(Paru en 1850 à Bruxelles, chez Librairie polytechnique d’Aug. Decq, 1850. 2 tomes (premier tome : Livres I et II ; second tome : Livre III))
(page 354) L'importante discussion sur la séparation de l'Église et de l'État n'était pas terminée par le rejet de l'amendement de M. Defacqz. Il fallait maintenant discuter l'article de la section centrale et statuer sur douze autres amendements. D'accord sur le principe de liberté générale, ces amendements avaient pour but d'établir des exceptions en faveur du mariage et des inhumations. Le 24 décembre, sur la proposition de M. Lebeau, l'assemblée décida que l'article 12 du projet de constitution et tous les amendements qui s'y rapportaient seraient renvoyés à la section centrale.
Le 26, M. de Theux déposa le rapport. Il en résultait que, dès la première séance, la presque totalité (page 355) des membres de la section centrale avait pensé qu'il ne fallait pas déterminer, dans la Constitution même, une règle concernant le mariage, mais que cette matière appartenait à la législature ordinaire et devait faire l'objet d'un décret particulier du Congrès ou d'une législature suivante. Partant de ce principe, deux moyens avaient été indiqués à la section centrale pour mettre un terme aux discussions qui préoccupaient le Congrès. La minorité aurait voulu stipuler que l'indépendance des cultes ne ferait point obstacle aux mesures qui pourraient être déterminées par les lois pour assurer l'état des citoyens. La majorité (dix voix contre deux) proposait d'adopter une rédaction nouvelle, plus précise, qui ne préjugeât absolument rien quant au mariage et aux autres difficultés qui avaient été signalées. La majorité avait également pensé que l'Etat ne doit pas intervenir dans la nomination des ministres d'un culte quelconque ; un seul membre avait été d'avis de maintenir l'intervention dans la nomination des évêques. Aucune objection n'avait été faite relativement au droit réclamé pour les ministres des cultes de correspondre librement avec leurs supérieurs et de publier leurs actes ; la section centrale avait cru néanmoins convenable d'exprimer que les délits qui pourraient être commis par l'usage de la liberté de publication devraient être assimilés aux délits ordinaires, commis au moyen de la presse ou d'une autre voie de publication, et être punis de la même manière. En résumé, la section centrale proposait la rédaction suivante : « L'État ne peut intervenir dans la nomination et l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. »
La discussion fut immédiatement reprise. Un partisan de la république, M. Camille Desmet, s'attachant surtout aux discours qui avaient été prononcés par les députés ecclésiastiques, défendit (page 356) vigoureusement la prédominance de l'État sur la société religieuse. « Cette liberté illimitée, dit-il, qu'invoque une partie de l'assemblée pour le culte, pour l'instruction, et bientôt pour les corporations, cette liberté quand même, qui, dans les mains d'un parti, dégénérera bientôt en oppression, je ne la veux pas. Je ne conçois pas cet amour immodéré de la liberté, à l'ombre duquel marche un parti, habile, il est vrai, mais oppresseur de tout temps et partout où il a dominé, oppresseur partout où il domine encore. Pour moi, je ne consentirai jamais à tendre les mains aux chaînes qui nous sont offertes au nom de la liberté... » Pour assoupir cette discussion irritante, M. Legrelle présenta, comme moyen de transaction, un projet de décret tendant à consacrer la primauté du mariage civil (Note de bas de page : Ce projet était conçu en ces termes : « Aucun ministre d'un culte quelconque ne peut procéder aux cérémonies religieuses d'un mariage qu'autant que les parties lui auront fait conster que le mariage a été contracté devant l'officier de l'état civil, sauf le cas, constaté par l'autorité civile, où le mariage civil ne pourrait pas avoir lieu et où il y aurait urgence religieuse, reconnue par l'autorité religieuse. »). M. Legrelle déclara, au nom de tous les prêtres catholiques, qu'ils voulaient la liberté en tout et pour tous, et qu'ils se soumettraient aux lois civiles en tant qu'elles n'avaient rien de contraire ou d'attentatoire à l'indépendance des cultes. Le renvoi de ce projet de décret aux sections suspendit de nouveau la discussion.
Elle ne fut reprise que six semaines après, le 5 février. Alors M. Forgeur demanda que des deux côtés on se relâchât un peu des exigences manifestées antérieurement. Car cette question, disait-il, est d'une haute importance, et il faut désirer que l'on ne perde pas de vue l'état social où l'on se trouve. Il proposa d'ajouter à la rédaction présentée le 26 décembre par la section centrale une disposition ainsi conçue : « Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions (page 357) à établir par la loi, s'il y a lieu. » Cet amendement rallia aussitôt l'assemblée presque tout entière. Les catholiques l'adoptèrent par esprit de conciliation ; les libéraux, de la nuance de M. Defacqz, parce qu'il consacrait, dans le mariage, la suprématie qu'ils avaient réclamée ; les libéraux de la nuance de MM. Lebeau et Nothomb, parce que cette disposition paraissait réunir tout ce qu'il y avait de bon et de sage dans les deux opinions. M. Jottrand seul se montra inébranlable. « Plusieurs peuvent craindre, dit-il, d'admettre dans son entier un principe juste, parce qu'il peut avoir momentanément quelques conséquences nuisibles. Pour ma part, je ne veux pas encourir le reproche d'inconséquence. La séparation absolue des affaires civiles et des affaires religieuses me parait utile, juste. » Après avoir adopté les dispositions qui sont devenues l'art. 16 de la Constitution, le Congrès déclara, sur la demande de M. Destouvelles, qu'il serait inséré au procès-verbal que l'arrêté du gouvernement provisoire du 16 octobre 1830 était, en ce qui concerne la question du mariage, considéré comme rapporté et non avenu.
Dans la même séance, l'assemblée s'occupa des traitements des ministres des cultes. La section centrale avait déposé le 22 janvier une proposition de la teneur suivante : « Les traitements, pensions et autres avantages, de quelque nature que ce soit, dont jouissent actuellement les différents cultes et leurs ministres, leur sont garantis. Il pourra être alloué par la loi un traitement aux ministres qui n'en ont point, ou un supplément à ceux dont le traitement est insuffisant. » M. Forgeur fit remarquer qu'il serait dangereux d'admettre cet article, tel qu'il était rédigé ; car on interdirait à la législature la faculté de faire des économies dans les traitements du clergé ; on établirait en faveur de ce dernier un privilège dans la Constitution. M. Destouvelles présenta l'amendement suivant : « Les traitements et pensions (page 358) des ministres de tous les cultes sont à la charge de l'État. Les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. » Cette rédaction maintenait intact le droit de la représentation nationale ; mais, d'autre part, il en résultait que l'État s'engageait à salarier les ministres de tout culte nouveau qu'on voudrait chercher à introduire dans le pays. Il importait de se précautionner contre cette éventualité, en restreignant la portée de l'amendement proposé par M. Destouvelles ; ainsi corrigé, cet amendement devint l'art. 17 de la Constitution. L’État s'engageait donc à pourvoir aux traitements des ministres des cultes existant en Belgique à l'époque de la réunion du Congrès national. C'était une charge permanente en principe, mais variable dans sa quotité, puisqu'il appartenait à la législature de la fixer chaque année.
