(paru à Bruxelles, vers 1934, chez Rex)
(page 83) Cette période de notre histoire intérieure est comme une parenthèse ; le régime politique semble désaxé. Jusqu’alors le parti catholique avait en face de lui un parti rival avec lequel il était d’accord sur les principes fondamentaux de notre droit public ; on se reprochait mutuellement de porter atteinte à la constitution montrant ainsi que personne n’en contestait la valeur ; les libéraux accusaient les catholiques de faire servir la religion à des fins politiques et de vouloir asservir le pouvoir civil à l’Eglise mais Frère-Orban attestait publiquement qu’il désirait que le prêtre entrât à l’école ; libéraux et catholiques admettaient le régime monarchique, la nécessité d’une armée, l’existence d’un Sénat, non seulement la légitimité mais l’utilité indiscutable de la propriété privée ; libéraux et catholiques étaient préoccupés avant tout des intérêts de leurs électeurs, grands et petits bourgeois.
Voici que tout à coup le parti catholique ne trouve plus en face de lui son vieil adversaire libéral (aux élections tous les chefs du parti, Frère-Orban, Bara, Graux et combien d’autres, avaient succombé et c’est à peine si quelques progressistes avaient été réélus, souvent sur les listes socialistes), mais un nouveau parti représenté du premier coup par trente-trois députés, avec lequel il n’est d’accord sur rien.
Le jeune parti socialiste de 1894 est révolutionnaire ; ses excitations ont contribué à jeter les (page 84) ouvriers aux émeutes de 1886 ; il est la section belge de l’Internationale dissoute en 1872, reconstituée à Paris en 1889 et définitivement consolidée à Bruxelles par le congrès international de 1891. Son programme de 1894 porte la suppression des fonctions héréditaires et l’établissement de la république, la suppression des armées, la suppression du Sénat, la suppression du budget des cultes, l’appropriation collective des agents naturels et des instruments du travail. Il n’entend représenter qu’une classe de la société : les prolétaires ; ses chefs sont ardents et éloquents mais beaucoup ont une éducation, des manières, des procédés de discussion absolument différents de ceux qu’on rencontrait jusqu’alors dans les assemblées délibérantes.
D’un autre point de vue, la situation était également anormale ; les députés catholiques représentaient surtout les provinces flamandes ; les socialistes le Hainaut, Liége et l’arrondissement de Namur ; la Belgique n’était pas seulement divisé par les opinions philosophiques et religieuses ; un des partis avait ses racines dans la région flamande l’autre dans la région wallonne. On ne vit pas tout de suite les conséquences de ces changements profonds mais sans qu’on les vît, elles n’en existèrent pas moins.
L’opposition socialiste ne pouvait pas être, pour les représentants de la Flandre catholique et conservatrice qui formaient une majorité formidable l’élément modérateur que constitue une opposition quand elle est raisonnable. Outre que le parti catholique compta, pendant cette période, de 104 à 112 députés sur 152, ce qui lui permit de ne pas tenir grand compte des deux gauches, il est naturel qu’une opposition outrancière, excessive, soit comme si elle n’était pas ; la majorité ne tient pas compte de ses propositions qu’elle suppose inspirées de tendances subversives ; un abîme les sépare. Il suffit que le parti révolutionnaire soit d’un avis (page 85) pour que la majorité qui représente l’ordre en ait un autre. Le parti socialiste voulait la suppression du budget des cultes ; le parti catholique vota une loi scolaire qui rendait, dans les écoles, l’enseignement de la religion obligatoire et qui augmentait les subsides de l’Etat aux écoles libres. Le parti socialiste avait menacé les institutions par ses succès électoraux ; le parti catholique vota, pour les élections communales, une loi dirigée surtout contre les socialistes. Le parti socialiste voulait bouleverser le régime social, le parti catholique arrêta momentanément le développement de la législation sagement réformatrice annoncée par Beernaert.
D’autre part, le Souverain prit nettement position en faveur du parti qui, seul, défendait encore la monarchie au Parlement. Il évita de lui demander le vote de mesures qui eussent pu ébranler sa situation électorale. La droite, de son côté, après avoir donné satisfaction au Roi dans des circonstances difficiles, lui laissa toute liberté pour le gouvernement de la colonie et Beernaert est un des rares hommes politiques qui se permit encore des observations sur ce sujet.
