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Berryer Paul (1868-1936)

Portrait de Berryer Paul

Berryer Paul, Clément, Marie, Charles catholique

né en 1868 à Liège décédé en 1936 à Liège

Ministre (intérieur et hygiène) entre 1910 et 1924

Biographie

(P. GERIN, dans Biographie nationale, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1969, tome 35, col. 17-26)

BERRYER (Paul-Marie-Clément-Charles, vicomte), sénateur et ministre catholique, avocat, homme d'affaires, né à Liège le 4 mai 1868, décédé dans la même ville le 14 juin 1936.

Son père, Charles Berryer, industriel, partageait son activité entre les affaires, les arts et les œuvres et pendant longtemps fut trésorier du Comité central de l'Union catholique de Liège.

Après s'être montré brillant élève au Collège Saint-Servais de sa ville natale, Paul Berryer fait, à l'Université de Liège, des études de droit qu'il complète par un stage à Paris. Il s'inscrit ensuite le 31 octobre 1892 au Barreau de la Cour d'appel de Liège.

Par son mariage avec Marie Dallemagne, Paul Berryer devient le gendre de Léon Dallemagne, membre important du Comité central de l'Union catholique, et le neveu de Jules Dallemagne qui fut président du Comité central de l'Union catholique et membre de la Chambre des représentants.

Paul Berryer est élu président de la Conférence du Jeune Barreau de Liège. A cette époque, il s'occupe de la direction de patronages pour jeunes ouvriers. Il connaît les théories défendues par l'abbé Pottier en matière sociale et, pendant un certain temps, verse une quote-part pour la propagande de l'Union démocratique chrétienne de Liège. Paul Berryer fut d'ailleurs à l'origine de l'adhésion de Karl Hanquet à la démocratie chrétienne liégeoise.

Jusqu'à la fin de l'année 1895, Berryer manifeste maintes fois sa sympathie pour le mouvement démocrate chrétien. Au début de 1896, il invoque plusieurs motifs pour s'en éloigner : pression de sa belle-famille qui était de tendance conservatrice, soumission aux conseils d'entente qui avaient été formulés par les évêques.

En janvier 1896, Paul Berryer entre comme membre dans le nouveau Comité de l'Union catholique de Liège, lequel élargissait ses rangs afin de mieux s'adapter à un corps électoral nouveau dont on pressentait les aspirations dans le domaine économique et social. Paul Berryer va désormais s'orienter dans les voies traditionnelles du catholicisme politique de son temps. De ses premières années, Paul Berryer garde un sens social fort averti qui apparaîtra au cours de sa carrière d'homme politique. A certains égards, il fut une importante figure du catholicisme social.

Il siège au Bureau de la Fédération ouvrière catholique de Liège, créée en 1895 pour mieux coordonner les efforts de toutes les œuvres sociales catholiques qui n'appartenaient pas à la démocratie chrétienne. On le retrouve aussi parmi les fondateurs de la Caisse mutuelle d'assistance de la Fédération provinciale chrétienne de mutualité.

Berryer est un défenseur du syndicat mixte dans le monde industriel et dans le monde agricole. Dans une brochure intitulée Unions professionnelles (Liège, 1898), il réunit de nombreux discours et articles qu'il avait composés en faveur d'un syndicat résolument chrétien dans lequel les membres devaient considérer la religion, la famille et la propriété comme les bases fondamentales de l'ordre social. Toute l'action syndicale vise, selon Berryer, à améliorer les rapports entre ouvriers et patrons et pour ce faire, à éviter les grèves. C'est avec nostalgie qu'il évoque le fonctionnement des corporations du moyen âge.

Parallèlement à son action sociale, Berryer participe avec ardeur à la campagne menée contre l'alcoolisme et publiera sur ce sujet : Le monopole de l'alcool (Liège, 1898).

En 1903, il est nommé vice-président de l'Union catholique, dont il va devenir président au lendemain de la première guerre mondiale.

