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L’affaire [du cimetière] de Saint-Génois. Articles extraits des journaux : L’Echo du Parlement, L'Organe de Courtrai, Le Journal de Courtrai, ’T Jaer 30 et Le Katholyke Zondag
- 1868

L’affaire de Saint-Génois. Articles extraits des journaux : L’Echo du Parlement, L'Organe de Courtrai, Le Journal de Courtrai, ’T Jaer 30 et Le Katholyke Zondag

(Paru à Courtrai en 1868, chez Vermaut-Grafmeyer)

Het Jaar Dertig (traduction littérale)

Het Jaar Dertig, 13 juin 1868 (numéro 25)

(page 52) Saint-Genois, 10 juin 1868,

Monsieur Jaer 30,

Vos lecteurs se rappellent probablement encore l'arrêté, pris par le bourgmestre Mullie-Derrevaux, concernant lə cimetière de notre commune et son nouvel enfouissoir. Le délai, fixé pour la suppression du cimetière bénit et l'enfouissement dans le jardin communal, est expiré ; mais, grâces à Dieu, nous n'avons pas eu de décès jusqu'aujourd'hui ; nous ne savons donc pas ce qui adviendra du cimetière et de l'enfouissoir. Nous avons appris cependant (si la chose n'est pas vraie, nous sommes prêts à rétracter) que l'intention du bourgmestre est d'exécuter son arrêté et que, dans ce cas, sept membres du conseil communal donneront leur démission. Quatre de ces membres, quoiqu'ils soient du bord du bourgmestre, ne sont pas d'avis de porter avec lui la responsabilité d'une exécution contre laquelle toute la commune proteste, à l'exception d'une vingtaine de personnes. Nous rendons hommage à la courageuse résolution de ces quatre membres. Dans ce cas, trois hommes resteraient le bourgmestre Mullie, l'échevin Delbecque (un échevin est décédé) et le conseiller Devos. Les élections qui suivraient remettraient indubitablement nos démissionnaires si bien avisés à leur ancienne place.

Je vous tiendrai dorénavant et hebdomadairement au courant de cette affaire. Agréez, etc.

Un de vos lecteurs.


Het Jaar Dertig, 20 juin 1868 (numéro 26)

Premier enterrement dans un cimetière profane. Attiré par la curiosité et connaissant assez bien les personnes qui devaient jouer un rôle, je me suis rendu à Saint-Genois, le 11 du courant (juin), pour y être témoin d'un événement triste et inouï qui devrait être connu par tout l'univers.

Vous savez que l'autorité locale a publié, il y a un mois, une ordonnance de police, en vertu de laquelle le cimetière communal non bénit devait être affecté à sa destination, à dater du 9 juin. Notez bien l'époque fixée, le 9 juin, jour des élections, afin que l'attentat à commettre ne pût enlever une ou deux voix au parti libéral. Le premier décès eut lieu le 10 juin. C'était un nommé Antoine Lenencre, honnête homme et bon chrétien, qui habitait seul avec une domestique, et qui malheureusement n'avait ni frère, ni sœur, ni parent, ni allié pour pleurer sa mort. Cependant, craignant d'être inhumé dans le cimetière des gueux, il avait (page 53) remis entre les mains de ses exécuteurs testamentaires une certaine somme, mille francs, dit-on, pour faire transporter sa dépouille chrétienne dans un lieu bénit, pour le cas où l'autorité locale y mettrait obstacle. Nonobstant toutes les démarches de ses exécuteurs, tous leurs efforts vinrent se briser comme sur un roc. L'heure fixée pour l'enterrement sonna. Le révérend curé de la paroisse avait fait creuser la fosse, comme de coutume, dans le cimetière bénit ; mais le petit Victor, le fameux petit Victor, dont on parle tant, envoya, en sa qualité de conseiller communal, les gardes-champêtres pour chasser ignominieusement du cimetière le fossoyeur extraordinaire (l'ordinaire s'étant attaché aux solidaires).