La discussion de la loi scolaire prouva combien la majorité, imprégnée d’esprit gouvernemental par dix ans de responsabilité, était encore modérée malgré ses succès électoraux. Ce furent certains de ses membres qui firent frein. Woeste, conscient de la puissance que donnaient à ses amis les exagérations du parti socialiste, avait fait admettre par le gouvernement de Burlet, la nécessité d’une nouvelle législation scolaire. Il voulait rétablir l’obligation de l’enseignement religieux et l’inspection ecclésiastique, accroître l’influence du clergé sur les instituteurs et, en ce qui concerne les subsides de l’Etat, instituer l’égalité entre les écoles officielles et les écoles libres. Ces propositions soulevèrent une opposition très vive sur les bancs socialistes ; elles ne furent pas admises par l’unanimité des catholiques. (page 86) Devant certaines oppositions, notamment celle de Beernaert, le Cabinet déposa lui-même des amendements à son projet ; il admit que toutes les écoles libres, même celles qui n’inscriraient pas la religion à leur programme, auraient droit aux subsides, qu’un père de famille pourrait toujours faire dispenser son enfant du cours de religion et que les inspecteurs ecclésiastiques n’auraient pas le droit d’assister aux conférences d’instituteurs. Malgré ces atténuations, quelques catholiques tel M. Bilaut et M. Théodor, indépendant, critiquèrent l’inscription dans la loi de l’obligation de l’enseignement religieux. Ils prévoyaient une réaction des libéraux modérés dont les suffrages commençaient à se porter sur les candidats catholiques par crainte du socialisme. L’événement a prouvé qu’ils se trompaient mais ce nouvel article du programme scolaire ne constitua qu’une satisfaction de principe ; l’enseignement de la religion dont l’épiscopat laissa généralement le soin, dans les écoles officielles, aux instituteurs eux-mêmes n’y gagna pas grand chose en matière religieuse, ce n’est pas le programme qui importe, c’est l’atmosphère de la classe.
La loi communale fut faite contre le parti socialiste ; en Belgique où les pouvoirs de police dépendent en partie des conseils communaux, il fallait éviter de mettre l’administration des communes aux mains d’un parti révolutionnaire. On ne trouva rien de mieux que de renforcer la pluralité des votes ; on attribua un quatrième vote au chef de famille et au propriétaire d’un petit immeuble ; cette loi fut qualifiée par les socialistes de loi des quatre infamies. Cela ne voulait rien dire mais cela faisait d’autant plus d’effet. Le ministre de l’Intérieur avait calculé, d’après les chiffres de l’élection législative, que, sans cette précaution, d’innombrables communes industrielles deviendraient rouges
Le général Brassine, qui avait été nommé ministre de la guerre le 4 mai 1893, n’avait accepté ce (page 87) portefeuille, sur la proposition de Beernaert, qu’à la condition de pouvoir présenter un projet portant réorganisation de l’armée et instauration du service personnel. Jules de Burlet succédant à Beernaert, avait ratifié cet accord ; le Ministre de la Guerre voulut passer à l’exécution avant le vote du contingent de 1895 ; le Roi lui-même estima qu’il était prudent d’attendre les élections de 1896 mais 1e gouvernement, par l’organe de Burlet, annonça ses intentions ; Woeste fit des réserves et très vivement. Sur ces entrefaites, le Premier Ministre qui, dans toute cette affaire, avait montré la plus grande énergie, tomba malade et dut abandonner le pouvoir. Le 7 novembre 1896, après des élections qui avaient porté la majorité catholique de la Chambre à 68 voix au lieu de 58, un conseil de cabinet se tint sous la présidence du Roi ; le général Brassine insista de nouveau ; ses collègues étaient hésitants ; ils craignaient de diviser la droite dont une partie aurait certainement voté la loi mais dont l’autre conduite par Woeste n’aurait pas hésité à la rejeter. Si le Roi avait manifesté à ce moment une volonté bien nette de soutenir son Ministre de la Guerre, s’il avait rappelé les engagements que Beernaert et Jules de Burlet avaient pris et que le nouveau Premier Ministre De Smet de Nayer connaissait, s’il avait déployé l’énergique ténacité qu’il avait montrée en 1887, lorsqu’il avait fait son discours de Bruges malgré les hésitations du gouvernement, il n’aurait pas manqué de réussir ; mais la situation n’était plus la même, la droite paraissait le seul rempart contre la révolution, on ne pouvait l’affaiblir, le Roi abandonna donc le général Brassine quilui remit sa démission et que Vandenpeereboom remplaça par interim.
