Angillis Ange, Benoît, Xavier libéral
né en 1776 à Menen décédé en 1844 à Bruxelles
Représentant entre 1831 et 1844, élu par l'arrondissement de Courtray(Extrait de : J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, Commission de la biographie nationale, 1996, pp. 6-7)
ANGILLIS Ange, né à Menen le 3 octobre 1776, décédé à Bruxelles le 30 janvier 1844.
Notaire à Rumbeke de 1806 à 1844.
Conseiller municipal en 1811, puis bourgmestre de Rumbeke de 1819 à 1825 et de 1836 à 1844.
Membre des États Provinciaux de la Flandre occidentale de 1815 à 1819.
Membre de la Seconde Chambre des États Généraux pour la Province de Flandre orientale de 1819 à 1830.
(Extrait du Moniteur belge du 3 et du 4 février 1844)
Hier à midi et demi, ont eu lieu les obsèques de M. Angillis membre de la chambre des représentants pour l’arrondissement de Courtrai.
La levée du corps a été faite par le curé doyen de Ste-Gudule, assisté d’un clergé nombreux, et le cortège s’est dirigé aussitôt, de la rue du Parchemin, à l’église collégiale.
Un détachement du régiment d’élite ouvrait la marche. Venait ensuite le clergé, puis le cercueil du défunt porté à bras par les huissiers de la chambre. Les quatre coins du poêle étaient tenus par M. Liedts, président de la chambre des représentants, M. le vicomte Vilain XIIII, vice-président, M. Deschamps, ministre des travaux publics, et M. Van Meenen, président de chambre à la cour de cassation, et ancien membre du congrès national.
La grande députation de la chambre des représentants, à laquelle s’étaient joints presque tous les membres de la représentation nationale, suivait immédiatement, et un second détachement du régiment d’élite venait après.
Le corbillard et les voitures de deuil fermaient la marche.
Les cérémonies ordinaires ayant été faites à l’église, le corps du défunt a été transporté en cortège au cimetière de Laeken, où la dépouille mortelle de l’honorable représentant a été inhumée.
Un bataillon tout entier du régime d’élite faisait le service et a rendu au défunt les honneurs prescrits par les règlements. La musique du régiment exécutait des marches funèbres.
M. Van Cutsem, représentant, élu par le district de Courtrai, s’est exprimé en ces termes :
« Réunis près de cette tombe qui va recevoir les restes mortels de notre collègue, l’honorable M. Angillis, qu’attendez-vous de moi, messieurs, qui ne me permettez de prendre la parole dans cette triste cérémonie que parce qu’ai eu le bonheur de me voir envoyer deux fois par le même arrondissement au parlement belge avec l’homme de bien auquel nous rendons le devoir funèbre qui nous appelle dans ce lieu d’affliction ? Je ne puis rien, jeune encore dans la carrière parlementaire, pour ajouter quelque chose à cette belle réputation, que de vous raconter les actions de l’homme juste que nous pleurons, et ses actions le loueront plus que les paroles les plus éloquentes ne pourraient le faire.
« Ange Angillis, que nous apercevions encore, il y a deux jours, sur les bancs de notre assemblée législative, donnant les derniers moments de son existence aux affaires de l’État, a consacré environ cinquante années de sa vie à la défense des intérêts de ses concitoyens. Secrétaire de la commune de Rumbeke, à l’âge de vingt ans, il se fit remarquer de tous ceux qui étaient en relation avec lui par une aptitude extraordinaire à remplir tous les devoirs imposés à sa place ; notaire à Rumbeke depuis 1806, il se créa une nombreuse clientèle par sa grande réputation de probité et des connaissances profondes du notariat ; bourgmestre encore dans la même commune depuis 1815, il mit un tel ordre dans son administration qu’il fut considéré comme le modèle des magistrats par ses administrés, et comme un père par les pauvres qui le virent, en toutes circonstances, satisfaire à leurs besoins les plus pressants ; membre des états de la province de la Flandre occidentale depuis 1815 jusqu’en 1819, il ne contribua pas peu à doter la province, de routes, de canaux et d’établissements utiles de toute espèce ; et lorsque plus tard il fut appelé sur un plan vaste théâtre, lorsque, élu membre des états généraux, il dut s’occuper non plus de la population d’un village, de celle d’une province, mais de celle d’un pays entier, qui de nous ne sait qu’il défendit avec talent et énergie les intérêts les plus chers de ses commettants ? Qui de vous n’a souvenance qu’à l’époque où l’Eglise de nos pères était menacée sous Guillaume Ier, elle trouva un défenseur zélé et éclairé dans notre collègue Angillis ?
« Qui de vous ne se rappelle combien de fois il signala les vices de l’administration financière de l’ancien souverain des Pays-Bas ? Qui de vous n’a présentes à l’esprit les nobles paroles qu’il prononça pour flétrir le syndicat d’amortissement, ce gouffre de la fortune publique ? Les services qu’il rendit alors au pays furent si grands, que Guillaume lui-même, pour se rendre agréable à une partie de la nation, qui proclamait haut ce que notre collège avait fait pour son pays, le décora de l’ordre du Lion Belgique.
« Si notre collègue Angillis fut un député distingué sous le régime des Pays-Bas, nous pouvons aussi dire qu’il a toujours rempli grandement et consciencieusement le mandat de représentant du peuple belge qui, à quatre reprises différentes, lui fut confié par une majorité imposante. Dans le parlement de la Belgique régénérée, il s’est distingué, comme à l’ancienne assemblée des états généraux, par ses connaissances financières, par sa parole d’honnête homme et par sa modération qui le portait à s’opposer à toutes les idées extrêmes, de quelque côté qu’elles se fissent jour.
