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Du gouvernement représentatif en Belgique (1830-1848)
VANDENPEEREBOOM Ernest - 1856

Ernest VANDENPEEREBOOM, Du gouvernement représentatif en Belgique (tome premier)

(Paru à Bruxelles, en 1856, chez Libraire polytechnique d’Augistre Decq)

Septième session (1836-1837) (gouvernement de Theux)

1. La réorganisations ministérielle (I)

(page 261) La septième session s'ouvrit le 8 novembre 1836 et fut close le 26 mai 1837 : elle ne dura donc que six mois et demi. La Chambre, comme épuisée par les grands travaux qu'elle venait de terminer, n'adopta pas, cette fois, de lois très importantes : plus souvent qu'à aucune autre époque, il lui (page 262) arriva de n'être pas en nombre. Le cabinet se présenta devant elle modifié en ce sens, que M. le baron Evain avait, le 19 août 1836, fait place à M. le général Willmar, au Département de la Guerre. Les discussions violentes des lois sur la position et la perte des grades des officiers, les débats non moins vifs, ni moins personnels sur le couchage des troupes (lits de fer) semblent avoir été la cause déterminante de la retraite du général Evain. Mais le ministère devait se modifier plus encore (arrêté du 15 janvier 1837), par la création d'un nouveau département, celui des travaux publies, dont M. Nothomb prenait la direction (Note de bas de page : Ce nouveau département eut pour attributions les suivantes, distraites des ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la Marine : Travaux publics, Mines, Milice, Garde civique, Postes, Messageries, Monnaie, Garantie des matières d'or et d'argent, Poids et mesures. Par arrêté du 27 janvier 1837, il fut sursis à celui du 13 du même mois, en ce qui concerne les monnaies, la garantie et les poids et mesures. Mais M. Nothomb, dans une lettre adressée à la Chambre (Moniteur de 1837, n°55) dit que les attributions suivantes lui avaient en outre été confiées : Pensions civiques, Fonds des blessés de Septembre, Pertes de l'agression hollandaise, Casernement et affaires militaires, Casernement de la gendarmerie. C'était évidemment trop d'attributions et trop peu de connexité entre elles).

Le même arrêté réunit au Département de l'Intérieur, celui des Affaires Étrangères, sans que l'on trouve de trace de la démission de M. de Muelenaere, qui tenait ce dernier portefeuille, et qui se retira à cause d'un dissentiment, que nous signalerons (Voir Moniteur de 1837, n°30 à 32, les explications demandées dans la discussion du budget des Affaires étrangères). Le cabinet perdait donc un Ministre de la Guerre, organisateur consommé ; un Ministre des Affaires Étrangères, habile et prudent : mais il gagnait un Ministre des Travaux Publics, prompt pour la conception, courageux pour l'entreprise, imperturbable dans la défense, et qui savait, lorsque ses desseins l'exigeaient, imposer à son esprit le travail le plus opiniâtre et à son cœur le silence le plus absolu.

Le ministère du 4 août 1834, ainsi remanié, se composait. (page 263) de M. de Theux, Intérieur et Affaires étrangères ; M. Ernst, Justice ; M. le baron d'Huart, Finances ; M. Nothomb, Travaux publics ; M. le général Willmar, Guerre, et M. le comte Félix de Mérode, Ministre d'Etat, membre du cabinet sans portefeuille.

Le discours du Trône promettait les projets de loi des écoles primaires et moyennes et des chemins vicinaux : il donnait l'assurance que les impôts existants seraient suffisants et que la construction des chemins de fer se poursuivait avec activité. La discussion de l'adresse fut peu vive et peu prolongée ; elle portait sur nos relations extérieures et sur les chemins de fer. La Chambre fut unanime pour adopter cette réponse.

2. La question de l’indépendance des parlementaires-fonctionnaires (I)

Dès l'ouverture, M. Dumortier, mu par un scrupule constitutionnel, excité peut-être aussi par quelque dépit d'avoir vu échouer la nomination directe par les électeurs des chefs des administrations communales qu'il avait si chaudement défendue, demanda que la Chambre statuât sur la question suivante : Les représentants, nommés bourgmestres ou échevins, ne doivent-ils pas être soumis à réélection ? L'honorable membre invoquait pour l'affirmative l'art. 36 de la Constitution, qui dit : « Le membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, nommé par le Gouvernement à un emploi salarié, qu'il accepte, cesse immédiatement de siéger et ne reprend ses fonctions qu'en vertu d'une nouvelle élection. » Froidement examinée, cette question ne peut, pensons-nous, être résolue que négativement. En effet, qu'a voulu le constituant ? Qu'un représentant ne fit pas fléchir son indépendance devant l'esprit de lucre, en acceptant un emploi salarié. Or, qui oserait dire que le traitement des bourgmestres et échevins soit un appât pour ceux qu'anime l'amour de l'argent ? Ce traitement, ordinairement peu élevé dans la plupart des localités, n'a quelque importance que dans les grands centres. Et là même, c'est une indemnité, souvent insuffisante, pour frais de représentation, souscriptions et aumônes (page 264) officielles ; en un mot, pour alléger les mille charges qui pèsent sur les chefs des administrations communales. D'autre part, ces fonctions ne sont accessibles qu'à ceux qui ont triomphé dans l'élection, et le choix populaire les absout, pour ainsi dire d'avance, de la faveur gouvernementale. La question n'en eut pas moins l'honneur d'un double vote. Les représentants, seulement confirmés dans leurs fonctions de bourgmestres ou d'échevins, doivent-ils être soumis à réélection ? Cette première question fut résolue négativement par 55 voix contre 9 et 5 abstentions. La question de principe, celle des représentants nommés à ces fonctions pour la première fois, fut réduite à une question de personne : M. Duvivier, Ministre d'Etat, ancien Ministre des Finances, nouvellement nommé bourgmestre d'un village de 250 âmes et jouissant, de ce chef, d'un traitement annuel de vingt francs, doit-il être soumis à réélection ? Résolue négativement par 51 voix contre 12 et 3 abstentions (Moniteur de 1836, n°347 et 348). Certes, toute question de droit constitutionnel mérite examen ; mais nous croyons sincèrement que celle-ci aurait pu n'être pas soulevée et que, en tout cas, elle a été sainement résolue.

