(Paru à Bruxelles en 1830, chez H. Tarlier)
Ouverture des États-Généraux à La Haye. Discours du roi. Mauvais effet qu'il produit. Protestation de la ville d'Anvers contre la séparation. Chants patriotiques. Trois des huit membres de la commission de sûreté font connaître leur refus d'accepter. Mariage de la princesse Marianne. Adresses des Belges aux membres méridionaux des États-Généraux, motivées sur le discours du trône. Leur envoi à La Haye par deux députés. Société populaire belge à Bruxelles. Son transfèrement de la salle des Beaux-Arts, rue de Bavière, à celle de Saint-Georges. Elle prend le nom de Réunion centrale. Ses séances. Son influence. Lenteur de la marche des États-Généraux. Les députés méridionaux sont circonvenus et peu libres à La Haye. Retour de M. de Stassart. Sa lettre. Brochures de Libry. Retour des deux envoyés porteurs des adresses belges aux membres méridionaux des États-Généraux. Leur rapport alarmant. Présages sinistres
(page 163) Le 13 était le jour fixé pour l'ouverture des États-Généraux extraordinaires ; il était attendu avec impatience, avec anxiété plutôt qu'avec confiance, par Bruxelles, par la Belgique, par le Royaume, par l'Europe entière.
Le roi fit l'ouverture en personne avec tout le cérémonial accoutumé, accompagné du prince d'Orange ; le prince Frédéric était resté à la tête de l'armée. Il y avait cent et un députés présents de la deuxième chambre. Ils étaient tous décorés de la cocarde orange. Voici le discours du trône. (V. ci-après, pièce no 1.)
Les journaux rapportèrent les détails, et entre autres la conduite indécente de M. Byleveld, et sa retraite de l'assemblée motivée sur ce qu'il ne voulait pas comprendre le français ! On fit remarquer avec raison, qu'il n'y avait pas de plus forte preuve de l'antipathie vivace (page 164) des deux peuples, point de meilleur argument en faveur de la séparation.
On avait en général prévu ce discours ; on l'aurait presque rédigé d'avance ; on devinait, on sentait qu'il ne serait, qu'il ne pouvait être qu'une paraphrase de la proclamation du 5 et de l'article du Staats-Courant, du 7. Il ne fut donc, ni au-dessus, ni au-dessous de l'attente publique, et on sourit quand on lut le mode adopté par le roi pour tâter tout ce qui concernait la séparation. La rédaction seule des deux questions entraînait des lenteurs nécessaires quand on aurait dû avoir des ailes pour ne pas se laisser devancer par les événements ! Peut-être, disait-on cependant, le roi ne peut-il pas faire autrement, mais au moins aurait-il pu aller plus vite et s'expliquer plus ouvertement.
Aussi ce discours connu à Bruxelles le 14 au soir, et distribué sur-le-champ en feuilles volantes, y fit-il la plus pénible sensation ! On désespéra enfin de rien obtenir puisque c'était là l'unique réponse à tant de vœux, de prières et d'instances. On n'osa pas l'afficher ; on murmura tout haut et plus que jamais ; et partout, dans les villes comme dans les campagnes, l'impression et les résultats furent les mêmes ; on dut s'attendre à tout ; le premier et le dernier mot qu'on se disait était toujours aux armes ! Nous allons voir quelle mesure sut alors prendre courageusement la garde bourgeoise pour conjurer l'orage ; ce fut à la vérité, un dernier et vain effort tenté en désespoir de cause ! mais il n'en est pas moins au-dessus de tout éloge.
Dès ce moment l'on peut dire que le pays se souleva tout entier. Les secours pour Bruxelles, en hommes (page 165) armés, en argent, en vivres affluèrent plus que jamais dans cette ville. Les Wavriens amenèrent deux autres canons venant de Liége. On sentait par une sorte d'instinct que tout était perdu si Bruxelles succombait, que tout résisterait et serait sauvé si Bruxelles triomphait. Les détachements, les corps mêmes de troupes étaient hués, bafoués quand ils faisaient une marche d'une forteresse à une autre ; ils prenaient toujours alors toutes les précautions militaires.
