confrère, vous avez aimé, servi et défendu la justice. Nous avons la ferme confiance que vous avez trouvé votre récompense auprès de l'éternelle justice de Dieu.
« C'est le salut de l'espérance que devant votre cercueil vous adresse non seulement le bâtonnier de l'ordre, mais aussi votre ancien collègue et surtout votre vieil ami. Au revoir dans une vie meilleure ! »
M. l'avocat Van den Heuvel a ajouté ensuite quelques paroles reconnaissance au nom des anciens stagiaires de maître Cruyt.
Vers 10 heures, le cortège funèbre s'est dirigé vers l'église paroissiale de N.-D. Saint-Pierre où le service a été célébré au milieu d'une affluence considérable. L'enterrement a eu lieu enfin, dans le caveau de famille, au cimetière bénit de Mont-Saint-Amand.