Après la célébration du service funèbre, le curé, n'ayant pas reçu de permis d'inhumation de l'autorité civile, fit les cérémonies à la porte de l'église et laissa là le cadavre. Dès que le curé fut rentré dans l'église, le bourgmestre (premier dominé, comme dit le peuple) et l'échevin (second dominé) se précipitèrent, pour s'emparer du cadavre, comme des chiens affamés, auxquels on vient de jeter un morceau de viande. Le bourgmestre jeta autour de lui un regard courroucé pour inspirer à chacun la terreur, mais, en même temps, il sua sang et eau comme s'il avait eu le pressentiment de la vengeance divine qui attend tout sacrilège. Quelques porteurs refusèrent de porter le cadavre, des hommes apostés prirent leur place. Le cercueil fut couvert du drap mortuaire des solidaires de Tournai. Un jeune homme, dépendant de l'échevin, était allé le chercher le matin ; il avait franchi, en sept heures, une distance de huit lieues. On lui avait dit qu'il s'agissait d'aller chercher de l'étoffe pour deux pantalons en drap. Le triste cortège se mit en route pour le calvaire, comme dans la passion de Notre Seigneur, le cadavre en tête, sans croix, ni étendard, suivi du bourgmestre et de l'échevin, le chapeau sur la tête ; mais sur un signe du petit Livor (troisième dominé), le chapeau fut pris sous le bras.

La foule, composée de la lie, d'ici et des environs, était anéantie de stupéfaction. Quoique l'heure fixée pour l'enterrement fut inconnue et qu'il se fit à l'improviste, il y avait environ un millier de personnes. Ici, on versait des larmes, là, on criait : Voyez-les venir, les dominés. La consternation était générale. Arrivé à l'enfouissoir libéral, le cadavre fut bien vite enterré et alors le susnommé premier dominé prononça, d'une voix de paysan tremblant, le discours suivant : « Voyez et jugez si Antoine n'est pas bien enterré ici aussi. Quoique les prêtres n'aient pas voulu l'accompagner, j'espère qu'il n'en est pas moins au Ciel. Disons un pater pour le repos de son âme. » Pas d'Ave, parce que les protestants n'admettent pas le culte de la Vierge. Notre homme tomba à genoux et chacun quitta l'enfouissoir découragé et comme paralysé. Le cortège était fermé par l'ancien et déconfit bourgmestre, le créateur et le père du nouvel enfouissoir ; il avait les mains et les poches remplies de papiers, parmi lesquels le décret de prairial, pour défendre au besoin son enfant de prédilection.

Paroisse infortunée ! funeste administration !


Het Jaar Dertig, 27 juin 1868 (numéro 27)

Saint-Genois en Russie.

Il y a à Saint-Genois un homme qui vient de priver les habitants de cette commune d'un de ses droits les plus chers. En vertu de notre constitution, chacun a le droit de vivre et de mourir dans la religion qu'il a embrassée. A Saint-Genois comme ailleurs, les catholiques étaient enterrés, d'après la discipline de leur culte, dans un cimetière bénit, à côté de leurs parents et amis.

Mais un gaillard libéral, soutenu par la franc-maçonnerie bruxelloise, vient de publier un ordre, d'après lequel les catholiques doivent être enterrés ou enfouis dans un champ, dans la terre non bénite, tout comme un cheval ou une vache morts de maladie. Déjà, un jeune homme catholique a été enfoui de la sorte, et d'autres encore, dit-on.

Des services funèbres, des enterrements ne peuvent donc plus avoir lieu dans cette commune. Il y a là un homme qui joue le dominé et qui fait les enterrements à la façon des dominés.