On connut en même temps la teneur de l'adresse de la ville d'Anvers contre la séparation ; la voici : (V. ci-après, no 2.)
La poésie, la musique, la gravure s'unirent pour exciter le peuple à la liberté ; on chantait partout des hymnes, des cantiques patriotiques, au théâtre, aux cafés, etc. Nous faisons un choix et insérons ici les quatre pièces suivantes, (nos 3, 4, 5 et 6.)
La lithographie allégorique dont parle la pièce no 7, était bien conçue et révèle le talent de l'artiste.
La garde bourgeoise faisait de grands sacrifices pour rester compacte et unie ; on ne prévoyait pas le terme de son service ; il fallait cependant venir au secours des ouvriers sans travail, et des indigents ; la pièce suivante fut publiée. (V. ci-après, no 8.)
La Commission de sûreté était installée ; ses pouvoirs étaient un peu vagues et indéterminés ; on publia bientôt la pièce ci-après, no 9, dans le but de les faire mieux connaître ; on y voit qu'on s'y abstenait encore du mot gouvernement provisoire, mais qu'il n'y avait plus qu'un pas à faire. Huit jours après il fut franchi. Un de (page 168>) ses premiers actes fut d'écrire à M. Schuermans, procureur du roi, et à d'autres fonctionnaires encore, pour les inviter à suspendre l'exercice de leurs fonctions ; M. Schuermans se le tint pour dit et disparut.
Mais elle dut voir avec regret que trois de ses membres les plus distingués, s'excusaient de répondre à la confiance de leurs concitoyens et ne croyaient pas pouvoir accepter leur mandat ; M. de Sécus fils, par suite d'une absence forcée, le prince de Ligne parce qu'un serment le liait à l'empereur d'Autriche, (sa lettre fut publiée), et le duc d'Ursel, par un motif quelconque resté inconnu, puisqu'il ne répondit pas même à la dépêche qui lui notifiait son honorable mission. La Commission de sûreté informa la régence de ces faits en la priant de procéder aux remplacements parmi les huit candidats restants. Le comte Vilain XIV fut choisi pour remplacer M. de Sécus ; il n'eut pas même le temps d'accepter, pas plus que la régence n'eut celui de s'occuper des deux autres choix ! Les événements marchent souvent plus vite que les hommes.
Le 14 fut célébré à La Haye le mariage de la princesse Marianne avec le prince Albert de Prusse ; on avait annoncé l'absence de toute solennité ; cependant les journaux hollandais parlèrent longuement des programmes, des fêtes, des diners, du gala, des 10,000 fl. aux pauvres, des cent et un coups de canon et de toutes les pompes calvinistes de la cérémonie sacrée, à laquelle assistèrent la presque totalité des membres des deux chambres ; c'eût été peut-être le cas de supprimer ces fêtes ou au moins (page 169) d'en taire les détails ! Jamais hyménée royal ne fut contracté sous de plus funestes auspices, sous de plus sinistres présages ! Puissent-ils ne point se réaliser dans l'avenir des deux jeunes époux qui quittèrent La Haye pour Berlin, le 23 septembre au matin, au moment même où le canon hollandais commençait à foudroyer Bruxelles ! Le prince Frédéric qui n'avait point quitté son camp d'Anvers, le 13, pour l'ouverture des États Généraux, était présent à la noce dès le matin du 14 ! Il était de retour à Anvers le 16 !....
Mais le mécontentement général plus prononcé que jamais, qu'avait causé le discours du trône, ne se borna pas à des murmures.
Dans la soirée du 14, l'état-major général de la Garde bourgeoise convoqua les huit sections à l'Hôtel-de-Ville, pour le lendemain dix heures du matin ; elles devaient encore s'y faire représenter par quatre membres : le commandant, un capitaine, un sous-officier et un garde, comme lors de la première convocation du 8 septembre, où il s'était agi de l'élection de seize candidats pour la Commission de Sûreté. Ici l'objet de la convocation ne fut pas indiqué.
