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Couvreur Auguste (1827-1894)

Portrait de Couvreur Auguste

Couvreur Auguste, Pierre, Louis libéral

né en 1827 à Gand décédé en 1894 à Ixelles

Représentant entre 1864 et 1884, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(Extrait de la Gazette de Charleroi, du 24 avril 1894)

NÉCROLOGIE. Auguste Couvreur

L'ancien vice-président de la Chambre, ancien député de Bruxelles est mort hier dans

cette ville.

Né à Gand en 1827, M. Auguste Couvreur appartint pour ainsi dire toute sa vie au journalisme belge.

Bulletinier politique de l'Indépendance de 1854 à 1879 il s'occupa en outre de questions commerciales et industrielles. Ses études en firent un libre échangiste convaincu et il dfendit ces théories avec ardeur de 1854 à 1859 comme secrétaire général de l'Association pour la réforme douanière. Il fut la cheville ouvrière de cette association qui entraîna la Belgique dans une voie féconde dont on veut la détourner aujourd’hui

Toutefois Couvreur ne borna pas là son activité.

Il fut encore de 1863 à 1868 secrétaire général de l'Association pour le progrès des sciences sociales.

C’est le 11 août 1864 que Couvreur entra à la Chambre des représentants pour y représenter l'arrondissement de Bruxelles.

Son rôle oratoire y fut assez effacé ; par contre August Couvreur eut souvent l'occasion d'apporter aux discussions le secours de son expérience et de son érudition.

Les catholiques ne lui pardonneront pas son titre de président de l’enquête scolaire qui, si elle n'eut pas pour notre parti l'intérêt qu'on en attendait, n'en porta pas moins de rudes coups au prestige du parti clérical.

Pendant la dernière période de sa vie parlementaire Couvreur resta fidèle au ministère libéral. Cette fidélité rend d'autant plus significative l'évolution qu'il marquait récemment encore dans sa lettre au président du Congrès libéral et qui le rapprochait des éléments progressistes du parti.

Dans ces derniers temps, Auguste Couvreur consacra une grande partie de son inaltérable activité la Société d'études sociales et politiques, dont il fut à la fois le fondateur et le secrétaire général, et à la Revue sociale et politique, une intéressante publication, organe de la Société.

Il se disposait à prendre une part active à la campagne libre-échangiste que provoquent les projets protectionnistes du ministère, malgré son état de santé légèrement altéré.

En effet, depuis quelque temps déjà, Couvreur était atteint d'une affection cancéreuse de l’estomac qui n'était pas sans inquiéter les médecins. La maladie était incurable, mais le dénouement fatal pouvait, et on l'espérait, ne pas se produire avant longtemps.

Cet espoir ne s'est malheureusement pas réalisé.

Samedi, l'état du malade s'aggravait notablement, et c'est après de cruelles souffrances qu'il a succombé.


(Extrait de La Réforme, du 24 avril 1894)

AUGUSTE COUVREUR

On a appris lundi après-midi, à Bruxelles, avec un douloureux étonnement, la mort inopinée de M. Auguste Couvreur, ancien vice-président de la Chambre, ancien président de Ligue libérale et président de la Société des Economistes. Bien que depuis quelque temps M. Couvreur fût atteint d'un mal incurable – un cancer à l’estomac - et ne sortit plus guère de chez lui, rien ne taisait prévoir une fin aussi proche ; M. Couvreur continuait à travailler avec activité et préparait, avec quelques amis des différents partis, une nouvelle campagne en faveur du libre échange. Une nouvelle réunion devait avoir lieu chez lui, cette semaine, dans ce but. A la réunion nous l’avions vu fatigué, obligé de ne parler qu’étendu sur sa chaise longue, mais exposant avec son énergie et sa lucidité habituelles le plan de la campagne à engager contre le retour offensif des agrariens.

La perte que fait la cause du progrès démocratique en la personne de M. Couvreur sera donc doublement ressentie, dans les circonstances actuelles. Nul mieux que lui ne pouvait présider à la propagande qui doit empêcher l'avènement de la démocratie de devenir le signal de la réaction économique. Il avait apporté aux travaux de la commission agricole du Congrès progressiste le précieux concours de sa science et de sa vieille expérience et tous qui ont assisté à ces séances se rappelleront celle où il démontra combien il serait inutile et dangereux de vouloir ruser avec le protectionnisme, d'esquiver la question des droits d'entrée, de ne pas prendre le taureau par les cornes.