Ce n'est pas sans raison qu'au milieu du conflit qui oppose à Liège à cette époque démocrates chrétiens et catholiques traditionnels, l'Union catholique ait placé sur sa liste électorale le nom de Berryer. Par ses années consacrées à l'action sociale, Berryer devait inévitablement attirer les voix des catholiques hésitants au détriment de la liste de l'Union démocratique chrétienne et devenir le candidat de l'entente ; aussi, le 18 octobre 1903, était-il élu conseiller communal. Pour des raisons semblables, Berryer figure sur la liste des candidats de l'Union catholique aux élections législatives de 1908.

Le 24 mai, il est élu sénateur. C'est, à l'époque, le plus jeune membre de cette haute assemblée dans laquelle il œuvrera jusqu'à sa mort. A partir de 1932, il en deviendra le doyen d'âge.

Le 5 septembre 1910, lors du remaniement du Cabinet Schollaert, Paul Berryer remplace le baron Descamps à la tête du département de l'Intérieur. Benjamin au Sénat, Berryer l'était aussi au Conseil des ministres.

Cette promotion ministérielle s'est accomplie en dépit des goûts personnels de Berryer qui, s'étonnant d'un bruit lancé par la Gazette de Liège, écrit au début de l'année (Spa, 3 avril 1910, papiers de famille) à son oncle Jules Dallemagne : « ... Je trouve que les Ministres ont une vie de chien dont ... je ne voudrais à aucun prix. Je n'ai ni les qualités ni les défauts qui peuvent pousser un homme à ces fonctions. » Je sais que personne ne pense à moi. Mais on y penserait même que je ne serais ni assez dévoué, ni assez présomptueux, ni assez ambitieux pour avoir la faiblesse d'accepter (...) ». Or, au début de cette année 1910, Berryer s'efforce, avec l'appui de personnalités importantes du parti catholique, du cardinal Mercier et de démocrates chrétiens comme Karl Hanquet et Paul Tschoffen, de rétablir l'entente cordiale entre les catholiques liégeois, du moins sur le plan électoral. Il est un des principaux artisans d'une collaboration entre les deux ailes catholiques de Liège.

Sous l'influence de Charles Woeste qui ne voulait en définitive que l'écrasement de l'aile démocratique au sein du parti catholique, Paul Berryer finit par accepter un portefeuille ministériel (Ch. Woeste, Mémoires, t. II, p. 372). En manœuvrant de la sorte, le vieux tacticien qu'était Woeste espérait vraisemblablement écarter, en un moment propice, de la scène liégeoise un artisan d'une entente qui ne lui était pas chère. De Bruxelles pourtant, malgré une tâche absorbante et en dépit d'un durcissement de la part d'un certain groupe fortement conservateur, Berryer va s'efforcer de poursuivre l'action délicate qu'il avait entamée à Liège.

Il conserve son portefeuille dans le ministère formé par Charles de Broqueville, du 17 juin 1911 au 21 novembre 1918. Il doit ainsi faire face à la grève générale de 1913 organisée par les socialistes en vue d'obtenir le suffrage universel pur et simple. Il se montre circonspect en cette matière et s'efforce de mettre un frein à des exigences qu'il considère comme excessives. Il participe aussi au Conseil des ministres où fut rédigée la réponse du Gouvernement belge à l'ultimatum allemand, le 3 août 1914. Au cours de la guerre, il dirige au Havre le service des réfugiés et des colonies scolaires. A ce titre, il obtient de son chef de cabinet, le baron de Broqueville, sa nomination comme ministre d'État (21 novembre 1918).

Il est appelé une deuxième fois à la tête du ministère de l'Intérieur et de l'Hygiène dans le cabinet Theunis formé le 16 décembre 1921. Il fut parmi ceux qui optèrent pour une solution transactionnelle dans le problème de la flamandisation de l'Université de Gand, rencontrant ainsi les désirs intimes du roi Albert (Laeken, 5 août 1923, lettre du Roi, papiers de famille).

