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L'institution d'un Conseil d'Etat en Belgique
VELGE Henri - 1930

VELGE Henri, L’institution d’un Conseil d’Etat en Belgique

(Paru à Bruxelles en 1930 aux éditions de la société d'études morales, sociales et juridiques)

Conclusion

(page 311) En commençant cette étude, nous avons attiré l'attention du lecteur sur la complexité de la question d'un Conseil d'Etat. Il en résulte que ce n'est ni par un oui, ni par un non qu'on peut répondre à la question : faut-il créer un Conseil d'Etat en Belgique ?

Dans le domaine législatif et réglementaire, nous estimons indispensable d'instituer, par la loi, un Conseil de législation, collaborant avec les Chambres et le Gouvernement à la rédaction des lois, sans entraver d'ailleurs les droits d'initiative et d'amendement du Parlement, assurant une meilleure rédaction aux arrêtés et autres actes réglementaires du pouvoir exécutif, et veillant à leur conformité avec la loi.

Dans le domaine du contentieux administratif, l'intervention du pouvoir judiciaire doit être poussée aussi loin qu'il est pratiquement possible, tant pour résoudre les questions de responsabilité des autorités publiques, que pour organiser un recours (page 312) contre les excès de pouvoirs de l’administration ; nous voudrions voir conférer cette dernière mission à la Cour de cassation.

Mais il est des limites à l'intervention de l'autorité judiciaire en matière de responsabilité de la puissance publique, et en des questions connexes où l'administration tranche actuellement des condits sans contrôle ni garanties. Nous souhaitons de voir soumettre ces conflits à une Cour du Contentieux administratif dont l'organisation et le fonctionnement seraient entourés de garanties analogues à celles qui existent dans les tribunaux judiciaires.

L'idée de confier à la Cour de cassation l'examen des recours pour excès de pouvoirs rencontre de l'hostilité dans certains milieux ; si cette opposition devait prévaloir, le Cour du contentieux administratif serait toute qualifiée pour se voir confier cette lourde et délicate mission.

Nous concluons donc qu'il y a lieu de pourvoir à l'absence de Conseil d'Etat en Belgique, mais non en copiant chez nous une institution étrangère, dont le fonctionnement ne répond pas entièrement à nos idées et à nos tendances.

Pourquoi, de plus, confier à une même institution des attributions aussi différentes qu'une collaboration à l'exercice du pouvoir législatif ou réglementaire, et le soin de statuer sur des conflits administratifs ?

Conseil de législation, Cour du contentieux (page 313) administratif organisés suivant les idées que nous avons exposées, absorbant d'ailleurs des organismes déjà existants, fonctionneraient dans le cadre de nos institutions traditionnelles sans qu'une modification s'impose à notre Constitution.


L'administration prend de jour en jour plus de développement ; c'est un fait que l'on constate dans tous les pays du monde entier ; elle touche à des domaines de plus en plus nombreux et variés. Si l'étatisme a ses partisans comme ses adversaires, il y a, peut-on dire, unanimité pour exiger de l'Etat, dans des circonstances difficiles, des interventions toujours nouvelles si des périodes de prospérité et de calme détournent la nation de l'administration, les périodes de crises amènent l'opinion publique à réclamer d'elle des services qu'elle ne peut d'ailleurs qu'imparfaitement donner.

Toutes les nations obéissent aujourd’hui à la centralisation. L'idée qui domine le monde économique, exerce son emprise sur l'administration et les pays les plus décentralisateurs voient chaque jour leurs traditions subir de nouvelles atteintes.

La plupart des projets de réforme de l'Etat, actuellement à l'ordre du jour, tendent à augmenter les attributions du pouvoir exécutif ; de graves événements, comme la guerre, la récente crise financière, ont rendu, momentanément tout au moins, cet accroissement inévitable.

(page 341) Il faut qu'à cette « étatisation », cette centralisation, à ce renforcement des pouvoirs du Gouvernement, corresponde un accroissement des garanties dont dispose la nation : loin d'entraver son action, les garanties que nous proposons n'ont pour but que d'assurer au pays de bonnes lois, et à les faire respecter par tous, gouvernants et gouvernés ; et nous pouvons conclure avec M. le procureur général Paul Leclercq, dont nous avons tant de fois cité la haute autorité dans cette étude : « L'administration remplira d'autant mieux sa mission si importante, si indispensable à la bonne marche de la société, qu'elle respectera plus strictement la loi, la seule source de ses pouvoirs » (Pas., 1921, I, 314).