- C’est le rôle de votre parti, disait-il, de démontrer aux campagnards qu'on les trompe et qu'on les exploite en faisant miroiter à leurs yeux les avantages imaginaires des droits protecteurs, dont vous devez au contraire leur démontrer les dangers réels. C’est ce qu’à fait le parti libéral anglais et ce n’a pas seulement été sa gloire. mais aussi la base de sa popularité et de ses succès. Si vous ne faisiez pas cela, d'autres le feraient à votre place et vous perdriez votre raison d'être.

Et ta résolution de combattre à outrance contre les projets réactionnaires des agrariens était votée, unanimement, d'enthousiasme.

M. Couvreur avait fait ses preuves en matière de propagande, et il aimait, au banquet annuel des économistes, à rappeler ses campagnes d’il y a quarante ans. Il fut l’âme du mouvement qui conduisit en Belgique à l'abolition de la protection industrielle et agricole et à l’établissements des traités de commerce.

Mais cette campane féconde était loin d’absorber l’activité du savant publiciste ; on sait avec quelle passion il s’occupa des questions d’enseignement, avec quelle ardeur il soutint les revendications flamandes ; il fut à Bruxelles l'infatigable champion de l'enseignement professionnel dont il surveilla l’application jusqu'au dernier moment II était aussi le secrétaire de ces congrès des sciences sociales qui, il y a trente ans, amenèrent à Bruxelles les hommes les plus remarquables de l’époque, et exercèrent une très grande influence sur le développement des idées en Belgique.

M. Couvreur fut pendant près de vingt ans député de Bruxelles ; il fut l'un des premiers à batailler pour l’extension du droit de suffrage au delà des limites constitutionnelles d’alors. Plus tard il ne fut pas aux côtés des révisionnistes progressistes dans leurs premiers assauts à l’article 47 et suivit, dans leur scission de 1884, ses anciens amis devenus doctrinaires. Mais M. Couvreur était un esprit trop éclairé et trop ouvert aux idées de progrès et de justice pour ne pas être irrésistiblement attiré par la dernière campagne révisionniste et, avant les élections

de 1892. il donna une éclatante adhésion au suffrage universel et au programme da trois R, dans des lettres adressées à l’Indépendance, dont il était resté le collaborateur assidu et sans des discours qu’il alla prononcer dans les meetings convoqués en province par les députés progressistes.

M. Couvreur était, non pas ce qu’on a appelé un anglomane, mais un admirateur et un profond connaisseur des choses d’Angleterre. Disciple de Cobden, ami de Gladstone et de la plupart des libéraux anglais, correspondant du Times depuis quelques années, ayant épousé un femme de lettres d’un esprit très distingué et originaire des colonies anglaises, membre du Cobden Club, et passant ses jours de loisir en Angleterre, il apportait dans notre politique une masse d’idées et d’habitudes d’esprit trop peu familières à nos politiciens qui presque toujours n’ont fait que singer la France. C’était un « libéral anglais » et il ne pouvait manquer de s’associer à l’évolution radicale que le libéralisme anglais a faite dans ces dernières années, et dont l’illustre Gladstone a hardiment pris la direction. Il avait même singulièrement corrigé, par les données de l'expérience, les théories de l'école de Manchester, et nous nous rappelons, à l’une des dernières séances des économistes, lui avoir entendu poser hardiment, au grand étonnement des économistes orthodoxes, la grosse question de la naturalisation du sol.

Le parti libéral fait en M. Couvreur une perte très cruelle : la débuts de notre démocratie lui eussent donné l'occasion de rendre de nouveaux services à son parti et à son pays et l'on avait le droit de compter sur une dizaine d’années encore de cette féconde activité d'un homme dont vie, à voir sa verdeur d'aspect, semblait devoir se prolonger plutôt au delà de la moyenne.

M. Couvreur, en effet, avait soixante-six ans ; il était né à Gand en 1828.


(Extrait de l’Indépendance belge, du 24 avril 1894)

Mort de M. Auguste Couvreur

Au moment de mettre sous presse nous apprenons une douloureuse nouvelle.

Nous éminent collaborateur et ami Auguste Couvreur, ancien député de Bruxelles, ancien vice-président de la Chambre des représentants, est mort lundi vers midi. Il avait 66 ans; il était né à Gand en 1828.