3. La prise en charge par l’Etat des traitements du clergé

La Chambre aborda immédiatement la discussion du projet relatif aux traitements des vicaires. M. de Theux avait présenté un projet (Moniteur belge de 1836, exposé des motifs et projet de loi, n°100 et 102), qui sauvegardait pleinement les droits de l'autorité civile. Il mettait les traitements à la charge des fabriques et, à leur défaut, à la charge des communes. Si les ressources de celles-ci étaient insuffisantes, le Trésor intervenait pour une somme qui ne pouvait dépasser 300 francs. C'était, à peu près, le maintien de la législation en vigueur ; puisque, aux termes de l'art. 39 du décret du 30 décembre 1809, les vicaires étaient rétribués par les fabriques et les communes à un maximum de 500 francs et à un minimum de 300 francs. (page 265) Un supplément de traitement de fr. 211-64, sur le Trésor, avait été accordé depuis 1815.

M. Doignon présenta un rapport (Moniteur de 1836, n°303 à 305) très développé et indiquant la législation sur la matière. La section proposait un système diamétralement opposé à celui du ministre, puisqu'il mettait à la charge du Trésor le traitement de 500 francs, laissant aux fabriques ou aux communes la faculté de fournir le supplément. La Chambre se trouvait, pour discuter ces deux projets, en présence du texte précis de l'art. 117 de la Constitution ainsi conçu : « Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l'Etat ; les sommes pour y faire face sont annuellement portées au budget. » De plus, il y avait ce précédent que le Gouvernement, ayant voulu faire entrer son système dans la loi communale, avait vu échouer sa tentative (Moniteur de 1836, n°46). Il s'agissait donc ici, tout à la fois, d'une question de constitutionnalité et d'une question de convenance. Si l'on considère le texte absolu de notre Pacte fondamental, nul doute que la proposition de la section centrale ne pût être admise. Celle de M. de Theux laisse un peu plus de prise à la discussion. Ceux qui la soutiennent, disent qu'il suffît qu'une partie de ce traitement soit portée au budget : ceux qui la contestent peuvent dire que le terme constitutionnel, les traitements, doit s'appliquer à la dotation entière. Si l'on tient compte de la pauvreté de la plupart des fabriques d'églises et de beaucoup de communes, pourquoi ne pas mettre à la charge du Trésor les frais de service du culte, dont l'exercice est un besoin social, aussi important que celui de l'instruction ou de la force publiques ? Singulier spectacle ! MM. Lebeau et Fallon furent, cette fois, plus favorables au clergé que M. de Theux lui-même. Ce ne fut ni la première ni la dernière fois que ce Ministre de l'Intérieur se montra (page 266) très roide pour son parti, sur des points d'administration et de prérogative gouvernementales. « Ici, disait-il, on ne s'oppose pas à la nomination des ministres du culte et à la célébration des offices dans aucun lieu ; mais on demande que le Gouvernement reconnaisse la nécessité d'un vicaire ou d'un chapelain, pour qu'on puisse grever le Trésor. Au reste, faites comme vous voulez, il faudra toujours décréter le traitement, ainsi il faudra toujours l’intervention civile pour constater et reconnaître l'utilité des fonctions de vicaire et de chapelain 6 novembre 1836). » M. de Theux avait déjà tant fait pour ses amis, il devait tant faire encore, qu'il se donnait ainsi le droit de leur dire, parfois, impunément des vérités.

La loi (loi du 9 janvier 1837, adoptée, à la Chambre, à l'unanimité et deux abstentions ; au Sénat, à l'unanimité. Moniteur de 1836, n°324, 326, 359, 360) se compose de deux articles. Le premier dispose qu'à dater du 1er janvier 1837, les sommes nécessaires pour payer les traitements des vicaires qu'exige l'administration des paroisses, seront portées annuellement au budget de l'Etat. Le second fixe ces traitements à 500 francs, sans préjudice des suppléments que les communes et les fabriques des églises auront la faculté d'accorder.