Cette manière d'agir a excité chez tous la plus grande indignation et aura les suites les plus déplorables. Cet homme se rendra bientôt maître de l'église et les prêtres devront quitter la commune ou forcés par la persécution, les fidèles verront leur église fermée ou desservie par un dominé. Toute réflexion est ici inutile. Lisez le souvenir mortuaire ci-dessous que je viens de recevoir de Saint-Genois.

« A la pieuse et douloureuse mémoire

« d'Antoine Delencre,

« célibataire, né à Saint-Genois et y décédé le 10 juin 1868, à l'âge de 60 ans,

« qui fut enterré le premier dans le cimetière non bénit ou cimetière des gueux, à Saint-Genois, contre son gré et contre sa volonté expresse et contre celle de sa famille et de l'autorité ecclésiastique.

« Il fut ferme et prudent dans sa vie, patient dans ses longues infirmités ; c'est pourquoi il se réjouira au dernier jour. (Prov. 31.)

« Antoine, où êtes-vous ? (Gen. 3.) Je cherche mes frères (Gen. 37, v 16/

« Une mort amère devait-elle donc ainsi me séparer de mes frères ? (Reg. 15.)

« Comme Jacob vit que le jour de sa mort approchait, il appela son fils et lui dit : si j'ai trouvé grâce devant vous, donnez-moi une marque de cette bonté que vous avez pour moi, de me promettre avec vérité que vous ne m'enterrerez point en Égypte ; mais que je reposerai avec mes pères et que vous me transporterez hors de ce pays et me mettrez (page 54) dans le sépulcre de mes ancêtres. Joseph lui répondit : Mon père, je ferai ce que vous me commandez. (Gen. 47, v. 29, 30.)

« Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. (Luc. 23.)

« Avelghem. — Impr. de Schipman-Huyghe. »


Het Jaar Dertig, 27 juin 1868 (numéro 27)

Les révérends pères de l'ordre des Frères Mineurs sont arrivés à Saint-Genois. Voyant que toute la commune était bouleversée, ils ont résolu de prêcher de suite une mission, à commencer le 28 du courant. Le sermon d'ouverture sera prêché, en flamand, par le père Désiré, un des plus célèbres prédicateurs de l'Escaut, à neuf heures du soir, quand la cloche de retraite sonnera.

Immédiatement après, le père Auguste prononcera un petit discours en français croquant. On entendra les confesseurs depuis dix heures jusqu'à quatre heures du matin. Tout le monde devra être rentré chez lui au lever du soleil. Le père Edouard entendra les confessions, dans la maison des brasseurs, de tous ceux qui se présenteront, à l'exception des ivrognes, car il ne souffre pas leur haleine. Castor (son chien), se trouvera près de la porte pour éloigner tous ceux qui sont un peu échauffés.

Le père Auguste fixera plus tard le temps et l'heure, parce que, étant en même temps cultivateur, il doit d'abord récolter son lin. Le père Isidore entendra les confessions dans la maison communale, à côté de l'escalier qui conduit à la salle de délibération du conseil communal. Il portera sa petite casaque en drap, dans laquelle Mathilde, sa femme, a cousu le code civil, et voilà pourquoi il se fait passer pour très expert dans toute solution concernant la confection et l'annulation des testaments, la concession et la résiliation des baux de maisons, etc., etc. Le petit père Victor étant maladif, peut entendre des confessions seulement quand le vent est favorable ; il verra donc d'abord d'où le vent souffle ; entretemps, il arrangera ses meules. Le père Désiré se trouvera, en couleur Garibaldi, au nouvel enfouissoir, derrière le grand Christ. Tous ceux qui se présenteront à lui doivent savoir par cœur et réciter, en guise de confiteor, l'article 15 du décret de prairial, an XII. Chaque pénitent recevra un bon pour un double litre de bière à consommer chez le frère Oscar, du même ordre, qui a accompagné les pères pour avoir soin de tous les chiens qui y sont de trop.


