(Première édition parue en 1833 à Bruxelles, seconde édition en 1834. Quatrième édition parue à Bruxelles en 1876 avec une « Continuation » par Théodore JUSTE)
Récapitulation – Analogie avec la situation de 1609. Conduite du gouvernement hollandais
(page 341) En 1814, la Hollande reçut la Belgique comme accroissement de territoire.
Cette combinaison politique ne fut point sanctionnée par les populations belges, et une lutte s'engagea entre la Hollande et le pays qui lui avait été adjoint.
Cette lutte amena la révolution de 1830 ; le peuple traité comme conquis, en 1814, secoua le joug du peuple qui s'était considéré comme conquérant.
Le chef du gouvernement, se reconnaissant dans l'impossibilité de reconquérir les provinces méridionales de son royaume, fit, en novembre 1830, un appel aux cinq puissances signataires des traités de 1814 et 1815.
La Conférence de Londres se réunit ; elle eut pour double mission de conserver la paix et l'équilibre de l'Europe, en rectifiant une conception politique dont l'expérience avait révélé tous les vices ; elle représenta l'Europe au même titre que le Congrès de Vienne.
Les hostilités cessèrent, par suite d'une suspension d'armes sollicitée par la Hollande, acceptée par la Belgique et garantie comme indéfinie par la Conférence.
C'est le premier engagement pris par la Hollande et (page 342) l'Europe envers la Belgique : ce jour, la révolution belge eut des droits aux yeux des cabinets.
Le 20 décembre 1830, la Conférence déclara le royaume-uni des Pays-Bas dissous et posa en principe l'indépendance future de la Belgique.
Le 20 janvier 1831, elle régla, comme arbitre, les conditions de cette indépendance, dans un acte destiné à servir de base à un traité définitif.
Le roi de Hollande protesta d'abord contre la déclaration du 20 décembre 1831 ; ensuite, il se désista de cette protestation, en adhérant, le 18 février 1831, aux bases de séparation du 20 janvier.
La Conférence prit acte de cette adhésion : ce jour, la dissolution du royaume-uni des Pays - Bas se trouva reconnue par le roi Guillaume.
Un traité définitif restait à conclure ; l'acte du 20 janvier en renfermait les préliminaires.
La Belgique rejeta cet acte ; la Conférence lui donna, le 26 juin 1831, une autre forme et en développa quelques principes : la Belgique accepta cette nouvelle rédaction ; la Hollande la repoussa, en se référant au premier acte.
En août 1831, la Hollande reprit les hostilités, violant à la fois, et le droit des gens, qui exigeait une dénonciation préalable, et la suspension d'armes, qui lui interdisait toute agression.
La France, en vertu de la garantie donnée par la Conférence, força la Hollande à reprendre la position qui était le résultat de ses propres engagements.
La Hollande et la Belgique consentirent à ouvrir une négociation pour conclure un traité définitif.
(page 343) Les deux parties ne parvinrent pas à' s'entendre ; la Conférence se constitua de nouveau arbitre.
La Hollande avait pris pour point de départ les préliminaires du 20 janvier, la Belgique ceux du 26 juin.
Forcée d'opter entre ces deux actes, la Conférence fit le choix le plus avantageux à la Hollande : ce fut le prix de la campagne du mois d'août.
La Conférence développa les bases du 20 janvier dans les vingt-quatre articles du 15 octobre 1831.
La Hollande refusa d'adhérer à cet arbitrage définitif ; la Belgique y adhéra.
Le 15 novembre 1831, les vingt-quatre articles furent convertis en un traité conclu avec chacune des cinq grandes puissances séparément ; chacune d'elles reconnut le roi des Belges, en lui garantissant l'exécution du traité.
Ratifié par toutes les puissances, ce traité a pris place dans le droit public de l'Europe.
Il forme un contrat parfait et irrévocable avec chacune des cinq puissances, les réserves énoncées dans les ratifications ne pouvant influer que sur le traité à intervenir entre la Hollande et la Belgique.
Le Hollande ayant refusé de conclure ce traité particulier, les cinq puissances ont été sommées par la Belgique de remplir la garantie stipulée par le traité du 15 novembre.
La Conférence a reconnu la nécessité de l'exécution du traité du 15 novembre, mais elle ne s'est pas accordée sur les moyens à employer pour atteindre ce but.
L'Autriche, la Prusse et la Russie voulaient se borner (page 344) à des mesures coercitives pécuniaires ; la France et la Grande-Bretagne, déclarant ces mesures insuffisantes, ont proposé des mesures physiques.
Le traité n'étant pas un acte collectif, chaque puissance pouvait remplir ses engagements comme elle l'entendait.