Le 15, à neuf heures du matin, les huit sections firent leurs choix, et leurs trente-deux représentants nommés, comme la première fois, par deux degrés d'élection, se rendirent sur-le-champ à l'Hôtel-de-Ville. Là, réunis à tout l'état-major de la Garde bourgeoise, à la Commission de Sûreté et à plusieurs habitants notables, ils ouvrirent, à onze heures et demie, une séance présidée par M. d'Hoogvorst, pour délibérer sur une adresse à (page 168) présenter aux députés des provinces méridionales des Pays-Bas, dans laquelle on leur exposerait franchement la situation du pays et les sentiments pénibles qu'avait fait naître le discours du trône.
Après la vérification des pouvoirs des députés sectionnaires, l'assemblée fut rendue publique, et un grand nombre de personnes furent admises dans la salle.
M. de Mérode, sur l'invitation de M. le président, donna lecture d'un projet d'adresse, sur lequel la discussion fut ouverte. Le principe de la démarche voté d'acclamation n'avait pas même été mis en question.
Cette séance du matin, à laquelle tous les députés sectionnaires prirent une part active et prolongée, continua pendant plusieurs heures ; elle fut orageuse, par suite des propositions, étrangères à l'objet mis en discussion, faites par diverses personnes ; il paraît que M. Van de Weyer et autres membres de la Commission de Sûreté parvinrent à ramener l'ordre et s'opposèrent à ce que de semblables propositions fussent de nouveau présentées.
Elle ne fut levée qu'à trois heures, sans autre résultat définitif que la décision qu'un comité de rédaction, formé de huit sectionnaires députés et de plusieurs membres de la Commission de Sûreté et de l'état-major s'occuperait sur-le-champ de la rédaction d'un autre projet, qu'il présenterait à l'assemblée à une séance du soir.
Cette dernière fut ouverte à six heures et demie ; l'assemblée était très nombreuse ; la foule du public encombrait la salle.
(page 169) La réunion fut calme, M. Van de Weyer, organe président, exprima de nouveau la ferme résolution de n'admettre aucune proposition étrangère et tumultueuse, et donna lecture d'un projet d'adresse qui reproduisait le premier modifié en plusieurs points, de commun accord, par le comité de rédaction et les huit députés sectionnaires ; ce projet fut adopté à l'unanimité, et signé successivement par tous les membres de l'assemblée délibérante, au nombre de près de quatre-vingt ; en outre, les bourgeois présents furent aussi admis à signer, par forme d'adhésion, s'ils le désiraient, et cent nouvelles signatures furent apposées. Voici le texte de cette adresse. (V. ci-après, no 10.)
Le président déclara alors que rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance était levée et l'assemblée dissoute ; il était onze heures du soir.
Des groupes nombreux et impatients s'étaient formés dans l'intervalle sur la Grand'-Place ; ils devenaient si inquiétants que MM. d'Hoogvorst et Van de Weyer durent aller les haranguer et leur communiquer la décision de l'assemblée ; on applaudit alors unanimement, et un quart d'heure après cette courte allocution, le calme régnait partout.
Plusieurs bourgeois briguèrent l'honneur de porter sur le champ cette adresse à La Haye à leurs frais. La Commission de sûreté, d'accord avec l'état-major de la garde, en chargea MM. Nicolay et Vleminckx qui partirent encore dans la nuit du 15 au 16 en se dévouant à toutes les chances d'une mission dont l'importance égalait le danger. L'on conviendra toujours en effet que, (page 170) dans cette adresse, notre situation d'alors était dépeinte avec autant de vérité que d'éloquence.
Outre l'adresse ci-dessus, votée à l'Hôtel-de-Ville, la pièce suivante délibérée et rédigée par une assemblée de notables citoyens de diverses villes, alors présents et réunis à Bruxelles (V. ci-après, pièce no 11.), fut, dans la journée, soumise à l'adhésion d'un grand nombre de personnes ; revêtue de plus de quatre mille signatures, elle fut remise également aux deux envoyés qui étaient en même temps chargés de communiquer à nos députés belges les adhésions de Mons, Namur, Charleroy, Alost, S.- Trond, Jodoigne, Thuin, Wavre, Jumet, Wargnies, Quaregnon, Nimy, Maisières, Seneffe, Fayt, etc. ; toutes ces adhésions au principe de la séparation avaient primitivement été envoyées à l'état-major de la Garde bourgeoise de Bruxelles ; elles étaient des pièces à l'appui des vœux émis dans cette journée du 15, par la population entière de la capitale de la Belgique.
