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Braconier Joseph (1826-1912)

Portrait de Braconier Joseph

Braconier Joseph, Charles, Frééric libéral

né en 1826 à Liège décédé en 1912 à Liège

Représentant entre 1861 et 1872, élu par l'arrondissement de Liège

Biographie

(Extrait de La Meuse, Liège, du 28 mai 1912)

Nécrologie

Une éminente personnalité du monde de la politique, de la finance et de l’industrie vient de disparaitre. M. Frédéric Braconier, ancien membre de la Chambre des représentants. ancien sénateur. est mort hier dans son hôtel du boulevard d'Avroy. Il était né à Liége, le 5 janvier 1826. Il était donc âgé de quatre-vingt six ans. Mais sa belle et robuste vieillesse semblait défier les ans. Jusqu'en ces tous derniers temps, il était demeuré actif et alerte, et il s'occupait, avec autorité et clairvoyance, des importantes affaires dont la gestion lui était confiée.

II a été emporté par une bronchite. Quelques heures avant de s'éteindre, entouré de la vénération de son épouse dévouée, de ses enfants et de ses petits-enfants, qui avaient pour lui la déférence et le respect les plus touchants, il s'entretenait encore des intérêts de son pays et du parti libéral, auquel il était attaché. Et, avant-hier dimanche, le regret qu'il manifestait à un de ses proches, c'était de ne prendre part aux élections du 2 juin qui devaient - il en avait la ferme conviction - sonner l'heure du succès des grandes idées qu'il avait toujours vaillamment défendues.

La mort est venue. le surprendre en pleine lucidité de son intelligence.

M. Frédéric Braconier a parcouru une belle existence, tout entière adonnée au travail, à l'activité, au devoir envers ses concitoyens et la patrie.

II avait fait à Liége ses études. II entra dans l'industrie. dont il devint une des notabilités les plus marquantes.

II était. en ef6et, président du Conseil d'administration de la Société de la Vieille-Montagne, du Crédit Général Liégeois, de la Société d’Ougrée-Marihaye, de la Société des Ateliers de la Meuse ; de la Société Saint-Léonard (Outils), de la Société de Charbonnages du Horloz, de la Société des Charbonnages de la Grande Bacnure, de Petite Bacnure, de Basse Rancy.

Dans les Conseils de ces puissants organismes, son avis faisait autorité. II avait une compétence particulière en matière d'industrie minière.

Son esprit d'initiative, son bon sens pratique, son jugement clair et net donnaient à son opinion une valeur et un poids considérables. Il contribua largement à porter et maintenir ces établissements au niveau élevé, à la perfection de l'outillage et de l'organisation qui ont assuré leur prospérité et qui ont acquis, à l'industrie liégeoise, une renommée mondiale. La population de notre région industrielle lui doit une profonde reconnaissance.

M. Braconier avait toujours porté le plus if intérêt à la vaillante population ouvrière de notre bassin industriel. II la connaissait de près, il savait ce dont elle était capable, les qualités de travail et d'endurance dont elle fait preuve chaque jour. II l'aimait et conscient d'amélioration de son sort, constitua une de ses principales préoccupations.

C'est dans cet ordre d'idées qu'il avait été président de l'ancienne Caisse de prévoyance des ouvriers mineurs et de l'ancienne Caisse des pensions de vieux mineurs, qui ont rendu tant de services, adouci tant d'infortunes. Il était, de même, administrateur de la Société de garantie des maisons ouvrières. A ces œuvres, il réserva le meilleur de son cœur.

M. Frédéric donna aussi une large art de son activité aux intérêts du pays. Et dans ce domaine aussi, il a rendu de signalés services.

Dès 1866, il entrait au Conseil communal de Liége. Cinq ans plus tard il était élu membre de la Chambre des représentants. Enfin, en 1872, il devenait sénateur. II conserva son siège jusqu'en 1898, c'est-à-dire pendant vingt-six ans. II jugea alors que l'âge de la retraite avait sonné pour lui et se retira pour faire place à M. Emile Dupont.

Tant à la Chambre des Représentants qu'au Sénat il s'est occupé avec la conscience, le zèle, le souci constant des intérêts lui confiés, des questions ouvrières, des pensions ouvrières et des questions de travaux publics. Là aussi, ses avis, que lui dictaient son expérience et sa haute compétence, étaient fort écoutés.

Il habitait, pendant plusieurs mois de l'année le magnifique domaine de Modave - ancien château de la famille de Montmorency. Il y était aimé et respecté de tous les habitants. Depuis de très longues années, il était bourgmestre de la commune.

M. Braconier était d'ailleurs d'un accueil charmant envers tout le monde, d'une simplicité, d'une courtoisie où se révélait la bonté de son cœur. Il était connu des Liégeois, qui se souviendront longtemps de ce vieillard, à la physionomie aimable, qui inspirait le respect et la déférence.

