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Ansiau Henri (1810-1879)

Portrait de Ansiau Henri

Ansiau Henri, Augustin, Joseph libéral

né en 1810 à Mons décédé en 1879 à Casteau

Représentant entre 1848 et 1874, élu par l'arrondissement de Soignies

Biographie

(Extrait de : E. BOCHART, Biographie des membres des deux chambres législatives, session 1857-1858, Bruxelles, M. Périchon, 1858, folio 11)

ANSIAU, Henri-Augustun-Joseph,

Chevalier de l’Ordre Léopold

Né à Mons, le 10 mai 1810,

Représentant, élu par l’arrondissement de Soignies

Ancien élève de l'Université de Liége, M. Ansiau alla perfectionner à Paris les talents qui devaient un jour le faire distinguer parmi ses concitoyens.

Après avoir terminé ses études de droit, il préféra aux luttes du barreau l'agronomie, et consacra ses loisirs à la politique, où il trouva bientôt une mine féconde de travaux utiles à son pays. Pour celui qui entre dans le monde des idées politiques, la Presse est la première tribune: M. Ansiau débuta par des articles de journaux, et fut remarqué par son style incisif et ses inspirations énergiques. Grand propriétaire, indépendant par goût et par position, mûri avant le temps par de fortes études, il avait déjà, pour ainsi dire, sa place désignée à la Chambre.

En 1835, à l'âge de vingt-cinq ans et quelques jours, M. Ansiau fut élu représentant par l'arrondissement de Soignies. Après d'assez longs débats, cette élection fut annulée par la Chambre pour vice de formes.

Les électeurs réparèrent promptement cet échec par une nomination au conseil communal, et M. Ansiau ne tarda âs à déployer des qualités administratives qui l firent avancer de plus en plus dans l’estime publique, et lui valurent en 1847 les honorable fonctions de bourgmestre/

Les libéraux n’avaient pas oublié leur ancien élu. L’occasion se présenta de le faire rentrer dans la lice, et le nom de M. Ansiau sortit vainqueur de l’urne électorale en 1848.

Les temps étaient difficiles : le nouveau Représentant de Soignies se montra, en abordant la tribune, répartiteur sévère des deniers de l'État, et rigide défenseur du progrès financier par l'économie la plus stricte.

Le projet de modification à la loi des pensions des Ministres lui permit de développer ses idées sur le système rémunérateur du gouvernement.

« Nous ne devons pas nous dissimuler, messieurs, s'écrie l'honorable M. Ansiau, ce qu'a de brûlant le terrain sur lequel nous nous trouvons placés ; mais, hâtons-nous de le dire, il s'agit ici bien moins d'une question de principe que d'une question de personne ; je crains fort, en un mot, que l'on ne se préoccupe bien plus d'intérêts individuels, que de l'intérêt social lui-même.

« Or, ce serait seulement alors qu'il pourrait être question de violer un principe de cette nature, que je concevrais les craintes, les terreurs de la section centrale, ou du moins de la majorité de cette section.

« Ces craintes, ces terreurs, je ne saurais les partager : ce sont là de vains fantômes, et j'ai beau me pencher, prêter l'oreille, je vous avoue que je n'entends nullement sous mes pieds le bruit souterrain de la sape du socialiste ou du communiste, lorsque se trouve posée la question de savoir si d'anciens Ministres continueront religieusement à émarger les termes d'une grosse pension qu'ils n'ont pas, pour la plupart, méritée, mais qu'une législature, composée en majeure partie d'éléments serviles, leur a gracieusement octroyée. C'est de l'histoire, messieurs; vous vous débattrez vainement sous le poids de son arrêt.

« La Chambre nouvelle a été envoyée ici avec un mandat de complète révision, j'allais dire de quasi réaction contre les lois de finances. Nous avons la mission expresse de revenir sur les lois de prodigalité faites alors que les fonctionnaires, c'est-à-dire les parties prenantes, votaient le budget.