La Constitution venait à peine d'être votée, que le Congrès trouva l’occasion de prouver qu'il voulait maintenir la liberté religieuse en faveur de toutes les doctrines. Le propre des révolutions est de surexciter l'esprit d'examen ; la confusion dans le domaine des intelligences est une des conséquences naturelles des troubles politiques. « Mémorable événement sans doute, et le plus curieux peut-être de notre siècle ! — lisait-on dans l'Avenir du 19 novembre 1830. — Pendant qu'on sonne partout les funérailles de Dieu, voici de nos contemporains, des jeunes gens comme nous, dont l'incrédulité mal à l'aise soupire après la foi jusqu'à s'en faire une, jusqu'à se soumettre à une hiérarchie religieuse et à prêcher des dogmes au peuple. » Ces apôtres d'une religion nouvelle étaient les saint-simoniens. La Belgique, où l'on venait de garantir le libre exercice de tous les cultes, devait naturellement les attirer ; mais lorsqu'ils voulurent remplir leur mission à Bruxelles, il se trouva que le peuple avait été secrètement excité contre eux. Les saint-simoniens avaient loué la salle Saint-George, et ils avaient annoncé que leur première prédication y aurait lieu (page 359) le 17 février au soir. Cette annonce avait attiré beaucoup de monde ; ce fut précisément ce qui effraya la propriétaire de la salle ; elle refusai de l'ouvrir, et, pour colorer son refus, prétendit faussement qu'elle exécutait les ordres de la police. Ce qui est certain, c'est que des fanatiques obscurs menaçaient de violences ceux qui favorisaient la prédication des saint-simoniens ; aussi personne n'osait leur louer une autre salle.
Le Congrès s'émut bientôt des accusations dirigées contre la police. Dès le 18, deux députés, appartenant à l'opinion catholique, MM. Ch. Vilain XIIII et l'abbé Andries, déposèrent une proposition tendant à requérir l'administrateur général de la sûreté publique pour qu'il donnât des explications sur les empêchements mis par la police à l'enseignement d'un culte et à l'exercice du droit d'association. Cette proposition fut vivement appuyée par quelques-uns des membres les plus éminents de l'assemblée. M. Lebeau s'exprima en ces termes : « J'entends dire autour de moi que la doctrine de Saint-Simon n'est pas un culte, et qu'on ne saurait invoquer en sa faveur le principe qui consacre la liberté des cultes. Quand cela serait vrai, l'oppression qu'on se permettrait à son égard n'en serait pas moins illégale ; car il y a, dans notre Constitution, un autre principe qui consacre la liberté d'opinion, et, si on refusait à la doctrine de Saint-Simon le nom de culte, on serait obligé de reconnaître que c'est au moins une opinion.
(Note de bas de page) « Mêlant à des vérités hardies des erreurs cyniques. les saint-simoniens, dit l'auteur de l'Histoire de Dix Ans, ébranlaient dans le Globe toutes les vieilles bases de l'ordre social. Que l'industrie fût réglementée au gré d'un pouvoir issu en quelque sorte de lui-même et juge de sa propre légitimité ; que la production fût concentrée à l'excès et que ses bénéfices fussent répartis proportionnellement aux mérites ; que la transmission des biens fût anéantie comme celle des emplois ; que le mariage, légalisation de l'adultère, fit place à la souveraineté des penchants et à l'émancipation du plaisir ; que l'empire de la société fut substitue à celui de la famille ; voila les doctrines qu'élaboraient alors des jeunes gens mystiques et sensuels, mais pleins de talent, de verve el d'ardeur. Leur morale, ils la résumaient dans ces mots : « A chacun suivant sa capacité ; a chaque capacité suivant ses œuvres... » — « Toutefois, écrivait l'abbé Lacordaire dans l'Avenir, les saint-simoniens ne travaillent pas pour eux. Ils séduiront sans doute beaucoup d'âmes, beaucoup plus qu'on ne pense : car des temps approchent où quiconque parlera de Dieu aux hommes les fera pleurer, tant le cœur humain sera las des hommes ! Mais un obstacle plus invincible dans les temps éclaires qu'aux époques d'ignorance empêchera toujours la propagation d'une foi fondée sur le seul raisonnement. Le libéralisme de Saint-Simon n'est trop visiblement qu'une philosophie, qu'une politique recouverte de prétentions religieuses qui ne subsisteront pas devant l'examen, et qui prouvent seulement la nécessité de la foi, semblable à ces astres longtemps l'effroi du monde, dont la lumière errante laisse entrevoir celle de l'étoile immobile... (Fin de la note).
Eh bien ! cette opinion, comme (page 360) toutes les autres, a le droit d'être manifestée, et elle ne peut être réprimée que pour autant qu'elle dégénérerait en délit. Je ferai remarquer d'ailleurs que la question de la liberté de l'enseignement se mêle à cette question. La doctrine saint-simonienne peut être enseignée publiquement comme toutes les autres doctrines... Si la police a mis empêchement à l'enseignement public de la doctrine, elle a transgressé ses devoirs, et nous ne devons pas permettre qu'on commette sous nos yeux une infraction aussi évidente aux principes de liberté que nous avons proclamés. » M. l'abbé Andries monte ensuite à la tribune pour demander avec loyauté que la Constitution soit une vérité pour tous. « Je suis l'un des auteurs de la proposition, dit-il ; je me suis empressé de la présenter, car je me croirais le plus indigne des hommes si, après avoir contribué de tous mes moyens et de grand cœur à la proclamation de la liberté des cultes et de toutes les autres libertés, je pouvais laisser soupçonner que je ne l'ai voulue que pour mon culte... Je ne veux pas donner (page 361) crédit à un pareil soupçon, et c'est pour cela que j'ai souscrit à une proposition qui prouve que nous voulons la liberté en tout et pour tous...» Ces nobles paroles furent couvertes d'applaudissements.
Le 19, communication fut donnée au Congrès d'une pétition par laquelle les disciples de Saint-Simon demandaient pour leur culte le libre exercice, garanti à tous les cultes parla Constitution belge (Note de bas de page : Cette pétition était signée de MM. Carniot, Leroux, Margerin, Laurent et Dugiet). M. Plaisant, administrateur général de la sûreté publique, lut ensuite un rapport dans lequel il démontrait que la police avait été complètement étrangère aux démonstrations contre la doctrine saint-simonienne. Il protestait d'ailleurs, comme volontaire de septembre, de son inébranlable attachement aux principes de liberté et de tolérance qui avaient préparé la révolution et qui seuls pouvaient, disait-il, en assurer le triomphe. L'assemblée déclara qu'elle était satisfaite de ces explications et de la promesse donnée par l'administrateur de la sûreté publique qu'il saurait faire respecter le droit justement réclamé par les membres de la mission saint-simonienne.
