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Bergé Henri (1835-1911)

Portrait de Bergé Henri

Bergé Henri, Joseph, Napoléon liberal

né en 1835 à Bruxelles décédé en 1911 à Schaerbeek

Représentant entre 1870 et 1894, élu par l'arrondissement de Bruxelles

Biographie

(Extrait du Petit Bleu du matin, 30 mars 1911)

Une triste nouvelle, que nous faisions prévoir hier : M. Henri Bergé a succombé.

Né à Bruxelles le 31 décembre 1835, il avait été nommé, tout jeune encore, professeur de chimie au Musée de l’industrie ; il fut chargé un peu plus tard des leçons de physique et de chimie aux cours publics de la ville (leçons qu’il donnait, il y a quelques jours encore), puis on lui confia la chaire de chimie industrie à l’école polytechnique. L’université libre l’a compté parmi ses recteurs.

En 1870, les électeurs libéraux de l’arrondissement de Bruxelles l’envoyèrent à la Chambre des représentants et il y joua, durant de longues années, un rôle très actif. Depuis 1868, il était le président de l’Association libérale de Schaerbeek ; en 1893, les libéraux du pays entier prirent part à la manifestation par laquelle cette association célébra le XXVème anniversaire de son entrée en fonctions.

M. Bergé était un savant de haute valeur ; il a publié des travaux et fait des inventions remarquables. La ville de Bruxelles lui avait confié la direction de ses laboratoires de chimie et de bactériologie.

Son fils, M. Al. Bergé, échevin de Schaerbeek, est également un chimiste très distingué.

M. Henri Bergé est décédé en sa petite maison de la rue de la Poste. Ses funérailles seront célébrées demain vendredi à 3 1/2 heures.


(Extrait de la Dernière heure, du 30 mars 1911)

Mort de M. Henri Bergé

M. Henri Bergé, ancien député, vient de mourir ; malgré son grand âge, soixante-seize ans, rien ne faisait prévoir une fin si brusque.

Il a une quinzaine de jours, M. Bergé s'était enrhumé ; depuis une semaine, il devait garder le lit ; il a succombé mercredi matin à une double pneumonie.

C’est une physionomie bien bruxelloise qui disparaît ; sa grande barbe de fleuve, ses traits accentués, lui donnaient un profil de médaille assyrienne; c'était une de ces figures expressives que l'on n'oublie plus après les avoir vues une première fois.

Né à Bruxelles, le 30 décembre 1835, M. Henri Bergé fit ses études à l'université libre de Bruxelles ; les sciences physiques et chimiques l'attirèrent bientôt tout particulièrement, et à dix-neuf ans, il publiait un mémoire dont la presse entière de l'époque rendit compte. Ses études n'étaient pas terminées, que déjà il donnait des conférences à l'université même.

Il fut successivement nommé professeur de chimie au musée de l'industrie professeur de physique et de chimie aux cours de la ville de Bruxelles, poste qu'il occupa jusque dans ces derniers temps, et professeur de chimie industrielle à l’école polytechnique.

Il occupa aussi, avec une grande autorité, le poste de recteur de l'université de Bruxelles.

M. Henri Bergé joua un rôle important en politique. Durant de longues années, il représenta à la Chambre l'arrondissement de Bruxelles; c'était un bon libéral qui consacra la majeure partie de sa vie à son parti et à la propagande des idées qui lui étaient chères.

Il fut élu député, pour la première fois, le 2 avril 1870,en remplacement de M. Broustin ; il prêta serment le 9 août de la même année. Il fut réélu le 11 juin 1872 et admis à la Chambre le 12 novembre de la même année. Réélu le 13 juin 1876 et admis le 14 novembre ; réélu le 8 juin 1880 et admis le 3 août de la même année, il fut remplacé, le 10 juin 1884, par M. Jules de Borchraeve. Mais le 14 juin 1892, il était élu à nouveau et reparaissait à la Chambre le 12 juillet de la même année ; candidat en 1894, il ne fut pas réélu. Il prit aux travaux de la Chambre une part très active ; il s'occupa notamment et tout particulièrement des droits d’accises frappant les bières, et son rapport servit de base aux dispositions de la législation belge sur la brasserie.

