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Au temps de l'unionisme
DE BUS DE WARNAFFE Charles - 1944

Charles DU BUS DE WARNAFFE, Au temps de l’unionisme

(Paru en 1944 à Tournai et Paris, chez Casterman)

Chapitre VIII. Le cabinet de Theux (août 1834-avril 1840). La loi communale (1834-1836)

La longue guerre de François du Bus - Il défend pied à pied « les conquêtes de la révolution de septembre » - Prophétie de Félix de Mérode - L'opinion de Léopold Ier sur François du Bus - Le statut communal en 1833 - Premier projet de loi communale (1833) - Sa discussion - Reprise de la discussion sous le ministère de Theux - Le gouvernement dépose de nouveaux projets (août 1835) - Derniers et vifs débats à la Chambre - Conclusion

(page 160) Le différend surgi au sein du cabinet Goblet-Lebeau-Rogier à propos du ministre directeur de la guerre, général Evain, n'était pas la seule cause de sa démission.

Au cours de l'existence d'un ministère, il peut se produire que des impondérables aient, sur la vitalité gouvernementale, plus d'action nocive que de grands événements d'hémicycle. Une atmosphère morbide se développe lentement, aux causes précises malaisément discernables, mais dont le cabinet est souvent le premier à sentir la présence et à subir les effets paralysants. Défaillance de l'état général bien plus que maladie caractérisée, empoisonnement sournois qui n'attend que son abcès de fixation. Il arrive que des ministres provoquent ce dernier pour échapper à l'inutilité d’une trop longue agonie.

Bien qu'Il eût gouverné moins de deux ans, le cabinet Goblet était ainsi prématurément usé : la lenteur et les humiliations subies dans l'exécution du traité des XXIV articles, la blessure (page 161) d'amour-propre ressentie par suite de l'inaction forcée de l’armée belge devant Anvers, les desseins liberticides prêtés au cabinet au cours des premières discussions de la loi communale, les pillages du 6 avril, tout cela constituait pour le gouvernement - et spécialement à l'égard de Lebeau sur qui se concentraient d'injustes rancœurs - un ensemble de fardeaux qui avaient progressivement alourdi et ralenti sa marche.

Comme le premier Cabinet, le second disparaissait de la scène politique sans avoir succombé ouvertement devant le parlement. Par contre, lorsque ce même cabinet avait été mis en minorité dans le vote sur l'adresse en novembre 1832, on ne lui avait pas trouvé de successeur et il était devenu le ministère-Phénix. Mais il ne devait renaître qu'une fois de ses cendres, et lorsqu'il trépassa, il ne s'était offert personne pour une transfusion de sang qui eût empêché ou retardé sa mort. Les catholiques, par surcroît et non sans raison, étaient mécontents de la part réduite qui y était réservée à leur opinion ; aussi l'enterrement se fit-il sans fleurs ni couronnes.

Heureusement le recul du temps et la baisse de certaines fièvres permettent, à la longue, des jugements plus sereins.


Le nouveau gouvernement allait avoir la vie longue. Constitué le 5 août 1834, il devait disparaître en avril 1840, mais cette fois en tombant sur un croc-en-jambe de Dumortier. Cette chute devait également marquer le déclin de l'union.

Le cabinet de Theux était nettement unioniste. Son chef et de Muelenaere ainsi que F. de Mérode, membre du conseil avec voix délibérative, étaient catholiques ; Ernst et d'Huart, libéraux. Nothomb qui entra dans le gouvernement en 1837 était libéral unioniste. Au total l'équipe donnait aux catholiques plus de satisfaction que la précédente.

L'accueil qui lui fut fait à l'ouverture de la session, (page 162) le 11 novembre 1834, fut favorable : l'adresse en réponse au discours du trône fut discutée en une séance et votée à l'unanimité moins deux abstentions. Le lendemain la Chambre procéda à l'élection de son bureau. François du Bus fut réélu vice-président par 48 voix sur 56 votants ; sur 46 voix sur 56 il fut, une nouvelle fois, désigné comme membre de la commission de l'adresse, et membre de la commission permanente des finances et des comptes.

« Vous voyez, écrit-il à son frère, vous voyez que malgré tout ce que j'ai fait et dit, la Chambre tient encore à moi. »

Caractère entier mais droit, bourreau de travail, et parangon d'intégrité, il avait naturellement forcé l'estime de se collègues. Mais cela ne compensait pas pour lui l'éloignement du foyer : « J'ai besoin de vivre en famille comme on a besoin d'air. Le monde n'a point de charme pour moi, et je suis trop vieux pour me changer sur ce point. » Serait-on vraiment vieux à quarante-trois ans, quand on est garçon ?


Trois faits saillants retiendront notre attention dans l'œuvre et autour de l'œuvre du cabinet de Theux : le vote de la loi communale (1836), la séparation du Limbourg et du Luxembourg (1839) et enfin la grandissante arrogance du libéralisme radical.

La loi communale

De 1834 à 1836, l'interminable discussion de la loi communale va faire se dresser François du Bus de toute sa taille. Elle va le précipiter de toute son ardeur dans une bataille où il ne se relâchera pas un seul jour ; où il se fera le héraut retentissant des « libertés » et le champion des « conquêtes de la révolution » de 1830.

(page 163) Dans cette ardente mêlée, il se lancera avec une brûlante conviction, et un talent qui, chaque fois, impressionnera la Chambre.

Mais de même qu'en 1839, lorsqu'il s'agira d'abandonner le Limbourg et le Luxembourg, il ne verra que la Belgique dans l'Europe ou ne daignera reconnaître l’Europe que pour la défier, ainsi de 1834 à 1836, lorsqu'il est question des franchises locales, il ne va considérer que la commune dans le royaume et tenir compte du pouvoir central que pour le combattre.

Spadassin déchaîné parce qu'il estime qu'on attente à la prunelle de ses yeux en touchant aux prérogatives des municipes, il passera combien de fois de son banc d'où il multiplie les discours, au fauteuil de la présidence où il souffre mille morts en devant assister, impavide, « à la lente agonie de la liberté communale. «

C'est l'époque où vont pleuvoir sur lui les avertissements de Félix de Mérode et les secrètes malédictions du Roi. C'est l'époque aussi dont, devant sa tombe ouverte, Dumortier dira en 1873 :

« Chacun sait la part qu'il a prise à notre pacte fondamental et aux travaux du Congrès, mais la grande époque où il brilla du plus vif éclat fut celle de 1830 à 1840, lorsqu’il fut question de sauver la liberté dont le progrès avait doté la Belgique.

« La France avait sauvé notre nationalité en 1831. Elle nous avait donné une Reine, la vertueuse Louise-Marie, dont le nom est si cher à tous les Belges. Dès lors, on conçoit la pression que le gouvernement français pouvait exercer sur nos affaires. Pour Louis-Philippe, nos institutions quasi républicaines étaient un mauvais exemple, et notre situation territoriale constituait un mauvais voisinage. Il fallait donc refaire la Constitution par les lois organiques et enlever par ces lois les libertés dont le Congrès avait doté la Belgique. Alors eut (page 164) lieu cette grande lutte, lutte de géants, entre le pouvoir et la liberté, lutte dans laquelle François du Bus joua un rôle immortel.