Ce ne sera pas nous qui trouverons ce traitement de 500 francs trop élevé. Supposons que le supplément de la plupart des communes soit de 200 francs et le montant du casuel de 700 francs (chiffre exagéré pour le plus grand nombre), et nous arrivons à 1,400 francs. C'est avec cette modique somme que le pauvre vicaire, n'ayant aucune part au casuel parfois considérable de ses chefs, doit tenir maison ; avoir une petite bibliothèque, nécessaire à son apostolat et à son isolement ; se trouver, chaque jour, au chevet du malade indigent. Quelle épargne et quelle gêne, dans son petit ménage, en face de toutes ces nécessités et de tous ces besoins !

(page 267) En 1840, M. Verhaegen proposa, en section centrale, l’amélioration de la position des vicaires et desservants. M. Dubus aîné démontra que, pôur porter le traitement des desservants de fr. 787-50 à 1,000 francs, et celui des vicaires et chapelains de 500 à 750 francs, il faudrait augmenter, annuellement, le budget d’une somme de 1,500,000 fr. ; c’est-à-dire se résoudre à y ajouter la moitié en sus de ce qui existe aujourd’hui (Moniteur belge de 1840, n°352). Note de bas de page : La dotation du clergé, était, d’après l’Exposé, etc. (t. III, p. 243) au 31 décembre 1850, la suivante : Clergé supérieur : fr. 314,700 ; clergé inférieur : fr. 3,379,995 ; total : fr. 3,694,695. En moyenne, les frais du culte, subsides indirects compris, s’élèvent à peu près à un franc ; les frais de l’instruction primaire à plus d’un franc ; les frais de la guerre à près de dix francs par habitant…).

La dotation du clergé par l’Etat présente, outre les questions de chiffres, des questions de principe et des conséquences d’application de la plus haute importance. En France, l’Assemblée constituante, après avoir supprimé les dîmes (10 août 1789), nationalisa les biens du clergé. M. de Talleyrand, évêque d’Autun, avait fait un rapport favorable à cette mesure (séance du 10 octobre 1789) ; Mirabeau lui prêta le renfort de sa fougueuse et entraînante éloquence ; l’assemblée l’admit, par son décret du 2 novembre (quelle coïncidence de date pour les croyants !) ; malgré l’habile opposition de l’abbé Maury et la résistance de quelques autres (Note de bas de page : A. AMIC et E. MOUTTET, « Orateurs politiques », t. I, pp. 115-144. « La valeur des biens nationaux était de 400 millions (THIERS, « Histoire de la révolution »). Cette estimation, au-dessous de la valeur réelle, ne comprenait pas le montant de la redevance des dîmes). La Belgique subit, plus tard, les effets de ce décret, qui, à lui seul, enfantait toute une révolution ; car il consacrait ce principe que : « L’Eglise est dans l’Etat, et non l’Etat dans l’Eglise. » La législation (page 268) du royaume des Pays-Bas maintint cet état des choses. Au Congrès de 1830, la discussion de l'art. 117 de la Constitution (titre IV, « Des Finances ») ramena cette question.

Il faut le dire, les membres ecclésiastiques de l'assemblée se renfermèrent, sur ce point, dans une noble réserve : la question fut débattue entre les membres laïques. L'article du projet portait : « Les traitements, pensions et autres avantages « de quelque nature que ce soit, dont jouissent actuellement les différents cultes et leurs ministres, leur sont garantis. Il pourra être alloué, par la loi, un traitement aux ministres qui n'en ont point, ou un supplément à ceux dont le traitement est insuffisant. »

M. Forgeur : « II serait dangereux d'admettre l'article, tel qu'il est proposé ; ce serait interdire à la législature la faculté de faire des économies, dans le traitement du clergé. »

M. Destouvelles présenta cet amendement, sous-amendé par M. Forgeur : « Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l'Etat, etc. » Cette proposition fut adoptée, sans qu'on allât aux voix ; elle forme l'art. 117 de la Constitution (E. HUYTTENS, Discussions, etc., t. II, pp. 478 et suivantes.) Il résulte de cette très courte discussion qu'une réduction de ces traitements ne serait pas en désaccord avec notre Pacte fondamental.

Ce qui ressort du mode adopté par la présente loi, la dotation du clergé par l'Etat, c'est que le clergé est plus indépendant et, par cela même, plus enclin à être hostile au pouvoir civil. Si l'on avait admis la proposition de M. de Theux, dont la constitutionnalité peut se soutenir, c'est-à-dire la participation, dans les frais, des communes et des fabriques ; si des aspirations, plus généreuses que prévoyantes, avaient prévalu : c'est-à-dire si on avait laissé aux fidèles de chaque culte le soin pieux de doter ses pasteurs, voici ce qui serait probablement arrivé. Ou le clergé aurait eu à compter avec les autorités (page 269) locales, et, par conséquent, il aurait été moins prompt à les blesser : ou il aurait eu à se ménager la bienveillance individuelle, et il se serait gardé de froisser les personnes, dans les luttes électorales ; d'indisposer les associations, en s'opposant, comme il le fait parfois, à leurs plaisirs les plus innocents. Cette position différente de celle qui existe aujourd'hui eût-elle été, pour lui-même et pour le sentiment religieux du pays, un bien ; eût-elle été un mal ? Nous sommes fortement porté à admettre la première éventualité.