Scharbeekois de cœur et d'âme, il présida jusqu'en 1893 l'Association libérale de sa commune ; il fut l'objet, à l'occasion du 25ème anniversaire de sa présidence, d'une éclatante manifestation de sympathie.

Pendant près d'un demi-siècle, il se consacra aussi à la politique communale il donna une grande impulsion aux services publics ; sa compétence s'est manifestée surtout dans le domaine de l’hygiène.

En tant que chimiste, sa réputation était universelle ; il fut appelé en qualité d'expert dans de nombreuses affaires d'empoisonnement et souvent son avis décida du verdict.

Il était de cette génération puissante qui comptait des hommes comme Henri Robert, Charles Graux, Janson, Feron, Hector Denis. Il avait été, avec Charles Graux, un des fondateurs du journal La Liberté.

Il fit paraître un grand nombre de mémoires et d’études.


(Ed. M., M. Henri Bergé, dans Les Hommes du Jour (revue biographique hebdomadaire), 1884, n°32, pp. 133-136)

C'est certainement une des personnalités les plus accaparantes de notre monde politique que le représentant de Schaerbeek dont nous avons à esquisser aujourd'hui la biographie.

M. Henri Bergé est né à Bruxelles le 31 décembre 1835. Elève de l'université de cette ville, il y fit d'assez brillantes études et se signala surtout par une prédilection marquée pour les sciences physiques.

A la suite d'un concours, - il avait alors environ 22 ans, - il fut nommé professeur de chimie au Musée de l'Industrie.

Le succès de son enseignement public le fit remarquer par les autorités communales, qui le nommèrent bientôt professeur de physique et de chimie industrielle aux cours de la ville de Bruxelles.

Peu de temps après, le conseil académique, sur la proposition de la faculté des sciences de l'université, lui confia le cours de chimie industrielle à l'école polytechnique.

Ce qui distingue M. Henri Bergé, indépendamment de l'étendue de ses connaissances scientifiques, c'est la clarté et la précision de sa méthode d'enseignement, que vient seconder une élocution facile et parfois élégante. Aimable et d'une bienveillance extrême, - en tant que professeur, - M. Bergé a su, pendant toute la durée de sa carrière pédagogique, se concilier à la fois l'estime de ses collègues et l'affection de ses nombreux élèves.

Comme recteur de l'université de Bruxelles, il a laissé des souvenirs précieux de sa présence dans ce poste élevé, par des réformes et des innovations d'un caractère éminemment libéral. Les services rendus à l'enseignement par M. Henri Bergé sont immenses.

Il fut le fondateur de la Ligue de l'Enseignement (qui tint même sa première séance chez lui) et l'un des premiers fondateurs-souscripteurs de l'Ecole normale de garçons.

Nommé professeur de physique de l'école normale de filles, en 1878, il dut renoncer à cet emploi, devenu incompatible avec son mandat de député, l'école normale passant à l'Etat en 1881, par application de la loi de 1879. Il resta, toutefois, professeur honoraire, titre dont il se glorifie.

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Au point de vue philosophique, M. Bergé est incontestablement un des plus sincères libéraux de notre époque.

Avec MM. Van Bemmel et Gillard, il fit, dans le Libre Examen, une guerre acharnée et sans merci au cléricalisme, jusqu'à l'époque - en 1867 - où ce journal fusionna avec la Liberté.

Il donna, en 1863, l'exemple d'un mariage civil, ce qui lui valut les attaques de toute la meute cléricale.

Actuellement, M. Bergé est grand-maître national de la franc-maçonnerie.

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Si l'homme de la science mérite les éloges et l'admiration de tous, même de ses ennemis, on ne peut, malheureusement, en dire autant de l'homme politique.

Les services rendus par lui à la science et l'honorabilité de sa vie, lui valurent les suffrages des électeurs de l'arrondissement de Bruxelles, qui l'envoyèrent à la Chambre en 1870, année où, seul, il s'abstint dans le vote de l'adresse au roi, parce qu'elle contenait une invocation à la divinité.

Aujourd'hui, s'il fallait sauver le ministère, il voterait cette adresse comme il a repoussé, en 1883, l'ordre du jour sur la prise en considération de la proposition relative à la révision de la Constitution, après avoir voté semblable proposition en 1870.