Depuis quelque temps déjà M. Couvreur était atteint d'une affection cancéreuse de l'estomac qui n'était pas sans inquiéter les médecins.. La maladie était incurable, mais le dénouement fatal pouvait, et on l'espérait, ne pas se produire avant longtemps.

Cet espoir ne s'est malheureusement pas réalisé.

Samedi l'état du malade s'aggravait notablement, et c'est après de cruelles souffrances que notre éminent confrère a succombé.

On devine la douleur de la digne compagne de sa vie et de ses travaux. A peine avons-nous besoin de dire que nous nous y associons de plein cœur.

C’est avec un vif regret, une profonde émotion que nous voyons disparaître l'homme si distingué à tant de titres qui pendant vingt-cinq ans fut notre C'est avec un vif regret, une profonde émotion que nous voyons disparaitre l'homme si distingué à tant de titres qui pendant vingt-cinq ans fut notre collaborateur assidu. quotidien.

Du plus loin qu’il nous souvienne, nous voyons Auguste Couvreur à l'Indépendance belge, attelé à notre Bulletin politique qu'il rédigeait de main de maître, journaliste matinal, le premier à la besogne, déjeunant sur son pupitre entre deux besognes et deux éditions, enlevant sa « revue » d'une plume alerte après avoir francisé le nègre des télégrammes, revisé les correspondances et indiqué au traducteur les articles de presse étrangère qui méritaient une citation, sans bouder à la corvée quand il s'agissait de mettre la main à la pâte, d'autant qu'il possédait l'anglais et l'allemand aussi à fond que le français et le flamand. Et tout cela, quand le journal commençait à se peupler, sans redouter le papotage des conversations ambiantes, s’y mêlant parfois gaiement, et souvent profitant de l'occasion pour donner quelque indication précieuse dont on ne manquait pas de profiter.

Couvreur aimait son métier de journaliste et c’est pour cela qu'il y excellait. Nous nous rappelons quelques-unes de ses campagnes de presse, Indépendamment de ses études de chaque jour sur la politique étrangère, dont il savait les dessus et les dessous : en 1863, ses lettres sur le Congrès des souverains à Francfort, en 1872, une autre série de correspondances qu'il nous adressa de Berlin lors de l'entrevue des trois empereurs. Certes, ces deux campagnes n'ont guère marqué dans sa vie publique, si laborieuse et remplie, mais on conçoit que ses confrères en aient gardé le souvenir. Plus d'un parmi ses cadets y puisa des exemples et des encouragements. Ecrites au courant de la plume, avec cette hâte qu'impose l'heure du train, elles étaient, ces lettres, substantielles et vivantes, toutes pleines de faits et de leçons, et, dans l'improvisation même, d'une forme irréprochable et charmante. On y retrouvait le publiciste au courant des précédents, à l’affût des solutions probables, et l'on y admirait le mouvement de style de l’homme de lettres, de l'écrivain.

Avant de se consacrer à la presse quotidienne, Auguste Couvreur s'était voué à l'étude des questions économiques, et il fut l'un des fondateurs de l'Association pour la réforme douanière qui donna en Belgique une impulsion décisive à la révision de nos tarifs dans le sens de la liberté commerciale. C'est en cette qualité qu'il prit une part active au Congrès libre-échangiste de 1856 qui se réunit à la Maison du Roi sous la présidence de Charles de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles, et qu'il lui fut donné à mainte reprise de s'associer aux du Cobden Club, en Angleterre. Plus tard, il fut le promoteur et la cheville ouvrière de l'Association internationale pour le progrès des sciences sociales, dont les sessions à Bruxelles, à Gand, à Amsterdam, à Berne eurent un si grand retentissement. Et de même qu'après de longues années, il avait restitué cette œuvre sous une forme nouvelle en organisant la Société d'études politiques et sociales dont les conférences et la Revue ne furent pas sans influence sur le mouvement d'idées suscité par notre révision constitutionnelle, de même, alors que déjà le guettait une maladie mortelle, il se préparait à relever le drapeau de l'Association pour la réforme douanière en groupant des hommes de propagande capables de lutter avec succès contre la réaction protectionniste qui s'annonce. II n'en faut pas davantage pour caractériser l'unité de sa vie au point de vue des idées économiques. Couvrer était résolument attaché à a la liberté commerciale ; il la défendit dans les meetings et dans la presse - l'Economiste belge, fondé par Gustave de Molinari, l'eut pour rédacteur en chef pendant plusieurs années - et tout récemment une communication recueillie dans nos colonnes le montrait décidé à mettre au service de cette cause, aujourd'hui menacée après tant d'efforts pour en assurer le triomphe, les dernières manifestations de son infatigable activité.