Parmi les griefs articulés par l'opposition belge contre le gouvernement des Pays-Bas, il fallait ranger en première ligne la domination qu'il s'était arrogée sur l'enseignement tant religieux que laïque. Les célèbres arrêtés de 1825, qui frappaient de mort les établissements libres et qui attribuaient à l’État la direction des études ecclésiastiques, ces arrêtés avaient exaspéré les catholiques. Mais si l'on doit blâmer le gouvernement des Pays-Bas d'avoir imprudemment cédé aux suggestions du fanatisme calviniste, il faut, d'autre part, savoir lui rendre hautement justice pour le bien dont il fut le promoteur. Par des efforts persévérants, par de nobles sacrifices, il avait fondé ou réorganisé dans (page 362) le royaume six universités complètes, érigé dans toutes les villes importantes des athénées ou des collèges, distribué sur toute la surface du pays des écoles populaires, véritables sources de civilisation universelle ; en outre, il avait relevé et ennobli le professorat, en lui assurant la plus entière indépendance, ainsi que les moyens de tenir dans la société le rang honorable qui lui appartient.
(Note de bas de page) M. de Keverberg se plaît à signaler les progrès de l'instruction sous le gouvernement des Pays-Bas et la protection généreuse qui était assurée à celle branche du service public. Nous puiserons dans son livre quelques détails intéressants : « Napoléon, dit-il, qui régnait sur quarante millions de sujets, dota son université d'un apanage de 400,000 francs du rentes inscrites sur le grand-livre, et les dépenses des universités du royaume des Pays-Bas, dont la population n'excéda jamais de beaucoup six millions, figurent au budget de l'État en 1830 pour près de 500,000 florins ! — La population des écoles latines ne dépassait guère 1,000 élèves en 1818 (pour tout le royaume) ; en 1825, elle s'élevait à 1,560. Les collèges et les athénées ne comptaient à la première de ces époques que 1,400 élèves ; à la seconde, ils en réunissaient 5,498. En dix ans, le nombre total des jeunes gens qui participèrent à l'instruction dans les uns et les autres de ces établissements s'était élevé de 3,400 à 7,048 ; il s'était donc accru de plus du double. — La dépense de l'instruction primaire était restée, en thèse générale, ce qu'elle avait été et ce qu'elle est encore partout ailleurs, essentiellement locale. Toutefois, le gouvernement fit des efforts sensibles pour venir au secours des communes. Les fonds qu'il consacrait annuellement aux besoins de l'instruction primaire ne restaient guère au-dessous de 250,000 florins ; somme qui doit paraître bien considérable si on la compare aux fonds destinés en France, sous la restauration. au même objet (150,000 francs). En 1826, sur une population de « 6,157,286 âmes dont le royaume se composait alors, il n'y avait plus que 241,392 individus (environ la vingt-sixième partie de la population entière ; qui, disséminés dans cinq cent neuf petites communes, restaient encore dépourvus de tout moyen d'instruction. La partie de la population comprise dans ce nombre était répartie de manière à ce que les provinces hollandaises en comptaient 12.673, et les provinces belges 228,717. Mais, en comparant cette situation des provinces belges à celle qu'elles offraient au point de départ en 1815, il faut convenir qu'une immense amélioration y avait été opérée. » (Du Royaume des Pays-Bas, t.1.) (Fin de la note)
(page 363) Le gouvernement provisoire avait proclamé, le 12 octobre 1830, la liberté illimitée de l'enseignement, mais il avait statué en même temps que les universités et les collèges, ainsi que les encouragements donnés a l'instruction élémentaire, seraient maintenus. Il sauvait, par cette sage réserve, le droit imprescriptible de l'État de pourvoir lui-même à l'instruction des citoyens. La révolution opérée par le décret du 12 octobre fut néanmoins radicale. Le gouvernement perdit la direction suprême de l'instruction publique, car son intervention devait être désormais limitée aux établissements qu'il avait fondés ou qu'il subventionnait ; d'un autre côté, les communes, de même que les particuliers et les corporations religieuses, acquirent le droit de fonder et de diriger des écoles, sans être soumises au contrôle de l'autorité supérieure. Le décret du 12 octobre, attendu avec impatience, devait immanquablement produire une réaction contre le monopole naguère possédé par l'Etat. En effet, la proclamation de la liberté de l'enseignement fut suivie d'une véritable crise, d'une anarchie complète, de la désorganisation de l'enseignement primaire, de l'enseignement moyen et même de l'instruction supérieure. Beaucoup de communes refusèrent de subventionner plus longtemps leurs écoles primaires ; et d'autres renvoyèrent brutalement les instituteurs dont le seul crime était de devoir leur nomination au régime précédent ; elles les remplacèrent par des membres de certaines corporations religieuses. Même réaction, mêmes violences contre les établissements communaux d'enseignement moyen, à l'exception des athénées ; plusieurs collèges furent supprimés, d’autres furent désorganisés, ou bien cédés au clergé. Une sorte d'arbitraire municipal remplaça, (page 364) suivant les expressions d'un document officiel, l'arbitraire de la haute administration, reproché si souvent, et avec raison, au gouvernement hollandais. L'organisation universitaire avait aussi subi des modifications profondes. Un arrêté du 16 décembre supprimait : à l'université de Gand, la faculté de philosophie et lettres et celle des sciences ; à l'université de Louvain, la faculté de droit et celle des sciences ; à l'université de Liége, la faculté de philosophie. On s'était préoccupé naguère, même au sein des états généraux, de l'utilité de réduire le nombre des universités du royaume ; il est donc très probable que le système d'une université centrale avait également dominé les auteurs du décret du 16 décembre ; cet acte, qui fut diversement apprécié, aurait donc été destiné à faciliter la solution d'une question très importante. Au surplus, le décret du 16 décembre, qui contenait d'autres modifications utiles, n'était que provisoire ; l'organisation définitive de l'enseignement supérieur devait faire l'objet d'une loi mûrement délibérée.
Le comité de Constitution avait proposé de définir en ces termes le nouveau régime créé pour l'instruction publique : « L'enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; les mesures de surveillance et de répression sont réglées par la loi. L'instruction publique, donnée aux frais de l'État, est également réglée par la loi. » Cet article n'avait, pour ainsi dire, rencontré aucune objection dans les sections ; une seule aurait désiré une rédaction telle qu'on ne pût en tirer la conséquence obligée d'un enseignement aux frais de l'État. Dans la section centrale, au contraire, la disposition du comité de Constitution avait donné lieu à des débats et à une division de suffrages. Quatre membres s'étaient opposés à toute intervention du gouvernement, laissant à la loi à réprimer, sans qu'il fût permis à personne d’exercer aucune surveillance. Des membres de cette minorité ne s'étaient pas dissimulé que l'admission de leur principe (page 365) pouvait être dangereuse ; mais ils préféraient les inconvénients de la liberté illimitée aux désagréments de la surveillance. Toutefois, il était entendu que la surveillance, en vertu du principe de liberté, serait toute passive et ne pourrait avoir d'autre but que de tenir le gouvernement au courant de l'état de l'instruction et d'assurer la répression des délits. Sur seize membres présents à la section centrale, sept demandèrent, pour garantir davantage la liberté d'enseignement, qu'il fût stipulé expressément que les mesures de surveillance ne pourraient atteindre que des délits. Mais la majorité fut d'avis qu'il ne pouvait y avoir doute sur le sens de la phrase ; que toutes les fois que la loi stipulait des peines pour des faits, ceux-ci dès lors devenaient délits.