4. La réorganisation ministérielle (II)

Nous devons mentionner ici un incident qui, dans la presse de l'époque (Union du 23 novembre 1836 ; Courrier de la Meuse du 24 du même mois ; Indépendant, etc.) fut nommé « mouvement ministériel. » Ces bruits prirent assez de consistance et donnèrent lieu à des manifestations quasi parlementaires assez connues, pour que le Moniteur crût devoir s'en occuper, dans un article fort embarrassé du reste (Moniteur de 1836, n°335). De tous ces documents et de la tradition voici ce qui résulte. La Société Générale, qui jusque-là avait fait assez mauvais ménage avec l'ordre de choses nouveau, le trouva, en ce moment, assez consolidé, pour faire une spéculation sur sa bonté, au profit de ses chefs. Un membre du cabinet, très lié d'amitié et d'intérêt, disait-on, avec ces sommités financières, proposa à ses collègues de nommer ministre d'Etat, sans entrée au conseil, M. Meeus, gouverneur et M. Coghen, administrateur de cette banque. MM. de Theux, Ernst et d'Huart passèrent pour s'être opposés à cet acte, jusqu'à menacer de donner leur démission, s'il s'accomplissait. Ces circonstances transpirèrent dans le public. La presse s'en émut vivement : des membres de la Chambre des Représentants se réunirent, en comité particulier, pour approuver fortement les ministres opposants, et pour blâmer hautement le projet de donner une telle influence à un établissement financier, dont (page 270) ils trouvaient les procédés peu patriotiques, à cette époque. La démission des trois ministres ne fut pas donnée, parce que le projet lui-même fut prudemment abandonné. L'intrigue fut éventée et le rideau tomba avant le dénouement.

Peu de temps après, M. de Muelenaere ne paraissait plus aux Affaires étrangères et s'installait au Gouvernement provincial à Bruges, qui restait toujours ouvert, chaque fois, que ce gouverneur devenait ministre.

5. Les lois pénales et l’acquisition de la bibliothèque Van Hulthem

La loi sur la répression des crimes et délits commis par des Belges à l'étranger et celle concernant la surveillance des condamnés libérés donnèrent lieu à des débats très approfondis. Il s'agissait de combler, par la première loi, deux lacunes existantes dans l'art. 7 du Code d'instruction criminelle : d'abord, en ce que cet article prévoyait les crimes et non les délits ; ensuite, en ce qu'il ne prévoyait pas les cas où un Belge se rend coupable, à l'étranger, d'un crime contre un étranger. L'art. 1er de la loi comble la première lacune : l'art. 2 la seconde ; mais, dans ce cas, il n'y a poursuite que pour un crime ou un délit prévu par la loi du 1er octobre 1835 (sur l'extradition) et alors même, il faut qu'il y ait plainte de l'offensé ou de sa famille, ou bien avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité étrangère. L'art. 3 prescrit : « Ces disposition ne sont pas applicables, si le Belge a été poursuivi et jugé en pays étranger, à moins qu'il ne soit intervenu une condamnation par contumace, ou par défaut, auquel cas il pourra être poursuivi. » Cette loi (Loi du 30 décembre 1836, adoptée, à la Chambre, par 60 voix contre 3 ; au Sénat, à l'unanimité. Moniteur de 1836. Rapport de M. Liedts, n°319. - Discussions, n°332 à 337, 367) était, sans contredit, nécessaire dans un petit pays, qui sur neuf provinces compte huit provinces frontières ; elle était aussi un acte de moralité nationale puisque, suivant les expressions de M. Liedts, rapporteur, « elle empêchait (page 271) de proclamer hors de l'atteinte de la loi ceux qui, le « matin, iraient commettre des crimes (ou des délits) à l'étranger, et qui, le soir, reviendraient chez eux, promener le scandale de leur impunité. »

Voici le motif de la seconde de ces lois. Par arrêté du 30 octobre i830, le Gouvernement provisoire avait aboli la haute police et, par suite, rayé les art. 44 à 50 de notre Code pénal. Cette mesure était, certes, conforme à l'esprit du moment ; mais la disposition n'en avait pas moins établi une lacune, en ce qui concernait les condamnés libérés. Ce vide avait été signalé par les Chambres et par les magistrats de l'ordre judiciaire et administratif : car c'était là une des principales causes des nombreuses récidives. D'ailleurs, les dispositions nouvelles donnaient des garanties autrement fortes que le régime ancien ; l'exposé des motifs les énumère de la manière suivante : « Sous le système de la haute police, le condamné était à la disposition du Gouvernement. La surveillance avait lieu de plein droit, par le seul effet de la condamnation et quelquefois à perpétuité. Aujourd'hui, les crimes et délits auxquels la surveillance est attachée sont déterminés ; ils supposent une perversité morale ou une atteinte grave à l'ordre qui réclament des précautions ; la surveillance n'a pas lieu de plein droit, elle est prononcée par des magistrats, quand ils la jugent nécessaire, et sa durée est limitée... Dans aucun cas, le Gouvernement ne peut envoyer le condamné où il le trouve convenable, mais seulement lui interdire certains lieux. » La loi (Loi du 31 décembre 1836, adoptée, à la Chambre, par 62 voix contre 3 ; et, à l'unanimité, au Sénat. Moniteur de 1836, n°336-366) donne ainsi des garanties à la société, sans qu'on puisse élever sérieusement contre elle le reproche de porter atteinte à la liberté individuelle. les délits politiques étant écartés et la surveillance (page 272) étant le résultat d'une condamnation facultative et pour des cas prévus.