« Ce sont les fonctionnaires, je dis les fonctionnaires députés qui ont perdu le gouvernement de Louis-Philippe ! que dis-je ? qui ont compromis l'ordre européen tout entier ; leur âpreté n'avait point de bornes; elle n'avait pas assez de tout l'avoir, de toutes les ressources de la France. Puis, un beau jour, quand on n'eut plus rien à leur livrer en pâture, ces hommes ont jugé qu'ils n'avaient plus intérêt à défendre la monarchie contre ses ennemis : ils l'ont lâchement laissé tomber, et aucun n'est resté fidèle à de grandes infortunes. »

Puis, plus loin, l’orateur ajoute :

« Je n'hésite pas à dire que nous avons le droit et le devoir de supprimer cette loi, et d'en faire cesser, dès maintenant tous les effets. »

La loi du 21 juillet 1844, qui accordait aux ministres une pension de quatre mille francs au bout de deux années d'exercice, avec cinq cents francs en plus pour chaque année ultérieure jusqu'au maximum de six mille francs, fut le point de mire des attaques du représentant de Soignies.

« C'est une loi politique, dit-il, un simple acte de libéralité, de munificence. Le législateur peut, quand il le juge à propos, y mettre un terme. L'état de nos finances, grâce à ceux qui profitent de la loi de 1844, ne nous permet pas d'être plus longtemps prodigues, magnifiques. A l'époque laborieuse où nous nous trouvons, messieurs, il n'est pas possible de tolérer les abus; il faut appeler les choses par leur nom, dire à chacun son fait, et à tous la vérité. Les expédients, les demi-mesures, la pusillanimité, croyez-le, seraient de nature à tout perdre.

« Le vent, dans certaine région de cette assemblée, souffle parfois à la chevalerie. Eh! bien, messieurs, inspirons-nous aujourd'hui de la devise de l'un de ces preux, le plus populaire du moyen-âge : Votons sans peur, et nous serons sans reproche. »

La vivacité de ce langage émut le Parlement et donna lieu à d'irritantes controverses dans la presse pendant les deux premiers mois de l'année 1849. Un seul journal prit ouvertement la défense de l'honorable représentant de Soignies, et publia jusqu'à dix articles de discussion pour le soutenir.

Cependant la loi de 1844 semblait ébranlée à sa base : à côté de récompenses justes et nécessaires, les partisans des réformes radicales la voyaient incliner par certaines dispositions à des rémunérations que ne pouvaient admettre les nécessités du trésor. L'avis de l'honorable M. Ansiau prévalut en partie, et la loi du 19 février 1849, contresignée par M. Frère-Orban, abrogea celle de 1844.

Dans la session 1850-1851, M. Ansiau fit partie du bureau de la Chambre en qualité de secrétaire, et la confiance de ses collègues le maintint dans ces fonctions pendant les quatre sessions suivantes.

La commission de naturalisation l'a toujours compté au nombre de ses membres ; le représentant de Soignies est regardé à bon droit comme l'une des sentinelles les plus vigilantes de notre nationalité.

L'honorable M. Ansiau a prononcé peu de discours ; mais les Annales Parlementaires ont recueilli ses nombreuses observations, notamment sur la question des canaux, où il voudrait qu'on établît l'égalité des droits de péages ; sur celle des chemins de fer, ces grandes voies de l'industrie, qui ont rendu tant de services à la Belgique ; sur les questions relatives aux céréales, et à la protection due à l'agriculture ; sur l'enseignement primaire, dette de la patrie envers tous les citoyens.

Réélu député aux élections générales de décembre 1857, l'honorable M. Ansiau est resté dans sa ligne de conduite adversaire déclaré des abus et ami sincère de son pays.


(Extrait de l’Echo du Parlement, du 4 novembre 1879)

Funérailles de M. Ansiau

Au cimetière, M. Pennart a prononcé le discours suivant :

Messieurs,

Je viens, au nom de l'Association libérale de l'arrondissement de Soignies, apporter à mon tour un légitime tribut de regrets sur la tombe d'un des plus vaillants et des plus dévoués de nos amis politiques.