La discussion publique eut lieu le 24 décembre, et offrit des incidents analogues à ceux qui avaient signalé les débats relatifs à l'indépendance du clergé. Sept amendements avaient été déposés ; trois attirèrent l'attention de l'assemblée. M. le baron de Sécus proposait de dire : « Les délits auxquels l'enseignement peut donner lieu seront poursuivis devant les tribunaux. Si quelques mesures de surveillance étaient jugées nécessaires, elles ne pourront être confiées qu'à des autorités élues directement par la nation. » M. Dams, député du Luxembourg, proposait de remplacer l'article tout entier par la disposition suivante. « L'enseignement supérieur et moyen est libre ; toute mesure préventive est interdite ; les mesures de surveillance et de répression sont réglées par la loi. L'instruction publique, donnée aux frais de l'État, et l'instruction primaire sont également réglées par la loi. » Enfin, M. Van Meenen proposait de supprimer de l'article le mot surveillance, parce que ce mot sentait la mesure préventive et que, sous prétexte de surveiller, on pourrait gêner la liberté ; il proposait, en second lieu, de dire formellement que les mesures de répression ne seront réglées que par la loi afin d'empêcher l'arbitraire (page 366) des ordonnances, des arrêtés, ou des règlements émanés du gouvernement. Cet amendement, accueilli avec faveur par une partie de l'assemblée, trouva en M. Beyts un adversaire énergique. « La surveillance, dit-il, doit être maintenue, parce que, appelée à examiner les modes d'instruction employés, elle s'occupera sans cesse de les améliorer ; en second lieu, elle est nécessaire pour faire connaître les abus qui pourraient se glisser dans l'enseignement, et pour que le pouvoir, usant de son initiative, propose au corps législatif les lois nécessaires pour réprimer ces abus. » M. Devaux démontra que, même en admettant l'amendement de M. Van Meenen, la question restait entière. « S'il est incontestable, dit-il, que surveillance ne soit pas synonyme de répression, il est tout aussi incontestable que répression suppose surveillance. Pour réprimer les délits qui se commettent dans la société, il faut nécessairement qu'on la surveille. Il en sera de même dans le cas prévu par l'article, et si vous accordez le pouvoir de réprimer, vous accordez nécessairement celui de surveiller. »
Pour entraîner l'assemblée vers la liberté absolue, M. de Gerlache rappela les luttes que l'opposition belge avait soutenues contre le gouvernement déchu afin de briser la domination qu'il s'arrogeait sur l'instruction et sur la pensée ; il rappela, en outre, que les libéraux aussi bien que les catholiques avaient pris naguère pour devise : Liberté en tout et pour tous. « Or, poursuivit-il, il n'y a pas de raison d'accorder au gouvernement la surveillance de l'instruction, qui est une mesure préventive, lorsque vous avez écarté toute mesure préventive en matière de culte et de croyances. La surveillance est, comme la censure, une mesure préventive, suffisante pour anéantir toute liberté, quand il plaira au gouvernement. Ignorez-vous à quelles inquisitions, à quelles tracasseries on s'est porté contre certains établissements sous le gouvernement déchu ? On vous dit que le (page 367) gouvernement a changé. Mais les gouvernements ne changent guère, parce qu'au fond les hommes qui exercent le pouvoir sont toujours les mêmes et cherchent incessamment à étendre le cercle de leurs attributions. C est dans les institutions qu'il faut chercher des garanties durables. J'aimerais mieux tolérer quelques abus inévitables que de mettre le droit lui-même en péril. Ma conviction est telle à cet égard que je n'hésite pas à dire que, si même par la suite une surveillance était jugée nécessaire, ce n'est pas au gouvernement qu'elle devrait appartenir. Le gouvernement ne peut exercer de surveillance que sur les établissements qu'il salarie ; les communes ne peuvent exercer de surveillance que sur les établissements qu'elles salarient. Du reste, aucune surveillance n'est possible ni tolérable. » M. Dams allégua ensuite les raisons qui l'obligeaient à combattre des théories aussi absolues et à restreindre à l'enseignement supérieur et moyen la liberté que l'on désirait avec tant d'ardeur. « C'est en parcourant les campagnes, en s assurant de la manière dont les choses s'y passent, dit-il, que l'on est bientôt convaincu des effets fâcheux que peut produire la liberté de l'enseignement. Déjà l'on remarque dans beaucoup de localités les résultats funestes de ce principe consacré dans un arrêté du gouvernement provisoire ; des écoles fréquentées l'année dernière par des élèves qui y faisaient des progrès satisfaisants sont presque désertes ; le peu d'assiduité des enfants et le découragement des instituteurs, dont l'avenir n'est rien moins que rassurant, préparent une triste perspective pour l'instruction. En établissant notre état social sur des bases larges, en assurant aux citoyens toute la liberté compatible avec le maintien de l'État, nous devons aussi veiller à ce que la jeunesse reçoive une instruction telle que les Belges puissent apprécier leurs institutions libérales et jouir du bonheur qui en découlera. A quoi serviraient-elles à (page 368) tant de citoyens peu fortunés, s'ils restaient esclaves de l'ignorance, du fanatisme et de l'erreur ? La liberté illimitée en matière d'instruction primaire serait sans doute la plus grande garantie que le gouvernement ne s'emparerait pas de la direction de l'instruction de la jeunesse ; mais ne transporterait-elle pas le monopole dans d'autres mains ? Les extrêmes se touchent ; gardons-nous, en voulant éviter un précipice, de tomber dans un autre. Il est une classe qui, cherchant toujours à augmenter son importance sociale, ne manquerait pas de saisir avec empressement cette liberté illimitée pour augmenter son influence et diriger ou faire diriger l'instruction populaire à son gré. Combien aurions-nous à regretter cet état de choses, si les membres de ce corps étaient un jour opposés à la marche du « gouvernement ! » Ces graves considérations, exposées avec une franchise un peu brusque mais louable, agitèrent les catholiques. M. l'abbé Van Crombrugghe s'éleva vivement contre les orateurs qui demandaient des restrictions à la liberté de l'enseignement, de peur peut-être, disait-il avec ironie, que les jésuites ne s'emparent de l'instruction publique ; il ajouta que c'était aussi pour prémunir les Belges contre l'influence des jésuites que l'on avait détruit, en 1825, tant de beaux établissements religieux d'instruction et mis les parents des provinces catholiques dans la triste nécessité d'aller chercher à l'étranger des maisons d'éducation pour leurs enfants ; il crut pouvoir affirmer (mais il se trompait) que la proclamation de la liberté de l'enseignement n'avait pas exercé une influence désastreuse sur les écoles primaires ; enfin, il déclara que la surveillance que l'on voulait établir n'aurait d'autre effet que d'effrayer, de torturer les consciences, d'empêcher l'établissement de bonnes écoles, et de prolonger l'ignorance d'un peuple qui aime l’instruction, mais qui s'en passerait plutôt que de se la voir imposer administrativement et de par les caprices du pouvoir.