Pour satisfaire à de nombreuses demandes faites par le commerce et l'industrie, les Chambres votèrent une loi sur la sortie des os (Loi du 27 mai 1837), une autre pour permettre l'entrée des machines (Loi du 7 mars 1837), enfin une troisième loi (Loi du 7 janvier 1837), accordant des primes aux constructeurs de navires. Une particularité de cette dernière mesure, c'est qu'on repoussa, par 52 voix contre 27, la proposition de mettre les bateaux à vapeur, dont nous avions le plus besoin, sur la même ligne que les autres navires. Il semblait que ces primes dussent donner un développement extraordinaire à notre marine marchande. Ici encore les résultats vinrent tromper les espérances ; car en 1836 on comptait 136 navires nationaux et, en 1850, nous en possédions 149. Il n'y a donc eu qu'un accroissement de 13 navires, en quatorze années de temps (Exposé de la situation du royaume, IVème partie, p. 192).

A cette époque, nous n'avions pas de bibliothèque nationale. L'Etat ne possédait que la collection des manuscrits dite des Ducs de Bourgogne. M. Van Hulthem, ancien conservateur de cette bibliothèque et secrétaire perpétuel de l'Académie, était mort, délaissant une bibliothèque, estimée dans le pays et à l'étranger, et composée de plus de 60,000 volumes imprimés et de nombreux et précieux manuscrits (Voir Moniteur de 1836, n°337, Notice sur M. Van Hulthem et sur sa bibliothèque). C'était là un beau noyau. M. de Theux, après s'être assuré de la valeur de cette collection, en chargeant MM. de Gerlache et Marchal, auxquels s'était joint le savant Willems, de l'examiner à Gand, n'hésita pas à faire une convention avec les héritiers pour l'acquérir au prix de 279,000 francs ; ce qui, avec (page 273) les frais de déplacement, de transport et de replacement estimés à 35,000 francs environ, portait le prix de cet achat à 315,000 francs. La loi fut adoptée (Loi du 13 mars 1837, adoptée, à la Chambre, par 56 voix contre 14 ; au Sénat, par 24 voix contre 6). (Note de bas de page : La Bibliothèque royale a été établie par l'arrêté royal du 19 juin 1837. Par suite de la loi du 4 décembre 1842, la collection de la Bibliothèque de la ville de Bruxelles y fut réunie. Voir, pour l'origine et le nombre des éléments qui la composent : « Histoire de la ville de Bruxelles », par ALEX. HENNE et ALP. WAUTERS, t. III, pp. 369 à 373 ; « Exposé de la situation du royaume, 1841-1850 », t. III, pp. 176 à 178). Le pays pouvait applaudir à cette mesure. N'était-ce pas assez d'avoir tant de nos archives éparpillées à Lille, à Vienne, à Simancas, sans voir encore le démembrement et la dispersion de cette collection, si riche en documents relatifs à notre glorieux passé ?

6. Les discussions budgétaires (hors le budget de la guerre)

De tous les budgets, celui des Voies et moyens était le seul qui eût passé, avant l'ouverture de l'exercice, auquel ils appartenaient. Pour tous les autres, il fallut demander des crédits provisoires, marche irrégulière et pleine d'inconvénients. Le Gouvernement obtint tous ses budgets, les uns à l'unanimité, les autres à de grandes majorités ; mais pour quelques-uns, ce ne fut ni sans de longues discussions, ni sans d'irritants reproches. Celui de la Justice n'offrit pas d'incidents notables. A celui des affaires étrangères, MM. H. de Brouckere et Gendebien tournèrent en ridicule le récent remaniement ministériel. Ils firent de vains efforts pour engager le Gouvernement à soulever le voile transparent qui couvrait cette crise. Ce dernier membre disait : « Je demanderai, à mon tour, au ministère, quelle a été la cause de la dernière perturbation ministérielle. Trois ministres ont donné leur démission : rien d'officiel, il est vrai, n'a été publié à cet égard ; ce n'est que par une indiscrétion que la Chambre et le public en ont eu connaissance. C'est un événement (page 274) grave, sous le régime constitutionnel, que la démission de trois ministres : grands bruits à huis clos, dans cette enceinte, grands bruits à la Cour et ailleurs ! En définitive, les trois ministres, qui avaient donné leur démission, restent en place, tandis que le quatrième, qui paraissait n'avoir pas donné sa démission, l'a offerte à son tour et celle-ci a été acceptée. Il me semble qu'il est du devoir du ministère de nous donner des explications. » (Moniteur belge de 1837, n°14). Les ministres s'en gardèrent et ils firent bien, du moins dans l'intérêt de la dignité du pouvoir.