La place qu’Henri Ansiau a occupée et le rôle qu’il a joué depuis plus quarante années dans les diverses manifestations de la vie politique de notre arrondissement sont considérables.

A peine avait-il quitté les bancs de l'Ecole de droit de la Faculté de Paris où il avait été conquérir son diplôme de docteur en droit, que déjà ses ardentes convictions libérales, qu'il défendait avec un incontestable talent de plume et de parole, le désignèrent dès l'abord aux suffrages de ses concitoyens qui l'élurent membre de la Chambre des représentants en juin 1834. II n'avait pas entièrement accompli sa vingt-cinquième année au moment du scrutin ; la Chambre ne put valider ses pouvoirs.

De 1835 à 1847, il s'occupa avec une activité et un zèle incroyables de l'organisation des forces de notre parti et il contribua puissamment à la création de notre Association libérale.

En 1847, au milieu de la crise politique la plus grave peut-être que le pays ait eu à traverser, nos amis jetèrent de nouveau les yeux sur lui et le corps électoral de l'arrondissement envoya siéger à la Chambre celui qui, dès lors, devait le représenter sans interruption pendant plus de vingt-sept ans.

Sa carrière parlementaire fut noblement remplie. Ses grandes connaissances jointes à un esprit subtil, délié, s'assimilant rapidement les notions les plus difficiles des choses les plus arides, lui permirent d'étudier et de connaître à fond les besoins du pays. Rappellerons-nous à ce propos son remarquable discours sur la péréquation cadastrale ? Ses amis au pouvoir n'eurent jamais en lui un admirateur aveugle mais bien un conseiller vigilant et éclairé, dont rien n'aurait pu modifier les convictions si profondément honnêtes.

En 1874, malgré nos instances, il refusa d'accepter le renouvellement d'un mandat qui avait subi victorieusement les épreuves de onze scrutins ; il voulait se reposer.

Mais en 1876, l'Association libérale, aux prises avec les difficultés sans nombre causées par la mort du regretté M. Wincqz, dut de nouveau faire appel au dévouement de celui pour lequel les électeurs avalent manifesté si souvent leur attachement.

On sait à quelles déloyales et malhonnêtes ses adversaires eurent recours pour le faire échouer. Ansiau n'avait rien perdu de son énergie : il le montra récemment encore en faisant respecter hautement dans la commune de Casteau, dont il était bourgmestre, les droits et l'indépendance du pouvoir civil attaqué et bravé du haut de la chaire par un moine fanatique.

La virilité du tempérament d’Henri Ansiau, sa jeunesse de corps et d'esprit qui était encore telle qu’en considérant l'étonnante énergie de cette organisation si puissante, on peut dire de sa tombe qu'elle a été prématurément ouverte, tout enfin semblait nous faire espérer que nous retrouverions encore longtemps sur la brèche ce vaillant lutteur que l'accident qui l'emporte aujourd'hui pouvait seul nous ravir.

Aussi est-ce avec un profond sentiment de tristesse et de douleur qu'au nom de l'Association à laquelle sa mémoire sera toujours chère, je dis un éternel adieu à notre ancien représentant, qui en mourant nous a laissé au moins cette consolation de pouvoir compter sur son fils comme sur un digne continuateur de la grande œuvre d'émancipation sociale, à laquelle Henri Ansiau a contribué toute sa vie de toutes les forces de son énergie.

Adieu, Ansiau, adieu !


(M. ARNOULD., dans Biographie nationale de Belgique, tome XXX, 1958, col. 64-66)

ANSIAU (Henri-Augustin-Joseph), homme politique, né à Mons le 17 mai 1810, décédé à Casteau le 28 octobre 1879.

Son père, Albert Ansiau (1779-1839), était brasseur au faubourg du Parc à Mons ; sous le régime hollandais, il se fixa à Casteau, commune située aux confins de l'arrondissement de Soignies et où son père occupa, de 1825 à 1835, la charge de conseiller, puis d'assesseur. C'est dans cet arrondissement que se déroula toute la carrière politique d'Henri Ansiau.