(page 369) La position prise dans ce débat par M. le baron de Sécus, vétéran de l'ancienne opposition catholique, fut remarquable. Redoutant les abus qui pouvaient résulter de la liberté illimitée de l'enseignement, il avait proposé, comme on l'a vu, de confier la surveillance aux autorités électives. Il avait reconnu loyalement qu'il pouvait y avoir danger d'abandonner au premier venu la liberté d'ouvrir un établissement d'éducation et de le diriger à sa fantaisie. Il voulait donc confier la surveillance des établissements libres, autres que les écoles ecclésiastiques, aux autorités élues directement par la nation. « Quand la surveillance, circonscrite par la loi dans les bornes nécessaires, sera conférée, disait-il, à des autorités indépendantes et intéressées à consulter dans leurs démarches le vœu de ceux de qui elles tiennent leur pouvoir et aux suffrages desquels leur résolution doit être soumise, il n'y a à craindre ni esprit de parti, ni vexation, ni injustice. Cette surveillance consisterait d'ailleurs a découvrir les délits et à les dénoncer aux tribunaux, qui pourraient seuls les juger. »
L'assemblée, suffisamment éclairée, ne voulut pas prolonger cette discussion. Elle adopta d'abord l'amendement de M. Van Meenen, dont la rédaction définitive était ainsi conçue : « L'enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la répression des délits n'est réglée que par la loi. » On allait voter ensuite sur la disposition présentée par M. de Sécus, lorsque celui-ci déclara qu'il la retirait, parce qu'il avait reconnu, disait-il, qu'elle blessait la liberté de l'enseignement ; ou plutôt parce que les catholiques croyaient à tort ou à raison qu'elle tendait à gêner la liberté religieuse, ajouta M. Legrelle. Mais aussitôt un membre du parti libéral, M. Fleussu, reprit comme article additionnel l'amendement abandonné par M. de Sécus. Comprenant et partageant les craintes des catholiques, M. Raikem demanda la question préalable ; elle fut écartée par quatre-vingt-sept voix (page 370) contre soixante-trois. La situation devenait critique pour une certaine fraction de l'assemblée. Aussi M. l'abbé de Haerne proposa- t-il un autre amendement ainsi conçu : « La surveillance ne pourra s'exercer que sur les établissements du gouvernement. » Après un débat très vif, un nouvel appel nominal fut demandé afin de statuer sur le sort de l'amendement de M. de Sécus, repris par M, Fleussu. Soixante et onze membres votèrent pour la proposition de M. Fleussu ; soixante et seize votèrent contre. M. de Sécus s'abstint. (Note du web master : l’édition originale reprend en note de bas de page les votes nominatifs. On renvoie pour ceux-ci à la partie de ce site consacrée au texte intégral des séances du Congrès).
(page 371) Pourquoi nous appesantir sur la signification de ce vote décisif ? Il nous suffira de faire remarquer qu'aucun membre du Congrès ne proposa, dans la discussion publique, de placer le gouvernement du pays hors du droit commun, de lui interdire la faculté de posséder et de diriger exclusivement des établissements soutenus par le trésor publie. L'art. 17 de la Constitution, loin de contester cette prérogative au gouvernement, lui fit une obligation, un devoir, d'entretenir des établissements d'instruction. L'assemblée constituante comprit que l'action de l’Etat est réellement indispensable pour contrebalancer les effets de la liberté illimitée de l'enseignement. Comme les établissements libres dépendent des ressources, souvent précaires, de ceux qui les créent ou les dirigent, il faut que l'État soit en mesure de parer à toutes les éventualités. Il ne peut pas, sans méconnaître sa plus haute mission, livrer l'avenir intellectuel de la nation aux chances si variables et aux expérimentations parfois si dangereuses de la spéculation et de la concurrence. Les institutions fondées et dirigées par le gouvernement avec le concours de la législature sont destinées à faire naître une noble émulation, à prévenir le monopole, à écarter la routine, à maintenir constamment l'instruction au niveau des progrès de la science, et à fortifier enfin le sentiment national (Note de bas de page : 'Les lois, votées en vertu de la Constitution pour régler l'instruction publique donnée aux frais de l'État, sont jusqu'à présent : la loi du 27 septembre 1835, organique de l'enseignement supérieur ; la loi du 23 septembre 1842, organique de l'enseignement primaire ; la loi du 15.juillet 1849, modifiant celle du 27 septembre 1835).
(page 372) La liberté de la presse ne donna pas lieu à de longues discussions. Passée déjà dans les habitudes de la nation, sanctionnée par l'opinion publique, il n'était plus possible de la déraciner ni même de l'ébranler Il fallait considérer la liberté de la presse comme la clef de voûte de l'édifice constitutionnel, parce qu'elle protége et sauvegarde toutes les autres libertés. Le comité de Constitution avait proposé une rédaction remarquable par son énergique concision : « La presse est libre ; la censure ne pourra jamais être établie ; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi. » Quoique cette rédaction ne laissât rien à désirer, la section centrale aurait voulu la remplacer par la disposition suivante : « Chacun a le droit de se servir de la presse et d'en publier les produits, sans pouvoir jamais être astreint ni à la censure, ni à un cautionnement, ni à aucune autre mesure préventive, et sauf la responsabilité pour les écrits publiés qui blesseraient les droits soit d'un individu, soit de la société. Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi, sauf la preuve de complicité... » M. Devaux fit remarquer avec raison que cette disposition était conçue en termes vagues, et qu'elle avait l'inconvénient de rétablir la censure des imprimeurs, dont on s'était plaint avec tant de vivacité sous l'ancien régime ; il proposa, comme amendement, l'article primitif du projet de Constitution. M. Ch. Vlain XIIII, sous l'influence des doctrines de l’Avenir, signala l'abus que l'on pourrait faire de la responsabilité attachée aux écrits qui blesseraient les droits de la société. « Dans l'état d'anarchie où (page 373) sont les esprits, dit-il, toute doctrine attaque les droits de la société, et dès lors aucune ne doit pouvoir légalement les attaquer, sans quoi il n'y aurait plus de liberté pour personne. Si vous laissiez subsister cette disposition, vous verriez l'arbitraire s'asseoir dans le sanctuaire de la justice ; vous verriez le ministère public poursuivre et le jury condamner à tort et à travers les doctrines les plus divergentes... Avec ce membre de phrase, Rousseau ne pourrait pas produire son Contrat social ; l'abbé de Lamennais ne pourrait pas rendre au genre humain ses lettres d'affranchissement, ses titres de liberté qui étaient égarés. Avec ce membre de phrase, vous réprimeriez la voix de tous les extrêmes, de toutes les sommités, vous imposeriez silence au génie qui toujours devance son siècle. Dans l'état actuel de la société, il faut laisser toutes les opinions, toutes les doctrines librement se produire ; il faut les laisser se débattre et s'entrechoquer entre elles ; celles qui sont de verre