« C'est alors que du Bus apparaît comme l'un des premiers orateurs du Parlement. Nourri dès l'enfance par de fortes études, partisan, comme nous venons de le dire, du droit et de la liberté pour tous, on trouvait en lui l'union d'une grande intelligence et d'un grand caractère, auxquels venaient se joindre une abnégation et un dévouement sans bornes, qui lui firent refuser toutes les faveurs du pouvoir pour rester simple citoyen. C'était un caractère trempé à l'antique, comme il en manque aujourd'hui dans la société. Aussi quand il se levait pour défendre le droit et la liberté, il fallait voir comme le silence s'établissait à l'instant dans toute l'assemblée, comme toutes les oreilles étaient attentives pour recueillir toutes ses paroles, si fortes de dialectique, si puissantes pour la démonstration de la vérité. »

C'est que, pour François du Bus, « la liberté de la commune... est l'une des conquêtes les plus précieuses de la révolution de septembre. Quand commune est libre, le régime représentatif repose sur une base indestructible ; quand elle est asservie, les institutions les plus libérales ont rarement assez de force pour résister aux empiétements du pouvoir exécutif. La centralisation poussée à l'excès énerve l'esprit national, détruit la vie politique des provinces et subordonne toutes les forces vives, tous les éléments de progrès, tous les germes de grandeur, à l'action parfois délétère d'une armée de fonctionnaires amovibles. Les formes de la liberté subsistent ; mais l'influence administrative, régnant en souveraine, surmonte aisément toutes les résistances. Les ministres deviennent les seuls électeurs influents du royaume ; ils règnent et gouvernent, jusqu'au jour où quelques bandes de factieux, s'emparant par surprise de cette immense machine, fassent jouer ses (page 165) rouages dans l'intérêt des rancunes et des passions d'une minorité triomphante. » (La Belgique sous le règne de Léopold Ier, III, p. 1861.)

François du Bus aurait souscrit, en 1834, ces lignes que Thonissen écrivait vingt ans plus tard. M. Thonissen avait commencé : « La liberté de la commune, dans les limites tracées par l'intérêt général, est l'une des conquêtes les plus précieuses... »

En reproduisant ce texte, nous avons remplacé sa première incidente par quelques points. Les « limites tracées par l'intérêt général » ; c'est précisément ce sur quoi François du Bus ne devait pas s'entendre avec le gouvernement, que ce fût celui de Rogier en 1834, ou celui de de Theux en 1835.

Et cela lui valut grande ire de la part de Léopold Ier.


Avant de rappeler quels furent les successifs projets de loi sur l'organisation communale, et leurs avatars ; avant d'analyser succinctement le rôle de François du Bus dans les débats auxquels ils donnèrent lieu au cours de de quatre-vingt-dix séances la Chambre, n’hésitons pas à signaler d'abord les avertissements et les actes d'accusation.

Alors que la Chambre a déjà assisté à de vives discussions sur un projet de loi communale déposé par Rogier le 2 avril 1833, et que contre lui François du Bus a pris la parole d'une façon remarquée, le Roi lui envoie un numéro du Journal de La Haye reproduisant un article de la Gazette de France fort hostile notre indépendance. Ce journal est accompagné d’une note manuscrite du Roi :

« Je viens de lire dans un journal que je vous communique, un article qui mérite votre attention. Cet article n'exprime que trop les haines et les vues de quelques voisins. Il est utile de ne pas se laisser(page 166) absorber entièrement par des détails, qui ne peuvent avoir d'existence qu’autant que le tout existe et prospère. (s) Léopold. »

François du Bus est impressionné, et sur le coup écrit à son frère, sans autre explication :

« Je pense qu'il faut, dans l'état de l'horizon politique, se serrer en masse, éviter tout ce qui ressemblerait à de l'opposition, et ne prendre pour devise que la consolidation de la nationalité belge. Je veux recommander à mes amis cette ligne de conduite, sur quoi je vous écrirai ultérieurement. »

Mais pendant trois jours, il réfléchit et observe, et le 3 décembre 1834, il se ravise. Faisant allusion au billet royal, il écrit à Edmond du Bus :

« Je vous avoue que cette communication m'a frappé, et la lettre que je vous écrivis le même soir s'en ressentit. Il m'a semblé que les détails auxquels le billet fait allusion sont ceux de la loi communale : mais ayant observé la discussion depuis, je me suis aperçu que les ministres tiennent plus que jamais à ces détails, dans tout ce qui peut étendre la prérogative royale, et que par conséquent nous devons continuer à défendre les libertés du peuple. »

L'avertissement royal est donc sans effet.

Au sein d'une Chambre où il n'y a pas de droite ni de gauche au sens classique, mais où encore une fois libéraux et catholiques s'unissent soit pour soit contre le projet, François du Bus conservera jusqu'à la fin la place qu'il a prise dès le principe.

« Adolphe Dechamps se plaça entre les partisans de la décentralisation qui avaient pour chefs MM. du Bus, Dumortier et Gendebien, et les partisans de la centralisation administrative que dirigeaient MM. Devaux, Lebeau, Rogier et de Theux. » (E. de Moreau, Adolphe Dechamps, p. 70.)

Compagnonnage encombrant que celui de (page 167) Gendebien ; mais en politique on ne choisit pas toujours ses alliés, pas plus que dans la guerre : les ennemis des ennemis peuvent devenir ainsi des amis imposés par les circonstances, mais différents de ceux que l'on eût souhaités.

Tout au long de deux années, François du Bus ne dévie pas de ses positions originaires. La loi sort des laborieux travaux de la Chambre, autre que ne l'avait voulue le gouvernement, autre que ne l'avaient rêvée les partisans de la décentralisation. Sage au total, résultat de pétrissages et de malaxages qui, en termes parlementaires, s’appellent amendements et sous-amendements. Mauvaise d'après François du Bus ; pour des raisons opposées aux siennes les soutiens du gouvernement la jugent de même, et promettent des remords aux opposants.

C'est la teneur de la « prophétie d'un ami prévoyant adressée Mrs du Bus, Doignon et Dumortier, honorables représentants du Tournaisis et de la Ville de Tournai. »

La voici :

« Bruxelles, 8 mars 1836.

« Prophétie.

« Il viendra une époque où la Trinité de Tournai composée de Messieurs du Bus, Doignon et Dumortier, hommes infiniment respectables sous beaucoup de rapports, pleurera amèrement les résultats de leur opposition tenace aux projets d'un gouvernement ami de l'ordre et de la liberté quand ils verront le peuple démoralisé par la licence corruptrice de la presse et du théâtre, quand ils verront le clergé, gardien des mœurs, vilipendé dans l'esprit des simples qui le respectent encore aujourd'hui ; ils comprendront qu'il est utile de ne pas désarmer entièrement le pouvoir et que tous les gouvernements ne doivent pas être suspects comme celui du (page 168) Roi Guillaume. Ils comprendront les inconvénients des anachronismes et ils rendront justice au soussigné,

« Comte Félix de Mérode. »

Après les avertissements, les actes d'accusation, dressés tous deux par le Roi qui écrit à Metternich, le 17 février 1836, d'abord :

« ... une minorité, conduite par des prêtres ambitieux, cherche à emboîter une autre voie. Ils ne veulent pas de gouvernement et croient que le peuple, placé sous leur influence, ne doit pas en avoir besoin. Partant de là, ils veulent rendre notre constitution, qui est déjà si exagérée, plus libérale encore, et donner tous les pouvoirs à la Chambre. Dans ce but, ils ont employé, depuis trois ans, tous les moyens licites et illicites pour rendre impossible une bonne loi communale, et pour conserver une influence illimitée dans les Communes. Le Roi ne devrait nullement pouvoir nommer les bourgmestres et les échevins, et c'est grand-peine que cette opposition a été vaincue.