Het Jaar Dertig, 4 juillet 1868 (numéro 28)

Les Pères à la dernière mode

Dimanche soir, buvant joyeusement une pinte de bière, je lisais et relisais un article du Jaer 30, dans lequel je voyais que les pères à la dernière mode, arrivés à Saint-Genois pour y faire des enterrements et la visite des malades à la façon des Luthériens, allaient ouvrir une mission et je trouvais cet article si facétieux, que la nuit j'en rêvai. Voici comment :

Entre minuit et 2 heures un violent incendie éclata au Vierabeele ; toute la commune était plongée dans le plus profond sommeil, lorsque la cloche d'alarme répandit subitement des sons lugubres. Père Edouard, ou second dominé veillait seul dans sa maison de brasseur, où, accablé de besogne, il n'avait pu, depuis trois jours et trois nuits, se déshabiller. On dit que, lorsque les prêtres se trouvent sur le théâtre de l'incendie, ils peuvent empêcher le progrès des flammes.

En est-il de même avec les nouveaux pères ou dominés ? Je laisserai la solution de cette question à de plus savants que moi. Toutefois les Dominés accoururent au plus vite. Père Edouard, seul éveillé, fût le premier sur les lieux, Là il circula désespéré et cria et se lamenta si violemment qu'une veine éclata ; il en jaillit une eau coloriée. La foule qui était accourue dans l'intervalle, disait, l'un, que c'était de l'huile de pétrole, l'autre, que c'était de la bière. Comment, disait un troisième, cela pourrait-il être de la bière ; ce père n'est habitué qu'à lécher de l'eau. On l'arrosa à l'intérieur et à l'extérieur de quelques petits verres d'eau-de-vie, et c'était justement fini, quand Père Auguste, ou le premier dominé, arriva ; mais ayant jeté un coup d'œil à l'entour et ayant ouvert son soufflet aux quatre coins de la maison, comme pour chasser l'incendie, il partit en disant : J'attends les marchands de lin, je voudrais préparer quelques bouteilles de vin afin de vendre d'autant plus cher ma linière ; mais voyez père Désiré, notre supérieur, arrive, et comme il est omnipotent tant à Bruxelles qu'à Bruges, il fera le reste. Désiré monta au grenier, où l'incendie sévissait de la manière la plus violente, il mit la tête par la lucarne et parla à la foule, qui frémissait de regret et de colère, dans les termes suivants : Soyez tous calmes et prudents dans notre beau nouveau cimetière, et Monsieur l'évêque devra plier ou éclater. Comment ! dit la foule, est-ce maintenant le moment de parler de cela ? Jetez-le du grenier ; et comme une boule de neige, qui fend l'air, il descendit l'escalier. Entretemps le petit père Victor était encore à dormir dans son berceau, lorsqu'entendant subitement la cloche d'alarme : il se leva et pensant que c'était un enterrement à la nouvelle mode, il mit son meilleur pantalon en drap, lorsque Madame lui dit :

Mais, petit Victor, ce n'est pas un enterrement, c'est un incendie. Reste chez toi, de peur que tu ne revienne avec un charbon ardent dans la poche de ton pantalon et que tu n'incendie toute notre boutique, et que ni paysans, ni hommes n'y entrent plus. Et petit Victor obéit, il mit son paletot d'été et alla s'accouder sur la demi-porte, disant : je resterai chez moi, car dans deux ou trois minutes le vent tournera, et le feu s'éteindra. Père Isidore, ou dominé N°3, eut un plus triste sort : pensant n'avoir pas le temps de mettre son petit frac, il se précipita vers le théâtre de l'incendie en manches de chemise, tenant un grand livre sous le bras. C'était le code civil. Il allait et venait, disant en fait (page 55) d'incendie, le code civil dit ceci, le code civil dit cela.