Il a commis cette palinodie avec une légèreté de cœur qui dénote qu'il est disposé à en commettre bien d'autres, si, bien entendu, il continue à avoir la confiance du corps électoral bruxellois, ce qui n'est pas suffisamment démontré.

Plein de convictions généreuses et de dévouement au progrès dans l'ordre politique, économique et social, en entrant au Parlement, il ne tarda pas à se corrompre à cette atmosphère frère-orbanesque, à qui nous sommes redevables des pantalonnades dont nous avons journellement le triste spectacle sous les yeux. Tant et si bien qu'il ne recule même plus devant le sacrifice de ses convictions les plus chères .

On se rappelle encore les fameuses lois d'impôts votées l'année dernière et qui ont contribué à enlever au ministère-écrevisse que nous subissons le peu de prestige que son étiquette libérale lui avait conservé.

M. Bergé, dans s un magistral rapport qui sera son éternelle honte, combattit les impôts de consommation qui atteignaient surtout les classes ouvrières et vota avec le ministère, c'est-à-dire contre son propre rapport !!!

On nous dirait que cette volte-face lui valut une sinécure de plus, grassement rétribuée, que nous n'en serions nullement étonnés ; car, si M. Bergé a des connaissances multiples en sciences physiques ou, chimiques, il possède au suprême degré la science de l'accumulation des écus. C'est certainement un des plus habiles cumulards de notre Parlement , et l'on sait s'il en contient !

Ce que cet homme s'est octroyé de parts dans la distribution de la manne officielle est inimaginable. Il grignote dans un tel nombre de fromages, que les appointements, afférents aux multiples mais lucratifs emplois qu'il occupe, suffiraient à l'entretien d'une dizaine de familles.

On peut évaluer, sans exagération, à plus de quarante mille francs le produit annuel des nombreuses fonctions qu'il occupe actuellement, et parmi lesquelles nous citerons celles de représentant, de conseiller communal , de professeur à l'université et à l'école normale de Bruxelles, de professeur des cours publics de chimie et de physique expérimentale, de chimiste de la capitale, d'expert judiciaire, etc., etc., etc., sans compter les produits extraordinaires, tels que ceux que lui ont valus les séances de la commission de l'enquête scolaire.

Et l'on viendra, après cela, nous parler de déficit et des économies à faire sur les petits employés, s'entend !

Attends, je viens !!!

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Mais revenons à nos moutons, nous voulons dire à notre Bergé.

Actuellement conseiller communal à Schaerbeek, il est le véritable bourgmestre de cette commune. Le titulaire d e l'emploi, M. le général pensionné Colignon (homme estimable, sans doute, mais sans aucune valeur administrative au civil), n'a été engagé – qu’on nous passe l’expression – que pour jouer les doublures.

Que ceux qui nous taxeraient d'exagération aillent, un soir, à une séance du conseil communal de Schaerbeek lorsqu'une question un peu importante est à l'ordre d u jour, et ils seront édifiés.

Il ne se fait rien dans la commune que M. Bergé ne veuille. Il est l'âme d u collège, quoiqu'il n'en fasse plus partie officiellement.

C'est à lui que la commune de Schaerbeek doit le fameux contrat qu'elle a passé, à la veille des élections communales de 1878, avec la compagnie du gaz d e Saint-Josse-ten-Noode, et qui a été la cause de son échec électoral du mois d'octobre de cette année. C'est encore à lui que cette commune devra l'hôtel communal actuellement en construction, une erreur colossale qui lui coûtera le restant de sa popularité, et qui lui vaudra aux prochaines élections communales une opposition résolue à le renverser.

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Président de l'Association libérale schaerbeekoise, il y possède sa petite coterie, toute à sa dévotion, ne jurant que par lui.

Oui, mais voilà ! c'est que M. Bergé est grand dispensateur de places ou d'avancements ; et Schaerbeek compte énormément d'employés de l’Etat parmi ses habitants. Et l'Association libérale est composée en majorité de télégraphistes très militants.

Inutile de dire que quand le berger a parlé, le troupeau bêle de même . Ce n'est pas plus difficile que cela.

Les divisions, dans le parti libéral schaerbeekois, sont grandes. Il fut un temps où il y avait des bergeristes, d e s discailliens, etc., etc. Actuellement, il y a énormément d'anti-bergeristes.

