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Cousebant d'Alkemade Victor (1840-1922)

Portrait de Cousebant d'Alkemade Victor

Cousebant d'Alkemade Victor, Charles, Marie indéterminée

né en 1840 à Audenarde décédé en 1922 à Bruxelles

Ministre (guerre) entre 1899 et 1907

Biographie

(Extrait de La Libre Belgique du 6 novembre 1922)

Mort du général Cousebant d’Alkemade

Ainsi que nous l’avons annoncé brièvement dans nos deux dernières éditions d'hier, le général Cousebant d'Alkemade, ancien ministre de la guerre, vient de mourir à Bruxelles. Il était né à Anderlecht le 26 avril et allait donc atteindre sa 83ème année. Sa carrière presque tout entière s'est passée dans les services de l'Etat-major et son nom n'a été connu du grand public que le jour où il a été appelé à diriger le département de la guerre. Il était aide-de-camp du roi Léopold Il qui le tenait en haute estime tant pour ses qualités personnelles que pour sa science militaire.

Le général. Le ministre de la guerre

Le général Cousebant d'Alkemade avait fait toutes les armes spéciales et il avait été successivement attaché à la cavalerie, à l'artillerie et la brigade topographique qui a pour mission de lever les plans du pays.

Au moment où il fut nommé ministre de la guerre, il était directeur général des opérations militaires et de l'instruction au ministère et c'est lui, notamment, qui organisa la mobilisation du pays. On peut dire que si la mobilisation de 1914 s'est opérée avec tant d'ordre et célérité, c’est à lui qu'on le doit.

Son passage au département comme ministre pourrait être qualifié de « long martyre », selon le mot d'un de ses familiers. Il y arrivait après que le général Brassine s'était retiré devant l’hostilité qu'il rencontrait partout. Aucun général n'avait voulu lui succéder et c'est alors que M. Van den Peereboom assuma la direction de la guerre. A l'arrivée au pouvoir du ministère de Smet de Naeyer-de Trooz, le général Cousebant d'Alkermade céda aux vives instances du Roi et entra dans la combinaison ministérielle.

La situation était, à ce moment, particulièrement difficile : le désordre le plus complet régnait à l'armée. Il fallait rétablir une discipline disparue dans le haut commandement, les officiers supérieurs étant tous devenus des maires du palais. M. Van den Peereboom, croyant bien faire, autorisait le dernier des soldats à lui faire personnellement part de ses doléances, de sorte que l'autorité des chefs était sapée dans la base. Il y eut donc, dès le début, une véritable cabale contre le nouveau ministre qui entendait rétablir les vieilles traditions.

Il rencontra aussi, à la Chambre, une opposition irréductible, en 1902, quand il voulut faire voter la loi du contingent. Le rapporteur de la loi lui-même s'efforça de détruire l'œuvre qu'il voulait édifier. Le général donna sa démission, mais le Roi refusa de l'accepter et à ce sujet, lui adressa une lettre qui fut rendue publique deux ans après.

C'est lui qui fit voter l’agrandissement et la réfection de la position fortifiée d'Anvers, la transformation de son armement et de son approvisionnement. C'est lui qui introduisit le canon de campagne à tir rapide et qui compléta l’armement de nos batteries. C'est lui encore qui créa la commission mixte. Son principal collaborateur était le général Luis Cuvelier, directeur général du personnel et du recrutement : le ministre travaillait toujours en étroite collaboration avec ses directeurs.

Il aimait la troupe par-dessus tout et, pendant les huit ans qu'il passa au ministère, il n'eut jamais qu'un but, la rendre grande et forte, capable de soutenir le choc qu'il prévoyait. Nul ministre, plus que lui, ne s'est autant occupé des affaires de son ressort.

Malheureusement, étant le général le plus jeune en grade, il suscita bien des jalousies et plus d'un tenta par des moyens divers de créer autour de lui une atmosphère d'impopularité.

Rappelons aussi qu'en 1902 quand le parti socialiste tenta un mouvement de sédition, il sut faire preuve d'une énergie qu'il puisa dans le sentiment de son devoir et de ses responsabilités devant le pays.

Il se démit de ses hautes fonctions en mai 1907 à la chute du cabinet de Smet de Naeyer.

L’homme privé

Le défunt laisse le souvenir d'un homme d'une intégrité, d'une droiture et d'une loyauté dont il a peu d'exemples. Il était d'un abord qui paraissait dur à ceux qui ne le connaissaient pas mais il était dur pour lui-même. Cependant, on se rendait tout de suite compte que sous cet aspect se cachait la plus grande bonté, la plus grande douceur et la charité chrétienne dans ce que cette vertu a de beau. Il n'admettait pas qu'on pût le tromper et on l'a vu se montrer très sévère vis-à-vis d'officiers qui s’étaient permis une « carotte » de 50 centimes sur des frais de voyage.

Les recommandations n'avaient aucune influence sur lui, et on cite des députés très influents avec qui il s'est brouillé pour ne pas avoir fait ce qu'il considérait comme un passe-droit. Sa simplicité était proverbiale : personne n'eut moins de morgue que lui. Accompagné de son aide-de-camp, le général Delmar, il se mêlait à la foule, grossissait parfois un attroupement, faisait des réflexions typiques qui faisaient dire à ses intimes qu'il était resté quelque peu « ketje » bruxellois.

Il avait la politique en horreur. Il ne voulait pas en entendre parler et, dans ses débuts au ministère il se refusait à assister des ministres en dehors des jours où l'on discutait des questions militaires. Il fallut beaucoup insister pour l'amener à composition.

Comme tous les hommes de tempérament, il était sur pied très tôt, et, souvent, à 5 heures du matin, on le rencontrait chevauchant au Bois. Ses relations étaient très limitées, mais il les voulait de choix : il prisait très haut les qualités qu'il avait découvertes chez un homme, et s'il en faisait son ami, il lui gardait fidèlement ses sympathies.

Chrétien, homme de foi, il le fut, mais il le fut sans ostentation, et il inspira à ses enfants de tels sentiments que trois de filles se donnèrent Dieu : l’une au couvent du Sacré-Cœur, une autre chez les Soeurs de Charité, et la troisième à Maredret. L'aînée de ses filles s’est dévouée au soins de la famille et fut une admirable sœur de charité pour son père et pour sa mère. La seule de ses filles qui est restée dans le monde a épousé le baron Emmanuel del Marmol, commissaire d'arrondissement à Dinant.

Suivant la volonté formelle du défunt, l’inhumation a eu lieu dans la plus stricte intimité.

Le général Cousebant d’Alkemade laisse le souvenir d'un homme qui a passé en faisant le bien. C'est le seul titre de gloire qu'il a voulu emporter dans le grand voyage qu'il vient d'accomplir.