Le parti catholique venait d’ailleurs de donner satisfaction au Souverain dans la question congolaise. Un traité de cession de l’Etat Indépendant à la Belgique avait été déposé sur le bureau de la (page 88) Chambre le 12 février 1895 ; la presse fut aussitôt divisée sur ce sujet ; de droite comme de gauche, le projet eut ses défenseurs enthousiastes et ses détracteurs passionnés ; le Parlement et le gouvernement hésitèrent. On apprit alors que le Souverain de l’Etat Indépendant ne tenait guère à abdiquer le pouvoir absolu dont il jouissait dans les affaires congolaises, pour livrer la colonie au pouvoir parlementaire ; il avait, d’autre part, été froissé des arguments que certains partisans de la reprise avait développé le Congo, disaient ceux-ci, sera mieux administré par la Belgique.
Dans les questions délicates et controversées, tous les Parlements du monde ont une tendance à retarder les solutions. Pris entre le désir du Roi de rester Souverain absolu dans un pays neuf où lui seul voyait grand et le désir de beaucoup de coloniaux de contrôler la gestion royale, entre les journaux qui réclamaient la reprise et ceux qui la combattaient, la majorité se laissa facilement convaincre de remettre la décision à plus tard ; elle se contenta de charger la Belgique de la dette que le Roi avait contractée envers un Anversois, M. Browne de Tiège. Seul, le Comte de Mérode-Westerloo, ministre des Affaires Etrangères, qui avait pris l’affaire à cœur donna sa démission. Il ne devait pas tarder à devenir président du Sénat.
Si l’on étudie la législation sociale de cette époque, on est étonné du peu de lois ouvrières votées de 1894 à 1899. Alors que de 1887 à 1894, malgré toutes les difficultés de la révision constitutionnelle, malgré les répugnances des électeurs censitaires, on avait fait les lois de 1887 sur le paiement des salaires et sur leur insaisissabilité, sur les conseils de l’industrie et du travail, les lois de 1889 relatives à l’inspection des établissements insalubres, à la santé et à la sécurité des ouvriers, au travail des femmes et des enfants, aux conseils de prud’hommes, à la construction d’habitations ouvrières, la (page 89) loi du 23 juin 1894 sur la reconnaissance des sociétés mutualistes, en tout, neuf lois sociales, au contraire, alors que le droit de suffrage est devenu universel, on n’apporte, de 1894 à 1899, en dehors de la loi sur les unions professionnelles, que des amendements à des lois déjà votées.
On ne peut expliquer par la seule réaction contre le parti socialiste, cette quasi-carence de législation sociale ; elle s’explique aussi par les divergences de vue qui se produisirent alors entre catholiques à propos de la démocratie chrétienne.
Celle-ci avait fortifié son organisation. La Ligue démocratique comptait des groupements dans presque tous les arrondissements du pays ; elle avait sa presse. A Bruxelles, le XXème Siècle fondé par Helleputte et le duc d’Ursel défendait fréquemment ses idées ; à Gand, Het Volk, à Charleroi le Pays wallon, à Liége la Dépêche, pour ne citer que quelques-uns de ses organes, suivaient les directives de MM. Verhaegen, Levie et de Ponthière.
