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Histoire du royaume des Pays-Bas et de la révolution belge de 1830
VAN KALKEN Frans - 1910

Frans VAN KALKEN, Histoire du royaume des Pays-Bas et de la révolution belge de 1830

(Paru à Bruxelles en 1910, chez J. Lebègue et Compagnie)

Chapitre VII. Les débuts de la révolution (25 août-3 septembre)

Légère effervescence à Bruxelles durant le mois d'août. La soirée et la nuit du 25 août. Rétablissement de l'ordre par la bourgeoisie. Assemblée des notables et des chefs de la garde bourgeoise à l'hôtel de ville (28 août). Adresse au roi. Attitude de Guillaume Ier en présence du soulèvement. Les princes Guillaume et Frédéric marchent sur la capitale (29-30 août). Biographie des fils du roi. Bruxelles en armes (31 août). Entrée du prince d'Orange dans la ville (1er septembre). Ses négociations avec les chefs de la bourgeoisie (1er-3 septembre). De la formule : « redressement des griefs » au principe de la séparation administrative entre la Belgique et la Hollande. Le prince d'Orange retourne auprès du roi

(page 120) Nous disions que les autorités chargées de maintenir l'ordre dans la capitale, avaient en vain prié le roi d'ordonner quelques mesures générales de précaution, avant de retourner en Hollande. Ces hauts agents du pouvoir avaient en effet constaté que, depuis les « Trois Glorieuses », la population bruxelloise restait surexcitée, et cette effervescence, bien que n'offrant point encore un caractère vraiment alarmant, tenait leur attention en éveil. A plusieurs reprises, des jeunes gens de la bourgeoisie s'étaient montrés dans les grands (page 120) cafés, parés de cocardes et de rubans aux couleurs françaises (JUSTE, La Révolution belge, t. II, p. 5, note 2. Indications du procureur général Schuermans : « J'écrivis, le 12 août 1830, au ministre de la Justice... qu'en général les Belges n'étaient pas partisans de la France ; que je ne voyais que de l'inconsidération de la conduite de quelques jeunes gens. »). Le souverain, sceptique, avait autorisé ces enfantillages et s'était borné, par prudence, à ne pas se rendre au spectacle que des manifestants se proposaient de troubler en criant, du haut des galeries : « Vive le Roi ! A bas Van Maanen ! »

D'autre part, dans les quartiers populaires, beaucoup d'ouvriers sans travail, contraints au chômage par l'emploi tout récent, mais de plus en plus étendu, des machines, inquiétaient M. de Knyff de Gontreuil, directeur de la police, par leur attitude sombre. Ces pauvres gens, victimes à la fois des progrès de la technique industrielle et de l'augmentation du prix des denrées alimentaires, prêtaient volontiers l'oreille aux appels à la révolte des quelques émissaires envoyés par les clubs parisiens, surtout lorsque, pour rendre leurs arguments plus suggestifs, ils les accompagnaient de distributions d'argent et de « tournées » de boissons alcooliques.

Sur ces entrefaites, à l'occasion de l'anniversaire du roi, le 24 août, le conseil de régence commit l'imprudence de voter un crédit de près de 30.000 francs pour l'illumination du Parc, dépense excessive, devant être couverte par le maintien temporaire, « en forme d'octroi », de l'impôt sur la mouture (BUFFIN, Documents inédits, p. 13. Staedtler au prince d'Arenberg, Bruxelles, 24 août 1830). Le peuple s'en montra si irrité que la police prétexta le temps douteux pour remettre cette fête. Dans la soirée du 24, des jeunes gens des classes moyennes allèrent casser les carreaux de l'hôtel du prince de Gavre, haut (page 121) dignitaire de la Cour, et leurs clameurs vinrent semer l'effroi parmi les convives du ministre van Gobbelschroy, au nombre desquels figurait M. van der Fosse, gouverneur du Brabant, le directeur de la police et d'autres personnalités, toutes réunies pour célébrer la fête du souverain (JUSTE, La Révolution belge, t. II, p. 5, note 2 ; WHITE, La Révolution belge, t. Ier, chap. IX).

Des billets, distribués le 22, avaient annoncé le programme suivant : « Lundi, 23 août : feu d'artifice ; mardi, 24 : illumination ; mercredi, 25 : révolution ! » En vérité, c'était là une prophétie plaisante et sinistre à la fois, simple témoignage de l'état d'ébullition des esprits. Cependant elle allait se vérifier, non parce qu'elle résultait d'un plan préconçu, mais à la suite d'un agencement fortuit de circonstances.