Mais le malheur voulut que frère Garibaldi, qu'on n'emploie que dans les grandes circonstances, dans les mémorables batailles, arriva là à cheval, de retour de la Suisse ou de Mons, je ne sais pas au juste, et voyant Isidore avec son grand livre, il pensait que c'était un balai d'enfer ou bien un sorcier qui avait attiré le feu sur la maison, il s'emporta tellement qu'il prit Isidore par les jambes et s'en servit pour balayer les charbons du toit. Père Isidore cria et tempêta si fortement mon code civil, mon code civil, que je m'éveillai à demi, et croyant qu'en effet un incendie avait éclaté, je me rendis à la porte pour aller éteindre le feu, mais voyant que tous étaient dans leur toilette de nuit et ne pouvaient se montrer, je retournai au lit, disant : quel singulier rêve ! Le Jaer 30 devrait savoir cela.


Het Jaar Dertig, 4 juillet 1868 (numéro 28)

Saint-Genois

Hola, Pierre, c'est pour avoir une page dans l'histoire ou pour obtenir une croix de notre ministre, que nos hommes se donnent ainsi les caudées franches ; voyons donc un peu ce qu'ils sont et ce qu'ils font.

Désiré est l'inventeur du nouveau cimetière, et son invention lui a valu en 1860 un bon coup de pied comme bourgmestre. Ses successeurs, Auguste et Edouard sont encore pires et plus sots que lui : l'un est un fou de l'Escaut et fugitif, l'autre est un afflué, mu par la vapeur de l'Escaut ; et chacun sait que la vapeur de l'Escaut ne vomit rien que le venin et l'immoralité et que c'est depuis lors que le repos, l'honnêteté, la gloire et le bien-être ont disparu de notre commune.

On s'est mise à supprimer le traitement des prêtres, à attaquer le couvent, à être constamment ivre, à se quereller et se battre, à abattre le mur de clôture du cimetière, scier la barrière da cimetière, détruire par la force le chemin de la procession qui été arrangé autour de l'église par les soins de la fabrique.

Par ordre du petit Victor (car le bourgmestre doit obéir) il est venu avec deux brigands pour mettre en pièces l'ancienne barrière, qui se trouvait à l'entrée de l'avenue du comte de Beaufort, il a pris et volé les terrains du presbytère et de l'église. On dirait vraiment que ces deux hommes représentent le temps de cette ancienne histoire de 93, temps de terreur.

Ou bien nous devons les regarder comme des fous, qui veulent se rendre célèbres ; il y eut autrefois un fou, nommé Erostrate, qui mit le feu au temple de Diane, 354 ans avant Jésus-Christ, pour se rendre célèbre ; eux aussi resteront à jamais fameux dans l'histoire, comme inventeurs et comme enfouisseurs d'hommes.

Voici le costume que porteront les dominés, tel qu'il a été adopté dans une réunion tenu chez Josse Koster, la maison des Brasseurs. Tout enterrement sera solennel :

Premier Dominé. Simarre noire, pendant sur les talons, bonnet de police en couleur grise, une trainante sur le dos en couleur rouge foncé, ceinture verte, une paire de grosses épaulettes vertes, et une carabine en bois d'aulne en guise de crosse.

2ème Dominé. Culottes rouges, petite veste verte, une paire de bas rouges, bonnet de nuit blanc pointu.

Ils prêcheront à la manière d'Helchin sur le bord de la fosse, le deuxième dominé jettera la terre sur le cercueil et la pièce sera jouée.

Frais de l'enterrement : Grand service (l'autre se fera gratis) 50 fr. pour le premier Dominé, 25 pour le second, en tout 75 fr. ; il n'en coûte pas cher de mourir chez ces gens !


