(Paru à Rotterdam, dans le quotidien "Nieuwe Rotterdamsche Courant")
Fête de jubilé [la fête du « Vooruit » à Gand] (27 juillet) - Encore une académie (18 août) - "Madame Chrysanthème" [d’André Messager, au Théâtre de la Monnaie] (11 novembre)
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 27 juillet 1906)
Bruxelles, 25 juillet 1906.
Si l'on croit en l'affirmation selon laquelle la population de chaque ville a son propre caractère, un ensemble de traits, de vertus et de habitudes innées, de qualités qui appartiennent à la ville elle-même et qui se reflètent dans ses coutumes ainsi que dans ses bâtiments, alors on ne pourra pas reprocher au Gantois d'être un « suiveur », un homme soumis, facilement satisfait et malléable. Lorsque l'empereur Charles, lui-même un Gantois, critiquait ses concitoyens pour leur "têtes dures", il savait bien que même avant son époque, ces têtes ne se plieraient pas facilement, et que l'avenir ne les plierait guère.
Aujourd'hui encore, l'entêtement, le caractère pointilleux, aux côtés de la ténacité et de l'obstination, leur sont propres : un Gantois est méfiant ; sa capacité critique domine son enthousiasme ; mais une fois que la question examinée a été jugée bonne, elle peut compter sur sa force de volonté, sur la ténacité de sa volonté, sur sa "tête dure", pour surmonter tous les obstacles, même si elle devait se révéler être une erreur par la suite.
Ainsi, le peuple de Gand a acquis une grandeur, une noblesse rude et linéaire, une force imposante, calme et consciente, qui contraste avec la souplesse des Flamands occidentaux et la générosité bon enfant des Brabançons ; et celui qui, dans les ruines de l'abbaye de Saint-Bavon, à Gand, a vu la statue de pierre du "homme du Beffroi", qui ornait l'un des quatre coins du beffroi de la ville il y a des siècles : un guerrier gigantesque, le visage sévère et fermé sous le casque, le cou de taureau droit dans le col de mailles, la poitrine ouverte large dans la cotte de mailles, les jambes comme des arbres et les mains reposant avec force sur l'épée haute comme un homme : celui-là a vu l'âme gantoise, qui, par esprit de malice, n'acceptera rien légèrement, mais défendra ce qui a été accepté, contre toute puissance, intrépidement. Des exemples de l'Histoire ? Ils confirmeraient ce que j'avance ici, et seraient l'explication, ainsi que la justification, du dernier exemple que je peux vous citer : les Fêtes de jubilé de la société coopérative socialiste "Vooruit".
Celle-ci - preuve de l'entêtement et de l'obstination gantois - a choisi les jours de la célébration du 76e anniversaire de l'indépendance nationale partout ailleurs en Belgique pour sa fête. Et - preuve de la volonté et de la ténacité gantoises - elle l'a fait d'une manière qui, en raison de son grand spectacle ainsi que de l'importance de ce qui a été montré, a suscité l'étonnement et le respect, même chez les non-sympathisants.
Fondée, et à très petite échelle, en 1881, comme première preuve en Belgique que les idées socialistes gagnaient du terrain, "Vooruit" n'était au départ qu'une modeste boulangerie coopérative. Aujourd'hui, elle peut être considérée comme la plus grande boulangerie de Belgique. Et sous le même nom, elle a rassemblé des magasins de vêtements, des cordonneries, une imprimerie, un commerce de charbon, des pharmacies, des épiceries, une - récemment fondée - usine de tissage. Pionnière sur le chemin de la coopération, elle a laissé loin derrière elle les autres cercles coopératifs - antisocialistes, comme "Het Volk", "bourgeois" comme "Het Volksbelang" et "Elks Belang", ainsi que celui fondé par les fonctionnaires des chemins de fer, des postes et des télégraphes. Ses bénéfices servent à créer et à entretenir des caisses de maladie et de maternité, des caisses de retraite et des bibliothèques, tandis qu'une partie revient aux membres. Et elle avait encore assez d'argent pour acheter une grande salle de fête et de nombreux entrepôts, et pour construire, sur le Vrijdagmarkt, un véritable palais "Ons Huis", juste derrière la statue de Jacques Van Artevelde, le tribun du peuple - qui, soit dit en passant, a dû apprendre à connaître, au prix de sa vie, la faible indulgence et la perspicacité critique du caractère gantois.