Dès le 15 septembre une société populaire s'était formée à Bruxelles et s'était réunie à la salle des Beaux-Arts, rue de Bavière. C'était une innovation dans nos provinces, mais que les événements devaient nécessairement amener à l'instar de ce qui se passait à la même époque en France où l'on attachait la plus haute importance à cette institution.
Les citoyens qui la fondèrent à Bruxelles lui donnèrent d'abord le nom de Réunion centrale, et déclarèrent que son but spécial était de favoriser l'émission libre et la discussion calme de tout principe patriotique, ainsi (page 171) que la proposition et l'exécution énergique de toute motion jugée utile au triomphe des intérêts moraux et matériels de la Belgique.
Le lendemain 16, la réunion s'installa à la salle de Saint-George. Des hommes craintifs, susceptibles, et peu familiarisés encore avec toutes les conséquences d'un gouvernement constitutionnel représentatif, parurent surpris de la dignité, de la modération, de la sagesse qui présidèrent à toutes les délibérations de cette assemblée ; ils semblaient ne pas s'y attendre, et dès lors conçurent l'espoir fondé qu'elle justifierait par ses actes leurs favorables prévisions. Nous verrons bientôt qu'ils ne furent pas trompés ; la Réunion centrale n'a mérité que des éloges et même, dans les jours d'orages et de malheurs qui suivirent de si près sa création, elle a rendu les plus grands services à Bruxelles qu'elle a défendu et fait défendre, et à la patrie qu'elle a concouru puissamment à sauver ; des impulsions vigoureuses et efficaces sont sorties de son sein ; elle a eu un patriotisme d'action et plus d'une fois son influence s'est fait sentir sur les événements et sur les hommes. Nous reviendrons sur cette institution naissante, et plus tard, quand un demi-calme reparut, nous verrons qu'elle se consolida de plus en plus et que le nombre de ses membres s'accrut au point qu'un local plus vaste étant devenu indispensable, elle s'installa au Petit-Théâtre et eut même un journal consacré à rendre compte de ses séances qui offrirent bientôt un surcroît d'intérêt.
Les Etats-Généraux marchèrent avec une lenteur désespérante. Le 13, ouverture et position des deux (page 172) grandes questions ; le 14 deux séances, vérification de pouvoirs et M. Van Toulon nommé président, le 15 ; nomination de la commission de l'adresse en réponse au discours du trône, renvoi aux sections du message royal du 13, contenant les deux questions, et propositions de Donker-Curtius et Sytzama sur deux commissions d'enquêtes, à nommer l'une et l'autre dans le sein de la deuxième chambre pour examiner les causes du mouvement belge et préparer des mesures propres à faire tout rentrer dans l'ordre légal ! propositions ridicules dans les circonstances et que l'on fit cependant difficulté d'écouter, par défaut de forme, n'ayant pas été déposées en temps sur le bureau ! le 16 et le 17 point de séance, les sections s'occupent de l'adresse ; le 18, nomination de la commission des pétitions, et discussion sur les propositions de Donker et de Sytzama et sur l'adresse, le tout en comité secret ; le 19 dimanche point de séance !