Mais d'autres événements intérieurs et extérieurs grèvent les préoccupations du Gouvernement. Les partis sont divisés, des tendances divergentes apparaissent en leur sein. Le colonel Theunis reconstitue son cabinet selon des dosages dignes de l'alchimie politique la plus compliquée et remplace Berryer par un autre Liégeois, démocrate chrétien cette fois. Le 11 mars 1924, Berryer donne officiellement sa démission comme membre du Gouvernement.

Vivement opposé à l'alliance avec les socialistes, Paul Berryer refuse d'accorder sa confiance à l'équipe ministérielle Poullet-Vandervelde constituée en juin 1925. Ayant ainsi désavoué ce nouveau Gouvernement, Berryer s'abstient de voter tous les budgets qui sont présentés au Parlement par les ministres en place. Le chaos politique et la dégradation financière de la Belgique allant en augmentant, Berryer n'hésite pas à voter, dix ans plus tard, la confiance au ministère Van Zeeland (30 mars 1935), lequel, comme on le sait, comprenait notamment des personnalités du monde socialiste.

Si le nom de Berryer ne s'attache à aucune loi, il convient cependant de souligner l'efficacité de certaines interventions du sénateur liégeois dans les discussions générales et dans l'élaboration des lois.

Avant la première guerre mondiale, il s'est signalé en réclamant une réglementation en matière d'accidents provoqués par les voitures automobiles à des piétons. Il préconise le renversement de la preuve, « la victime n'ayant plus de preuve » de fautes à faire et ce fardeau » passant sur les épaules de l'auto» mobiliste ». Déjà à l'époque, il se prononce pour la responsabilité civile du propriétaire d'une voiture prêtée à un tiers (séances du 4 et du 10 juin 1909 au Sénat).

A maintes reprises, Berryer va se poser comme le défenseur de la ville de Spa : en 1911 et en 1928, il réclame l'aide du Gouvernement pour faciliter l'exploitation des eaux minérales ; en 1914 et en 1922, il sollicite l'autorisation d'ouvrir des jeux dans la ville afin de lui donner un certain regain de prospérité. Dans la séance du 1er mars 1928, Berryer déclare d'ailleurs : « je suis Spadois par droit de bourgeoisie d'honneur ».

Les problèmes d'hygiène et de santé font l'objet d'une attention toute spéciale du ministre de l'Intérieur et du sénateur. C'est Berryer qui a doté le pays d'inspecteurs d'hygiène, c'est à lui que l'on doit, pour une bonne part, la mise sur pied de l'œuvre des nourrissons, l'organisation systématique de la vaccination antidiphtérique, la lutte entreprise par les pouvoirs publics contre la tuberculose et les maladies vénériennes. En 1911, il défend un projet de loi visant à organiser un service de vaccination, l'inspection médicale scolaire et la vérification médicale des naissances et des décès. Il impose aux communes d'une certaine importance l'institution d'un service public de désinfection et l'établissement d'un bureau d'hygiène et d'un hôpital d'isolement pour malades atteints d'affections contagieuses.

Un an avant son décès, il souligne devant les membres du Sénat les services que sont appelés à rendre les instituts de transfusion sanguine qui s'établissent dans le pays. Le roi Albert a vivement encouragé Paul Berryer dans sa politique sanitaire et tout particulièrement en ce qui concerne la distribution et la répartition équitable d'eau potable entre tous les Belges {Annales parlementaires, Sénat, 1927-1928, p. 535).

Comme ministre de l'Intérieur, il eut l'honneur, en novembre 1922, de déposer devant les Chambres le projet du Gouvernement de glorifier la mémoire d'un soldat inconnu mort au cours de la première guerre mondiale.

Si, pour certains, Berryer était un représentant authentique de la Wallonie, pour d'autres il apparaissait comme « un semblant de satisfaction donné aux revendications de la Wallonie. » (L'Express, 12 août 1910).