Au contact de son entêté patron, - M. Frère -, M. Bergé est devenu autoritaire, absolu et despote : qui n'est p a s avec lui est contre lui.

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Orateur écouté, sinon éloquent, nul ne possède mieux que lui le talent d'empoigner son public et de provoquer des applaudissements. Il recherche l'effet plutôt que la forme.

C'est ainsi que dernièrement encore, lors du renouvellement du comité de l'Association de Schaerbeek, M. Bergé avait manifesté l'intention de ne plus accepter la présidence (d'aucuns prétendent que c'était une porte de derrière qu'il s'était réservée en cas d'échec).

Une candidature lui fut opposée, celle de M. le docteur Impens. Au début de la séance qui précédait le poll, ce dernier déclara qu'il n'accepterait pas d'entrer en compétition avec M. Bergé et déclina toute candidature.

Alors, se levant majestueusement, l'honorable député entama sa harangue :

« Il m'avait semblé, dit-il en substance, qu'après une carrière aussi laborieuse que la mienne, le repos m'était acquis et que d'autres pouvaient continuer l'œuvre à laquelle j'ai travaillé jusqu'ici. Mais en présence des attaques dont j'ai été et dont je suis encore l'objet de la part de certains membres, il ne m'appartient pas de me retirer.

« Mes amis, des sincères ceux-là, sont venus me persuader que le succès de notre parti dépendait de mon acceptation. Je n'ai pas hésité. C'est par la grande porte que je veux rentrer, et non pas autrement ! »

Et le tour était joué. M. Bergé fut réélu président, non sans quelques accrocs à sa popularité.

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Causeur agréable, il a donné, dans presque tout le pays, des conférences qui obtinrent toujours un certain succès.

A la Chambre, chaque fois qu'une question d'enseignement est à l'ordre du jour, M. Bergé fait montre de ses connaissances pédagogiques.

Alors seulement il parvient à nourrir ses discours et à les rendre intéressants.

Quant à ses harangues politiques, elles sont désespérément toujours les mêmes, bourrées des mêmes lieux communs, terminées des mêmes péroraisons.

Dans les réunions publiques, il manie le fer-blanc avec une aisance remarquable, surtout lorsqu'il traite la question cléricale, son thème favori. Il s'élève avec empressement au diapason de son auditoire, reprend vingt fois la même pensée dans une forme sans cesse renouvelée et continue ainsi jusqu'à ce qu'il ait écrasé l'infâme.

Ses péroraisons sont souvent pénibles et laborieuses ; elles sont semées d'incidentes qui l'obligent à rentrer dans son sujet et à finir ses discours par une espèce de post-scriptum. C'est un mal dont il n'est jamais parvenu à se guérir, malgré les avertissements d'amis complaisants.

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S'il peut en même temps conserver ses innombrables emplois, il est possible qu'il devienne ministre de l'instruction publique, quand M. Van Humbeek se décidera un jour à aller soigner ses rhumatismes, à la Demi-Lune ou ailleurs, et étant donné que M. Bébé-Vanderkindere soit renvoyé à son biberon, - ce qui est assez probable, du reste.

Une chose est certaine, si jamais M. Bergé entre au ministère : c'est que le règne des Valère et Genonceaux, les ronds de cuirs à opinions aussi variées que la couleur des couvertures de leurs manuels, sera terminé.

Le représentant de Schaerbeek a refusé maintes fois l'écharpe de bourgmestre de cette importante commune.

C'est que la place ne vaut que six mille francs par an, et M. Bergé, qui connaît le proverbe anglais : time is money, ne donne pas son temps pour si peu de chose.

Certains de ses intimes prétendent qu'il ne se représentera plus aux suffrages de ses électeurs, tout au moins pour le conseil communal.

Ce serait certainement dommage, en toute sincérité, quelle que soit l'attitude funeste qu'il ait tenue dans différentes circonstances, car le conseil communal de Schaerbeek, qui compte 25 membres, n'est composé, à part trois ou quatre exceptions, que de nullités dont l'ignorance n'a d'égale que leur suffisance.

Et, quoiqu'on en dise, à défaut de grives, il faut bien manger des merles.

Ed . M.


(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, p. 20)

Conseil communal (1869-1875), puis échevin (1876-1878), puis conseiller communal de Schaerbeek (1879-1884)