D'un autre côté on apprenait à chaque heure par les nouvelles de La Haye que nos députés y étaient dans un état de gêne, de mépris et presque de captivité ; que les représentants des deux grandes parties du royaume y formaient comme deux camps séparés, que la froideur y était évidente et inexplicable, tandis que tout le monde y aurait dû se tendre la main ; qu'aucun Hollandais ne regardait plus même un Belge quelles que fussent leurs anciennes relations d'amitié ! qu'enfin l'effervescence y était si grande que, non seulement nos députés trouvaient à peine à se loger, mais que plusieurs d'entre eux, on citait M. de Gerlache, avaient été insultés dans les rues par la populace ameutée par des employés hollandais aux ministères et que la police avait dû disperser par la force ; (page 173) qu'ils étaient à la lettre confinés chez eux sans oser en sortir, et qu'ils commençaient eux-mêmes à craindre qu'otages et prisonniers à La Haye, ils n'y eussent été attirés dans un but perfide, dans un guet-apens parlementaire pour consacrer, par leur présence impuissante et un faux semblant de légalité, l'asservissement de leur patrie. L'un d'eux écrivait sous la date du 17 : Le ciel s'obscurcit, de noirs nuages s'approchent, le parti hollandais domine aux États-Généraux ; Belges apprêtez-vous au combat ou à l'esclavage.
Au milieu de l'agitation extrême des esprits causée par toutes ces nouvelles, M. le baron de Stassart s'échappa de La Haye et arriva heureusement à Bruxelles ; son retour étonna, on y vit au premier moment un acte de faiblesse ou de crainte ; mais il l'expliqua et le justifia par la lettre suivante qu'il fit insérer dans les journaux. (V. n° I2. )
Depuis le 11 le Collège des bourgmestre et échevins avait disparu ou du moins ne donnait plus signe d'existence ; on fit la remarque dans les journaux qu'on ne voyait plus que M. l'échevin Hennessy, et qu'à Liége et ailleurs les magistrats administratifs n'abandonnaient pas ainsi leur poste au jour du danger ; mais on ne tenait pas compte des dissemblances de position. A l'époque où nous sommes parvenus, Bruxelles n'avait plus d'autres autorités que la Commission de sûreté et l'Etat-Major de la Garde bourgeoise, et ce furent alors pour cette ville deux autorités tutélaires ! La commission fit publier le 16 la pièce suivante ( V. no 13. )
Le 17 on apprit à Bruxelles les détails du second (page 174° banquet offert à Paris à M. de Potter et aux bannis belges ; on lut aussi dans les journaux la fameuse lettre de Francfort, annonçant faussement la révolution de Pétersbourg où 20,000 hommes auraient été tués dans une émeute militaire.
Le même jour furent distribuées, par ordre de l'état-major, 1200 piques environ aux sections bourgeoises, c'était 150 par section ; ces piques disparurent au bout de peu de jours, on ne sut pas bien ce qu'elles devinrent.
L'arrêté du roi qui nomme M, Van Pallandt Van Keppel ministre provisoire de la justice, en remplacement de Van Maanen, porte aussi la date du 17.
Du 16 au 18 des mains occultes répandirent avec profusion à Bruxelles deux brochures anonymes intitulées, l'une La ville rebelle, l'autre Appel aux habitans de Bruxelles, on y reconnut aisément la plume du galérien Libry ; tous les faits, depuis le 25 août, y étaient tronqués, tous les arguments faux et menteurs ; ces productions sont trop dégoûtantes pour qu'on puisse s'y arrêter ; qu'il suffise de savoir qu'il y parle des têtes infâmes qui doivent tomber sur l'échafaud quand le moment sera venu ; qu'il en indique cinquante environ dont les noms de trente-sept sont déjà connus ; qu'il proclame parmi ces brigands, ces incendiaires, etc., neuf français, un juif anglais et le reste belges, dont certains comtes, certains barons dont le bourreau attend les têtes, etc. Ces productions firent sourire de pitié et de mépris ; cependant on y vit l'esprit hollandais, l'organe des Hollandais, l'aveu et peut-être les projets du gouvernement ; la haine s'accrut !
Mais ce qui acheva de combler la mesure fut le retour (page 175) de MM. Nicolay et Vleminckx qui s'étaient chargés de porter à La Haye les adresses belges aux membres méridionaux des États-Généraux ; ils arrivèrent à Bruxelles dans la soirée du 18 et rendirent compte sur le champ de leur mission à la Commission de sûreté et à l'État-Major général de la Garde bourgeoise réunis à l'Hôtel-de-Ville.