La société "Vooruit", âgée de 25 ans, a donc fêté et jubilé et... c'était impressionnant. Un défilé de 20 000 personnes, dont trois cents Hollandais, s'est mis en route, solennel, conscient de sa puissance, dans les rues, où la poussière, sous leurs pieds, montait comme un encens glorifiant dans le soleil doré. La musique jubilait solennellement, les drapeaux flottaient d'un rouge éclatant contre le ciel bleu limpide. Et au milieu d'une foule silencieuse, les yeux écarquillés d'émerveillement, les grands et lourds chars à parade défilaient, huit lourds chars à parade, où étaient assis raides dans leurs habits blancs les "demoiselles". Et de nouveaux cartels, éclatant de couleurs dans l'air, étaient portés ; et de nouveaux drapeaux de sang vif ; et toujours de nouveaux éclats de clairon au loin ; - jusqu'à ce que finalement les fondateurs de "Vooruit" se présentent, le camarade Anseele à leur tête : le maître de la parole, bien connu, le dompteur d'émeutes, l'homme à la main de fer et au regard d'acier, le dirigeant autocratique de ces ouvriers qui l'adorent avec crainte et respect.
C'était, je le répète, impressionnant ; surtout lorsque Anseele - alors que tout le cortège s'était rassemblé sur la grande place carrée du Vrijdagmarkt - laissait résonner sa voix à travers cette foule, et, dans le dialecte rugueux, guttural et sonore de Gand, élevait sa propre gloire, sa propre glorification ; dans un cortège d'images vigoureuses et larges - aucune langue n'est aussi imagée que le dialecte gantois - il louait la lutte et la victoire. Et lorsque comme une vague, le murmure traversait la foule, sur le point d'éclater en un enthousiasme infini, un frisson parcourait le moins sensible des spectateurs...
Et l'étranger, qui avait assisté à ce spectacle, aurait pensé : que le socialisme doit être puissant en Belgique !
Mais nous, qui savons mieux, nous ne donnerons pas au socialisme tout ce qui appartient uniquement aux Gandois, Sauvons César... Nous savons que le socialisme n'est pas si puissant : sur les 1.581.649 électeurs belges inscrits sur les listes de 1905-1906, il ne peut compter que sur un tiers, sur seulement 450 000 membres, moins encore que la moitié des électeurs ouvriers, qui sont au nombre de 916 980. Mais à Gand, ville industrielle, où l'on est têtu et obstiné, il a suffi qu'une nouvelle idée, prêchant la résistance et exigeant la ténacité, émerge pour trouver des adeptes et des apôtres. L'essor de "Vooruit" est moins un triomphe socialiste qu'un phénomène de caractère gantois. "Vooruit" est puissant parce que le Gantois est récalcitrant à toute discipline autre que la sienne, veut être son propre patron et peut l'être.
C'est pourquoi "Vooruit" a célébré au milieu et à travers les fêtes nationales ; tandis qu'à Anvers les écoliers chantaient la Brabançonne, beaucoup de ceux de Gand chantaient la Marseillaise ; et tandis que la voix d'Anseele tonnait sur le Vrijdagmarkt, le roi Léopold, en véritable Bruxellois de l'ancienne école, assistait à un concours de boules festif ; et il refusait le verre de champagne qui lui était offert, mais buvait avec délice un verre frais de lambic national, après avoir trinqué avec monsieur le maire et avoir dit "santé".
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 18 août 1906)
La littérature flamande, d'habitude peu espiègle, a récemment beaucoup ri en elle-même ; elle a, bien qu'elle ne l'ait pas avoué, eu beaucoup de plaisir, beaucoup de satisfaction malicieuse. Imaginez-vous : sa grande sœur, sa sœur très célèbre, très respectée, très sévère, la sœur francophone belge, la Littérature belge d'expression française, est jalouse d'elle. Et pourquoi ? À cause de la Koninklijke Vlaamsche Academie....