« Votre Altesse sentira certainement avec moi combien ces gens peuvent devenir dangereux pour n'importe quel Etat catholique, je dirai même qu'ils sont beaucoup plus dangereux que le républicain le plus fou et le plus audacieux, lequel, en règle générale, éveille beaucoup trop de soucis chez les classes possédantes pour causer, dans la plupart des pays, un danger durable.

« Je considère MM. du Bus et Dumortier comme des gens beaucoup plus dangereux que Gendebien. L'attitude du clergé, qui fait élire de pareils gens, est réellement incompréhensible. Je dois citer ici l'évêque et le district de Tournay. La ville et le district sont parfaitement fidèles et soumis et se trouvent dans une situation supérieurement florissante et heureuse ; néanmoins, c'est de cette région que vient l'opposition catholique (page 169) la plus dangereuse et la plus violente. Le clergé, y compris l'évêque, n'a épargné aucun effort et a même usé de menaces spirituelles pour amener les paysans à élire ces hommes méchants... »

Le second réquisitoire est du 18 mars 1837 ; il s'agit également d'une lettre de Léopold à Metternich :

« Les catholiques exagérés dans le genre de Lamennais produisent un tort considérable et croient que pour faire triompher l'Eglise, il faille renverser les trônes. C'est une folie remarquable. C'est cependant la raison pour laquelle ils veulent tant démocratiser toutes les institutions. Ils ont, par exemple, tout mis en œuvre pour rendre la loi communale et provinciale aussi mauvaise que possible et ils s'acharnent à affaiblir le pouvoir royal. En tous temps, je leur ai dit : « Vous vous suicidez, le Gouvernement est votre ami le plus fidèle et le plus bienveillant. Vous travaillez contre vous-mêmes. » L'expérience commence maintenant à leur donner des enseignements assez amers. La presse, pour laquelle ils ont tout fait, est principalement dirigée contre eux. Aux élections dans les villes et aux élections provinciales s'est manifestée contre eux une animosité peu commune, qui n'était d'ailleurs nullement méritée, à Liége notamment. Ils ont dû être protégés par le Gouvernement, et malgré cela Dumortier et du Bus et d'autres sont encore toujours le plus grand fléau pour toutes choses. »


Abandonnons un instant François du Bus, grand fléau, pour revenir aux divers projets dont devait sortir la loi communale.

Le régime de la commune avait fait, dans la (page 170) Constitution, l'objet de dispositions « de cadre » figurant sous l'article 108 :

« Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois.

« Ces lois consacrent l'application des principes suivants :

« 1° L'élection directe, sauf les exceptions que la loi peut établir à l'égard des chefs des administrations communales et des commissaires du gouvernement près des conseils provinciaux ;

« 2° L'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine :

« 3° La publicité des séances des Conseils provinciaux et communaux dans les limites établies par la loi ;

« 4° La publicité des budgets et des comptes ;

« 5° L'intervention du roi ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les conseils provinciaux et communaux ne sortent de leurs attributions et ne blessent l'intérêt général. »

En 1831, François du Bus eût souhaité que le Congrès national se chargeât lui-même de doter les communes d'un statut légal ; il considérait presque la loi communale comme un complément obligé de la Constitution, comme une annexe à bâtir dans le style et dans l'esprit du bâtiment principal. En d'autres termes, la loi communale, aurait dû selon lui, être conçue comme la prolongation d'un instrument de sauvegarde contre le pouvoir central qui, hier encore, avait nom Guillaume Ier. En 1834-1836, François du Bus n'aura pas d'autre préoccupation, un peu trop - ainsi que le lui (page 171) rappelait F. de Mérode- que le gouvernement ne siégeait plus à La Haye.

Le Congrès eut les mains assez pleines sans les charger encore d'une loi communale, et dès le lendemain du vote de la Constitution, les communes furent régies par une disposition transitoire du pacte fondamental (article 137) :

« La loi fondamentale du 24 août 1815 est abolie, ainsi que les statuts provinciaux et locaux. Cependant les autorités provinciales et locales conservent leurs attributions jusqu'à ce que la loi y ait autrement pourvu. »

Il n'y eut ni loi ni projet de loi jusqu'en 1833. En novembre 1832, de vifs incidents au conseil communal de Liége firent constater l'urgence d'une loi organique, et incitèrent le gouvernement à mettre sur pied un projet qui fut déposé sur le bureau de la Chambre, par Rogier, le 2 avril 1833.

Ce projet traduisait l'évident souci d'assurer la mainmise du pouvoir central sur les communes : nomination du bourgmestre, même en dehors du conseil, par le Roi ; nomination par le Roi des échevins dans les communes de plus de 3.000 habitants et du secrétaire dans toutes ; nomination par le gouverneur des échevins dans les communes de moins de 3.000 habitants ; faculté inconditionnelle, pour le gouvernement, de suspendre et de révoquer bourgmestre et échevins ; droit de dissolution du conseil, de suspension et d'annulation de tous ses actes par le gouvernement, et pouvoir donné ce dernier d'imposer ses décisions par l'organe d'agents extraordinaires. C'était, en peu d'articles, l'étranglement de la liberté communale. La section centrale de la Chambre répudia ces visées. Elle refusa la faculté de dissoudre le conseil ; rejeta la nomination du secrétaire par le Roi ; n'admit la nomination du bourgmestre par le Roi qu'au sein des membres du conseil, et celle des échevins, sur une liste triple (page 172) présentée par ce dernier. Enfin, le droit de révocation des bourgmestres et échevins était subordonné à l'existence de motifs graves.

Après avoir pris la parole déjà les 9 et 10 juillet, François du Bus prononce son maître-discours le 23 juillet. Ce discours est attendu par la Chambre. Dans la fameuse et redoutée « trinité de Tournai », des trois mousquetaires, des trois « cosaques du parti catholique », c'est lui le cerveau juridique. Moins fougueux que Dumortier, plus froid que Doignon, il distille une dialectique serrée dans une forme classique, sans vains éclats mais sans fissures, faisant avancer en bataillons drus une argumentation puissamment charpentée. Sans jamais injurier, il sait l'art de manier l'ironie avec cette élégante désinvolture qui la fait plus cuisante qu'une insulte, et laisse l'adversaire sans réplique. Il n'est pas jusqu'à l'inflexion de sa voix ce « ton particulier » que M. d'Hoffschmidt ne digère pas - qui ne confère à certains de ses mouvements oratoires un « chic » qui ne s'apprend pas aux cours de diction du Conservatoire.