se briseront, celles qui sont de fer persisteront, et la vérité finira par l'emporter par sa propre force. Sa victoire alors sera glorieuse ; elle sera légitime, car elle aura été conquise sur le champ de bataille, à armes égales. » L'expérience démontre, en effet, que les peuples, chez lesquels existe la liberté de la presse, s'attachent à leurs opinions avec une conviction inébranlable ; ils les aiment parce qu'elles leur semblent justes et vraies, et ils y tiennent parce qu'elles ont été librement acceptées par la raison publique. M. Nothomb combattit très vivement aussi la rédaction de la section centrale. Il déclara que l'article du projet primitif n'avait pas été rédigé au hasard ; que c'était le résultat d'une marche rationnelle, tandis que la section centrale voulait placer la presse hors du droit commun et prendre a son égard des précautions qu'elle n'avait pas jugées nécessaires à l'égard des autres libertés qui dérivent du même principe. Des députés ecclésiastiques, imitant M. Ch. Vilain XIIII, plaidèrent également en (page 374) faveur de la liberté absolue de la presse. « Je voterai, dit M. l'abbé Verduyn, pour la liberté de la presse la plus large et la plus étendue, ainsi que pour tout ce qui tendrait à la favoriser... En agissant autrement, je croirais agir contre les intérêts de la vérité. En effet, il m'a toujours paru que la vérité se suffisait à elle-même ; elle ne demande, pour faire tout le bien qui est dans sa nature, que d'être libre, c'est-à-dire de jouir de l'exercice de tous ses droits. La protection que le pouvoir temporel a voulu lui accorder n'a été que trop souvent illusoire et oppressive, outre que cette apparente protection l'a rendue solidaire de tous les excès du pouvoir... En réclamant la liberté de la presse la plus entière, nous prouverons que nos intentions sont droites, qu'elles ne cachent aucune arrière-pensée. Penserait-on que nous ne demandons la liberté que pour en abuser au détriment des droits de nos concitoyens ? Nous ne craignons pas que le clergé belge, si dévoué aux intérêts de la patrie, vous paraisse avoir justifié des soupçons si peu honorables ; nous ne croyons pas que plusieurs de vous partagent cette crainte ; mais en tout cas, nous dirons à ceux qui la manifesteraient : Eh bien ! la presse périodique sera là ; elle vous avertira journellement de l'usage que nous ferons de notre liberté, et s'il arrivait jamais que quelques-uns de nous voulussent en abuser, nous sommes entièrement convaincus que, dans le clergé même, se trouveraient des hommes qui seraient les premiers à vous en signaler les abus... » L'amendement de M. Devaux réunit enfin l'assentiment général. Il fut adopté et devint l'article 18 de la Constitution. Une disposition additionnelle, proposée par M. Lebeau, fut adoptée sans discussion ; elle était ainsi conçue : « Dans tout procès pour délit de la presse, la déclaration de culpabilité appartient au jury. » (Note de bas de page : Cette disposition fut ensuite comprise dans l'art. 98 de la Constitution lequel établit le jury en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse.) Dans le cours de la discussion, (page 375) M. Nothomb avait proposé d'énoncer expressément que les mesures répressives ne pourraient être telles qu'elles interdissent la critique des actes des autorités publiques. Ce devait être une garantie contre les législatures qui succéderaient au Congrès. Suivant M. Nothomb, la censure n'était pas le seul moyen d'anéantir la presse ; des mesures répressives très vagues, comme l'arrêté de 1815 qui créait la tendance, et des dispositions semblables à celles du Code pénal de 1810, qui défendaient toute imputation propre à blesser la délicatesse des fonctionnaires, n'étaient pas moins destructives de toute liberté. Il voulait empêcher aussi le retour d'une loi comme celle du 16 mai 1829, qu'on avait dite si libérale, et qui cependant maintenait tout le système du Code de 1810 sur l'injure et la calomnie. M. de Robaulx exigeait davantage : il demanda que les mesures répressives à prendre ultérieurement ne pussent porter atteinte au droit d'examen et de critique non seulement des actes, mais aussi de la vie publique des autorités. Examinant les deux propositions, M. Devaux fit remarquer que celle de M. Nothomb ne disait pas assez, tandis que celle de M. de Robaulx disait trop, car l'examen pouvait être tel qu'il devint nécessaire d'en poursuivre les auteurs en calomnie. Il valait donc mieux, suivant M. Devaux, s'en tenir au principe général. M. Nothomb retira son amendement, celui de M. de Robaulx fut mis aux voix et rejeté (Note de bas de page : Nous parlerons, à sa date, du décret rendu par le Congrès, le 20 juillet 1831, et qui renferme la législation pénale sur la presse).
Des sociétés politiques avaient été essayées en Belgique par le parti progressif, durant la révolution brabançonne, et violemment dissoutes par le parti oligarchique. La révolution française (page 376) avait fait ensuite éclore les clubs de Paris qui voulurent bientôt gouverner les esprits. « Agitateurs sous la constituante, ils devinrent dominateurs sous la législative. L'assemblée nationale ne pouvant contenir toutes les ambitions, elles se réfugiaient dans les clubs, où elles trouvaient une tribune et des orages. C'était là que se rendait tout ce qui voulait parler, s'agiter, s'émouvoir, c'est-à-dire la nation presque entière. Le peuple courait à ce spectacle nouveau, il occupait les tribunes de toutes les assemblées, et y trouvait, dès ce temps même, un emploi lucratif, car on commençait à payer les applaudissements. » (THIERS, Histoire de la Révolutïon française, chap. VII., page 377). Ce fut encore pis sous la Convention, qui agit plus d'une fois sous l’impulsion directe des Jacobins ou des Cordeliers. Du reste, la loi du 13 juin 1793 avait proclamé le droit absolu des citoyens de se réunir en sociétés populaires. Après la terreur, la constitution directoriale de l'an III (1795) voulut soustraire la France à la tyrannie des démagogues ; elle interdit toute société se qualifiant de populaire, tenant des séances publiques, ayant un bureau, des tribunes, des affiliations. Ces restrictions au droit d'association ayant été éludées, la majorité du conseil des Cinq-Cents fit décréter la loi du 6 thermidor an V (1797), qui frappa d'une prohibition provisoire toute société particulière s'occupant de questions politiques. La prohibition fut rendue définitive par Napoléon.
Le Code pénal (art. 291) statua que nulle association de plus de vingt personnes dont le but serait de se réunir tous les jours ou à certains jours marqués pour s'occuper d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourrait se former qu'avec l'agrément du gouvernement et sous les conditions qu'il plairait à l'autorité publique d'imposer à la société.
Par son décret du 16 octobre 1830, le gouvernement provisoire de la Belgique avait abrogé cette disposition réactionnaire et permis aux citoyens de s'associer, comme ils l'entendent, dans un but politique, religieux, philosophique, littéraire, industriel ou commercial ; le droit d'association impliquait naturellement celui de pouvoir s’assembler.
