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Frère-Orban
GARSOU Jules - 1945

Jules GARSOU, Frère-Orban

(Paru à Bruxelles en 1945, aux éditions de la Renaissance du Livre)

Chapitre premier. Le Congrès libéral de 1846 et les élections de 1847

Un début politique sensationnel - Rôle important de Frère-Orban dans la rédaction du programme libéral - Les élections de 1847

(page 8) Le 14 juin 1846, dans la salle gothique de l'Hôtel de ville de Bruxelles, se tient une assemblée mémorable. Plus de trois cents délégués, représentant les diverses nuances du libéralisme belge, discutent la charte du parti. Un grand souffle d'union parcourt l'assistance, vite d'accord sur les points d'un programme bref et précis. Une seule question éveille les divergences, présageant en quelque sorte les dissensions futures : la question électorale. Divers membres proposent la réduction du cens au minimum constitutionnel. Tout à coup, l'on entend une voix impérieuse : « Vous aurez, à vingt florins, non pas des électeurs, mais des serviteurs » Et tout de suite le débat se passionne, les interruptions fusent, les affirmations et les dénégations se croisent.

Un jeune délégué liégeois a provoqué cette espèce de tumulte : C'est Frère-Orban. Il est, depuis 1840, conseiller communal de sa ville natale. Son talent est bien connu de ses concitoyens, (page 9) mais sa réputation n'a pas encore pénétré le reste du pays. Le Congrès libéral le met tout à coup en évidence. Son avenir politique et ministériel s’ouvre dans cette journée fameuse.

L'orage s'est rapidement apaisé. Frère représente la fraction modérée du libéralisme liégeois, car à Liége, déjà, comme bientôt après à Bruxelles, deux courants se heurtent. Une scène pathétique se produit : sur l'adjuration d'Adolphe Roussel, les membres des deux députations de la Cité ardente s'embrassent - c'était une coutume de l'époque - et le Congrès se met d'accord sur une formule conciliante, adoptée à l'unanimité.

Frère-Orban était, du reste, le rédacteur des autres articles du programme qui, comme on sait, mettait l'accent sur l'indépendance réelle du pouvoir civil, le retrait des lois « réactionnaires » (fractionnement des collèges électoraux des grandes communes, nomination des bourgmestres même en dehors du conseil communal), la révision de loi de 1842.

Ce programme politique, Frère-Orban s'efforça de le réaliser au cours de sa longue carrière. On sait quelle résistance, même dans. les rangs libéraux, rencontra la dernière réforme.


Lorsque se réunit le Congrès libéral, le dernier des cabinets mixtes, formé par Sylvain Van de Weyer, avait fait place à un ministère exclusivement catholique, présidé par le comte de Theux. Tout de suite, les libéraux l'avaient baptisé « le ministère des six Malou » pour marquer son sectarisme clérical. Aussi la gauche entière lui déclara-t-elle la guerre et le très catholique Pierre De Decker lui-même, justifiant son abstention lors du vote de confiance, le qualifia-t-il d' « anachronisme » sinon de « défi. »

En dépit des dissensions qui persistèrent à Liége jusqu'à la veille des élections du 8 juin 1847, malgré la scission qui s'était produite à Bruxelles en (page 10) novembre 1846, suivie de la création de l'Association libérale et de l'Union constitutionnelle, toutes deux sorties de l'Alliance, et qui ne se termina que par la dissolution du club radical, - le libéralisme avait le vent en poupe. Ses chefs au Parlement, Rogier, Lebeau, Devaux, Verhaegen, Dolez, Delfosse, d'Elhoungne, voire même l'éloquent Adelson Castiau, plug républicain que libéral, menaient contre le ministère une lutte qu'il avait peine à soutenir.


Liége, dont la députation était sortante, donna l'exemple de l’accord, après avoir été la première à diviser le libéralisme. L’Association libérale et l'Union libérale s’entendirent aisément sur le choix des cinq candidats. Malgré la très vive hostilité du Libéral liégeois, doublure du très avancé Débat social de Bruxelles, la candidature de Frère-Orban fut fort bien accueillie par l'Union qui, dans sa circulaire aux électeurs, fit de lui l'éloge le chaleureux.

La liste libérale remporta une éclatante victoire. Les catholiques qui avaient jusqu'en 1843 dominé ou balancé les forces de leurs adversaires, n'avaient opposé qu'un candidat. Les radicaux intransigeants présentèrent un ancien constituant, l'impétueux de Robaulx. Ils n'obtinrent respectivement que 703 et 492 voix, tandis que Frère-Orban passait le troisième avec 1178 suffrages. Delfosse était élu en tête avec 1309 votes.