Le parti libéral perd en lui un de chefs les plus autorisés. un de ceux qui l'ont le dignement représentés.

M. Frédéric Braconier était commandeur de I 'Ordre de Léopold, décoré de de la Croix civique de première classe.

Il était le père de M. Ivan Braconier, de M. Raymond Braconier; le beu-père de M. Van Hoegarden-Braconier, sénateur ; le grand-père de MM. Frédéric, Jean, Philippe Braconier, de M. Jacques Van Hoegaerden, du baron de Rosen de Borkharen


(Extrait de La Meuse, Liège, du 29 mai 1912)

Nécrologie. Les Funérailles de M. Frédéric Braconier

Le monde de la grande industrie et la société liégeoise ont fait mercredi, à M. Frédéric Braconier d'imposantes funérailles. En voyant cette foule compacte, énorme, défiler respectueusement à la mortuaire, rue Hazinelle, ou appréciait, on se rendait très justement compte de perte considérable que pareille mort provoque dans le monde des affaires. L'affluence était telle que nous devons nécessairement renoncer à tenter une énumération, même brève, des personnalités Qui ont défilé devant le corps. Citons cependant la présence de M. Xavier Neujean. ministre d'Etat; MM. Magis et le baron Ancion, sénateurs ; M. Van Marcke. Député. De l’armée, noté MM. les lieutenants-généraux Heimburger et de Bray, le général Houbion, les colonels Fréson et Delforge et des officiers ; de la garde civique, M. le lieutenant-général Londot, le général baron de Menten de Horne.

La ville de Liége était représentée par M. Kleyer, bourgmestre, et les échevins Falloise, Fraigneux et Hénault. et la Députation permanente par Gaston Grégoire.

Au milieu de l'affluence réunie aux abords de la mortuaire, on distinguait la plupart des chefs des principaux établissements industriels de notre bassin. des membres de la magistrature, du barreau, des fonctionnaires des services généraux, provinciaux et communaux. des professeurs d'université, des médecins. des membres du corps enseignant. L'industrie charbonnière et le monde de la finance étaient aussi très largement représenté, ainsi la haute société liégeoise et bruxelloise.

Victor Collard représentait la Fédératian des Associations industrielles et commerciales ; M. Louis Rutten la Chambre de Commerce. et M. Jules Hogge le Tribunal de Commerce.

Le défilé devant le cercueil qui disparaissait au milieu d'une multitude de couronnes et de fleurs. s'est prolongé pendant plus d'une heure.

Avant la levée du corps. six discours ont été prononcés.

M. Philippe Banneux. vice-président de l'Union des charbonnages, au nom des Charbonnages du Horloz, dont il est le directeur gérant, des Charbonnages de la Grande et de la Petite Bacnure et au nom du Charbonnage de la Basse Ransy, a prononcé le discours suivant. qui constitue un bel hommage rendu au savoir éminent du grand industriel qui vient de disparaitre.

« Il y a soixante-quinze ars. le Grand-Maitre du Horloz comme on l'appelait alors, conduisit l’aîné de ses fils à la mine. Fréderic Braconier s'y complut. Il y resta et s'y occupa toute sa vie.

« Il se trouve être le dernier représentant des anciens Maitres de Fosses du Pays qui vécurent l’âge héroïque de l'exploitation de la houille, devant tout exiger de leur propre initiative et tout attendre de leur expérience personnelle.

« Il se plaça, dans le cours du temps. au premier rang du monde des ingénieurs des mines qui surent mettre largement à contribution les découvertes scientifiques au service de leur industrie.

« Frédéric Braconier et ses deux frères : Léon et Charles, dans cette trinité industrielle si longtemps admirée et que la mort seule a pu rompre, dirigèrent à partir de 1858 les exploitations du Horloz. la Petite Bacnure, la Grande Bacnure. la Belle-Vue et le Basse-Ransy.

« Leur père. fondateur ou rénovateur de ces exploitations en avait repris les charges successivement en 1812, 1816 et 1820.

« Deux générations de la famille Braconier suffirent pour combler tout ce siècle d’industrie, le plus remarquable qui fut.

« Frédéric Braconier occupa une place immense dans le monde des affaires. Partout sa haute intelligence et sa grande expérience l'imposaient comme une autorité de premier ordre. Quiconque, pourtant ne I’entretint de « Houillère » n'a pu le connaitre ni l'apprécier à sa réelle valeur.

« Frédéric Braconier avait la passion de la mine. Personne n’en fut obsédé et personne ne s'y sacrifia autant que lui.

« Ses premières études achevées à Liége, il les poursuivit à Bruxelles dans l'une des institutions spéciales qui existait alors. Il revint ensuite dans sa ville natale où il suivit les cours d'application de notre Ecole des Mines.