Notre littérature française veut aussi sa propre salle de langue ; nos écrivains francophones, qui sont Belges, et qui aiment donc se réunir dans une société, dans un corps, dans un conseil : le Belge a la manie des réunions - nos écrivains francophones envient à leurs frères flamands,... ce que ces derniers ont depuis un certain temps déjà rejeté comme sans valeur : le "corps savant", les seuls vieillards qui se réunissent régulièrement et à date fixe, se battant pour le Grand Dictionnaire, lisant des notices nécrologiques de philologues décédés, et prononçant des discours contre la simplification de l'orthographe ou le particularisme linguistique, pour ensuite aller dîner ensemble et critiquer la jeune littérature flamande au dessert ; les poètes français de Flandre et de Wallonie sont jaloux de la réunion de vieux messieurs, qui, de par leur fonction et moyennant paiement, sont chargés de décerner le prix de littérature tous les cinq ans et... n'ont couronné Guido Gezelle qu'après sa mort ; qui, autorisés à choisir eux-mêmes leurs membres correspondants, ont écarté Stijn Streuvels au profit d'un poète inconnu, dont le seul mérite est également d'être un ancien boulanger ; la bande littéraire francophone belge ne nous envie pas, mais nous témoigne son ressentiment pour ce résidu de notre littérature, pour ce lit boueux sur lequel coule le rapide courant de notre art verbal, pour cette agrégation de pensées rances dans des fauteuils paresseux, qui considère l'obéissance politique comme le premier principe - quelques exceptions : un Victor de la Montagne, un Hugo Verriest, un Mac Leod, un Willem de Vreese sont des exceptions... qui confirment la règle - ; pour ces ombres littéraires qui errent à Gand à travers les salles vides d'un beau palais ; où tout ce qui se sentait indépendant et vivant préférait toujours ne pas être compté : Vuylsteke, Max Rooses, Jan van Beers, et aussi Pol de Mont, je pense, ont refusé de faire partie de la Koninklijke Vlaamsche Academie dès sa fondation....
Et la raison de cette étrange jalousie, de cette demande, dont l'absurdité inattendue ferait sourire plus d'un écrivain flamand ? La Jeune Belgique se sentait-elle soudain si vieille qu'elle aspirait à des fauteuils académiques ? Ou étions-nous une fois de plus en présence de cette manifestation belge, qui peut être qualifiée d'imitation railleuse ?...
Comme vous le savez, nous possédons, en plus de la Vlaamsche Academie, une Académie de Belgique, censée représenter tout ce que la Belgique possède de meilleur en sciences, en arts et en lettres. Et soyons honnêtes : cette académie française est, en termes de qualité et de fonctionnement, bien plus solide, bien plus sérieuse que la flamande, dont l'utilité reste encore douteuse. Maintenant, cette académie française présente cependant ce phénomène, à savoir que sa Classe des Lettres ne contient rien d'autre que des lettrés. On y trouve des historiens, on y trouve des philosophes. Mais des poètes, des romanciers ? Non. Et lorsque l'on a fait remarquer à l'académie elle-même l'étrangeté d'une telle situation, la réponse de son rapporteur a été : "Notre Classe des Lettres porte un nom qui prête à confusion. Elle porte ce nom parce que notre dictionnaire actuel n'offre pas d'expression plus précise pour la désigner. En substance, cette section n'est qu'une section des sciences humaines, qui ont trait à l'homme et à la société et que, si j'étais maître de la langue, je voudrais appeler, avec un vieux mot très expressif et très large, Humanités.... Elle ne diffère en rien de la section des Sciences Pures, où il n'y a jamais eu de malentendu. Or, la littérature est un art, et non une science, et il n'y a rien, ou presque rien, de commun entre le travail de l'artiste et celui du savant." Ainsi, l'art littéraire est exclu de l'Académie, où pourtant la musique et la sculpture sont représentées....