A la discussion du budget de l'intérieur, M. Doignon soutint sérieusement que MM. de Mérode et de Theux ne présentaient pas, au pouvoir, des garanties suffisantes pour le parti catholique. Le fait était que M. de Theux ne négligeait pas de sauvegarder les questions de principe favorables à ses amis ; mais il savait aussi faire respecter la loi, qu'elle fût son œuvre ou celle d'un de ses prédécesseurs. Ainsi on lui faisait un crime de ce qu'un agent du gouvernement inspectât les établissements d'instruction qui recevaient des subsides sur le Trésor. Si M. Doignon n'avait pas été si consciencieux, ont eût pu croire que, par une ruse de guerre, il faisait une manœuvre stratégique en faveur du Ministre de l'Intérieur. Quand on relit les discours de l'honorable membre, on ne s'étonne pas qu'il ait quitté la tribune pour la chaire. Sa foi vive perçait dans toute ses paroles et dans toutes ses tendances.

M. Lebeau demanda le recours en cassation contre les ordonnances des députations permanentes sur l'appel contre les décisions des conseils de milice : ce ne fut qu'en 1849 que cette sage disposition entra dans notre Code administratif.

Le budget de la dette publique et des dotations ne donna lieu qu'à un débat digne de souvenir. On y blâma la facilité donnée à certaines sociétés particulières d'émettre du papier-monnaie, sans intérêt (bank-notes). M. Rogier (page 275) demanda pourquoi on ne réservait pas, dans de certaines limites, la même faculté au Gouvernement qui mettait en circulation des bons du Trésor portant intérêt. Il y avait, dans cette discussion, tous les motifs suffisants pour la création d'un établissement national, seul autorisé à émettre des billets de banque. C'est ce que fit le Ministre des Finances, M. Frère, quatorze ans plus tard.

Le principal débat du budget des Finances concerna le service du caissier de l'Etat. Par une convention du 7 novembre 1836, le Gouvernement avait fait un accord avec la Société générale pour qu'elle continuât ce service. Par ces dispositions le denier de recette avait été réduit de 1/4 à 1/5 ; des rapports étaient établis entre le caissier et la Cour des comptes ; enfin, la Société générale fournissait un cautionnement de cinq millions de francs. Malgré ces améliorations, le chiffre de 260,000 francs proposé par le Gouvernement pour assurer ce service, ne fut admis qu'avec cet amendement de M. Dubus : « Sans entendre approuver la convention du 7 novembre 1836, ni aucune autre qui aurait pour objet de faire durer les fonctions du caissier de l'État au-delà de l'exercice 1837. »

Le budget des travaux publics souleva la question du droit laissé au gouvernement d'accorder des concessions, sans l'intervention du pouvoir législatif ; mais on n'en vint pas à une solution. On critiqua aussi, très vivement, la manière dont s'opérait l'imputation des dépenses pour l'exploitation de chemin de fer. M. le Ministre des Travaux Publics fit cet aveu, dans la séance du 17 février 1837 : « Toute la recette brute est renseignée au budget des Voies et moyens... Les frais de perception sont levés sur l'emprunt. Je l'ai dit hier, c'est irrégulier et au détriment de mon département. » Nous disons, nous, qu'en opérant ainsi, et en prenant, comme cela s'est fait dans le principe, sur le capital de construction les frais d'exploitation et même de renouvellement, on a porté une déplorable confusion dans cette partie de la comptabilité. (page 276) Il en est résulté, qu'au commencement nous avons eu un produit de recette nette plus grand, mais qu'aussi le capital de premier établissement a augmenté en conséquence. Si le décompte était possible, on verrait que le coût total de construction est moins considérable qu'on ne le pense : en d'autres termes, que le chemin de fer n'a pas absorbé, pour son établissement, le capital qu'on indique.