La France et la Grande-Bretagne ont formé une alliance, le 22 octobre 1832, pour procéder à l'exécution de leurs engagements par l'emploi de la force.
C'est là qu'en est arrivée la question belge, après deux années de négociations ; l'Autriche, la Prusse et la Russie n'ont aucune part à l'exécution, mais leur inaction n'a porté aucune atteinte à l'existence même du traité ; que cette inaction se prolonge ou qu'elle cesse, le traité, en droit, n'en subsiste pas moins. Depuis la conclusion du traité du 15 novembre et la reconnaissance des cinq grandes puissances, la Belgique et son roi ont été successivement reconnus par le Pape, par les rois de Sardaigne, de Danemark, de Suède, des Deux-Siciles, de la Grèce ; par les grands-ducs de Hesse-Darmstadt, de Toscane, de Saxe-Weimar ; par l'archiduchesse de Parme, par les ducs de Lucques, de Saxe - Gotha, de Saxe - Meiningen ; par la République helvétique, etc.
(Note de bas de page de la quatrième édition) La France et la Grande-Bretagne, fidèles aux engagements résultant des préliminaires de paix du 26 juin 1831, ont reconnu le roi Léopold dès son arrivée en Belgique; l'Autriche, la Prusse et la Russie ne se sont jointes à ces deux puissances que par la conclusion du traité du 15 novembre 1831; les diverses notifications ont été faites dans l'ordre suivant:
GRANDE-BRETAGNE. 2 août 1831. Réception de M. Van de Weyer, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du roi des Belges.
FRANCE. 3 août 1831. Réception de M. Le Hon, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du roi des Belges.
SAXE-COBOURG. 29 août 1831. Réponse à la notification du Roi.
AUTRICHE. 5 août 1832. Réception du comte de Lalaing; 12 août, réponse à la lettre de notification; 19 août, réception du baron de Loe.
PRUSSE. 5 juillet 1832. Réponse à la notification du Roi; 15 septembre, réception du général Maurice de Mercx.
SUISSE. 13 septembre 1832. Réception de M. le vicomte Vilain XlIII, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du roi des Belges; 10 janvier 1833, réponse à la notification du Roi.
GRÈCE. 5 octobre 1832. Notification de l'avènement du roi Othon.
SARDAIGNE. 5 octobre 1832. Réception du vicomte Vilain XlIII; 10 octobre 1832, réponse à la notification du Roi.
SUÈDE. 9 octobre 1832. Réponse à la notification du Roi.
DANEMARK. 13 octobre 1832. Réponse à la notification du Roi.
PARME. 18 octobre 1832. Réception du vicomte Vilain XlIII; 30 octobre 1832, réponse à la notification du Roi.
SAXE- WEIMAR. 19 octobre 1832. Réponse à la notification du Roi.
TOSCANE. 26 octobre 1832. Réception du vicomte Vilain XlIII; 27 octobre 1832, réponse à la notification du Roi.
LUCQUES. 31 octobre 1832. Réception du vicomte Vilain XlIII; 6 décembre 1832, réponse à la notification du Roi.
SAINT-SIÉGE. 23 novembre 1832. Réception du vicomte Vilain XlIII; 6 décembre 1832, réponse à la notification du Roi.
SAXE-ALTENBOURG. 8 décembre 1832. Réponse à: la notification du Roi.
DEUX-SICILES. 20 décembre 1832. Réception du vicomte Vilain XIIII; 5 janvier 1833, réponse à la notification du Roi.
PORTUGAL. 23 décembre 1833. Réponse à la notification du Roi.
BRÉSIL. 25 février 1834. Réponse à la notification du Roi.
ESPAGNE. 10 novembre 1834. Réponse à la notification du Roi. Réponse à la notification du Roi.
(Note de la 3e édition.)
Les réceptions des agents diplomatiques, les premiers accrédités à Bruxelles, ont eu lieu dans l'ordre suivant:
GRANDE-BRETAGNE. 18 août 1831. Sir Robert Adair, ambassadeur en mission spéciale.
FRANCE. 21 août 1831. Général comte Belliard, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire; lettre de créance en date du 15 août 1831.
ETATS-UNIS. 15 septembre 1832. M. Le Garé, chargé d'affaires; lettre de créance en date du 27 juin 1832.
AUTRICHE. 14 novembre 1833. Comte de Dietrichstim, chargé d'affaires; lettre de créance en date du 16 septembre 1833.
PRUSSE. 17 novembre 1833. Baron d'Arnim, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire; lettre de créance du 16 septembre 1833.