L'unité de son œuvre politique n'est pas moins réelle, encore que les divisions et les querelles du libéralisme aient prêté à ses actes certaines apparences antinomiques. Elu député de Bruxelles en 1864, avec l’appui des « jeunes libéraux » qui étaient les progressistes du temps, voire les radicaux sinon les collectivistes, Couvreur fut à la Chambre un réformiste et un révisionniste de la première heure. En 1867 il était à la tête du mouvement pour l'extension du droit de suffrage dans les élections communales et provinciales. En 1871, il votait la prise en considération de la motion révisionniste d'Adolphe Demeur. II est très vrai qu'en 1881 et en 1883, en pleine lutte scolaire - et il était mêle de près à cette lutte, on sait qu'il fut président de la Commission d’enquête, si violemment attaquée par la droite, bien qu'elle eût été constituée à la demande de feu Malou - il fut de ceux qui jugèrent inopportune une nouvelle tentative révisionniste. II est très vrai qu'après la débâcle de 1884, il fut l'un des fondateurs de la' Ligue libérale qui le choisit comme président en remplacement de Pierre Van Humbeeck. Mais ce qui est certain aussi, c'est que même en cette période d'agitation et de passion, il n abandonna pas une seule de ses convictions; pas une seule de ses espérances. Et lorsque vint sonner l'heure de « la bonne volonté pour la révision », pour parler comme M. Frère-Orban, il poussa la bonne volonté jusqu'au bout de la nécessité, signalant dans le suffrage universel la formule inévitable de la révision et conviant les deux fractions du libéralisme à s'unir pour le tempérer sans en adultérer le principe, plutôt que de s'épuiser en vain à le combattre. La lettre qu'il publia ici même quelques semaines avant les élections de juin de 1892 fut accueillie comme un symptôme significatif de ralliement et de conciliation. Elle était le terme logique d'une évolution prévue ; elle date l'apogée de sa carrière politique.

Il s'en faut de beaucoup qu'en ces lignes rapides nous ayons tout dit sur Auguste Couvreur. Du moins, lui avons-nous rendu un hommage légitime qui sera ratifié, nous en avons l'assurance, par tous ceux qui ont connu cet honnête homme, cet homme de travail, et de conscience, ce libéral sincère et loyal, ce patriote dévoué au bien public et au progrès de notre civilisation nationale.


(Extrait de l’Indépendance belge, du 25 avril 1894)

« Il s'en faut de beaucoup que nous ayons tout dit sur Auguste Couvreur. »

C’est par cet aveu que nous terminions notre article d'hier. Complétons-le en faisant un nouvel appel à nos souvenirs.

Nos confrères nous viennent en aide, tous rendant hommage à l’éminent publiciste, à l'homme politique. qui vient de s'éteindre après une brillante carrière, plusieurs signalant des traits caractéristiques de sa physionomie et de son activité.

La Réforme, dont la notice est fort intéressante, insiste sur l’influence anglaise, à laquelle, en effet, Couvreur dut beaucoup, influence encore accrue en ces dix dernières années, depuis son mariage avec la distinguée romancière australienne qui, sous le pseudonyme de Tasma, s'est fait une place notable dans la littérature de la mère-patrie.

C'était, dit-elle, « un libéral anglais », et il avait fait ses preuves nu matière de propagande.

Le fait est qu'en remontant le cours de cette vie on est émerveillé des facultés d'action que déploya cet homme de plume et de ce don de groupement qu'avait développé en lui la fréquence de ses contacts avec les personnalités les plus illustres du Royaume-Uni.

Lorsqu'il fit ses premières armes de meetinguiste libre-échangiste avec l'Association pour la réforme, douanière, il était aux côtés d'un Anglais dès longtemps acclimaté et naturalis en Belgique, M. Coor-Vander Maeren. Plus tard, lorsqu’il fonda l’Association pour le Progrès des sciences sociales, dont les congrès périodiques attirèrent en Belgique les orateurs les plus éloquents de l'étranger et notamment les chefs de l'opposition libérale au second empire, il entreprit au dehors une campagne d'apostolat en faveur de son œuvre, et nous nous le rappelons à Londres, en 1862, prenant la parole au congrès international de bienfaisance (président lord Shattesbury, secrétaire général Ducpétiaux) moins pour exposer ses idées sur l'assistance que pour faire de nombreuses recrues parmi les notabilités étrangères réunies dans Burlington House. Nous retrouvâmes là le causeur polyglotte que nous connaissions déjà. Avec une modestie habile, Couvreur débita en anglais un exorde timide destiné en apparence à excuser un discours français; mais en réalité, parlant les deux langues principales de l'assemblée, il trouva moyen se traduire sans se répéter, et parmi ses auditeurs, ceux qui n’en possédait qu’une, ne perdirent rien de ce qu’il avait dit à ceux qui ne connaissaient que l’autre. La scène fut jouée avec une adresse rare.