Face à une telle situation, qui était irritante à cause du mépris et ridicule à cause de son absurdité, le sens de la justice de nos écrivains s'est réveillé. Et ils ont exigé l'égalité sous la forme d'une nouvelle Académie, contrepartie de celle-ci, qui est une bénédiction pour la Flandre, et ils ont demandé aux membres de l'Académie française s'ils avaient raison ; et Sully-Prudhomme et Jules Lemaitre - qui, bien que purement littéraires, sont membres correspondants de l'Académie belge - et Ernest Lavisse, et Brunetière, et Emile Faguet, et François Coppée, et René Bazin, et Gabriel Hanotaux, et J. Claretie, et G. Boissier, ont tous répondu, dans des termes spirituels, sérieux ou pédants, que leurs collègues belges avaient raison, et qu'ils devaient demander avec courage.
Pendant ce temps, les confrères flamands continuent de sourire. Ils savent ce qu'une académie signifie, eux ! La littérature flamande n'a-t-elle pas précisément commencé à fleurir depuis que la Koninklijke Vlaamsche Academie la combat avec fureur de vieillard ? Oui, il y a un sourire dans les barbes flamandes depuis que « La Belgique artistique et littéraire » - le pendant français du magazine « Vlaanderen » - a publié les réponses des académiciens français ; il y a un sourire malicieux, et on se demande pourquoi la littérature de l'autre côté ne se contente pas de l'Académie Picard, fondée par ces derniers dans le but de compléter et... de combattre l'académie officielle, tout comme l'épée de Joseph Prudhomme devait servir à défendre et même à combattre les institutions étatiques. On se demande pourquoi on demande à nouveau quelque chose qui, d'une part, existe déjà et, d'autre part, prouve plutôt être nuisible et un peu ridicule.
Oui, pourquoi ?... Parce que les écrivains français ici, plus que les Flamands, sont Belges ? Parce qu'ils souffrent plus que leurs frères flamands de la manie des réunions et de la maladie de l'imitation ? Pauvres patients qu'ils sont, ces Belges ; des patients qui ne veulent pas guérir !
(Paru dans le Nieuwe Rotterdam Courant, le 11 novembre 1906)
Je reviens juste du Théâtre Royal de la Monnaie, où ce soir pour la première fois était jouée « Madame Chrysanthème » d'André Messager : la première véritable de cette saison théâtrale, et... vraiment pas triomphale. Malgré toute la bonne volonté des interprètes, malgré toute la splendeur du décor, rien n'a pu venir à bout de l'anémie musicale de cette œuvre ; l'accueil du public a donc été extrêmement froid ; parfois même, il y a eu des sifflements ; et l'on se demande comment les administrateurs compétents, qui nous avaient présenté avant Paris « Fervaal » et « L'Étranger » de Vincent d'Indy, ont pu penser devoir offrir la même hospitalité à cette « Madame Chrysanthème » maigre et anémique : nous craignons bien qu'ils ne soient mal récompensés....
On connaît le roman de Pierre Loti qui a donné lieu au livret - de G. Hartmann et A. Alexandre - : une histoire d'amour mielleuse, superficielle, volage, sans colonne vertébrale ni substance, immatérielle au sens où on ne peut s'y accrocher, et qui n'est qu'un prétexte à de légères, douces descriptions aquarellées du riche traditionnel Pays du Soleil Levant, du pays des Oirans et des Geishas d'avant la guerre, quand en Europe on croyait encore aux redoutables Samouraïs et aux magnifiques Daimyos, du Japon des Kakémonos et des éventails qui ornaient chaque maison, des Rinnos qui décoraient chaque mondaine. Il est fort possible que Loti ait été au Japon : il n'y a cependant vu, avec ses yeux européens, que le côté « Extrême-Orient » : un monde de poupées, un monde charmant et sucré, où il a trouvé matière à un livre de fantaisie plutôt qu'à une observation clairement masculine, avec comme motif principal son mariage à peine esquissé et superficiellement psychologique avec Madame Chrysanthème.