« Il devint l'élève le plus ardent. le plus dévoué et le plus convaincu d'André Dumont dont il resta le fervent admirateur.

« Il se plaisait à retrouver dans la géologie du renommé professeur toutes les notions pratiquement puisées dans la mine.

« Il devina tôt que les principes du grand maître de la géologie belge émanaient tout naturellement de nos exploitations houillères. Il lui semblait les voir se filtrer au travers de l'imagination merveilleuse du savant, pour rentrer dans l'écorce terrestre. C'est la lumière des enseignements de la mine, notamment, qu’André Dumont, à peine sorti dé l'adolescence. débrouilla l'anthraxifère, qui. jusqu'alors, défiait la perspicacité comme un problème irréductible. Rien n’étonna comme sa solution.

« Frédéric Braconier avait plus que le goût très vif de la géologie. Il en avait l’instinct.

« Il assista pour ainsi dire. à la naissance de cette science. Il la vit grandir. se développer et conquérir sa grande place moderne.

« Il entendit les derniers échos de la lutte homérique qui partagea le monde savant, vers 1820. entre Limier, d'une part. soutenant dogmatiquement les créations spontanées, et Lamarck, d'autre part, qui créa le transformisme.

« Dans sa prime jeunesse, il connut Schmerling, le célèbre explorateur belge des cavernes du pays. Il rappelait. non sans tristesse, l'indifférence et l'opposition que le monde officiel présenta aux découvertes de l'infatigable chercheur qui y perdit la santé après la fortune.

« Il assista, de plus près, aux discussions retentissantes qui éclatèrent entre deux savants beiges, à Liége même, Laurent de Koninck et André Dumont, Je premier qui prônait le caractère paléontologique comme critérium de la détermination des âges des formations;. Le second, qui s'en rapportait exclusivement au caractère stratigraphique.

« Frédéric Braconier homme de la mine avant tout et en tout, imprégné de ses renseignements, lui resta invariablement attaché sans qu'il brûlât jamais ce qu'il adorait.

« La découverte, vers 1850, du bure du « Saint-Homme » dans le couchant de Mons mit en évidence la superposition inversée des terrains houillers et dévoniens. Dunont prévit et annonça la recoupe des strates pour mines en dessous du calcaire.

« Frédéric Braconier et son père ne virent là que l’effet d’un phénomène de renversement fréquent dans nos mines. Et, effectivement, cette remarquable interprétation de Dumont fut, plus tard, sanctionnée par les reconnaissances précises.

« Frédéric Braconier. sans nier la possibilité en la réalisation des soulèvements et des affaissements de la croûte terrestre dans le sens de la pesanteur, estimait cependant qu'ils devaient être plutôt exceptionnels dans nos contrées. Il croyait surtout à des poussées tangentielles, plus ou moins normales à la direction générale des couches du bassin et même latérales, c'est-à-dire parallèles à leur direction.

« Il invoquait, pour asseoir sa conviction, nombre de raisons et. notamment, l’existence en allure horizontale de stries parallèles, systématiques. sillonnant les parois de certains dérangements traversant la formation houillère.

« II y'a quarante ans allait se publier notre première carte géologique confiée à la haute et indiscutable compétence d'un homme dont peuvent s'honorer l'Administration des mines et le pays : Jules Vanscherpenzeel-Thim. Frédéric Braconier, consulté au sujet de la synonymie des couches du bassin de Seraing, sur les deux rives du fleuve, amena son auteur à modifier son synchronisme. L'avenir prouva qu’il eut raison.

« Frédéric Braconier, le premier peut-être, relia la formation de Herstal à celle de la vallée de la Meuse.

« Sa conception du terrain houiller des Plateaux de Herve ne s'écartait pas essentiellement de certaines idées actuelles. Il estimait toutefois qu'il ne fallait pas espérer réussir dans nos explorations de la lisière méridionale du bassin avec la même hauteur que dans le Hainaut.

« L'ingénieuse théorie des « paquets faibleux », qui jouit de la vogue actuelle, le surprit sans le séduire complètement.

Il tirait de sa grande expérience de houilleur un principe qui s'applique à maintes sciences spéculatives et qu'il traduisait comme suit :

« Les hypothèses humaines compliquent toujours les actions e: les effets du jeu des énergies natureIles. »

« Peut-être, aujourd'hui. trouvera-t-on simples les solutions qu'il convenait de donner à quelques-unes de ces questions, discutées si longtemps. li ne faudrait pas perdre de vue que cette appréciation se produirait au lendemain du jour des difficultés vaincus et des problèmes résolus.

« Frédéric Braconier n’écrivait pas, parce que, doué d’une épuisable mémoire qui s'ouvrait surtout au hasard des discussions.