Et voici que la Chambre l'écoute, après avoir entendu Rogier. Il fait l'historique de l'organisation communale sous le régime hollandais, du décret pris le 8 octobre 1830 par le gouvernement provisoire, » voulant par cet arrêté pourvoir à la recomposition des régences d'après les principes d'une révolution toute populaire dans ses origines et dans ses buts. Voilà les motifs qui ont guidé le gouvernement provisoire. La révolution avait été faite par le peuple ; il fallait aussi qu'elle fût faite pour lui. Aujourd'hui, de la manière dont marchent les choses, je ne sais plus pour qui la révolution aura été faite. »

Le Congrès a approuvé les dispositions du gouvernement provisoire, et la Constitution, en plus des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, (page 173) a reconnu l'existence du pouvoir provincial et communal, indépendant de l'exécutif.

Il faut attendre la preuve flagrante de l'abus, avant « de porter atteinte au droit. » Rien n'indique donc qu'il faille modifier le régime actuel. Il a des inconvénients ? Qu'on les corrige, nous y aiderons.

La France ne connaît pas l'élection directe du maire ; mais elle existe en Prusse, et l'ordre règne. Nous ne devons donc « rien abandonner de la liberté dont le peuple jouit, ou du moins n'en abandonner que ce qui est démontré nécessaire et jusqu'à concurrence de la part exigée par cette nécessité. »

On dit que dans la désignation du bourgmestre, le gouvernement ne peut faire que de bons choix, parce qu'il y a intérêt. Cette raison ne vaut-elle pas avec plus de force encore pour l'élection populaire ? Et l’intérêt du gouvernement, contre celui du peuple, ne peut-il pas être d'assurer la maîtrise d'une faction au bénéfice des hommes qui sont au pouvoir, et de leur conservation ?

Pour ces raisons sommairement résumées ici, François du Bus est décidé à voter contre le projet du gouvernement, et contre le projet de la section centrale, se réservant de se prononcer pour la proposition la plus libérale qui sera faite.

Le 26 juillet 1834, il reprend la parole sur la question de nomination des échevins, analyse les projets, décortique les amendements et éclaire les débats. Le problème est de savoir si, en parlant des chefs des administrations communales pouvant être exclus du système de l'élection directe, la Constitution avait voulu y inclure les échevins. Les « chefs », ce sont les bourgmestres soutenait l'opposition, et rien qu'eux ; à quoi F. de Mérode répond que les chefs d'une administration communale, ce sont les bourgmestre et échevins. L'opinion de François du Bus se devine...

Devaux répond. Discours d'homme d'État.

Il dit entre autres :

(page 174) On nous dit : « Vous sacrifiez les libertés communales ; il faut laisser choisir le peuple. Je ferai remarquer à cette occasion que c'est par des abstractions que la plupart de nos adversaires nous répondent. C'est toujours par les mots abstraits de libertés communales, de droits du peuple qui nous reviennent à chaque phrase, qu'ils raisonnent ; mais, de considérations pratiques, il n y en a pas : les intérêts des administrés sont considérés pour rien, et la liberté communale pout eux consiste toute entière à choisir les administrateurs communaux... La liberté consiste dans le respect des lois, dans la bonne administration. Le choix de l'administration est un moyen. Si le pouvoir royal fait de meilleurs choix que les électeurs, voulez-vous sacrifier l'intérêt de la commune à un mode de nomination ?

« Mais, dira-t-on, si vous prétendez que l'élection n'amène que de mauvais choix, vous faussez le système représentatif par sa base.

« Messieurs, il y a système représentatif et système représentatif. Si on entend par système représentatif celui qui fait élire tous les administrateurs, on a raison ; mais j'ai peine à croire que ce soit là le système de l'honorable membre auquel je réponds. A coup sûr ce n'est pas le mien.

« Le vrai système représentatif est celui au moyen duquel, par certaines combinaisons les mieux appropriées au pays, on parvient à avoir une représentation nationale, provinciale ou communale, non pas pour agir, pour administrer, mais pour contrôler ceux qui administrent. Un système représentatif qui fait élire les administrateurs, est mon avis une chose absurde. Que ne fait-on élire les ministres et même les généraux, si les choix des électeurs sont toujours bons ?

« Le véritable système représentatif est celui où le pays a des organes libres et légaux qui viennent contrôler le pouvoir. Le pouvoir n'est pouvoir qu'autant qu'il choisit librement ses agents, ce n'est (page 175) qu'à cette condition qu'il peut avoir force et unité. D'autre part, il ne peut dépasser ses véritables bornes, parce qu'il y a une garantie pour les citoyens dans les corps électifs qui viennent contrôler son action.3

Et voici que malgré nous, nous sommes entraînés dans un débat fort ancien et pourtant périodiquement actuel. François du Bus, Paul Devaux, vous n'êtes pas seulement deux représentants de la Belgique de 1834 ; vous êtes les permanents symboles, l’un, de l’idéalisme généreux, l'autre, du réalisme politique. Mon cœur est avec vous, François du Bus ; mais avec vous, ma raison, Paul Devaux.

Et c'est avec sa raison qu'on gouverne...


François du Bus, hélas, n'est pas aux termes de ses souffrances. Le projet de loi qui le torture va longtemps le soumettre au supplice de l'agonie lente : celle de la liberté communale avec laquelle, telle qu'il la conçoit, il s'est identifié.

La discussion du projet déposé en avril 1833 était à peine entamée que, le 1er août 1834, le ministère Goblet-Lebeau démissionna, et que la Chambre fut envoyée en vacances (voir page 155).

La discussion de la loi communale devait reprendre le 17 novembre 1834, être interrompue par la transmission de sa première partie au Sénat, et reprise sur nouveaux frais après le dépôt de deux nouveaux projets par de Theux, le 4 août 1835, - toujours dans une atmosphère de lutte et de fièvre que François du Bus va faire revivre avec tristesse et passion...

« La moitié de loi (composition et nomination du conseil communal et du collège) vient d'être votée (page 176) aujourd'hui, par 45 voix contre 18. Tous les ministres ont voté pour ; Doignon, Dumortier et moi, avons voté contre, à cause des dispositions qui concernent le bourgmestre...

« Je ne puis pas vous exprimer combien je languis après le moment où je pourrai vous aller voir ; combien je sens le poids des chaînes qui me ici. J'en vois qui prennent sans façons des congés tous les instans : mais je sens que je n'ai pas le droit de faire cela, que c'est un devoir de défendre les libertés et de se dévouer tout entier à cette défense, alors qu'on les voit attaquées quotidiennement par ceux-là mêmes qui s'en posaient les plus chauds amis.

« Combien de députés, jadis au Congrès, aujourd'hui à la Chambre, de qui l'on peut dire : quantum mutatus ! « La Chambre marche à pas précipités vers la corruption. Samedi, tous les fonctionnaires amovibles sauf un seul ont voté avec les ministres, et l'Union, alors même qu'il s'agit d'une loi, en quelque sorte, fondamentale, fait un appel à une division de la Chambre en deux camps, l'un du ministère, l'autre de l'opposition et prétend que le tiers parti ne peut comprendre que des hommes faibles et versatiles. Or ces articles viennent évidemment de la boutique ministérielle. » (24 février 1835).