La police avait autorisé la représentation de l'opéra d'Auber : La Muette de Portici, interdite après une soirée agitée, le 1er août. Dans la journée du 25, on put prévoir que cette concession aurait des conséquences fâcheuses. Tandis que les commerçants, effrayés, fermaient leurs magasins, « des bandes de jeunes gens appartenant à la petite bourgeoisie, tous armés de gourdins, se dirigeaient vers la place de la Monnaie. Un certain nombre entraient au théâtre, d'autres attendaient la fin du spectacle dans les cabarets voisins ; une foule compacte stationnait sur la place ». (DU CHASTEL, 1830, pp. 71 et suiv.) Il est incontestable que cette jeunesse ne songeait pas à fomenter une révolution. Son ambition se bornait à intimider Guillaume et à l'amener à faire des concessions, en transformant la représentation de La Muette, opéra si plein d'allusions à l'amour de la liberté et du sol natal, en une manifestation contre le pouvoir. Les autorités ne s'attendaient qu'à des cris séditieux et (page 122) avaient pris des mesures tout à fait insuffisantes : quelques compagnies d'infanterie seulement avaient été consignées.

(Note de bas de page : On trouvera des récits détaillés, mais fort différents les uns des autres, des troubles du 25 et des jours suivants dans JUSTE : La Révolution belge, t. II, pp. 173 et suiv., d'après les souvenirs du procureur général Schuermans et une lettre de Levae à De Potter, du 4 septembre ; DE BAVAY, Histoire de la Révolution belge, pp. 134-140, d'après Le Courrier des Pays-Bas ; DE KERCHOVE DE DENTERGHEM, Les Préliminaires de la révolution belge, pp. 204 et suiv., d'après le mémoire justificatif du général van der Smissen ; Fris, t. II, pp. 150-154).

La pièce souleva le plus grand enthousiasme ; le célèbre duo : « Amour sacré de la patrie » couvert d'applaudissements frénétiques, porta à son paroxysme la surexcitation des assistants, entassés dans une salle à l'atmosphère surchauffée, stimulés par les chants, la musique et le spectacle réciproque de leur agitation. Au dehors, des milliers de badauds se pressaient les uns contre les autres, dans l'attente de la fin de la représentation ; leur nombre croissait de minute en minute. Des meneurs étrangers circulaient parmi eux et n'avaient nulle peine à aiguillonner le mécontentement de la foule, si imprudemment provoqué par le maintien de l'impôt sur la mouture.

Tout à coup, après le quatrième acte, les événements prirent une tournure tragique. Des manifestants sortirent du théâtre en poussant des clameurs qui trouvèrent aussitôt leur écho sur la place et dans les cafés ou cabarets avoisinants. Alors cette masse populaire, réunie là sans but précis, s'ébranla de divers côtés, pêle-mêle, en colonnes bruyantes et désordonnées, guidées par de jeunes garçons imprimeurs du Courrier des Pays-Bas, des émissaires français, des fils de famille, ou même par des « enfants de douze à quinze ans », s'il faut en croire Van der Smissen.

Arrachant sur leur passage les armoiries royales, certaines bandes coururent briser les vitres à l'imprimerie du (page 123) National, rue du Fossé-aux-Loups, et saccager la librairie Libry, rue de la Madeleine, en criant : « A bas le forçat libéré ! » D'autres allèrent casser les carreaux de la cour d'assises, rue de Ruysbroeck, et mettre à sac la maison du procureur du roi, rue du Poinçon, celle de M. de Knyff, rue de Berlaimont, et incendier l'hôtel du ministre Van Maanen, au coin de la rue des Petits-Carmes et de la place du Petit-Sablon.

Plus l'heure avançait et plus l'émeute prenait un caractère grave. Après minuit, la jeunesse à gourdins, les petits employés, les élèves des classes supérieures des écoles, les jeunes gens « comme il faut », étaient rentrés chez eux, très inquiets du cours que prenait le mouvement qu'ils avaient contribué à faire naître.

« A 3 heures du matin, lorsqu'on a mis le feu chez Van Maanen, » écrit Levae à De Potter, le 3 septembre, « je n'ai plus aperçu que l'écume de la société. » La lie de la populace, sortie de ses ruelles et de ses impasses, au bruit des cris de : « Vive De Potter ! » et de : « A bas Libry ! » s'était précipitée là où l'on saccageait. A l'aube et dans la matinée du 26, elle poursuivit l'œuvre destructrice commencée la veille, en mettant à sac l'hôtel provincial, rue du Chêne, celui du général Wauthier, commandant de place, et en pillant des boutiques d'armuriers et de marchands de comestibles. La cohue des sans-travail, indifférente aux questions politiques, voulait « faire ses propres affaires ». (Levae à De Potter.) Des ouvriers, dont un certain nombre étaient pris de boisson, se répandirent dans les faubourgs et la banlieue, allant détruire les métiers dans les tissages Bosdevex et Basse à Forest, Rey à Anderlecht, Wilson à Cureghem (BUFFIN, Documents inédits, p. 27. Staedtler au prince d'Arenberg, 27 août 1830).