« Par contre, il savait parler. Il disait bien ce qu'il fallait dire avec un charme attachant et un à-propos remarquable. Personne, comme lui, ne savait résumer un débat et le dépouiller de ses détails oiseux. Rien n'échappait sa dialectique surprenante. Aussi savait-il écouter.

« Ceux qui eurent le bonheur de l'approcher et de l'entretenir se rappelleront toujours, dans son attitude silencieuse, au-dessus de son fin et beau profit, son front vaste et solide. fait, semble-t-il. pour engendrer et porter la pensée. Ils le reverront les yeux mi-clos se voilant, comme pour concentrer, comme pour concentrer en un loyer invisible de l'espace l'image de ses conceptions.

« Il aimait la discussion, la recherchait, la provoquait. Partisan en toute chose de la doctrine ouverte, il savait recueillir les objections et les éclairer de ses lumineux souvenirs.

« Dans le cours de sa longue vie, Braconier n'échappa ni aux inévitables chagrins, ni aux deuils cruels. Les affections qui l’entouraient soutinrent son optimisme naturel contre les coups de l'inexorable destinée.

« Il souriait au passé et son grand âge n'eut d'autre effet que d'adoucir son affabilité, qui se fit plus empressée, et d'accentuer sa bienveillance native, qui fut toujours si prompte qu'il n'eut jamais à pardonner.

« Comment ses collaborateurs doublement attristés, parce que cet homme éminent leur est enlevé deux fois. se feront-ils à l’idée que, pour toujours, cette grande intelligence est éteinte et que cette tête repose ?

« Au terme d'une longue carrière, belle et utile. arriva, semblant l'oublier, la mort qui se fit douce et clémente. Elle l'enleva tout entier sans effleurer sa fine et élégante physionomie, ne lui infligeant ni tare ni survie.

« On regrettera Frédéric Braconier par ses grandes qualités, par sa générosité constante, par sa façon d'être charitable dans ses actions et dans ses propos, mais on le regrettera surtout par lui-même par tout ce qu'il représentait d'urbanité, d'indulgence et de bonté. C'est la plus jolie façon de l'être.

« L'annonce de sa courte maladie nous émut. L'heure fatale sonnait. Nous ne pouvions rien attendre ni des ressources de la science, ni de l'affection de ses enfants, où devaient échouer les soins de tous les instants que lui prodiguait l’incomparable compagne de toute son existence.

« Au nom des auxiliaires désolés de Frédéric Braconier• au nom du personnel éprouvé des Mines de Basse Ransy, de Petite Bacnure, de Grande Bacnure et du Horloz. au nom de la Société des Fours à Coke de TiIIeur-Ougrée, nous adressons à sa vénérée mémoire un suprême adieu. »

M. le baron Ancion a parlé avec beaucoup d'émotion du défunt, de celui dont la fin était inattendue parce que, malgré ses 86 ans. il avait conservé une vigueur physique exceptionnelle. M. Ancion a rappelé les hautes qualités administratives la pondération, la grande bonhomie, l'amabilité et la bienveillance de M. Frédéric Bracon'er qui attirait tout naturellement vers lui les sympathies et les cœurs. Le défunt était Commandeur de l'Ordre de Léopold, mais certes nul mieux que lui ne portait plus dignement cette haute distinction.

Le chevalier Kraft de la Saulx au nom de la Société d' Ougrée-Marihaye a rendu hommage à l'activité admirable du défunt, dont la bonté et la générosité étaient proverbiales.

M. Saint-Paul de Sinçay, directeur général et au nom de la Société de la Vieille-Montagne, a dit la grande influence exercée par M. Braconier, qui fut pour la Vieille-Montagne un président écouté, et aimé que la mort ne peut faire oublier.

Pour M. Deschamps, professeur l'Université, qui parla au nom de l’Association des ingénieurs sortis de l'Ecole de Liége, le défunt était doué de qualités merveilleuses, d'un grand bon sens. Guide et conscient de ses devoirs. M. Braconier restera pour tous un grand et noble exemple.

M.. Paul d’Andrimont fit l’éloge du grand philanthrope et de la « compétence » que dut le défunt en matière de prévoyance.

II était près de 11 1/2 heures lorsque le cortège s'est formé pour se rendre à l'église. Les drapeaux cravatés de crêpe de la Mutualité de St-Léonard-Outils et celui de l'Association libérale y figuraient.

Le deuil était conduit par MM. Ivan et Raymond Braconier et M. Paul Van Hoegaerden, MM Frédéric, Jean et Philippe Braconier, M. Jacques van Hoegaerden, le baron de Rosen de Borgharen.

L'inhumation s'est faite le caveau de famille, à Tilleur.

Ajoutons qu'au cimetière un dernier discours a été prononcé par M. Pirnay, premier échevin de la commune de Modave.