« La discussion de la loi communale marche très lentement, parce que les ministres ne sont pas encore satisfaits de toutes les dispositions restrictives de la liberté obtenues au premier vote. Quel ministère! Et aussi quelle Chambre!

« Dumortier a prononcé un discours chaleureux. J'ai terminé par proposer une motion d'ordre qui a embarrassé les ministres, et sur laquelle Rogier et le ministre des finances ont voulu étouffer la discussion, ce qui a excité, contre mon a intention sans doute, un violent orage. »

(page 177) Du 13 mars :

« La Chambre a voté aujourd'hui. La séance a eu a tout l'intérêt d'un drame animé où l'intérêt est suspendu jusqu'à la fin. Au premier vote, la Chambre avait accordé au Roi la nomination du bourgmestre, en l'obligeant. toutefois à le prendre dans le sein du conseil ; elle avait dépouillé le peuple, sans nécessité bien prouvée, d'un droit dont il a été saisi par la révolution, et c'était une faute grave, dont j'avais été désolé. La Chambre a été plus loin aujourd'hui et en adoptant un amendement d'Henri de Brouckère, elle autorise le Roi à prendre le bourgmestre même en dehors du conseil, dans des cas extraordinaires et après avoir pris l'avis de la députation (avis qu'il ne sera pas tenu de suivre). Ce nouveau pas rétrograde m'a été pénible, je l'avoue. Cependant, au moyen d'une motion d'ordre, que j'ai appuyée sur un autre article auquel le ministère s’est rallié au premier vote, j'ai forcé le ministre à admettre que lorsque le bourgmestre ne sera pas pris dans le sein du conseil, il n'y aura que voix consultative.

« Mais est venue ensuite la question du mode de nomination des échevins, sur laquelle les quatre membres actuels du cabinet étaient divisés lors du premier vote. MM. Ernst et d'Huart trouvaient alors qu'il n'était pas conforme à la Constitution que le Roi pût intervenir dans leur nomination. Savez-vous ce que le ministère avait imaginé pour les tirer d'embarras ? De proposer la question préalable, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas lieu à délibérer, la question étant déjà prétendûment irrévocablement jugée au premier vote. La question préalable, lorsqu'il s'agit de violation de la Constitution ! Et puis invoquer le premier vote sur une des deux branches du système, lorsque le premier vote vient d'être renversé sur l'autre et qu'elles doivent être mises en harmonie !C'était monstrueux. Une discussion des plus vives (page 178) s'est engagée et la question a été rejetée par 71 voix contre 10. Ensuite, après une courte discussion, un amendement qui donne ou plutôt laisse au peuple l'élection directe des échevins, a été admis par 43 voix contre 38. Ce résultat, inespéré pour moi, a été salué par des applaudissements. Notre séance s'est terminée là.

« de Theux, qui voulait avoir plus que ses prédécesseurs n'avaient obtenu, a maintenant moins. Il enrage. Il menace de réduire les échevins à zéro : cela veut dire qu'au chapitre des attributions, il voudra concentrer tout le pouvoir entre les mains du bourgmestre et en faire un maire.

« Je me proposais de partir samedi soir. Voilà que l'on me dit que je ne puis quitter dans un moment aussi critique. On m'adjure au nom de la liberté communale. J'ai la conscience de n'être pas inutile ici à cette cause ; je crois que mes efforts ont quelque peu contribué au dernier succès. Je me suis encore une fois décidé à rester, mais je dois le dire, c'est avec le cœur navré de douleur. »

Suivant une habitude qui est devenue chez lui une seconde nature, François du Bus reste donc rivé à la chaîne. Il y est d'autant plus encouragé qu'on souhaiterait peut-être le voir loin de Bruxelles, ou à tout le moins, moins assidu dans l'hémicycle.

Van Praet, le 16 mai 1835, lui mande que le Roi aimerait que soit terminé le rapport sur la Banque, dont il avait été chargé. « S. M. regretterait que vos occupations journalières à la Chambre vous empêchassent de mettre la dernière main à ce travail. »

François du Bus bondit sur sa plume et écrit, sur-le-champ, son frère : u

« e suis convaincu que tout le but de la lettre est dans la dernière phrase. La commission de « la Banque a suspendu son travail pour attendre des renseignements. On suppose à la Cour que (page 179) c'est parce que cette suspension me laisse respirer que j ai le tems de prendre journellement part aux discussions, et on suppose de plus que ce que j'y fais n'est pas sans influence. Voilà, sur ma parole, une lettre bien adressée ! »

Et la lutte continue, quotidienne vraiment ; le terrain est disputé, mètre par mètre, entre les partisans et les adversaires de la décentralisation. Aux créneaux, derrière les meurtrières, François du Bus épie les moindres mouvements de l'ennemi, et se multiplie contre chaque assaut menaçant.

« Hier, écrit-il le 18 mars 1835, les questions relatives à la révocation et à la suspension des bourgmestres et des échevins ont été résolues par la Chambre. Le droit absolu de la révocation des bourgmestres a été maintenu au moyen de la question préalable ; elle a été rejetée quant au mode de suspension du bourgmestre et sur ce point, comme en ce qui concerne la révocation et la suspension des échevins, la Chambre a admis des modifications dans un sens moins illibéral. Tout cela après les discussions les plus pénibles, dans lesquelles il faut défendre le terrain pied à pied contre les envahissements de la prérogative royale...

« On me dit que M. de Theux n'est pas content des députés de Tournai, et qu'il se fait, dans son sein, certain amas de bile contre eux, parce qu'ils défendent les libertés du peuple avec moins de désavantage qu'il ne s'y était attendu. Pendant la séance d’aujourd'hui, de Theux, Ernst et l'honorable Président Raikem, faisaient partie dans la salle des conférences d'un groupe d'une quinzaine de députés, dont l'un disait que de Theux devrait bien employer tout ce qu'a a de moyens pour empêcher la réélection de Dumortier et de la mienne. Je tiens cela de quelqu'un qui était présent et qui ne m'a pas dit quel était le donneur de conseil, ni ce que de Theux y a (page 180) répondu. D'après cela, appréciez les hommes.

« Le parti ministériel est, dit-on, un peu embarrassé du vote relatif aux échevins et balance, ajoute-t-on, s'il cherchera à faire ou non rejeter la loi. Je pense qu'il cherchera plutôt à concentrer tout le pouvoir sur le bourgmestre. »

Ainsi la partie n'est que très partiellement gagnée par François du Bus et ses amis ; encore cette victoire locale n'est-elle pas définitive, et ils doivent continuer de veiller au grain.