Het Jaar Dertig, 11 juillet 1868 (numéro 29)

En Flandre flamand ! Tout le pays flamand se lève, le lion flamand secoue ses chaînes et rugit contre la canaille libérâtre. Les Chambres sont ouvertes et on y parle pour le flamand et contre les libérâtres ; les conseils provinciaux sont ouverts et on a envoyé là des hommes, dont le cœur est flamand, dont la bouche parle le flamand, et dont les ennemis sont des libérâtres. Tout ce qui est flamand nourrit le plus vif espoir que bientôt toute la Belgique sera flamande et catholique ; une main amie est même tendue à nos frères les wallons, pour combattre ensemble la tyrannie et la franc-maçonnerie, pour rétablir l'ancienne devise de la Belgique : L'Union fait la force.

Et vous, Saint-Genois, enfant de la Flandre flamande, qui veillez et priez aussi sous la croix, qui avez eu des ancêtres, dont le cœur était rempli de sentiment, de liberté et de courage, et qui furent toujours chrétiens et flamands, pourquoi êtes-vous devenue maintenant l'esclave de tout ce qui est faux, de tout ce qui est vicieux et franc-maçon.

Ne savez-vous pas que ceux, qui sont à votre tête, sont si orgueilleux qu'ils refusent d'obéir à notre Mère la Sainte-Eglise ; qu'ils prétendent être eux-mêmes l'Eglise et la gouverner et qu'ils préfèrent être les esclaves des franc-maçons plutôt que d'être enfants libres de l'Eglise.

Quand on violait votre cimetière bénit, quand on le déblayait pour laisser circuler plus librement les voitures libérales et franc-maçonnes, vous vous taisiez et cependant c'était la persécution contre tout ce qui était chrétien et Flamand.

Quant on vint chez votre pasteur le jour des élections, quand on lui enleva son terrain et son bien, le jour même que le Flamand combattait pour le bien et pour la religion, vous vous taisiez, et cependant c'était la persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

Quand on érigea une école d'adultes, qui devait dévorer l'argent des contribuables sans aucune utilité, puisque l'école dominicale s'accroissait et fleurissait, vous vous (page 56) taisiez et cependant c'était la persécution contre tout ce qui est chrétien et flamand.

Quand on permettait qu'un étranger des environs insultât votre révérend curé, sur le bord de la tombe d'un habitant des plus considérables de votre commune, en présence de centaines de personnes, du conseil communal et de plusieurs prêtres, vous vous taisiez, et cependant c'était la persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

Quand le bourgmestre, cette grande lumière de notre siècle, disait qu'il avait plus d'humanité que l'Eglise, quand il vint troubler les prêtres dans leurs saintes fonctions, quand il défendit d'enterrer dans le cimetière bénit et ordonna d'enfouir dans le cimetière des gueux de Saint-Genois, non seulement les gueux, mais même tous les vrais catholiques romains, comme un paysan enfouit un animal crevé derrière sa maison, vous vous taisiez et cependant c'était la persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

Quand ces chefs, vendus de corps et d'âme à la franc-maçonnerie, attelèrent leurs femmes au char funèbre pour traîner la pauvre femme que vous savez au cimetière, cependant par un dernier sentiment de pudeur ils envoyèrent leurs enfants dans une autre communes pour qu'ils ne fussent pas témoins du mauvais exemple de leurs mères, quand ils déshonorèrent et humilièrent ainsi leurs femmes, vous vous taisiez et cependant c'était la persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

Quand, après que l'évêque eut défendu de sonner le glas funèbre, ils ouvrirent de force le clocher et commencèrent à sonner, non pour des affaires communales, mais contre tout droit et contre les règlements sur les services divins, vous vous taisiez et cependant c'était la persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

Quand le charpentier que vous savez, que vous connaissez de nom et prénom, dont la réputation, l'honneur vous sont connus, vous dit qu'ils allaient enfoncer la porte de l'église, que les leviers étaient déposés à la maison communale, que les ouvriers étaient prêts, vous vous leviez enfin et vous parliez et j'ai le ferme espoir que vous continuerez à parler. Nous retirerons nos frères de ce cimetière non bénit, nous en emporterons la croix et à la même place et en souvenir perpétuel du grand fait de nos chefs et de Saint-Genois, nous érigerons une pyramide en pierre sur laquelle brillera le symbole des francs-maçons : l'équerre et la truelle.