(page 124) Que faisaient entre-temps les représentants de l'autorité ? Le bourgmestre, M. de Wellens, était à la campagne ; le colonel de la garde civique, M. Germain, restait invisible ; M. de Knyff, devant l'inertie hostile des agents et des pompiers, avait dû s'éloigner ; M. Schuermans, procureur général, assistait, seul et angoissé, aux désordres et aux pillages, en spectateur perdu dans la foule des émeutiers. Le gouvernement personnel du roi avait à tel point détruit en ces dirigeants la faculté d'initiative, qu'à présent, en face d'une situation dont ils avaient soupçonné l'imminence mais non le degré de gravité, ils restaient les uns saisis de panique, les autres immobilisés en un sang-froid passif et inutile.

Tandis que le bas de la ville était livré à la populace et que la bourgeoisie se terrait dans ses demeures, dans l'attente apeurée des bandes de saccageurs, les autorités militaires s'étaient bornées à faire circuler quelques patrouilles, au hasard. Accueillis aux cris de : « Vivent les Belges ! », les soldats, Belges eux-mêmes pour la plupart, souriaient ; les officiers détournaient la tête. Agissant avec mollesse, leur attitude, loin d'en imposer au peuple, l'enhardissait ; « les généraux de Bylandt (commandant militaire du Brabant méridional), Aberson (inspecteur de la maréchaussée) et Wauthier (commandant de place) se promenaient à la tête de quelques soldats par les rues et les places publiques, essuyant les huées et les insultes de la populace avec un flegme imperturbable ; ils n'essayaient pas même d'en arrêter le débordement par quelques mesures vigoureuses ». (DU CHASTEL, 1830, pp. 72 et 73). Aberson et Wauthier furent même victimes d'actes de violence de la part de quelques énergumènes, mais ils ne se départirent point de leur impassibilité. Seul un groupe de chasseurs, insultés (page 125) et serrés de trop près, le 26, vers 6 heures du matin, dispersèrent leurs assaillants par un feu de salve. Vers midi, la garnison, d'ailleurs numériquement faible (BUFFIN, Documents inédits, pp. 16 et 17. L'effectif des troupes hollandaises, casernées à Bruxelles à cette date, était de soixante-deux officiers et de quatorze cent dix-huit sous-officiers et soldats (grenadiers, chasseurs, infanterie, dragons, maréchaussées)) se concentra dans le haut de la ville, autour de la Banque et des palais royaux. Le général-major comte de Bylandt déclarait ne pas vouloir agir sans ordres, le gouverneur militaire de la résidence, le lieutenant général de Constant Villars, octogénaire maladif, n'osait prendre sur lui d'en donner. Peut-être ces chefs observaient-ils volontairement une attitude passive dans l'espoir de frapper un grand coup, avec l'aide de renforts, quand la foule, en ce moment en plein débordement, donnerait des signes de lassitude.

Quoi qu'il en soit, ils livraient la ville à l'émeute. Aussi, dès le 26, un certain nombre de bourgeois, voyant leur existence et leurs propriétés menacées, résolurent de mettre un terme à l'anarchie par leurs propres moyens. Un étranger ayant arboré un drapeau français à l'hôtel de ville, Ducpétiaux remplaça immédiatement cet emblème par les trois couleurs de la révolution brabançonne : noir, jaune, rouge. Des rubans à ces mêmes couleurs servirent de signe de ralliement aux courageux citoyens, bourgeois et ouvriers, qui se formèrent en compagnies au son du tambour. Peu nombreux au début, ces volontaires, harcelés par des individus qui les sommaient de marcher contre les troupes, coururent de grands dangers. Ils durent disperser à coups de fusil des groupes de forcenés qui leur barraient l'entrée de la caserne des Annonciades, d'où ils voulaient retirer les armes de l'ancienne garde civique du colonel Germain.

Réunis sur la Grand-Place, au nombre de quatre cents, à la fin de la journée (page 126) du 26, renforcés dans la nuit par des enrôlés volontaires, notamment par de nombreux Français, les défenseurs de l'ordre furent bientôt deux mille, parmi lesquels un certain nombre de cavaliers. Ils prirent pour chef le baron Emmanuel Vanderlinden d'Hoogvorst, homme riche et considéré, modéré, intègre et sans ambition (En récompense des services qu'il rendit à la révolution, le baron E. d'Hoogvorst (1781-1866) fut nommé à vie général en chef des gardes civiques de Belgique par le Congrès national (31 décembre 1830)), pour sous-chefs le général Van der Smissen et le non moins intrépide Charles Pletinckx, ex-officier de cavalerie à l'armée des Indes, devenu propriétaire de l'Hôtel de la Paix. Le 27 ils occupèrent tous les bâtiments publics, les banques, les églises.

Leur attitude déterminée ramena promptement le calme. La populace, fatiguée et troublée par ses propres excès, mit, ce jour-là encore, le feu aux décors préparés pour l'illumination du Parc et voulut désarmer quelques rondes de la garde bourgeoise. Deux d'entre ces dernières, menacées au début de la nuit, firent feu ; quelques morts et quelques blessés tombèrent, mais cette action énergique rétablit définitivement la tranquillité. Entre temps, le conseil de régence avait aboli l'impôt sur la mouture.