« Notre collègue Angillis fut un citoyen utile pour la société, ses actes sont là pour l’attester, dans sa vie privée, il a été un homme recommandable, aidant ses amis de ses lumières et de sa longue expérience, et ne négligeant rien pour donner une éducation solide à ses enfants, qui sont, avec une veuve désolée, quatre à pleurer cet homme de bien.
« Nous vivons sans nous préoccuper beaucoup de notre fin, mes chers collègues. À nous voir faire, tous les jours, de nouveaux projets, on nous croirait immortels. Nous n’avons, cependant, qu’un moment à vivre, et nous avons toujours des espérances pour plusieurs années. L’homme que nous avons perdu, différant en cela de nous, pensait sans cesse à la fragilité de la vie, en utilisant tous les moments et l’a eue pleine de bonnes actions ; ne le plaignons donc pas, puisque tous ses instants ont eu des résultats pour ses concitoyens, et avant de quitter cette tombe qui va se fermer sur lui, promettons-nous d’imiter, en lui disant un dernier adieu, les exemples qu’il nous a données, et de faite tous nos efforts pour être, comme lui, des citoyens utiles et des hommes vertueux.
Reçois, mon ami, mon cher collègue Angillis, nos adieux et notre promesse d’un dévouement entier à cette patrie que tu as tant aimée ! Adieu ! encore une fois, à toi, Angillis, l’homme de bien, à toi le député éclairé et probe, à toi l’ami du peuple, qui eut les premiers et les derniers moments de ta vie trop courts pour tous ceux qui t’ont connu et pour la nation qui t’a perdu ! »
M. Verhaegen a prononcé ensuite le discours suivant :
« Nous venons de faire une perte immense.
« Angillis était un homme aussi distingué par l’esprit que par le cœur.
« Jurisconsulte des plus savants, écrivain remarquable, économiste et financier habile, il révélait ce caractère des génies supérieurs qui brille rarement par un côté. Il avait mieux que l’élégance de la parole, une logique rigoureuse et l’art d’exprimer de grandes pensées d’une manière à la fois simple et entraînante. Dans la vie privée, son intelligence se faisait admirer sous d’autres rapports encore : il joignait à un esprit délicat et fin les connaissances littéraires les plus variées, et sa conversation était également recherchée par les jeunes gens et les vieillards.
« Les affections de la famille, les liens de l’amitié, les devoirs de tout genre envers l’humanité se partageaient son âme. Il montrait une franchise illimitée, quoique pleine de convenance. Il ressemblait à quelques-uns de ces grands hommes dont l’antiquité nous a laissé le portrait par la modestie si vraie, par la fermeté si entière qu’on rencontrait en lui. Angillis était un modèle à suivre pour l’homme public, comme pour l’homme privé.
« Né à Menin en septembre 1776, d’une famille honorable, mais qui perdit sa fortune à la suite de la révolution française, n’ayant d’autre appui que lui-même, il devint successivement secrétaire communal à Meulebeek et Rumbeke. Ses moments de loisir furent employés à des études sérieuses, et après que d’autres travaux eurent ajouté à ses talents, sa modestie ne lui fit désirer que la place de notaire de campagne. Il fut nommé à la résidence de Rumbeke, en 1806, et bientôt il eut une nombreuse clientèle, due à une grande réputation de probité et une profonde connaissance des affaires. Il occupait encore cette place quand la mort est venue le surprendre. Il n’y ajouta jamais que les fonctions dont ses concitoyens le changèrent dans leur intérêt.
« On sait le rôle qu’il joua aux états généraux ; nulle espèce de caresse ne fut épargnée pour le lui faire changer. Sa fermeté se rit de ses tentations. Il répondit par de sages conseils et poursuivit la route qu’il s’était tracée.
« C’était dans sa carrière politique surtout qu’on a pu apprécier Angillis. Il y fut toujours fidèle à lui-même. Âgé d’une vingtaine d’années à l’époque de la révolution française, il puisa dans ce grand événement des idées qui lui servirent de guide ; il fut un des membres les plus influents de l’opposition d’avant 1830 ; envoyé à la chambre des représentants lors de la première élection, il rendit à son pays de nouveaux et éminents services.
« Vigoureux comme autrefois, malgré son âge, il ne se laissa jamais dominer que par une conviction forte, soit qu’il louât, soit qu’au contraire, il dût prononcer un blâme. Le jour même où la mort est venue le frapper, il avait encore siégé à mes côtés, il m’avait communiqué des vues sages et utiles qu’il désirait faire adopter au sein de la commission des finances, sont il était le Nestor ! ! !
« Adieu ! Angillis ; nous t’avons aimé et respecté pendant ta vie ; jusqu’à la fin de la nôtre, nous aimerons et respecterons ton souvenir. Que ton âme reçoive la récompense des justes ! »
Ces deux discours ont été prononcés et écoutés avec une vive émotion.
(Suite au Moniteur belge du 4 février 1844 :) Nous devons ajouter à ce que nous avons dit hier des obsèques de M. Angillis que MM. les ministres de l’intérieur et des finances y assistaient. On remarquait aussi dans le cortège M. le général-major Brialmont, une députation d’officiers de la garnison, ayant en tête M. le colonel commandant d’armes Stroykens, et les adjudants de place. Tous les membres composant la chambre de discipline des notaires de l’arrondissement de Bruxelles, y étaient en corps. On sait que l’honorable M. Angillis état notaire à Rumbeke.