A l'entrée du cimetière seront posés encore deux piliers en pierre, pour y tailler les noms des bourgmestre et échevins de Saint-Genois, qui de la plus heureuse paroisse du diocèse ont fait la plus malheureuse.

Il ne suffit donc pas que vous parliez, il faut encore de l'argent pour ériger ce souvenir.

Les chefs de la commune sont venus jusque dans la chaire pour en chasser les prêtres, ils sont venus jusque dans nos cimetières pour interdire la terre bénite aux bons chrétiens, bientôt ils seront dans la sacristie pour administrer à leur gré les biens de l'église. A bas donc tous ceux, qui insultent le flamand et qui oppriment la religion chrétienne ! Debout ! Enfants de la Flandre ! pour vivre et mourir en Flamands ! Courage et religion !


Het Jaar Dertig, 18 juillet 1868 (numéro 30)

Encore une nouvelle manière d'enfouir les cadavres chrétiens dans un cimetière de gueux.

Pendant la nuit de dimanche passé mourut Pierre Debon, vétérinaire en petit à Saint-Genois. Cet homme ne laissa ni frère, ni sœur pour pleurer sa mort et lui procurer un enterrement chrétien ; mais une famille honorable et bien pensante se chargea de ce soin.

Ils avaient compté sans leur hôte.

L'échevin, chargé de la police du nouvel enfouissoir, avait invité ses hommes à aller chercher le cadavre le lundi à 4 heures du soir, à l'apporter entre verres et bouteilles et à venir, d'après la coutume déjà existante, parader d'une manière impie devant la porte de l'église. La famille, avertie à temps, a transporté le cadavre à 11 heures du matin, sur un chariot attelé de deux chevaux, ne voulant pas que le corps de leur parent fut recouvert d'un drap mortuaire de solidaires ou qu'on le traitât ignominieusement dans les rues de Saint- Genois. Arrivé à l'enfouissoir, le cadavre fut déposé à terre, comme on décharge un porc devant la maison du boucher.

Le cercueil découvert resta là pendant un quart d'heure, jusqu'à ce que Lopez II, le fossoyeur, passé aux solidaires, eut achevé la fosse, qui n'avait que la moitié de la profondeur voulue, et vint ouvrir la porte de l'enfouissoir. Le cadavre fut alors trainé vers la fosse, et y fut jeté brutalement et avec tant de force, qu'on en ressentit le choc dans les environs. Tout ceci sans corde ni autres engins. Cette cérémonie si triste pour tout vrai chrétien était terminée, quand l'échevin ou deuxième dominé (comme dit le peuple), vêtu d'une blouse, arriva, mais trop tard, suivi de frère Garibaldi, aspirant-sacristain dans la nouvelle religion.

Et tout ceci se passe au milieu d'une commune chrétienne, dans un arrondissement qui n'envoie aux chambres et au conseil provincial que des hommes respectables et catholiques.


Het Jaar Dertig, 5 septembre 1868 (numéro 38)

(page 57) Bonnes gens de Saint-Genois !

Savez-vous ce que les gazettes juives de notre pays ont osé écrire récemment touchant votre Saint-Genois ? Que Sa Grandeur l'évêque de Bruges était l'instigateur des incendies, allumés chez vous, et que, assis sur son trône pontifical, il se frottait les mains de joie, en apprenant les funestes nouvelles, venues de votre malheureuse paroisse !

Il faut que ces gaillards de Bruxelles pensent sérieusement que tous les flamands ne sont plus flamands, qu'ils sont dégénérés dans leur religion, dans leur sincérité, dans leur franchise, dans tout, pour pouvoir écrire des choses pareilles dans la pensée que leur parti en profitera !