Nous avons dit la participation de Couvreur au travaux du Cobden Club et son dévouement à la cause de la liberté commerciale. Il ne s'intéressait pas moins à la question coloniale et l'œuvre africaine du Roi trouvait en lui un partisan chaleureux et convaincu. Dès les débuts de l’Association internationale africaine, il avait collaboré à cette œuvre dont il fut des premiers à apprécier toute l’importance au point de vue de l'expansion de notre industrie. Et c'est dans le mème esprit qu'il fondait récemment la société d'études coloniales, appelée à populariser la pensée royale et à préparer la reprise de l'Etat indépendant du Congo par la Belgique, grave question que les Chambres auront à résoudre à la fin du siècle.

Ainsi que le constate l’Etoile, l'influence anglaise caractérisait aussi l'homme de parole. Couvreur orateur était plus disert qu'éloquent. La phrase à panache n'était dans ses moyens ni dans ses goûts. Il expliquait, il argumentait, il démontrait tout en causant. C'était un debater. Les qualités de son talent s'adaptaient , surtout aux discussions d'affaires. Il n'en prononça pas moins dans maint débat politique des discours remarquables, et nous nous souvenons, par exemple, de son intervention dans la discussion de la réforme électorale des communes et des provinces par l'abaissement du cens à 10 et à 20 francs. Le système de feu Malou 1872, suscita entre Couvreur et Sainctelette une controverse dont la législation anglaise fit tous les frais, et Couvreur en caractérise les principes et les détails même avec autant de science que de lucidité. Lorsqu'il proposa peu après et fit voter unanimement par la Chambre un vœu en faveur de la solution des différends internationaux par l'arbitrage, il fut bien près d'atteindre à l'éloquence tant il mit de chaleureuse raison au service de sa thèse. L’arbitrage international était une de ses idées favorites, et lorsque se réunit l'an dernier à Bruxelles la conférence interparlementaire de la paix, il prouva qu'il était resté sincèrement attaché à cette cause.

Debater, Couvreur faisait naturellement un conférencier hors de pair. A la Ligue de l'enseignement dont il fut l'un des fondateurs et l'un des coopérateurs les plus assidus, le Congrès international de l'enseignement, Bruxelles, 1880, fut en grande partie son œuvre, - à l’Union syndicale de Bruxelles qui mainte fois fit appel à son concours, ses aptitudes conférencières se manifestèrent souvent et avec éclat, Un souvenir nous revient à ce propos. Un soir, à la Bourse, son ami Ferréol Fourcault, qui présidait avec une rare compétence la section d'art industriel, se trouve empêché au dernier moment, et d'un mot lancé par express, invite Couvreur à le remplacer au fauteuil. Notez qu’il ne suffisait pas de présider. Le fauteuil était une chaire. Ordre du jour peu chargé, conférence annoncée, attendue. Il fallait parler. Couvreur ne se fit pas prier. Le temps de

Le temps de consulter quelques documents, de brocher quelques notes, et le voilà prêt. Il expédie lestement le ménage de la séance et l’achève en improvisant une véritable leçon sur le progrès des industries d’art en Angleterre, sur l’organisation des écoles de dessin dans le South Kensington est le centre, et sur les écoles professionnelles de jeunes filles, - dont il fut en Belgique l’un da patrons les plus zélés, celle de la rue du Marais le sait bien. On n'en revenait pas, et la surprise de l'auditoire nous valut un bien joli mot que nous n'avons pas oublié, Comme chacun applaudissait, admirant la compétence avec laquelle le conférencier avait traité son sujet au pied levé et l'abondance de ses informations aisément utilisées et classée : « Oui, dit un auditeur dont le nom nous échappe, c'est très bien, mais pour cela il faut être député, » On pense si le mot fit fortune.