Une grave question se posait. Dans quelles associations politiques et sous quelle forme électorale valait-il mieux grouper les ouvriers dont la loi venait de faire des électeurs ? Trois systèmes furent défendus. Les extrémistes estimaient que les ouvriers, mécontents d’avoir été négligés trop longtemps, excités par les socialistes qui venaient de fonder le parti ouvrier, intimidés et écrasés dans les associations bourgeoises, devaient former des associations bien à eux, présenter leurs candidats aux élections sans s’entendre avec l’ancien parti, quittes à faire la concentration des élus après l’élection lorsque des questions religieuses seraient en jeu. Ils prétendaient que c’était le seul moyen d’empêcher les ouvriers de confier la défense de leurs intérêts au parti socialiste. Ce système fut défendu par un très petit nombre de catholiques et pratiqué par l’abbé Daens député d’Alost et par quelques militants. La Ligue Démocratique appuyée en cela par l’Episcopat (page 90) était d’accord avec les daensistes sur la première partie du plan tactique. Elle estimait, elle aussi, que les vieilles institutions bourgeoises n’inspireraient pas confiance aux ouvriers ; elle voulait les grouper dans des sociétés ouvrières (cercles, syndicats, mutualités, etc.) leur laissant choisir librement leurs candidats puis négocier avec les associations bourgeoises l’inscription de ces candidats sur des listes communes où ils voisineraient avec les candidats des autres groupes. C’était, au fond, la réplique élargie de l’ancien meeting anversois.
Woeste et la Fédération des Cercles et des Associations, tout en admettant certaines exceptions, répugnaient à appliquer ce système à tout le pays. « Partager, dans tous les arrondissements, le parti catholique en deux fractions, écrivait Woeste en 1897, c’était envoyer à la Chambre, au lieu de la majorité unie que nous y possédions, deux minorités d’égale force qui ne pourraient tarder à entrer en conflit. » En fait, les deux derniers systèmes furent pratiqués. A Bruxelles, à Gand, à Liège, à Charleroi, à Mons, à Verviers, à Soignies et, peu à peu, dans d’autres arrondissements encore, les listes électorales unirent les candidats choisis par les vieilles associations et ceux des ligues ouvrières. II n’y avait là, en somme, qu’une discussion sur la tactique électorale. Quant au mouvement daensiste, il aboutit à une division, peu importante d’ailleurs, du parti catholique ; l’abbé Daens fut condamné par son Evêque et resta complètement isolé.
Malheureusement, ces querelles un peu mesquines eurent leur répercussion sur les programmes. Les représentants de la Ligue démocratique, plus en contact avec la classe ouvrière, étaient naturellement portés vers les solutions larges. Craignant la division de sa majorité et du parti qui le soutenait, ménager des deniers de l’Etat, le gouvernement (page 91) préférait ne pas aborder ces problèmes tant que l’accord n’était pas réalisé.
Les évêques, émus de la situation, avaient cependant réuni le 5 mars 1896 à Malines un groupe important d’hommes d’œuvre des deux opinions. On y voyait, à côté de MM. Doreye, Henri Pirmez, Ernest Mélot, Jacques, le Comte de Limburg Stirum et le Chanoine Fisse, qui penchaient pour la Fédération des Associations, MM. Arthur Verhaegen, Léon Mabille, Kurth, Alexandre Braun, de Ponthière qui défendaient la Ligue Démocratique. Tous ces hommes d’œuvres s’étaient parfaitement entendus sur un programme social qui allait d’ailleurs être réalisé après l’établissement de la représentation proportionnelle. Woeste n’avait pas été convoqué à cette réunion.
Ces cinq années de l’histoire du parti catholique, si elles ouvrirent en politique intérieure une sorte de parenthèse, furent une période de grande prospérité économique. De 1877 à 1890, l’industrie et l’agriculture avaient passé par de très durs moments mais, en 1895, la prospérité était éclatante. M. Baudhuin, professeur à l’Université de Louvain, note qu’à la fin du XIXème siècle, la Belgique eut quelques années d’activité fébrile. En 1900 la crise vint rafraîchir les enthousiasmes, mais de 1895 à 1899, c’est le plein essor. La fortune belge qui, d’après le même auteur, était de dix milliards et demi en 1846 avait passé, en 1895, avant la crise européenne et les pertes faites en Russie, à près de trente milliards. Les bonis des budgets se succédaient 7 millions en 1895, 12 millions en 1898 pour atteindre 15 millions en 1900 ; le rendement accru des impôts permettait d’accorder des subventions toujours plus larges aux écoles catholiques et aussi à certaines œuvres sociales ; c’est ce que l’on appelait le régime de la liberté subsidiée.