C'était bien sûr matière à la plus douce « comédie lyrique » que l'on puisse imaginer : de beaux décors, des costumes brillants, de l'exotisme que le public aime, et une intrigue sentimentale pour rendre jaloux les librettistes de « Lakmé ». Mais en faire ainsi un plat principal pour le Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles, pour le Théâtre Royal de la Monnaie qui nous a fait connaître Vincent d'Indy, qui a glorifié Gluck, qui a réhabilité Berlioz ?
Oui, à condition de sérieux, et... de bonne musique.
Quant à la gravité des librettistes : la seule chose qui donnait encore une certaine valeur au livre de Loti était l'attitude de l'auteur lui-même : une ironie légère, tendre mais hautaine, tenait son sujet à distance. Cette ironie, Messieurs Hartmann et Alexandre n'ont pas su la conserver ; nous nous retrouvons donc maintenant avec une histoire d'amour assez ridicule, très creuse, très incompréhensible, découpée proprement en quatre actes, plus un prologue et un épilogue, auxquels ont été ajoutées quelques scènes comiques pour varier le ton, et transformée en une fête populaire qui la faisait ressembler à toutes les « comédies lyriques » des dernières années.
Et la musique ?...
Ce que nous devions au moins espérer ici, ; ce que notre crainte comme solution de secours espérait était : de la couleur locale, était : un son japonais. Carmen, outre la très grande valeur de l'œuvre de Bizet, doit en partie son succès aux chants populaires espagnols qui y sont incorporés ; la particularité de « Lakmé » réside dans les chants hindous qui ont servi de thème principal à Delibes. Et il n'est pas exagéré de dire que notre Jan Blockx peut aussi attribuer son succès aux airs populaires flamands qu'il a utilisés. Nous attendions donc de la musique japonaise ; du moins : une expression sonore qui nous ferait rêver à l'Extrême-Orient lointain, au royaume classique du Mikado de notre enfance, avec sa splendeur féerique ; une musique sans profondeur ni fond peut-être ; une musique cependant de belle surface, brillante ou éclatante ; une musique douce, fine, légèrement enivrante ; une musique au goût de poivre et de miel, aux subtiles et étouffantes senteurs de rose, comme les expositions universelles nous l'ont fait connaître.
Et qu'a fourni Messager ? Certes, le plus fin et le plus léger, le plus spirituel et le plus discret des orchestrations : une dentelle de vague et de bon goût ; le travail du musicien le plus compétent. Mais quelle pauvreté dans l'invention mélodique ! C'est encore ici le civet sans le lièvre, la définition du canon : un vide avec du bronze autour... oh, La bonne volonté ne manque pas ; on vise à chanter avec distinction, à une diction noble et soutenue ; mais cela reste sans souffle, sans inspiration en un mot. C'est, dans le pire sens du terme, de la musique française d'après Massenet ; la couleur locale y est obtenue par quelques faux pas dans le rythme, quelques combinaisons sonores inouïes, et... c'est tout ; une partition un peu trop fragile, une maison de cartes un peu trop chancelante, que toute la construction, tout le génie de l'orchestration, auront bien du mal à protéger contre les aléas du temps et de la critique.
Je ne veux pas dire que cette musique est désagréable, qu'elle n'est pas flatteuse. Quelques numéros ont de la grâce et de la distinction. Ainsi, dans le deuxième acte, l'espiègle « Oui Monsieur » de Kangouron ; dans le troisième, le « Oh ce regard » de Pierre ; tout le ballet fin du quatrième (où la ballade de Chrysanthème devient une vulgaire « valse chantée ») ; et dans le cinquième, le tout premier tableau vraiment excellent, avec le trio de jeunes filles délicieuses.... Mais n'est-il pas significatif que dans toute cette partition, ce qui est le meilleur, le plus solide,... soit un authentique chant populaire breton, même un peu travesti par des filles japonaises ?...
Non, je crains bien - et la froideur de cette première pièce confirme mon jugement - que cette « Madame Chrysanthème » ne soit pas un succès. Et pourtant, l'interprétation dans son ensemble est irréprochable, à quelques petites taches près, et les décors - ceux du temple et de la maison de Chrysanthème - sont magnifiques.
Mais cela ne suffit pas pour une bonne « comédie lyrique »....