La majorité des sections du Congrès avait également reconnu la nécessité d'annuler l'art. 291 du Code pénal et de prévenir le retour d'une disposition aussi tyrannique ; en conséquence, la section centrale proposa de définir le droit de réunion de la manière suivante : « Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se soumettant aux lois. Aucune autorisation préalable ne peut être requise. » Toutefois, dans la discussion préparatoire, deux sections s'étaient formellement prononcées contre une disposition qui consacrait le droit de s'assembler sans autorisation préalable ; la minorité de la section centrale avait également pensé qu'il pourrait y avoir des moments où l'exercice de ce droit serait dangereux, et qu'alors la nécessité d'une suspension se ferait utilement sentir.
M. de Langhe n'hésita pas à exprimer cette opinion à la tribune du Congrès : « Je vois de plus en plus, dit-il, qu'une idée prédomine parmi nous ; c'est d'écarter à jamais la possibilité d'établir aucune mesure préventive. Ce principe, que j'adopte en général comme conservateur de nos libellés, me semble cependant devoir, dans quelques cas, être subordonné à un principe supérieur, le maintien de l'ordre public... En certaines circonstances, dont il est impossible de peser en ce moment la gravité, il faut donner à la loi la faculté de modifier et même de restreindre le droit qu'ont les Belges de s'assembler. On dira que s'il se commet des délits dans ou à l'occasion de ces assemblées, ils seront réprimés par la loi pénale. Mais comme ces assemblées peuvent être très nombreuses, s'élever même à plusieurs milliers d'individus, le mal qui en résulterait pourrait (page 378) être de nature à ébranler la société ; et c'est, à mon avis, ce qu'il faut empêcher, fût-ce par des moyens préventifs. Nous devons, ce me semble, mettre tous nos soins à organiser une bonne législation et lui accorder quelque confiance sans trop la lier par notre loi fondamentale, car il arrivera de deux choses l'une : ou il faudra violer la Constitution pour conserver le repos public, ce qui serait dangereux et du plus mauvais exemple, ou bien nous pourrions nous voir entraînés de désordres en désordres, et peut-être, après avoir passé par toutes les phases de l'anarchie, finirions-nous, fatigués d'une liberté excessive, par nous précipiter dans le despotisme ou la domination étrangère. »
M. de Langhe voulait donc que la loi déterminât le cas où une autorisation préalable serait nécessaire ; cet amendement fut vivement appuyé par MM. de Sécus, Ch. Lehon, Barthélemy, Duval de Beaulieu, l'abbé de Foere et Blargnies. Ce dernier montra tous les dangers des rassemblements et des coalitions dans les districts industriels. «Nous avons dans le Hainaut, dit-il, soixante mille ouvriers pour exploiter les houilles. Ces ouvriers se coalisent lorsqu'ils veulent faire hausser le prix de leurs journées. Si vous permettez aux citoyens de se rassembler sans autorisation, qu'arrivera-t-il ? C'est que quand le travail pressera le plus, ils se coaliseront sans craindre de pouvoir en être empêchés, et résisteront d'autant plus qu'ils sauront que l'autorité aura été désarmée par la Constitution. De là la ruine des établissements précieux de notre province. Du reste, le Hainaut ne sera pas le seul point menacé par un tel ordre de choses. Tous les lieux où il y a de grands établissements manufacturiers, - et « il y en a beaucoup en Belgique, - seront exposés aux mêmes malheurs. » Mais d'autres députés combattirent l'amendement de M. de Langhe avec beaucoup d'énergie ; MM. Jottrand et de Robaulx déclarèrent qu'ils ne voulaient pas priver les Belges des (page 379) droits dont jouissaient les Anglais et les Américains.
(Note de bas de page) Il est utile de signaler, à propos de cette discussion, les différentes manières dont on entendait et dont ou entend encore le droit d'association en Europe et aux États-Unis ainsi que l'usage différent qu'on en fait. « La plupart des Européens, dit M. de Tocqueville, voient encore dans l'association une arme de guerre qu'on forme à la hâte pour aller l'essayer aussitôt sur un champ de bataille. On s'associe dans le but de parler, mais la pensée prochaine d'agir préoccupe tous les esprits. Une association, c'est une armée ; on y parle pour se compter et s'animer, et puis on marche à l'ennemi. Aux yeux de ceux qui la composent, les ressources légales peuvent paraître des moyens, mais elles ne sont jamais l'unique moyen de réussir. Telle n'est point la manière dont on entend le droit d'association aux États-Unis. En Amérique, les citoyens qui forment la minorité s'associent, d'abord pour constater leur nombre, et affaiblir ainsi l'empire moral de la majorité ; le second objet des associés est de mettre au concours et de découvrir de cette manière les arguments les plus propres à faire impression sur la majorité ; car ils ont toujours l'espérance d'attirer à eux cette dernière, et de disposer ensuite, en son nom, du pouvoir. Les associations politiques aux États-Unis sont donc paisibles dans leur objet et légales dans leurs moyens ; et lorsqu'elles prétendent ne vouloir triompher que par les lois, elles disent en général la vérité. La différence qui se remarque sur ce point entre les Américains et nous tient à plusieurs causes. Il existe en Europe des partis qui diffèrent tellement de la majorité qu'ils ne peuvent espérer de s'en faire jamais un appui, et ces mêmes partis se croient assez forts par eux-mêmes pour lutter contre elle. Quand un parti de cette espèce forme une association, il ne veut pas convaincre, mais combattre. En Amérique, les hommes qu sont placés très loin de la majorité par leur opinion ne peuvent rien contre son pouvoir : tous les autres espèrent le gagner. L'exercice du droit d'association devient donc dangereux en proportion de l'impossibilité où sont les grands partis de devenir la majorité. Dans un pays comme les Ëtats-Unis, où les opinions ne diffèrent que par des nuances, le droit d'association peut rester pour ainsi dire sans limites. » (De la démocratie en Amérique, 1er partie, chap. IV.) - Du reste, M. de Tocqueville avoue que la liberté illimitée d'association, en matière politique, ne saurait être entièrement confondue avec la liberté d'écrire ; que l'une (la liberté d'association ; est tout à la fois moins nécessaire et plus dangereuse que l'autre ; enfin qu'une nation peut y mettre des bornes sans cesser d'être maîtresse d'elle-même, et qu'elle doit quelquefois le faire pour continuer, à l'être) (Fin de la note).
De son (page 380) côté, M. l'abbé de Haerne adjura le Congrès de rester conséquent en ne votant point de mesures préventives. « Tout a ses dangers, tout a ses inconvénients, s'écria-t-il ; ce n'est pas pour moi une raison de déroger aux principes ; je veux que nous ayons des clubs ; je veux que nous ayons des associations en tout genre : je ne crains ni les uns ni les autres ; car je veux en même temps que les délits, dont ces clubs ou ces associations se rendront coupables, soient punis par la loi. Contentons-nous de réprimer les délits ; mais, je le répète, point «e mesure préventive en rien... » Toutefois, le Congrès, reconnaissant la gravité et la légitimité des craintes qui avaient été exprimées, modifia de la manière suivante la rédaction de la section centrale : « Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui pourront régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. » Sur la proposition de M. Devaux, l'assemblée décida, en outre, par cent dix voix contre quarante-deux, que la disposition qu'elle venait de voter ne s'appliquerait point aux rassemblements en plein air, lesquels resteraient entièrement soumis aux lois de police.