De Smet de Nayer qui fut président du Conseil du 25 février 1896 au 24 janvier 1899 et du 5 août (page 92) 1899 au 3 mai 1907 avait les plus remarquables qualités du grand homme d’affaires. Sa parole claire et facile mais trop saccadée ne se prêtait pas à la haute éloquence ; c’était un autodidacte ; n’ayant guère approfondi les questions philosophiques ou religieuses, il laissait volontiers à d’autres et notamment à Woeste, leader de la droite, à Helleputte, à MM. Carton de Wiart et Renkin, le soin de prononcer les grands discours d’idées et d’intervenir dans les débats politiques. Il ne laissait à personne le soin de conduire hardiment le pays dans les voies de l’expansion. La grande politique économique de Léopold II, ses conquêtes coloniales, son désir d’outiller et d’embellir la Belgique par de grands travaux n’avaient pas de partisan plus intelligemment enthousiaste que le Premier Ministre. Mais tandis que Beernaert s’était cru obligé plus d’une fois de faire frein, de Smet de Nayer aurait été plus justement comparé à un second moteur doublant le premier qui n’en avait pas besoin.
Bien qu’il évitât le plus possible les questions politiques, il en est une qu’il dut aborder malgré ses répugnances. Certaines circonscriptions électorales étaient devenues démesurées. L’arrondissement de Bruxelles élisait dix-huit députés et l’arrondissement d’Anvers, onze. Quelques électeurs de ces deux arrondissements pouvaient opérer un déplacèrent de cinquante-huit voix à la Chambre ; c’était inquiétant et inique ; l’électeur de Bruxelles, qui votait pour 18 députés, avait dix-huit fois plus de puissance que l’électeur d’Arlon, de Bastogne, de Marche, de Neufchâteau et de Virton qui n’en élisait qu’un.
Nous avons, d’autre part, signalé le danger que présentait, pour l’unité nationale, la séparation du pays en deux ; les provinces de langue flamande entièrement catholiques, les provinces de langue française largement socialistes. Enfin, beaucoup de bons esprits, même dans le (page 93) parti qui soutenait le gouvernement, regrettaient la disparition presque absolue du parti libéral qui était tout de même un parti d’ordre. Allait-on jusqu’à prévoir que, seul, ce parti serait capable, grâce à certaines affinités philosophiques, grâce à l’espérance commune de renverser la majorité, d’infuser l’esprit gouvernemental au parti socialiste ? C’eût été porter la perspicacité jusqu’à la divination. Il est peu probable que, parmi les partisans de la représentation proportionnelle, quelqu’un ait poussé aussi loin la prévision de l’avenir.
Les ministres étaient d’accord sur la nécessité de modifier la loi électorale mais ils ne s’étaient pas entendus sur la nature des modifications à y apporter. Vandenpeereboom et Schollaert semblaient partisans de ce que l’on appelait l’uninominal : l’élection d’un député par arrondissement ; Woeste s’y était rallié mais le gouvernement s’aperçut bien vite qu’il ne pourrait réunir une majorité sur cette formule ; Vandenpeereboom qui avait pris la place de De Smet présenta alors un projet hybride établissant la proportionnelle dans les grands arrondissements et maintenant le système majoritaire dans les petits. Ce projet aurait eu pour résultat d’enlever à l’opposition tout espoir de conquérir la majorité ; Woeste lui-même le déclara indéfendable. Il y eut des manifestations dans les rues de la capitale ; Vandenpeereboom céda la place à De Smet de Nayer qui, avec l’aide de van den Heuvel, nouveau Ministre de la Justice, réussit à faire voter la Représentation proportionnelle. Ce système a ses inconvénients ; il rend notamment le gouvernement du pays plus difficile en diminuant les effectifs des majorités ; mais quel régime est parfait ? tout compte tenu, la représentation proportionnelle n’a pas eu les graves inconvénients que l’on prédisait et a rendu de grands services.