7. La discussion du budget de la guerre

Mais le budget le plus longuement et le plus vivement discuté fut celui de la guerre. Deux points principaux furent surtout attaqués, celui des lits de fer et celui du service de santé. Ces deux questions furent renvoyées à la fin du budget, pour faire l'objet de rapports et de débats spéciaux. Si la couchette de fer n'avait été, pour M. Evain, qu'un lit de Procuste, elle fut loin de devenir, pour M. Willmar, un lit de roses. Malgré une transaction faite avec la compagnie, au profit du Gouvernement, le chiffre proposé par le Ministre ne fut admis, au second vote, qu'après avoir été rejeté au premier. Les débats prirent une tournure tellement personnelle, que M. Evain, signataire du contrat Félix Legrand, crut devoir intervenir, par une lettre à laquelle M. Gendebien répondit (Moniteur de 1837, n°75 et 77 in fine). Mais ce fut bien pis pour le service de santé. Ici, on fit un siège en règle ; on menaça du grand sabre de la Chambre : l'enquête ! Pour donner une idée de la violence de ces débats, nous ne pouvons mieux faire que de citer ce passage d'un discours de M. H. de Brouckere : « Nous avons entendu la salle retentir des mots : abus scandaleux, concussion, dilapidations, vols, empoisonnements même ; on a eu recours à tout ce que la langue française fournit d'expressions violentes ». (Moniteur belge de 1837, n°75). La proposition d'enquête faite par la section centrale fut repoussée par 49 voix contre 26 et 2 abstentions. Mais on admit la proposition de M. Lejeune, qui n'accordait qu'un crédit partiel et (page 277) qui renvoyait l'affaire à la section centrale. Avant le vote, l'auteur de la proposition en avait exprimé la portée en ces termes : « J'ai entendu ne pas admettre l'enquête immédiate. Mais, en même temps, je n'entends aucunement limiter les pouvoirs ordinaires de la section centrale. » Ce budget, qui avait absorbé seize séances de la Chambre, finit par y être admis, au chiffre de 41,319,000 francs, par 62 voix contre 9. Au Sénat, il le fut par l'unanimité des membres présents (Moniteur de 1837, n°59 à 84). Avant la clôture, la question des lits de fer revint encore sur le tapis, mais sans être résolue.

Un nouveau prince venait de naître (Note de bas de page : Le prince Philippe Eugène Ferdinand Marie Clément Baudouin Léopold Georges, comte de Flandre, est né à Laeken, le 24 mars 1837) : les Chambres félicitèrent, par députations, le Roi sur cet heureux événement. L'amour du souverain n'a jamais souffert, chez nous, des luttes des partis.

8. La loi sur les concessions minières

Dans son rapport sur la loi des mines, amendée par le Sénat, M. Isidore Fallon expose avec détail toutes les vicissitudes de la législation sur la matière et l'état actuel de la question (Moniteur de 1837, n°23, 25, 27). Le Sénat avait modifié l'art. 1er, en composant le conseil des mines d'un président et de cinq conseillers, un de plus que le nombre primitivement admis : il avait introduit d'autres changements secondaires. A la discussion, on s'occupa de cette question, déjà posée précédemment par M. Rogier : « Serait-il de l'intérêt général que le Gouvernement se réservât de disposer, pour le compte du domaine, des mines de houille non encore concédées ? » Comme bien on le pense, cette proposition, ou plutôt cette éventualité fut vivement combattue : repoussée par le Gouvernement, elle fut retirée par son auteur. Trop d'intérêts étaient engagés dans cette loi, pour qu'on songeât à l'améliorer, au risque d'un plus long délai. (page 278) Aussi, toutes les propositions de modifications furent-elles rejetées, et la loi fut admise, telle qu'elle avait été amendée par le Sénat. Elle rencontra 46 adhérents, 20 opposants et 3 abstentions (Moniteur n°96 à 98, 100 à 103). Dans la pratique, elle n'a pas soulevé tous les inconvénients que l'on avait fait entrevoir. Le conseil des mines fonctionne avec sagesse et avec indépendance. L'industrie a trouvé, grâce à son intervention, les moyens de se développer dans des proportions, que personne n'osait espérer à cette époque (loi du 2 mai 1837).

La Belgique est bien dotée en richesses minérales : mais on se demande si, en réalité, elle ne l'est pas plus encore qu'on ne le croit. Voici ce qui inspire ce doute. Dans le nord de la France, les mines d'Anzin furent longtemps les seules connues, et ce n'est guère que depuis environ cinquante ans qu'elles sont exploitées de manière à donner des produits en rapport avec leur richesse. Rien n'indiquait, et la science elle- même doutait qu'il y eût, dans cette région, d'autres gisements semblables, que l'on peut appeler des trésors autrement précieux que des mines d'or et d'argent. Bientôt, les mines de Denain, peu éloignées de celles d'Anzin, furent découvertes. Il y a peu de temps, l'industrie privée, à l'aide de recherches coûteuses, trouva des gisements, d'abord peu remarqués, dans le Pas-de-Calais. On ne tarda pas à constater le prix de ces nouvelles découvertes et, aujourd'hui, ces mines sont exploitées sur une si grande échelle, que le Gouvernement français a dû établir, à Saint-Omer pensons-nous, un service spécial d'inspection pour cette zone, primitivement dépendante de l'inspection des mines de Valenciennes. Cette richesse inespérée, découverte si tardivement en France, ne pourrait-elle pas se rencontrer sur quelque point négligé de notre pays, si bien pourvu déjà de semblables gisements ? Chaque jour, on annonce (page 279) que de nouvelles mines de houille se découvrent sur tous les points du globe, là même où l'on niait la possibilité de leur existence.