« Nous avons terminé aujourd'hui le premier titre de la loi communale (lettre du 20 mars). Demain s'entame le second titre, celui des attributions. Il donnera lieu aussi de vives discussions. Il paraît que certains hommes de la gauche vont chercher à faire, des bourgmestres, des maires français et réduire les échevins à zéro, et que le ministère les laissera parler et votera avec eux, et cherchera à profiter de leur appui pour nous punir d'avoir conservé au peuple l'élection des échevins. En même tems, il dit tout haut qu'il va demander au Sénat, quand la loi y arrivera, d'amender l'article relatif la nomination des échevins. Si cela est, nous remettrons tout en question, et j'espère que d'ici-là des pétitions, s'il reste quelque étincelle du feu sacré dans le cœur du peuple, viendront nous aider à consacrer les libertés conquises par la révolution. »

Non certes, ils ne sont pas au bout de leurs surprises ni de leurs peines. Voici que le gouvernement propose de transmettre le Titre I de la loi au Sénat, et d'attendre sa décision avant de permettre la Chambre d'aborder le Titre IY, relatif aux attributions.

François du Bus vole sur sa plume, et d'une main indignée écrit son frère, le 21 mars :

« Le ministère est venu entraver le second vote de la loi communale par une motion d'ordre, comme on l'a appelée ; Il a proposé de faire une (page 181) loi du premier titre, dont le second vote est terminé ou à peu près, et de suspendre la délibération sur le second titre jusqu'à ce que les deux autres branches de la législature se soient prononcées sur le premier. C’est nous proposer de nous mettre aux ordres du Sénat, et de concourir même à provoquer de celui-ci des amendements aux dispositions qui ont été arrêtées autrement que le ministère ne le veut. Longue discussion sur cette motion inopinée. Puis, appel nominal, l'ordre du jour réclamé est écarté par 36 voix contre 32. Le renvoi à la section centrale est écarté par assis et levé. On met aux voix la motion même ; nouvel appel nominal. Le bureau dit qu'elle est admise par 34 voix contre 33 ; j'avais compté 34 contre 34, ce qui faisait partage et partant rejet. M. Davignon avait voté pour ; Dumortier fait remarquer M. Davignon vient d’être nommé directeur de la Banque de Belgique, aux appointements de 6.000 francs, et que d’après l'article 36 de la Constitution, il est soumis à réélection et n'a pu voter. Nouvelle discussion. On soutient que l'article ne peut s'entendre que des emplois publics. Enfin on n'est plus en nombre, et la motion est continuée à lundi. Voilà comme on nous fait « gagner du tems », pour me servir de l'expression du ministre. Que la Chambre est lâche ! Mais aussi quelle marche astucieuse, tortueuse que celle de nos hommes d'Etat ! »

Perspectives d'espoirs, nouvelles alarmistes, incidents multipliés se succèdent lorsque le 14 mai, inopinément, la session est clôturée.

« Quel est le motif véritable de cette clôture précipitée, se demande François du Bus. N'est-ce pas un pas en arrière, suite de doute sur le résultat de la séance de lundi ? Ont-ils le dessein de travailler les élections prochaines ? Ne veulent-ils que rendre hommage à l'opinion publique, selon le (page 182) résultat libre des élections ? Enfin n'ont-ils que le dessein de se tirer d'une position critique en présentant, la Chambre en partie renouvelée, un nouveau projet modifié ? Videbimus infra »

La dernière supposition était exacte.

Le 5 août 1835, au cours de la session extraordinaire qui suivit les élections partielles, le gouvernement de Theux déposa deux nouveaux projets, l'un visant la composition, l'autre les attributions de la magistrature communale.


Les nouveaux projets consacraient pratiquement les dispositions déjà votées, sauf en ce qui concerne les bourgmestres et les échevins. Pour les premiers, le gouvernement prévoyait la nomination obligatoire en dehors du conseil, avec voix consultative, attributions de police et mission d'exécuter seuls les lois et règlements généraux ; pour les seconds, nomination directe par le corps électoral, avec mission de former, sous la présidence du bourgmestre, un collège chargé de la gestion des intérêts et de la surveillance des établissements communaux.

« Je suis retenu ici par mes fonctions de membre de la section centrale pour la loi communale, section qui a commencé son travail aujourd'hui. Il est assez commode à l'ami Doignon de dire que je puis m'absenter : oui bien si je faisais comme lui, c'est-à-dire rien, ou peu près, mais alors qui soutiendrait le combat qu'on nous livre ? » (25 août 1835).

Sur la brèche, pour changer...

Les débats publics reprennent en février 1836.

« Toute la séance d'aujourd'hui (4 février) a été employée à la discussion générale de la loi communale. Doignon a prononcé un discours qui a duré une heure et demie. Il a attaqué principalement (page 183) le système nouveau du projet quant aux attributions, et un peu prématurément, me semble-t-il, car il a, par ce moyen, prêté des armes contre la nomination directe des échevins, qui est le prétexte mis en avant par le gouvernement pour proposer la concentration de toute l'autorité dans le bourgmestre. Un autre orateur, Vanden Bossche, d'Alost, a dit des choses fort judicieuses ; mais il a proposé un moyen de conciliation impraticable ; c'est qu'il y ait un bourgmestre nommé par le peuple, chargé de ce qui est d'intérêt communal, et un commissaire du Roi, chargé de ce qui est d'intérêt général. Les autres orateurs ont tous parlé dans le sens ministériel.

« J'ai acquis la conviction que la liberté communale succombera. Je pourrai me rendre intérieurement le témoignage que je n'ai rien négligé, Comme député, pour arriver à un autre résultat.

« Je vous avoue que c'est un supplice pour moi de venir discuter pied à pied cette loi, avec la conviction qu'en résultat nous aurons tué une liberté chère au peuple. C'est assister en quelque sorte à l'agonie de cette liberté. »

Cette lutte, toutefois, n'est pas toujours sans résultat. La victoire des partisans de la décentralisation dans la question de désignation des échevins avait abouti à leur élection directe « par le peuple. » De son côté, le gouvernement de Theux proposait la nomination du bourgmestre, hors du conseil, par le Roi. Cela ouvrait la voie a un compromis : l'abandon de l'élection populaire pour les échevins et de la nomination hors conseil du bourgmestre, moyennant la nomination de tous, par le Roi, au sein du conseil.

« Nous avons continué aujourd'hui (6 février 1836) la discussion générale de la loi communale... Le système de conversion a été exposé par Nothomb, comme un système de conciliation ; il est question (page 184) de donner au Roi le droit de nommer le bourgmestre et les échevins dans le conseil sur ou sans présentation ; la concession que ferait le gouvernement serait de renoncer, paraît-il, à prendre le bourgmestre hors du conseil, même dans des cas extraordinaires, au moins met-on cela en perspective : mais les ministres n 'ont pas encore parlé. »

François du Bus ne pouvait s'abstenir de participer à la discussion générale du nouveau projet. Il défendit les idées que nous lui connaissons.

« J'ai prononcé (8 février) un discours qui a duré près d'une heure et demie. En commençant je n'ai pu me défendre d'une vive émotion, et ce n'est qu'après avoir avalé deux verres d'eau que ma voix s’est assez raffermie pour que je pusse continuer. »

Du 10 février :

« La discussion vient d'être close à la fin de la séance d'aujourd'hui. Nous avons gagné du terrain, et il paraît que si l'intervention du Roi est accordée dans la nomination des échevins, ce ne sera qu'à une faible majorité ; il y en a qui croient même que nous l'emporterons. De Smet et Dechamps s'entêtent. De Foere a aujourd'hui très bien parlé dans notre sens... Fallon a parlé dans le sens d'un système à lui... Raikem a parlé pour le système adopté par les hommes de la soi-disant conciliation. Il a traité la question de constitutionnalité et a appuyé son opinion à cet égard de nouveaux sophismes. Gendebien a répondu.