(Note de bas de page : La proclamation du collège des bourgmestre et échevins, - supprimant l'impôt sur la mouture, ainsi que toute une série de discours, rapports et ordres du jour concernant la révolution, se trouvent reproduits in extenso dans le livre de M. CH. TERLINDEN, La Révolution belge de 1830 racontée par les affiches (Bruxelles, 1903), ouvrage composé au moyen de la collection de textes rassemblés par le lieutenant général Eenens, aïeul de l'auteur.

En principe, « la bourgeoisie ne s'était armée que pour rétablir l'ordre », mais, comme l'a fait remarquer Levae, rédacteur du Belge, un des hommes qui ont émis sur la révolution de 1830 les jugements les plus perspicaces, - devant la faiblesse du gouvernement, « on s'habitua à se voir comme en état de (page 127) révolution ».

Loin de remettre leurs pouvoirs à l'ancien conseil de régence qui s'était montré si inférieur à sa mission au moment du danger, l'état-major de la nouvelle garde bourgeoise, arbitre de la situation, assuma la direction provisoire des affaires. Bylandt, reconnaissant le caractère logique de cet état de choses, n'hésita pas, le 28, à signer avec d'Hoogvorst une proclamation promettant au peuple que, tant que l'ordre serait respecté, la ville resterait sous la surveillance de la garde bourgeoise et que des renforts de troupes n'y pénétreraient point.

Dans la soirée, cinquante notables : nobles, bourgeois riches, journalistes, chefs de l'Union des oppositions, etc., se réunirent à l'hôtel de ville, prirent pour président un catholique, le vieux baron de Sécus pour secrétaire Sylvain van de Weyer, et fusionnèrent avec le quartier général de la garde civique, puis, ayant en vain invité le gouverneur du Brabant et le conseil de régence à participer à leurs travaux, ils se mirent à délibérer sur la situation. Comme le fait excellemment observer M. Fris, c'est à partir de ce moment que commence la révolution belge.

Bien que s'efforçant de conserver les apparences de la légalité, les notables et l'état-major de la garde s'arrogent un véritable pouvoir extra-légal, disons mieux : révolutionnaire. Maîtres de la situation, ils n'ont plus qu'un souci : profiter de l'occasion unique qui leur est offerte pour défendre, avec plus de chances de succès que jamais, le programme intégral de redressement des griefs formulé l'année précédente.

En conséquence, une adresse au roi, attirant son attention sur les « racines profondes » du mécontentement populaire et le suppliant d'y remédier par des (page 128) concessions, avant que ceux qui étaient parvenus à rétablir l'ordre ne devinssent « victimes de leurs efforts » (DE BAVAY, Histoire de la Révolution belge, p. 141), fut aussitôt portée en Hollande par une députation comprenant Frédéric de Sécus, le baron Joseph d'Hoogvorst, ex-maire de Bruxelles, le comte Félix de Mérode, Palmaert père et Gendebien, ce dernier rentré de Mons, le 28 au matin, exaspéré par la « mauvaise farce d'écoliers » du 25, qui était venue bouleverser tous ses mystérieux desseins.

(Note de bas de page : (DE BAVAY, Histoire de la Révolution belge, pp. 133 et 134. Gendebien à De Potter, 16 septembre 1830. « C'est tandis que j'étais à Mons que, le mercredi 25, au soir, l'explosion a commencé par une mauvaise farce d'écoliers, qui a pris aussitôt un caractère très grave. Beaucoup de ceux qui auraient pu diriger le mouvement étaient absents ; les autres, fidèles à la consigne, ont voulu l'arrêter ; de là, incertitude, défaut de direction et, par suite, mouvement désordonné de la part du peuple, qui eût agi merveilleusement s'il eût été bien dirigé... »)


Le 27 août, la nouvelle du soulèvement de Bruxelles était parvenue au château du Loo, y frappant le souverain de stupeur. Il ne pouvait concevoir que cette ville en fête, où, quinze jours auparavant, il avait encore reçu le meilleur accueil, fût devenue le théâtre des plus graves désordres. Aussi les considéra-t-il d'emblée comme suscités par des factieux que la seule menace d'une action militaire disperserait dans tous les sens. Lui qui n'avait pu prévoir les troubles, portait maintenant sur eux un jugement sommaire et inexact. Le 28, il se rendit à La Haye (page 129) pour y délibérer avec ses ministres et décida d'envoyer à Bruxelles ses deux fils, les princes Guillaume et Frédéric, à la tête de six mille hommes ; mais, repris par ses hésitations et tiraillé par des résolutions contraires, il ne voulut pas leur conférer de pouvoirs précis, ni pour réprimer l'émeute par la force, ni pour en pallier les effets par des négociations.