En confiant cette recherche à des hommes compétents, le Gouvernement ne mettrait-il pas l'industrie privée sur la voie de la découverte sinon de mines de houille, du moins de carrières de pierres de construction naturelles ou de pierres à chaux, qui font généralement défaut dans la plupart de nos contrées ? M. Dumont, notre savant géologue, serait, plus que tout autre, capable de diriger une telle mission, aidé qu'il serait par les professeurs et les élèves de notre école des mines. Un jour, nous lui demandions s'il pensait qu'un tel effort pût amener des résultats ; il nous répondit, avec la modestie, compagne habituelle d'un grand savoir : « J'ai beaucoup étudié la nature du sous-sol de la Belgique ; mais il serait possible qu'une étude plus approfondie, sur des points donnés, dévoilât des richesses minérales, que je n'avais pas soupçonnées. » Pourquoi ne pas faire quelques pas dans cette voie, comme essai, avec l'espoir de réussir comme on a réussi, en France et ailleurs ? En cas de découverte, le Gouvernement se ferait rembourser, par les demandeurs en concession, les frais de recherche et au-delà : en cas d'insuccès, il aurait dépensé de faibles sommes, dans un but important, on peut dire national, vu le renchérissement de la houille et des matériaux de construction. Toutes les dépenses de l'Etat ne sont pas aussi bien justifiées. Dans les années calamiteuses de 1847 et 1848, M. Rogier, Ministre de l'Intérieur, entrevit cette éventualité, comme un des moyens de venir au secours des Flandres. Des recherches furent ordonnées ; elles amenèrent la découverte d'une carrière de grès, dans les environs de Gand. Nous ignorons ce qui est advenu de l'exploitation, tentée sur ce point. Mais nous savons que les investigations ordonnés, furent faites d'une manière trop peu approfondie et trop précipitée, sur d'autres points de notre territoire.

9. Les autres lois

(page 280) Les discussions sur le chemin de fer de Gand vers la frontière de France et vers Tournai, par Courtrai, n'avaient point été stériles. Le Gouvernement présenta, dans la séance du 8 mai 1837, un projet pour la construction, aux frais de l'Etat, de cette ligne importante. Il y eut discussion ; non pas qu'on s'opposât au projet, mais parce que diverses autres localités désiraient y être comprises. On donna satisfaction à plusieurs d'entre elles ; c'étaient des jalons placés pour l'avenir. La loi fut admise dans les deux Chambres, on peut dire à l'unanimité (Loi du 26 mai 1837. Moniteur de 1837, Rapport de MM. Simons et de Ridder, n°129 ; Rapport de M. Dumortier, n°140).

Il en fut à peu près de même de quelques autres lois secondaires (12 mars 1837, modification de l'impôt sur les chevaux ; 20 mai 1837, droit d'aubaine ; 25 mai 1837, travaux aux polders ; 27 mai 1837, encouragements pour la pêche nationale ; 27 mai 1837, modifications aux droits sur les distilleries). Le Sénat avait, sur la proposition de M. le baron de Pélichy, adopté une loi pour la répression du duel. La Chambre ne s'en occupa pas, dans cette session. De son côté, la Chambre discuta. sans aboutir à un résultat quelconque, des modifications au tarif des douanes.

(Note du webmaster : contrairement à ce qu’indique Vandepeerenboom, ces lois ont été tout sauf secondaires, ne seraient qu’en raison du temps passé par les parlementaires pour les examiner : c’est ainsi que la loi sur les droits des distilleries a mis en avant l’impact d’une législation trop laxiste en cette matière en matière de moralité publique ; de même, la loi sur les travaux aux polders supposaient l’acceptation par le gouvernement belge d’une convention avec les Pays-Bas qui pouvait paraître au premier abord assez humiliante pour la Belgique. On renvoie au texte intégral des séances plénières des mois d’avril et de mai 1837, disponibles sur ce site.)

10. La question de l’indépendance des parlementaires-fonctionnaires (II)

La clôture était imminente, puisqu'on approchait de l'époque du renouvellement de la moitié de la Chambre des Représentants. M. Dumortier, toujours ardent à poursuivre la réalisation de ses idées, sans s'inquiéter de ses chances de succès, s'empressa de faire la proposition suivante : « Tout gouverneur ou commissaire d'arrondissement, élu membre de l'une ou de l'autre Chambre par l'un des districts ou par le district où il exerce ses fonctions, devra opter entre ses fonctions administratives et celles (et le mandat) de représentant ou de sénateur. Sont exempts de ces dispositions ceux qui, depuis le 1er juillet 1837, siègent dans l'une ou l'autre Chambre. » Cette dernière exception était un (page 281) acte de courtoisie et de bonne camaraderie pour les dix commissaires d'arrondissement et les quelques gouverneurs alors représentants ou sénateurs. Le vent qui souffla, en 1848, ne leur fut pas aussi doux. Le rapport de M. H. de Brouckere, fait au nom d'une commission nommée au scrutin par la Chambre, était favorable à la proposition (Moniteur de 1837, n°135-136, Rapport de M. H. de Brouckere) ; mais le Gouvernement ne s'y rallia pas. La question d'inconstitutionnalité fut, de nouveau, mise en avant, et cependant le projet de M. Dumortier fut adopté par 43 voix contre 42, et 2 abstentions. Au Sénat, le ministère s'opposa à l'adoption avec plus de force que dans l'autre enceinte. Là, il y eut rejet par 20 voix contre 7. Les tentatives de réformes, même les plus justes, marchent à pas de tortue, c'est-à-dire lentement mais sans interruption ; aussi finissent-elles par aboutir.