PORTUGAL. 28 juillet 1834Chevalier de Almeida Garrett; lettre de créance du 12 avril 1834.
BRESIL. 20 septembre 1834. Le commandeur Marquès Lisboa, chargé d'affaires; lettre de créance du 1e juillet.
ESPAGNE. 29 septembre 1834. Chevalier d'Arguiz, chargé d'affaires; lettre de créance en date du 25 avril 1834.
SAINT-SIEGE. 10 juillet 1835. Mgr Pascal Gizzi, internonce apostolique et envoyé extraordinaire; bref de Grégoire XVI en date du 25 avril 1835. (Fin de la note)
(page 345) Il y a une singulière analogie entre la situation présente et celle où se sont trouvés les Pays -Bas avant la convention de 1609.
(page 346) Après une lutte sanglante et des négociations multipliées, la Hollande se trouva tacitement ou expressément (page 347) reconnue par toutes les puissances, à l'exception de celle contre laquelle la révolution s'était opérée.
Dans ces circonstances, la France et la Grande-Bretagne conclurent à Hamptoncourt, le 30 juillet 1603, un traité par lequel les deux rois, Henri IV et Jacques 1er, s'engagèrent à faire leurs efforts pour assurer la paix des Pays-Bas, en obligeant l'Espagne à reconnaître la liberté des Provinces-Unies, sous la protection des deux couronnes et de l'Empire, ou du moins d'obtenir des conditions qui les assurassent contre l'oppression et garantissent leurs voisins de crainte pour l'avenir. (Note de bas de page : Le traité de Hamptoncourt a été négocié par Sully; voyez ses Mémoires, liv. XV et XVI.)
La France et l'Angleterre, après avoir fait d'inutiles efforts pour parvenir à un arrangement définitif, proposèrent une convention provisoire.
Deux partis se trouvèrent en présence, le parti de la guerre, ayant pour chef le stadhouder Maurice, le parti de la paix, dirigé par le conseiller pensionnaire Oldenbarneveld.
L'ambassadeur de Henri IV, en proposant aux États-Généraux une trève de douze ans, leur adressa ce discours : .
« Messieurs, Nous vous avons proposé une trefve à longues années de la part des rois et princes qui sont nos maistres, aux conditions contenues en un escrit qui vous fut présenté dès le vingt-septième du mois d'aoust dernier, lesquelles conditions vous sembloient si advantageuses pour vostre Estat, que nous estimions qu'elles seroient reçues et approuvées d'un chacun en vostre assemblée avec tres grand contentement. Nous sommes (page 348) toutesfois bienadvertis qu'il n'en est pas advenu ainsi, et que cet escrit a excité divers mouvemens en vos esprits, les uns ayant iugé qu'on devoit recevoir la trefve comme utile ; les autres,au contraire, entre lesquels il y a des personnes de grande dignité envers vostre Estat, qui ont fait et font tous les iours avec grande chaleur et vehemence tout ce qu'ils peuvent pour la faire rejeter, comme si elle devoit estre cause de vostre ruine : et pour la rendre plus odieuse, ils ont encore adjousté qu'elle avoit esté pratiquée par les ruses et artifices de vos ennemis, qui est en effet nous vouloir rendre suspect de quelque mauvaise conduite, puisque c'est nous qui l'avons proposé, ou pour nous traiter plus doucement de n'avoir esté assez prevoyans et considerez pour nous garder d'estre surpris.
« Nous ne laissons pourtant de bien sentir de leur zèle et affection envers le public, estant chose assez ordinaire que les gens de bien et sages, encore qu'ils n'ayent tous ensemble qu'un mesme but et dessein, soient neantmoins souvent divisez en opinions et deliberations d'importance ; mais nous les prions de faire le mesme iugement de nous, et croire qu'en proposant cette trefve nostre intention et desir a esté de servir et profiter à vostre Estat, non de gratifier vos ennemis. Aussi est-il vray que les deputez des Archiducs nous en ont fait de tres-grandes plaintes, et declaré plusieurs fois és conferences que nous avons eu avec eux, qu'ils n'accepteroient iamais cette trefve aux conditions contenues en nostre escrit, qu'ils disoient leur estre trop dommageables, et que les Archiducs en ont fait dire autant aux deux Roys en France et en Angleterre par (page 349) leurs Ambassadeurs, n'y ayant rien qui ait tant aidé à les persuader de recevoir et aprouver nostre escrit, que d'avoir reconnu ces Princes estre plûtost enclins et desireux d'y adjouster quelque chose à vostre profit, que d'en rien retrancher.