Le 31 août, la députation bruxelloise se présentait devant Guillaume et lui exposait ses revendications, en tête desquelles figuraient la responsabilité ministérielle et le renvoi de Van Maanen du département de la Justice (FRIS, t. II, pp. 157 et 158). Le roi, très ému, répondit sur un ton grave et bienveillant : « J'ai horreur du sang, mais je serais la risée de toute l'Europe si, le pistolet sur la gorge, je cédais à des menaces folles, à des plaintes, à des griefs imaginés par quelques perturbateurs du repos public. » Eludant une réponse définitive, il se borna à promettre une convocation des États généraux pour le 13 septembre, afin d'examiner la situation. La mission des notables belges aboutissait donc à un échec.

Pendant ce temps, la ville de Bruxelles restait dans un état de nervosité extrême. Les notables et la garde bourgeoise avaient promis le maintien du bon ordre, mais les journaux excitaient la foule par des articles violents. Ils montraient l'animosité du Nord contre le Sud, - animosité si réelle que la députation envoyée à La Haye avait reçu de la part des Hollandais un accueil menaçant - , ils rappelaient les promesses du comte de Bylandt, malgré lesquelles six mille soldats étaient arrivés à Vilvorde, le 30 août. L'écroulement subit de tous les pouvoirs réguliers fortifiait chez les Bruxellois l'esprit de résistance au souverain ; d'autre part, ils se sentaient isolés : jusqu'à (page 130) présent l'agitation ne s'était répercutée que dans quelques villes comme Liége, Verviers et Bruges (BLOK, Geschiedenis, p. 443). D'où leurs incertitudes, leurs angoisses, leur exaspération.

Un fait cependant rassurait, en une certaine mesure, les notables : la présence du fils aîné de Guillaume Ier à la tête des troupes néerlandaises. Guillaume-Frédéric, prince d'Orange, né à La Haye le 6 décembre 1792, élevé à l'anglaise à Oxford, avait fait ses premières armes au service de la Prusse, puis de l'Angleterre. Sous les ordres de Wellington, il s'était illustré en Espagne, dans de nombreux combats, de 1811 à 1813. La campagne de 1815 l'avait rendu populaire dans nos provinces et lui-même avait une prédilection marquée pour les Belges. Marié, le 9 février 1816, à la grande-duchesse Anna-Paulowna, sœur cadette de l'Empereur Alexandre de Russie, il résidait de préférence à Bruxelles, où, sous l'influence du corps diplomatique, la vie mondaine avait pris une brillante extension (Signalons cette observation pittoresque de VAN DER MEERE, Mémoires, p. 30, au sujet du caractère chevaleresque mais capricieux et inconstant du prince : « D'une politesse exquise avec les femmes, il tenait de l'école anglaise cette manière leste de les traiter dès qu'il n'avait plus rien à désirer. ») et où les raouts importés d'Angleterre alternaient avec les bals costumés et les tableaux vivants à la mode de Vienne.

Très différent de son père, quoique d'un caractère (page 131) tout aussi probe et élevé, il n'avait pu longtemps vivre en bonne intelligence avec lui. Indépendant et altier, il avait osé blâmer ouvertement la hollandification de la Belgique et approuver la résistance de nos pères à leur souverain, attitude dont la franchise lui avait coûté le ministère de la Guerre, en 1817. Tenu dès lors à l'écart des hautes dignités pendant plusieurs années, le prince d'Orange s'était laissé entraîner dans une série d'intrigues avec les bonapartistes français, entreprises dans l'espoir de renverser les Bourbons et de leur succéder (BLOK, Geschiedenis, p. 375) ; puis, devant l'acuité du conflit entre les provinces du Sud et le gouvernement, il s'était rapproché de son père. Cette réconciliation lui avait enlevé beaucoup de sa popularité dans nos régions, mais il y restait malgré tout plus sympathique que son frère, Frédéric-Guillaume, plus jeune de cinq ans et qui, après avoir servi la Prusse en 1813 et commandé une armée de campagne néerlandaise en 1815, lui avait succédé à la direction de la guerre.

Frédéric, fils soumis, croyant orthodoxe, ressemblait au roi par sa réserve, sa froideur, son attachement excessif aux formes. Les Hollandais, attirés vers lui par de nombreuses affinités, appréciaient sa haute culture, sa pondération, son intelligence fortement disciplinée, et le préféraient à son aîné.

Le 31 août, les deux princes, négligeant ouvertement de prendre contact avec les autorités officielles, non démissionnaires pourtant, convoquèrent à leur quartier général de Vilvorde le commandant en chef de la garde bourgeoise. Emmanuel d'Hoogvorst, Van der Smissen et quelques membres du conseil des notables s'empressèrent d'accourir à cet appel et prièrent, dès leur arrivée, les fils du roi de venir à (page 132) Bruxelles sans leurs troupes, sous la seule protection de la garde, afin de donner au peuple une preuve éclatante de leur confiance et de leurs bonnes dispositions. Mais ils répondirent qu'ils voulaient entrer dans la capitale à la tête de leurs soldats, et que tout emblème tricolore, étant de nature essentiellement séditieuse, devait au préalable disparaître.