Le droit d'association, sanctionné par l'art. 20 de la Constitution, avait, dans la pensée de la plupart des membres du Congrès, une corrélation directe avec l'art. 16, qui décrétait l'indépendance du clergé ; on était persuadé que le droit d'association était surtout demandé en faveur des corporations religieuses. Aussi, dans les sections, le débat avait-il porté presque exclusivement sur le droit d'acquérir, que les uns voulaient accorder aux associations dans de certaines limites, et que les autres (page 381) repoussaient, parce que ce privilège impolitique tendait à concentrer la propriété et à la mettre en dehors de la circulation. La discussion publique ayant été ouverte, le 5 février, âpres le vote de l'art. 16, M. Seron demanda formellement la suppression d'une disposition qui lui paraissait en désaccord avec les progrès de la civilisation. Traçant l'histoire des corporations religieuses et rappelant les maux qu'elles avaient causés, l'orateur républicain, fidèle aux traditions de la révolution de 1789, conjura le Congres de ne pas prêter les mains au rétablissement des couvents. Un autre vieillard, qui avait siégé dans les assemblées de la première république, M. le baron Beyts, vint aussi déclarer qu'il ne voulait pas faire reculer la société de cinq cents ans ; il repoussait donc avec énergie les associations privilégiées dont une partie du Congrès demandait le rétablissement. En effet, M. Denef, député de Turnhout, émit bientôt le vœu que toute association religieuse eût le droit d'acquérir, comme personnification civile, un revenu suffisant pour l'entretien de chaque membre, sauf à demander pour les acquisitions ultérieures l'assentiment du pouvoir législatif. M. de Sécus (père), tout en déclarant que dans ces débats on devait avoir en vue les associations laïques aussi bien que les associations religieuses, vint demander également pour celles-ci la jouissance des droits civils, afin de leur assurer un caractère de stabilité. Il voulait, en un mot, que les associations religieuses eussent des ressources suffisantes pour ne pas dépendre du plus ou du moins de générosité des citoyens. Du reste, il repoussa bien loin la pensée de ressusciter des corporations riches et dotées au delà de ce qui serait nécessaire à l'accomplissement de leur but ; car ce serait, disait-il, détruire au lieu d'édifier ; la richesse attiédirait le zèle et arrêterait le bien que ces associations peuvent produire. L'assemblée rejeta la proposition de M. Seron ; mais, d un autre côté, elle ne voulut pas accorder aux corporations, dont elle allait autoriser la formation, les privilèges (page 382) attaches à la qualité de personne civile ; elle se contenta de dégager de toute entrave le droit d'association en décrétant la disposition suivante : « Les Belges ont le droit de s'associer. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. » (Note de bas de page : Il résulte d'une circulaire ministérielle du 16 août 1831, que l'art. 20 de la Constitution ne donne point aux associations le droit d'acquérir et de transférer des biens comme personnes civiles ; qu'il ne leur confère aucun privilège, et laisse entière la législation préexistante à cet égard. C'était là, d'ailleurs, la pensée du gouvernement provisoire ; car son décret du 16 octobre 1830 statuait que les associations ne pourront prétendre a aucun privilège.)
Pour compléter son œuvre, le Congrès reconnut le droit de pétition, mais en réservant prudemment aux autorités publiques la faculté d'adresser des requêtes en nom collectif ; il consacra l'inviolabilité du secret des lettres en déclarant qu'une loi déterminerait quels sont les agents responsables de la violation de ce secret (Note de bas de page : « L'État s'étant réservé le monopole du transport des lettres, il faut de toute nécessité qu'il se rende digne de la mission qu'il s'impose. En forçant les citoyens à recourir à son intermédiaire, le gouvernement doit leur offrir les garanties nécessaires. L'art. 187 du Code pénal actuel punit aujourd'hui la violation du secret des lettres, en disposant que toute suppression, toute ouverture de lettres confiées à la poste, commise ou facilitée par un agent du gouvernement ou de l'administration des postes, sera punie d'une amende de 16 francs à 300 francs. Le coupable est, de plus, aux termes du même article, interdit de toute fonction ou emploi quelconque pendant cinq ans au moins ou dix ans au plus. » (Constitution belge annotée, p. 96.)) ; enfin, il rendit facultatif, comme sous le régime autrichien, l'emploi des langues usitées en Belgique. Il décida que cet emploi ne pourrait être réglé que par la loi et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires. En résumé, le Congrès voulait une langue unique pour les actes du gouvernement, et cette langue ne pouvait être autre que le (page 383) français (Note de bas de page : Une loi du 19 septembre 1831 dispose que « les lois seront insérées au Bulletin officiel aussitôt après leur promulgation, avec une traduction flamande ou allemande, pour les communes où l'on parle ces langues, le texte français demeurant néanmoins seul officiel. »). En jouissance de ce privilège depuis la réunion des provinces belges sous le sceptre des ducs de Bourgogne, cette langue universelle reprit en 1830 la prééminence qui lui avait appartenu en Belgique pendant quatre siècles. En effet, depuis la formation d'une administration centrale et la première réunion des états généraux en 1460, le français avait été la langue officielle du gouvernement, des conseils d'État, des assemblées nationales ; c'est en français que Charles-Quint, quoique bon Flamand, avait prononcé devant les députés du pays l'acte de son abdication ; c'est en français également que les prédécesseurs de Charles-Quint et ses successeurs s'entretenaient avec les représentants de la nation et correspondaient avec les diverses autorités. Le Congrès se proposa donc de rendre au français le rang qu'il avait dû céder momentanément à la langue néerlandaise ; mais, du reste, il ne voulut pas gêner le goût, la prédilection, les habitudes des citoyens. Il leur fut permis de choisir, même dans les tribunaux et les assemblées représentatives, la langue qu'ils préféraient.
Il restait une dernière mesure à décréter pour affermir les libertés publiques et garantir les citoyens contre l'arbitraire du pouvoir. Il fallait briser le bouclier dont le gouvernement impérial avait couvert les agents de l'autorité. Déjà le prince souverain des Pays-Bas, par son arrêté du 4 février 1815, avait abrogé la disposition de la constitution consulaire ou de l'an VIII statuant qu'une décision du conseil d'État était nécessaire à l'effet de poursuivre les agents du gouvernement, autres que les ministres, pour des faits relatifs à leurs fonctions. Le Congrès refusa également (page 384) ment de conserver une disposition qui lui paraissait subversive de la responsabilité des personnes auxquelles l'autorité est confiée et de nature à constituer un privilège en faveur d'une certaine catégorie de citoyens. La nomenclature des droits des Belges fut terminée par un article conçu en ces termes : « Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics pour faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l'égard des ministres. »