« Mais je vous ennuie quotidiennement de cette loi communale. C'est qu'elle ne me sort pas de la tête. »

Des longues discussions, on passe à un premier vote, 12 février.

« On a voté sur les questions ministérielles en les divisant :

(page 185) « 1° Le bourgmestre et les échevins participeront-ils à l'exécution des lois générales ?

« 49 ont répondu oui ; 31 ont répondu non et 13 se sont abstenus, parce que la manière dont sont réparties les attributions n'étant pas fixée, il leur était impossible de répondre. Il paraît que la prétendue concession pourrait être un leurre.

« 2° Le Roi nommera-t-il le bourgmestre ? R. oui par 82 voix contre 9 ; deux se sont abstenus.

« 3° Le prendra-t-il exclusivement dans le conseil ? R. oui par 79 voix contre 12. Un s'abstient.

« 4° Le Roi nommera-t-il les échevins ?

« 49 répondent oui ; 42 répondent non (De Foere avait dû partir). Deux s'abstiennent.

« 5° Par assis et levé, il est décidé qu'il devra les prendre dans le conseil.

« L'ensemble de la réponse ces questions est mis aux voix : 50 répondent oui, 42 non ; et un a s'abstient. Voilà la grande majorité qu'a produite le système de concession !!! Quels regrets doivent avoir ces hommes-là, ces dupes !!! Il est évident que, sans ce malencontreux système, nous obtenions sans coup férir la nomination des échevins par le peuple. »

Est-ce fini ? Pas encore ; il reste la partie de la loi dite « loi du personnel. »

« Je pense qu'on a le dessein de marcher vite et de précipiter le vote sur cette loi séparée, dans la crainte qu'il n'arrive dans l'intervalle des pétitions. Dumortier et Doignon voudraient que l’on pétitionnât à Tournay, notamment pour conserver au peuple l'élection des échevins. Edmond croit-il, par exemple, que le barreau, ou une partie notable de ses membres, seraient disposés à le faire ? Comme citoyens, s'entend. »

Cette lettre du 14 février 1836 atteste que François du Bus n'a rien perdu de sa combativité ni de ses indignations.

(page 186) Sa combativité :

« Il serait à désirer que l'on publiât sur les lieux les opinions prononcées en faveur des libertés communales : particulièrement celle de M. Trentesaux ; on pourrait aussi donner celles de Dumortier, de Doignon et de moi-même. Tout cela, bien entendu, dans le Courrier de l'Escaut, « s'il veut bien faire ces publications. Il me semble que l'on a trop négligé jusqu'ici les moyens de faire connaître à d'autres que les lecteurs habituels d'un journal peu lu (le Moniteur), aux masses enfin, les efforts que nous faisons pour conserver au peuple une liberté qu'il va perdre. »

Ses indignations :

« Nous tenons de M. Stas-Devolder, qui cause beaucoup avec l'un et avec l'autre et qui a voté avec nous, qu'une idée qui a circulé sur les bancs ministériels a été qu'il fallait remplacer l'influence du clergé dans les élections par l'influence du gouvernement. D'Hoffschmidt, anti-catholique assez prononcé, mais qui cependant a voté avec nous ainsi que la plupart des Luxembourgeois, a avoué à Dumortier et à Doignon que les ministres, ou « des » ministres, l'avaient engagé voter avec eux en lui disant que c'était un moyen d'enfoncer la calotte. D'un autre côté, les ministres et ministériels faisaient valoir auprès de catholiques tels que l'abbé Andries et autres, qu'il fallait « refréner la démocratie », ce qui signifie, selon moi, qu’ils ont exploité, chez ceux-là, la peur des républicains. Dites-moi, ce ministère-ci ne vaut-il pas bien l'autre ? »

Autre motif d'indignation :

« On sait qu'il y a des réunions de députés avant la discussion actuelle... On sait notamment qu'il y en a eu une chez Legrelle, car Stas-Devolder a été invité à y aller. Or, vendredi on entendit Legrelle dire à De Behr : comment se fait-il que vous votiez pour la nomination du bourgmestre (page 187) dans le conseil, tandis que vous avez employé deux séances à démontrer qu'il était indispensable que le Roi le prit au dehors ? De Behr répondit que c'était parce que ce système n'avait pas de chance de succès. - De quelle séance s'agissait-il là ? Probablement des séances dans lesquelles on est accouché du système de prétendue conciliation ; et parce qu'une partie des membres de la Chambre s'était mise d'accord au moyen de discussions particulières et secrètes, on a étouffé la discussion publique, qui leur faisait perdre tous les jours du terrain. »

François du Bus ne perdra pas la leçon de ces séances particulières et secrètes Il la mettra à profit chez de Sécus, en 1841...

En attendant, petit à petit, on approche du dénouement. Le 17 février, se discute la question de la révocation et de la suspension des bourgmestres et échevins. « Je suis si découragé que je ne sais si je m'y mêlerai. »

Mais François du Bus se ressaisit le surlendemain.

« Le Courrier belge a publié une double liste des noms des députés qui ont répondu oui et non à la question de nomination des échevins, question qu'il traduit ainsi : la Constitution sera-t-elle violée ? Et il ajoute à chaque nom qui y donne lieu l'indication de l'emploi révocable que le député possède ; sans commentaire. Cela me paraît faire un article décisif.

« C'est sans doute un vote important que celui de mercredi, puisqu'il place le bourgmestre dans une dépendance moins absolue, étant pris dans le conseil. Ce qui m'a fait peine, c'est la colère témoignée après le vote par de Theux, qui s'est écrié qu'on ne voulait pas de loi communale ! Lorsque je vois attacher autant d'intérêt à ce que Lebeau appelait des moyens de gouvernement, et ce que (page 188) j'appelle moi « des moyens de corruption », je suis disposé à croire qu'il est disposé à en faire usage. Au reste, gare le second vote ! »

Le 21 février 1836, nouveau sujet de protestation :

« Werner de Mérode, causant dernièrement avec Dumortier qui lui reprochait son vote sur la question des échevins, lui répondit que quoiqu'il aimât les prêtres, son désir n'était pas qu'ils eussent de l'influence dans les élections et que pour cela qu'il avait voté pour que les échevins fussent nommés par le Roi. Or, Werner de Mérode est un homme sans malice, qui n'invente pas ce qu'il dit. C'est ici le mot du parti aristocratico-ministériel. Il est constant qu'il est dirigé par le dessein de s'emparer d'une influence prépondérante dans les élections ; ayant senti qu'il ne peut s'appuyer sur le peuple, il veut une organisation qui lui donne le moyen de le dominer. Vienne une Chambre comme ils la désirent, et la loi électorale sera changée, et le cens élevé, notamment dans les campagnes. »

28 février :

« Il nous reste trente ou trente-et-un articles de la loi communale, plus la question de savoir si on ne fera de l'organisation du personnel et des attributions qu'une seule loi, comme je le voudrais bien, ou si en fera deux lois distinctes, comme le prétend le ministre. Je pense que cette prétention, déraisonnable en elle-même, peut prendre sa source dans la crainte de réunir trop de voix négatives contre l'ensemble, puisque les uns pourraient dire non à cause que l'on attribue la nomination des échevins au Roi, et les autres parce qu'on a admis la censure des théâtres.3

Donc, nouvelle bataille en perspective.