D'Hoogvorst ayant dû faire afficher ces conditions à l'hôtel de ville, vers 6 heures du soir, la population courut spontanément aux armes (FRIS, t. II, pp. 155 et 156), les boutiquiers se hâtèrent de placer les volets devant leurs étalages, des milliers de gardes civiques se réunirent à leurs centres de ralliement, tandis que des bandes d'hommes du peuple, dirigés par des volontaires français, - virtuoses de la barricade -, dépavaient les rues avec rapidité, barraient toutes les issues et carrefours, de la porte d'Anvers à la porte de Namur, et couvraient d'abatis d'arbres les boulevards extérieurs, à cette époque encore séparés de la campagne par un fossé, au milieu duquel un mur d'enceinte formait arête.

Cette fois, il ne s'agissait plus, comme la semaine précédente, d'une émeute, sans direction, de masses allant à « leurs propres affaires ». En quelques jours le peuple avait nettement pris conscience de ce qu'il ne tolérerait plus, à l'avenir, le régime sous lequel il avait vécu pendant quinze ans. Stupéfait d'abord par la marche rapide d'événements surgis un peu au gré du hasard, puis tiré aussitôt par eux de sa torpeur et éclairé par leurs conséquences inattendues, il ne s'était jamais mieux rendu compte que depuis l'approche des troupes néerlandaises que « ce qu'il voulait après tout... c'était ne pas être Hollandais », comme l'écrivait déjà en 1815 l'ambassadeur von Binder. Oubliant ses anciennes sympathies pour le fils aîné du roi, il (page 133) ne voyait plus en lui que le représentant d'un gouvernement détesté et d'un peuple haï.

Aussi, la réponse du prince à D’Hoogvorst l'avait-elle poussé aux résolutions extrêmes, l'avait-elle rendu ouvertement révolutionnaire. Voulant éviter à tout prix une terrible effusion de sang, que rien ne paraissait plus pouvoir empêcher, les notables envoyèrent en toute hâte, dans la soirée, une seconde députation à Vilvorde. Pendant deux longues heures, le baron de Sécus et le prince de Ligne supplièrent le prince d'Orange de ne pas suivre les conseils belliqueux de son état-major. Au début, il parut que les prières et les objurgations de ces hommes de cœur seraient vaines, mais leur insistance finit par triompher. Le prince, dont la situation était on ne peut plus pénible et délicate, puisqu'il n'avait reçu ni mandat de sévir, ni ordre de céder, accepta la mission héroïque de venir seul « se rendre compte » de la situation à Bruxelles et y agir en médiateur. Ayant répondu de la sécurité du prince, les chefs de la garde civique passèrent la nuit du 31 août au mercredi 1er septembre en fiévreux pourparlers et en préparatifs minutieux (Sur la réception du prince d'Orange à Bruxelles, le 1er septembre, voir JUSTE, La Révolution belge, t. II, pp. 39 et suiv., description faite surtout d'après une lettre de Levae, témoin oculaire, à De Potter (4 septembre) ; DE KERCHOVE DE DENTERGHEM, Les Préliminaires de la révolution belge, d'après la relation de Van der Smissen ; BUFFIN, Documents inédits, pp. 54 et suiv. Staedtler au prince d'Arenberg, Bruxelles, 1er et 2 août 1830). « Je pris toutes les dispositions pour recevoir le prince avec dignité, » écrit Van der Smissen ; « la garde bourgeoise, environ dix mille hommes, fut assemblée sur la Grande Place, la plus grande partie en habit noir, pour donner le plus d'uniformité possible, ainsi que la garde à cheval et la batterie d'artillerie... L'état-major avait résolu d'aller à pied » ) à la rencontre de Son (page 134) Altesse Royale « accompagné de beaucoup d'autres personnes de distinction, précédé de la musique de la Grande Harmonie. )

Ce fut au pont de Laeken, peu après midi, que Guillaume d'Orange, accompagné d'une demi-douzaine de généraux et d'officiers d'ordonnance, reçut les hommages de l'état-major de la garde. Précédé des sections de volontaires des faubourgs de Molenbeek-Saint-Jean et de Saint-Josse-ten-Noode, suivi d'une quantité d'hommes en blouse bleue, armés de piques, il pénétra dans la ville par la porte d'Anvers. En apercevant ce hérissement de travaux de défense, cette multitude rangée le long des maisons, en masses silencieuses, il eut un moment d'hésitation. Quand il avait pris la courageuse résolution de venir seul dans une cité qu'il ne pouvait encore croire définitivement rebelle, Guillaume ne s'était certes pas attendu à devoir affronter une armée établie dans le plus formidable des camps retranchés. « Messieurs, je me confie à vous, » dit-il simplement aux chefs de la milice bourgeoise, qui chevauchaient derrière lui, mêlés à son état-major.