En 1835, lors du renouvellement partiel de la Chambre, il rut élu représentant de son arrondissement ; il venait d'avoir vingt-cinq ans, c'est. à-dire l'âge minimum pour être éligible; le 5 août, sur proposition d'un des députés de l'arrondissement de Nivelles, son élection était toutefois annulée, sous prétexte d'une violation de la loi électorale : les électeurs n'avaient pas été divisés en sections, bien qu'ils fussent plus de quatre cents.

Mais en 1847, les libéraux, dont il était, remportaient une éclatante victoire et après la dissolution de 1848, Ansiau se porta à nouveau candidat pour son arrondissement. Une lettre circulaire qu'il adressa à ses électeurs, le 2 juin, nous donne quelques éclaircissements sur sa personnalité : « … ma position d'indépendance de fortune aussi bien que de caractère vous est un sûr garant, écrivait-il, qu'aucun motif d'intérêt personnel ne me guide... Élu par vous en 1835, malgré les efforts du Ministère De Theux, j'ai vu mon mandat... brisé sans pudeur par une majorité inféodée au pouvoir de cette époque... Le bien-être de l'agriculture exige que notre district, presque exclusivement agricole, soit représenté par des hommes qui en connaissent tous les besoins, et qui aient les mêmes intérêts que vous. J'ai la conviction qu'il at de la plus rigoureuse nécessité d'apporter de grandes économies dans les dépenses de l'État ; - qu’il faut enfin supprimer les sinécures ; - réduire les traitements exagérés ; - réviser la loi sur les pensions, ce chancre qui dévore le plus clair de notre budget. L'armée... nous devons la réduire dans la proportion de nos ressources et des besoins de la défense bien entendue du pays. »

Faisant allusion aux événements révolutionnaires de Paris, il disait : Ce qui se passe chez nos voisins du Midi n'est pas de nature nous porter à souhaiter la forme républicaine... ne soyons pas, à nos dépens, les plagiaires d'une nation qui ne peut en- core comporter dans les mœurs, et qui n'aura peut-être jamais, dans sa Constitution, les libertés dont nous sommes en possession depuis dix- sept années… On dit, on crie en France qu'il faut organiser le travail : eh bien, le meilleur élément d'organisation du travail, c'est l'ordre... Gardons-nous d'attirer sur notre pays le fluide démagogique qui galvanise la France. »

Ansiau fut élu par le corps électoral élargi qu'avait institué la loi du 12 mars 1848. Le 26 juin, il entrait à la Chambre des représentants, Il devait y demeurer durant toute la période où les libéraux doctrinaires conservèrent le pouvoir (c'est-à-dire jusqu'en 1870) et durant les quatre premières années du gouvernement catholique qui leur succéda. De 1851 à 1856, il fut l'un des secrétaires de la Chambre. Il y prit part à la discussion de diverses questions touchant l'instruction publique, les finances et l'armée.

Dès janvier 1849, fidèle à ses promesses électorales, il prenait position contre l'octroi de pensions aux ministres. Le mois suivant, il participait au débat relatif à la révision des lois organiques de l'enseignement et souhaitait que l'État mit la main sur les nombreuses fondations de bourses de l'ancienne Université de Louvain.

Le développement des voies de communication à l'intérieur de son arrondissement sollicita fréquemment son attention : canalisation de la Dendre, liaisons ferroviaires (notamment celle du bassin du Centre à la Sambre et celles passant par Enghien et par Le Rœulx), etc. En août 1859, il se prononça contre la création du camp retranché d'Anvers, parce qu'il y voyait l'abandon du pays à un envahisseur éventuel.

Après 1863, on ne le vit plus intervenir que fort rarement dans les discussions parlementaires. En 1874, lors du renouvellement partiel de la Chambre, il abandonna son mandat et réserva son activité aux affaires de sa commune, dont il fut le bourgmestre depuis 1848 jusqu'à sa mort. Celle-ci fut accidentelle : il succomba la suite d'une chute de cheval.

II avait épousé Aimée Cordier de Roucourt ; leur fils, Albert Ansiau, fut commissaire de l'arrondissement de Soignies.