« Ils consentent donc maintenant, qu'au premier point qui concerne vostre liberté d'en déclarer autant qu'il y en a en la premiere trefve, et en cet escrit ; mais n'y veulent rien adjouster davantage, encore que nous les ayons requis et prié avec tres-grande instance pour contenter les plus scrupuleux de vostre Estat, nous ayant dit pour response qu'ils ne sont obligez à plus, et que c'est aussi tout ce qu'ils ont peu obtenir du Roy d'Espagne, encore avec tres-grande difficulté et après plusieurs refus, son conseil estant plùtost disposé à rompre ce traité, que d'aider à le conclure aux conditions par vous requises.
« Il nous semble aussi qu'il y a assez pour assurer vostre liberté, non seulement pendant la trefve, mais pour tousiours en ce qu'ils vous accordent, estant sans exemple qu'en pareils changemens faits par la force des armes, les souverains apres estre depoüillez de leurs Estats, ayent esté contrains de quitter leurs droits honteusement par une confession et declaration publique, sinon qu'ils soient tombez par quelque malheur és mains et au pouvoir de leurs ennemis. Or, les Princes qui le vous consentent ne sont point à vos pieds comme vaincus, ny reduits à cette derniere necessité de le faire par force.
« Les Suisses joüissent encore à present de leur liberté en vertu d'une simple trefve ; sans avoir iamais (page 350) obtenu pareille declaration à celle qu'on vous offre, et és changemens advenus du temps de nos peres en Dannemarch et en Suede, le Roy Chrestierne ayant esté desmi et privé de ses Estats par decret public, les Princes qui furent mis en sa place, se contenterent bien de ce decret, sans le contraindre, encore qu'il fût depuis tombé en leurs mains comme prisonnier de guerre, de leur faire cession de ses droits, pensans mieux assurer le titre de leur domination par la joiüssance, en se conduisant bien, acquerans et conservans fort soigneusement de grands et puissans Princes pour amis, que par tout autre moyen ; et par effet ils se maintinrent en leur nouvel acqùest, et ne put ce Roy chassé et dépouillé de ses Estats iamais recouvrer sa perte, encore qu'il eust pour beau-frère l'Empereur Charles V qui estoit le plus grand et puissant Prince qui fut pour lors en la Chrestienté.
« Et à la vérité vous faites un grand preiudice à votre liberté de la revoquer si souvent en doute que vous faites, en recherchant de vos ennemis le titre d'icelle avec tant de soin et contention, comme si vous ne teniez pas le decret public, en vertu duquel vous en joüissez .dés si long-temps, confirmé par le bonheur de vos armes, assez suffisant et valable, sans y adjouster ce que vous pretendez obtenir d'eux, qui sera aussi bien inutile, si les mesmes armes avec lesquelles vous avez acquis cette liberté, et la bonne conduite dont vous userez à l'advenir, ne la vous conservent. Pour le regard du temps que cette trefve doit durer, les deputez des Archiducs nous avoient tousiours declaré avant leur depart qu'ils ne l"entendoient faire que pour sept ans (page 351) au plus ; mais ils nous ont depuis escrit que les Archiducs la consentoient iusques à dix ; sur la tres instante priere et instance qui leur en a esté faite de nostre part. Nous eussions bien encore desiré d'y faire adjouster quelques années de plus s'il nous eust esté possible, pource que de cette longueur de temps, et de la paisible joüissance de vostre liberté, assistée d'une bonne conduite, doit principalement dependre vostre seureté, non des mots que vous desirez avec si grand soin faire inserer en vostre traité.
« Nous vous prions donc de vous conformer à l'advis qui vous est donné de la part de ces Princes qui ont un si grand soin de vostre conservation, sont tres-bien instruits de l'estat de vos affaires, et ont une grande experience pour connoistre et discerner ce qui vous doit estre utile ou dommageable. Ils sçavent bien la crainte de ceux qui iugent cette trefve ne devoir estre exempte de tous dangers et inconveniens, n'estre pas vaine ; mais ils connaissent bien aussi, que les dangers de la guerre seroient encore plus grands de beaucoup, et qu'on peut eviter les premiers par une bonne et sage conduite, au lieu que les autres semblent inevitables, et s'il y a quelque remede pour s'en garantir, il depend autant du pouvoir, et de la volonté d'autruy, que de vous mêmes et de vos propres moyens.