Wallon, il est fier de l'être, mais il ne partage pas les vues de certain mouvements en faveur d'une Wallonie libre. Pris à partie par un groupe de manifestants anti-flamingants, il leur répond : « Vous avez raison de crier Vivent les Wallons mais non pas Vive la séparation administrative » {Pays wallon, 1e r février 1911). La solution de la question flamande résulte, selon lui, d'un bilinguisme généralisé notamment en matière administrative. Il s'oppose vivement à la constitution de deux rôles linguistiques parmi les agents de l'administration afin d'éviter que les Flamands ne détiennent la majorité des emplois en subissant non seulement l'examen d'entrée pour le rôle flamand mais aussi pour le rôle français (Annales parlementaires, Sénat, 1920-1921, p. 422). Lui-même ne comprenait pas le flamand (Ibid., 1929-1930, p. 77) et la bonne volonté dont il désire faire preuve lors du vote de la loi linguistique de 1921 s'émousse au fil des ans ; tant et si bien que Paul Berryer préfère s'abstenir lors du vote de la loi linguistique qui régira les enseignements primaire et moyen (12 juillet 1932).

A plusieurs reprises, il intervient pour que le droit de vote soit accordé aux femmes lors des élections provinciales.

Mais Paul Berryer n'appartient pas seulement au monde politique, il occupe une place importante dans le monde des affaires où il marche sur les traces de son père et de son oncle. Dès 1906, il participe comme commissaire au Conseil d'administration des Charbonnages de La Haye (Liège) dont il devient administrateur en 1921. Il est en outre administrateur (1916) puis président (1920) de la Maison Beer ; celle-ci s'occupait de construction, de vente et d'achat de machines à vapeur (Jemeppe-sur-Meuse). A partir de 1923, Paul Berryer s'intéresse de plus en plus à l'administration de sociétés dont parfois même il assume la présidence. Jusqu'à son décès, il est commissaire des Charbonnages de Wérister (depuis 1923) ; administrateur de la Société d'Électricité du pays de Liège (depuis 1928) ; administrateur de la Compagnie géologique et minière des ingénieurs et industriels belges « Géomines » (depuis 1928) ; administrateur des Orfèvreries Wiskeman (depuis 1929) ; administrateur de la Compagnie des plantations de cafés et d'exploitations forestières de Stanleyville « Cafegas » (depuis 1929). Administrateur des Ateliers Gamain (depuis 1928), il en devient vice-président en 1935. Administrateur des Carrières du Bois d'Anthisnes et extensions (depuis 1927), il en assume la vice-présidence en 1929-1930, puis la présidence à partir de 1932. Administrateur de la Banque Chaudoir (depuis 1928), il en devient président dès 1932. Depuis 1928 jusqu'en 1936, il préside les destinées de la Société minière et métallurgique Alliance-Monceau ainsi que des Grands hôtels du Katanga (Hotelkat). De 1922 à 1928, il est président de la Banque foncière. En 1928-1929, il préside la Société belge pour le commerce au Katanga (Sobelkat).

Paul Berryer n'a pas occupé une place de premier plan dans l'histoire de la Belgique contemporaine. Sur le plan social, ce fut un homme épris d'idées généreuses ; bien des interventions au Sénat, bien des mesures qu'il prit en tant que ministre le prouvent. Ce fut un conciliateur, épris de paix, ainsi apparaît-il dans la solution d'une entente entre catholiques liégeois avant 1914, ainsi veut-il être, au lendemain de la guerre, face à la question flamande. Ce n'est pas sans raison que le roi Albert le créa vicomte en novembre 1921.

Paul Berryer fut avant tout un homme d'action. Régulièrement il collabora à la Gazette de Liège. Les rares écrits qu'il a laissés sont issus des luttes politiques, sociales, morales ou religieuses qu'il a menées. Outre les titres cités, relevons entre autres : De 1884 à 1900 (Bruxelles, 1900) ; Pourquoi pas socialistes ?... (Bruxelles, 1902).

Un portrait de Paul Berryer peint par Marguerite Kraft de la Saulx se trouve encore conservé dans la famille Berryer (chez un petit-neveu : M. Paul-Evence Berryer, 45, rue Marcel Aubertin, à Berchem-Anvers)


Voir aussi , sur le site du sénat de Belgique:

Paul Berryer, l'engagement catholique dans les bons comme dans les mauvais moments (consulté le 12 octobre 2025)