Quelles durent être, au cours de ce dangereux voyage, les angoisses de ces hommes qui en avaient la responsabilité ! Derrière les gardes formant la haie, une foule compacte et sombre dissimulait à peine ses sentiments d'animosité. Des cris violents de : « Silence ! » ou même des menaces intimidaient ceux qui cherchaient à témoigner au prince leur sympathie ou la loyauté de leurs sentiments dynastiques. Obligé de suivre pas à pas un itinéraire le conduisant au centre de la cité, Guillaume, frappé par l'aspect insurrectionnel de la ville, bouleversé par l'omniprésence des emblèmes brabançons : cocardes tricolores chapeaux et bonnets, écharpes, rubans aux boutonnières, brassards, nœuds, drapelets, s'efforçait de conserver un maintien assuré, un air calme et même (page 135) enjoué, mais sa pâleur trahissait sa vive émotion. Les contemporains du spectacle dramatique de ce fils de roi, cheminant seul au sein d'une ville presque entièrement hostile, en furent profondément impressionnés. Levae, écrivant à De Potter, le comparait à Louis XVI, ramené de Versailles ; La Moussaye, diplomate français, parlait de lui au comte Molé comme d'un « criminel conduit à l'échafaud ».

Amené au seuil de l'hôtel de ville, où quelques meneurs espéraient peut-être le décider à se proclamer roi des Belges (DU CHASTEL, 1830, p. 87), le prince fut reçu par le conseil de régence qu'il remercia en peu de mots. Puis, remontant vers la ville haute, de plus en plus menacé et d'ailleurs énervé au plus haut point par la longue série de dangers qu'il venait de courir, il piqua soudain des deux, fit sauter au galop une barricade à sa monture et, suivi de loin par son état-major et la garde civique à cheval, atteignit vers 3 heures le palais d'Orange.

Là, pouvant enfin quitter le masque d'impassibilité courtoise qu'il s'était stoïquement contraint de garder, le prince ne dissimula ni sa surprise, ni son mécontentement, à l'état-major de la garde auquel il accorda aussitôt audience. Pourquoi lui avait-on laissé croire que sa présence calmerait les esprits i Pourquoi lui avoir caché que la ville était en état d'insurrection ? Pourquoi l'avoir engagé dans une équipée téméraire et inutile ? Et, en somme, que voulait-on : la chute de la dynastie ? Respectueusement, l'assistance répondit que le peuple ne désirait pas autre chose que le redressement des griefs. Engagé dans l'aventure, le prince décida de poursuivre sa mission jusqu'au bout. Paralysé dans ses moyens, il voulut tout au moins exercer une influence médiatrice et apaisante. Dans la soirée du 1er septembre, il reçut Joseph d’Hoogvorst et (page 136) Gendebien, venant lui faire leur rapport au nom de la députation rentrée de Hollande, puis il promit, dans une proclamation, de ne pas laisser entrer ses troupes à Bruxelles, si l'ordre continuait à y régner ; enfin il nomma une commission consultative chargée de lui suggérer des mesures propres à ramener la tranquillité dans la capitale. Cette commission mixte eut pour président le duc d'Ursel, pour membres le duc d'Arenberg, le gouverneur du Brabant, le bourgmestre de Bruxelles, le baron Emmanuel d'Hoogvorst, le général Aubremé, deux avocats, membres du conseil de régence, enfin deux membres du conseil des notables, attachés à l'état-major de la garde bourgeoise : Nicolas-Jean Rouppe et Sylvain van de Weyer.

Le 2, journée d'attente, fut aussi une journée d'inquiétude. Le peuple, mécontent de voir que Guillaume d'Orange n'avait pu lui promettre plus de concessions que la délégation revenue de Hollande, exhala son dépit en brûlant quelques proclamations qui l'engageaient au calme. L'impression se consolidait que le roi ne céderait pas plus qu'autrefois aux vœux des Belges. « Il ne veut plus de nous, s'écriait-on, ou s'il veut de nous, c'est à la condition que nous restions placés sous ses Hollandais ! » (DU CHASTEL, 1830, p. 88). Le vendredi 3, la commission consultative formula son avis : à l'unanimité, elle demandait la séparation législative, administrative et financière des deux pays sous une même dynastie, comme dans la péninsule scandinave. Les députés aux Etats généraux présents à Bruxelles, parmi lesquels MM. de Brouckére, de Celles, (page 137) Lehon, abondèrent immédiatement dans le même sens (FRIS, t. II, pp. 157 et 158).