Quoi ! les hommes, qui écrivent cela, sont les mêmes qui, en temps d'élections, nous recommandent tel ou tel candidat et qui réprouvent tel ou tel autre. Quant à celui qui écrit cela, n'importe de qui il dira du mal, je penserai : Ce doit être un homme honnête et vertueux ; s'il dit du bien de quelqu'un je plaindrai ce quelqu'un de tout mon cœur. Que Dieu préserve tout le monde des éloges d'une bouche aussi débauchée et aussi corrompue.

Après tout, ce n'est pas à moi de défendre l'évêque de Bruges, mais je tiens à honneur de pouvoir publier et d'aider à propager sa lettre pastorale, dans laquelle il regarde avec des yeux paternels et au-dessus de la tête de ces soudoyés hurleurs contre tout ce qui est religieux, ses brebis affligées et errantes de la paroisse de Saint-Genois.

Voici la lettre pastorale, qui (soit dit entre nous) diffère beaucoup pour le style de certaines traductions en français et (hélas) de nouveau du français en flamand de journal de certains écrivailleurs.


Het Jaar Dertig, 5 septembre 1868 (numéro 38)

« Maintenant que nous avons appris l'arrestation d'une espèce de sorcière et d'un vacher, comme prévenus d'être les auteurs des incendies de Saint-Genois, nous trouvons que c'est à tort qu'on a voulu faire remonter au clergé de Saint-Genois la responsabilité des actes criminels commis dans cette commune. »

Je lis cela dans l'Etoile belge.

Eh mais, bon Dieu !

Nous tenons une sorcière et un vacher, laissez courir maintenant les prêtres. Une chose manque encore ici, c'est qu'il y eut quelque part un journal assez méchant pour soutenir le jeu jusqu'à la fin et pour crier : « non pas celle-ci, mais Barabbas » : lâchez cette sorcière, et laissez-nous manger des prêtres.


Het Jaar Dertig, 19 septembre 1868 (numéro 39)

Sur le premier enterrement solidaire, au cimetière des gueux, d’Antoine Lenencre, à Saint-Genois, le 12 juin 1868

Il serait bien déplorable de voir plus longtemps ce qui se passe actuellement à Saint-Genois. O Saint-Genois ! depuis longtemps attaché à la religion, comment êtes-vous si aveuglée ? Je m'inquiète pour vous, parce que vous traînez au cimetière des gueux le cadavre oint d'un chrétien, et cela contre son désir ! Il voulait, après sa mort, être enterré dans l'ancien cimetière, à côté de ses frères, qui étaient aussi de dignes défenseurs de la religion ; le nouveau lui inspirait de l'effroi et contre son gré, vous l'enfouissez comme une bête !.... On parlera à votre honte, dans d'autres contrées comme à Saint-Genois, d'un tel scandale ; car pareille sottise ne découle que de l'irreligion.

Cette paroisse perdrait-elle donc sa foi ? Non, non, puisqu'elle estime la sainte Eglise et ses prêtres, elle élira bientôt des hommes meilleurs, défenseurs du droit, animés de sentiments chrétiens.

O Saint-Genois ! prenez garde ! Ah, ne vous laissez point séduire ; mais envoyez paitre cette jolie troupe de geais. Je vous parle en ami sincère, à des gens catholiques qui, à cause de cinq têtes, subissent tant de honte.

O Saint-Genois ! revenez sur vos pas, suivez l'ancienne voie gardez-vous d'élire jamais un solidaire, mais envoyez-le à la lune.

Travaillez donc énergiquement, et donnez une buse à tous ces hommes de la lie libérâtre.

Ils auront bientôt fini de jouer leur rôle, car toutes leurs singeries commencent à nous ennuyer.

Salut, Saint-Genois ! Soyez sage enfin ! car, certainement et à bon droit, vous payeriez les pots cassés, si vous élisiez de nouveau ces libéraux insensés.

Un ami de la tranquillité et de la paix.