(page 189) Communiqué sur cette bataille, le 6 mars :

« J'ai démontré qu'il ne fallait faire qu'une seule loi ; le ministère n a pas osé le contester. »

Pour François du Bus, la question ne se bornait d'ailleurs plus guère qu'à choisir entre une défaite en gros, ou en détail.

Derniers bulletins : 7 mars 1836, soir :

« Nous avons été battus sur la question des échevins à la majorité de 54 voix contre 39 ; avec nos cinq absens, nous n'aurions été encore que 44. Nos adversaires peuvent même se dire au nombre de 55, puisque le ministre d'Huart, absent au moment du vote, devait voter avec eux. »

Du 9 mars 1836.

« Voici enfin la loi communale votée, mon cher Edmond. 62 membres ont répondu oui ; ainsi nouveaux transfuges. 22 seulement ont voté contre. »


François du Bus est battu...

La poussière du combat collée aux tempes, il rend les armes.

Il se laisse choir sur le talus qui borde le champ de bataille, ouvre son bissac souillé, et en retire une lettre de sa sœur Henriette, datée du 15 mars 1835. Que c'est loin ! Il se battait déjà.

« Votre présence à Bruxelles est très utile aux libertés du pays, mon cher François, et la loi a actuelle serait bien plus mauvaise si vous ne chamailliez (sic) pas autant pour les libertés de notre pauvre Belgique ; mais j 'enrage que cela soit ainsi, car vous vous trouvez forcé de cette manière à sacrifier vos désirs, vos affections et les nôtres au bien-être de la patrie : grand mot dont on se sert avec les hommes de votre caractère pour les tenir à la chaîne ! »

La chère écriture...

(page 190) Oui, il a sacrifié ses désirs, ses affections, - et les leurs.

Oui, il est à la chaîne. Mais ce ne sont pas les autres qui l’y ont lié : c'est lui-même, de volonté délibérée.

Pour la patrie, oui encore, et pour elle seule, telle qu'il la souhaite dans l'amour qu'il lui porte.

Et la loi, vraiment, eût été « plus mauvaise » peut-être, s'il ne s'était pas « chamaillé. »

« Fais ce que dois, advienne que pourra. » L'honneur est sauf.

Il replie la lettre, ferme son bissac.

D'autres combats l'attendent : en route !


Les interminables péripéties qui ont précédé le vote final de la loi communale de 1836 ont pris une assez large place dans ces pages pour nous dispenser de faire ici l'historique des modifications que cette loi a subies dans la suite, notamment dans ses dispositions relatives aux bourgmestres et aux échevins ; à l'heure actuelle, ces derniers ne sont plus nommés par le Roi au sein du conseil, mais élus par celui-ci ; la nomination des bourgmestres reste réservée au Roi, parmi les membres du conseil, mais, exceptionnellement, et de l'avis conforme de la députation permanente, parmi les électeurs de la commune.

C'est dans le climat de 1834-1836 que nous devons nous replacer, climat libéral, menaisien et romantique flottent encore les effluves de 1830.

D'un côté, les ministres d'un Roi doté d'un caractère aux tendances indiscutablement autoritaires ; qui supporte mal le libéralisme d'un pacte fondamental auquel il n'a pas été partie ; qui entend défendre les prérogatives que la Constitution lui reconnaît, et qui joue le jeu en s'efforçant de les faire interpréter dans le sens le plus favorable à ces (page 191) prérogatives. Aux yeux du Roi, la loi communale est mauvaise : elle limite trop les droits de la Couronne, qui sont ceux du Pouvoir.

De l'autre côté, François du Bus, qui n'est pas seulement une personnalité parmi d'autres, mais le représentant d'un esprit, le témoin encore ulcéré des vexations endurées sous Guillaume, le vainqueur des journées de septembre, le champion sentimental des libertés et de la Liberté contre le « despotisme », le défenseur du « peuple », et des « masses » - dût le peuple se traduire par une petite minorité d'électeurs censitaires, et dussent les masses être représentées par les quelques centaines de lecteurs de la presse d'alors. Aux yeux de François du Bus, aux yeux de tous ceux qui pensent et sentent comme lui, la loi communale est mauvaise : elle vincule trop la souveraineté populaire.

« Lutte de géants entre le pouvoir et la liberté », disait plus tard Dumortier en évoquant cette époque. Là, où et quand (c'est-à-dire partout et toujours, avec une intensité variable) l'autorité et la liberté sont en conflit, la lutte est immanquablement gigantesque, parce qu'elle a pour enjeu les droits individuels et l'ordre public. L'écrasement de l'autorité, c'est bien vite le désordre par le débordement des libertés dégénérant en licence ; l'étouffement des libertés, c'est bien vite le désordre encore sous l'apparence d'un ordre artificiel, par le triomphe du despotisme.

Les géants qui s'affrontent dans la lutte mettant aux prises l'autorité et la liberté, ce sont en dernière analyse l'anarchie et le césarisme.

C’est pourquoi tout ce qui touche à cette lutte est grand.

Le projet de loi de 1833 aurait tué les légitimes libertés communales ; il était juste et sain que contre lui l'on s'élevât, et François du Bus fit bien de s'opposer à la mainmise abusive du pouvoir sur l'administration locale.

(page 192) L'application des thèses de François du Bus aurait énervé le pouvoir, gardien de l'intérêt général ; il était raisonnable de combattre l'extrémisme de ses positions, et la majorité fut sage en ne rendant pas la main aux petits potentats municipaux.

La loi définitive est sortie du choc de ces deux tendances qui, à force de perdre leurs respectives aspérités en se cognant, ont conservé l'une et l'autre ce qu'elles contenaient de meilleur et de conciliable dans une solution d'harmonieux équilibre.

Les institutions communales de la Belgique indépendante doivent beaucoup à François du Bus et ses amis.

N'est-il pas permis de penser que c'est pour bonne part leur action que le Roi Albert rendait hommage, quand il affirmait le 21 juillet 1930 :

« L'autonomie des communes fait en quelque sorte partie de notre patrimoine public, et vous, Messieurs les Bourgmestres, vous savez mieux que personne que loin de contrarier l'unité nécessaire de la Nation, cette autonomie en est au contraire le fondement le plus solide.

« Une preuve douloureuse, mais décisive, en fut faite aux jours cruels de la guerre, lorsque le Gouvernement fut obligé à l'exil par les circonstances. C'est dans les administrations locales que s'organisa alors la résistance civique à l'emprise morale et politique de l'ennemi. »

Remarquable vigueur, étonnante étroitesse du sentiment civique entretenu par la vie politique de la commune, a écrit Pirenne (Histoire de Belgique, VII, p. 75.)

Aux heures cruciales, la vigueur a toujours passé l'étroitesse.