« Nous vous exhortons pareillement de ne vous point separer les uns d'avec les autres, et qu'après avoir defendu vos advis par bonnes raisons, et sans contention et animosité, chacun se laisse vaincre et sousmettre en particulier à la resolution qui sera plus communement aprouvée, tesmoignant par cette preud-hommie et sincerité, que vous estes plus amateurs du bien public, et de l'Union qui vous a maintenu en prosperité iusques icy, que desireux de faire suivre vos opinions, si elles doivent mettre de la division parmy vous, et par ce moyen estre cause de la ruine de vostre Estat. » (Note de bas de page : Négociations du président Jeannin, t. II, p.l, édit. de Paris, 1659.)
Le parti pacifique l'emporta, et la Convention fut signée le 9 avril 1609.
En étudiant cette longue négociation dans les mémoires de Sully et de Jeannin, dans l'histoire du nonce du pape, Bentivoglio, dans les annales de Hugo Grotius, on est frappé des traits de similitude. La marche des événements est aujourd'hui plus rapide ; ce qui emplissait autrefois un quart de siècle se résume en quelques années, en quelques mois. Les rôles sont intervertis en ce sens que ce sont les Belges qui demandent aujourd'hui une reconnaissance ; mais, à cela près, la question européenne de paix ou de guerre se présente avec les mêmes caractères ; la France et l'Angleterre ont conclu une alliance pour résoudre cette question au nom de l'Europe, qui ne les désavoue point ; en 1609, le chef du gouvernement hollandais s'opposait à un dénouement qui devait diminuer l'influence de la maison stadhoudérienne ; les États-Généraux appelaient la pacification, dans l'intérêt de la Hollande. Ne surgira-t-il pas un Oldenbarneveld pour défendre de nouveau l'intérêt national contre l'intérêt dynastique ? L'alliance du 22 octobre 1832 aura-t-elle le même succès que celle (page 353) du 30 juillet 1603 ? Guillaume de Nassau cédera-t-il comme Maurice de Nassau ?
Nous n'avons voulu que signaler une des plus étonnantes analogies qui soient dans l'histoire : assurément, nous ne voulons point aventurer des présages que tant d'événements pourraient subitement démentir. (Note de bas de page de la troisième édition : Les prévisions de l'auteur n'ont point reçu de démenti: la convention du 21 mai 1833 a placé la Belgique dans une situation analogue à celle où s'est trouvée la Hollande à la suite de la convention du 9 avril 1609.)
Spectatrice de nos débats, l'Europe juge depuis deux ans la conduite de l'un et de l'autre gouvernement ; trop souvent elle a pris la résistance mal entendue pour de l'habileté, la véritable habileté pour de la faiblesse : l'histoire prononcera en dernier ressort.
Elle se demandera, d'abord, quelle a été la conduite la plus utile à l'humanité ; elle dira qu'au début d'une révolution qui pouvait détruire l'ordre social en Europe, la Belgique a rempli un grand devoir en s'associant aux vues pacifiques des cabinets ; elle dira que ceux qui ont compté sur une guerre générale ont fait un faux calcul et une mauvaise action.
Elle recherchera froidement les fautes du gouvernement hollandais.
Elle dira que le roi Guillaume n'a pas eu l'intelligence des temps où nous vivons, en subordonnant les intérêts de l'Europe à ceux d'une dynastie.
Elle dira qu'il a commis une première faute en contractant (page 354) des engagements envers la révolution belge, par la suspension d'armes de novembre 1830 (Note de bas de page de la quatrième édition : Par l'effet de cette première et irréparable faute, les insurgés belges ont été de prime abord considérés comme belligérants, selon l'expression d'un si fréquent usage aujourd'hui.) ;
Une deuxième, en souscrivant, le 18 février 1831, au principe et aux conditions de l'indépendance belge ;
Une troisième, en ne reprenant les hostilités qu'après l'arrivée de Léopold en Belgique ;
Une quatrième, en refusant d'adhérer aux vingt-quatre articles dans le sens des réserves, ou même purement et simplement, sans préjudice des négociations secondaires ;
Une cinquième, en refusant de négocier directement avec la Belgique, en septembre 1832 ;
Une sixième, en ne prévenant point, par une évacuation volontaire, des événements qui devaient assurer à la France et à la Grande-Bretagne une haute prépondérance.
(Note de bas de page de la quatrième édition : l restait plus d'une faute à commettre. Après avoir amené en 1833 la rupture des négociations reprises à la suite de la convention du 21 mai, le roi Guillaume ler attendit l'exténuation de son pays pour souscrire au traité du 19 avril 1839, qui n'est que celui du 15 novembre 1831, maintenu au profit de l'Europe dans toute sa rigueur quant aux territoires, et modifié au désavantage de la Hollande quant à la quote-part de la dette et à la navigation de l'Escaut.)
La postérité ne verra que les résultats ; et, dans ce siècle, la postérité arrive vite.