Comment cette solution : la « séparation administrative », s'était-elle soudain substituée à l'ancien programme du redressement des griefs, encore énoncé l'avant-veille par les chefs de la garde reçus en audience par le prince d'Orange ? En vérité, la théorie de la séparation n'était pas nouvelle, puisque De Potter l'avait déjà exposée, dès décembre 1829, dans sa belle « Lettre de Démophile au Roi ». Mais ce fut Gendebien qui la fit passer dans le domaine des réalisations pratiques. Contrarié dans ses projets par la brusque éclosion de l'émeute, il s'était, avec une remarquable souplesse, adapté au cours nouveau pris par les événements et avait accompagné la députation, envoyée dans la nuit du 28 au 29 août à La Haye, lui aussi dans le but d'obtenir la réparation des griefs. Or, au cours d'un entretien avec le ministre Lacoste, dans lequel celui-ci lui avait fait comprendre que céder aux désirs des Belges équivaudrait pour le gouvernement à rompre en visière avec ses loyaux sujets de Hollande, l'habile politique saisit immédiatement quelle devait être la seule solution normale aux difficultés dans lesquelles on se débattait. « Cette observation du ministre, » écrivit-il le 16 septembre à De Potter, « fut pour moi un trait de lumière et je conçus dès lors le projet de la séparation du Nord et du Midi. » (DE BAVAY, Histoire de la Révolution belge, pp. 133 et suiv. Gendebien à De Potter, 16 septembre 1830. Voir aussi DE POTTER, Souvenirs personnels, t. Ier, p. 117. L'auteur proteste contre la prétention de Gendebien d'avoir été le promoteur de l'idée de séparation). En fait, De Potter l'avait conçu bien avant lui, mais le mérite de Gendebien fut de le développer au moment opportun, de s'en faire le défenseur énergique auprès de la députation, puis, à Bruxelles, auprès des (page 138) notables, des dirigeants de l'Union, de la presse et de l'opinion publique. Dix jours auparavant, sa proposition eût sans doute encore été trouvée absurde ou insurrectionnelle ; à la suite des événements du 25 août au Ier septembre elle devenait logique et nécessaire (FRIS, t. II, p. 157 ; COLENBRANDER, De Belgische omwenteling, p. 157 ; BLOK, Geschiedenis, p. 444). Avec une foudroyante rapidité, la notion de la « séparation » se propagea dans les provinces, apparaissant aux yeux de presque tous les Belges comme elle était apparue à Gendebien : « un trait de lumière ». Elle devint le mot d'ordre de la révolution naissante, prononcé à la fois par les catholiques et les libéraux, les bourgeois modérés, les notables, les gardes civiques, les radicaux, les francophiles et la plus grande partie du peuple.

Gendebien, esprit très aventureux, avait formé le projet d'amener le prince d'Orange à consacrer la séparation des deux parties du royaume en se laissant proclamer roi des Belges. Il s'en ouvrit secrètement à lui, dès son retour, dans la soirée du 1er septembre, mais le prince refusa avec indignation de l'écouter, non qu'il fût hostile à la scission, non qu'il ne désirât vivement régner sur nos provinces, mais parce qu'il ne voulait pas commettre une félonie envers son père et souverain (TH. JUSTE, Alex. Gendebien, p. 12).

Ayant entendu l'avis de la commission consultative, dont le rôle était par là même terminé, considérant sa mission d'information et de médiation achevée et étant d'ailleurs prié par d'Hoogvorst de ne pas prolonger son séjour dans une ville où il n'était plus en sécurité, Guillaume d'Orange s'éloigna de Bruxelles vers Louvain dans l'après-midi du 3 septembre, avec Van Gobbelschroy et le duc d'Ursel. Si une vile populace se permit de saluer (page 139) son départ de huées, il emportait d'autre part les regrets des modérés et des orangistes, qui redoutaient une extension du mouvement révolutionnaire. Avec lui s'évanouissaient, en même temps, les espérances de ceux qui auraient voulu le retenir en otage ou, comme Gendebien, le persuader de se mettre à la tête des séparatistes du Midi (DE BAVAY, Histoire de la Révolution belge, loc. cit. Lettre de Gendebien à De Potter : « Le prince est parti et, avec lui, toutes nos espérances. »).

Avant de quitter nos murs, il avait, au cours d'une dernière entrevue très émouvante, promis aux officiers supérieurs de la garde de s'entremettre auprès de son père afin d'obtenir des concessions, déclarant avoir « tout lieu d'espérer qu'elles... seraient accordées » ; en retour, il leur avait fait jurer de « ne pas souffrir de changement de dynastie, de protéger la ville et spécialement les palais ». Il donna ensuite ordre à la garnison de se retirer sur Vilvorde. Pour la seconde fois, en quatre jours, il témoignait ainsi de sa confiance dans la bourgeoisie modérée. Mais celle-ci, malgré son entière bonne volonté, serait-elle en état de tenir ses promesses, de contenir le flot montant de la révolution, d'opposer l'inertie du statu quo à l'action violente des éléments extrêmes ?