Il en résultait :
« Qu'arrivés à La Haye sans obstacle, le 16 dans la nuit, ils avaient eu le 17 dans la matinée une entrevue avec cinq de nos députés ; que là ils s'étaient convaincus qu'il y avait impossibilité absolue de s'acquitter de leur mission devant tous les députés méridionaux réunis ; qu'ils avaient remis les pièces dont ils étaient porteurs à l'un de ces cinq députés, lequel s'était chargé de les communiquer à tous ses collègues du midi qui, leur avait-on assuré, les prendraient en mûre considération.
« Que les cinq députés qu'ils avaient pu voir les avaient engagés à quitter La Haye sur-le-champ, leur vie, ou tout au moins leur liberté, pouvant être compromise, si jamais la populace de La Haye ou la police apprenait leurs qualités et l'objet de leur mission ; qu'ils étaient donc partis de La Haye le 17, vers dix heures du matin, et n'avaient trouvé aucune entrave dans leur voyage. Qu'ils pouvaient affirmer, d'après tout ce qu'ils avaient vu et entendu, que tous les moyens de conciliation présentés par les Belges, n'avaient pas de chance d'être adoptés à La Haye ; que nos députés y étaient dans un état évident de gêne et d'obsession et placés dans une situation telle qu'ils ne pouvaient plus agir, (page 176) ni même parler avec la liberté nécessaire ; que la majorité hollandaise manifestait hautement l'intention de ne pas délibérer sur nos affaires, en présence de ce qu'ils appelaient la rébellion belge ; qu'il fallait préalablement, selon les Hollandais, que tout rentrât chez dans l'ordre accoutumé ; que les moyens qu'ils proposaient à cet effet étaient une amnistie pour le commun des révoltés, avec la punition exemplaire de tous ceux qu'ils jugeraient convenable de faire passer pour leurs chefs dont les têtes devaient seules tomber ; qu'après, ils aviseraient à ce qui resterait à faire pour rétablir le règne de leurs lois et de leur domination, d'une manière permanente et durable ; que nos députés et surtout les signataires de la fameuse proclamation du 3 septembre sur la séparation, ne prolongeraient donc pas sans doute leur séjour à La Haye, etc., etc. »
MM. Nicolay et Vleminckx reçurent de leurs concitoyens les remercîments que méritaient leur courage et leur dévouement ; ils avaient bravé de grands dangers pour épargner à leur patrie de grands malheurs ; ils ne réussirent pas ! Le destin avait prononcé !
Il paraît qu'on délibéra un instant de rendre leur rapport public ; mais on craignit de trop irriter le peuple, et l'on s'abstint de toute communication officielle.
Cette précaution fut inutile ; la substance du rapport de nos envoyés ne perça que trop rapidement et trop complétement dans Bruxelles ! La nuit ne fut pas tranquille ; des groupes nombreux se formèrent sur la Grand'Place et ailleurs ; on proférait des malédictions, des menaces ; on commençait à dire hautement que le danger était imminent, et que les autorités et même les (page 177) bourgeois ne faisaient rien pour y parer, pour se défendre ; qu'il fallait des mesures bien plus décisives, bien plus fortes ; qu'on ne haïssait pas assez les Hollandais, les tièdes et les modérés devaient céder leurs armes aux dévoués, aux éprouvés ; des propos plus clairs encore se répétaient sourdement ! Les patrouilles bourgeoises parvinrent cependant à imposer aux masses, mais tout présageait des événements prochains et sinistres.
Pièces publiées ou connues à Bruxelles du 13 au 18 septembre 1830.
No 1. Discours du trône
Nobles et puissants seigneurs,
La réunion extraordinaire de vos nobles puissances, qui s'ouvre aujourd'hui, est devenue urgente par le cours d'événements déplorables.
En paix et en bon accord avec tous les peuples de cette partie du monde, les Pays-Bas ont vu récemment se terminer heureusement la guerre dans leurs possessions d'outre-mer. Tout y prospérait en repos par l'ordre, le commerce et l'industrie. Je m'occupais sans relâche du soin d'alléger les charges du peuple et d'introduire peu-à-peu dans l'administration intérieure, les améliorations que l'expérience avait indiquées ; quand tout à coup Bruxelles, et d'après cet exemple, bientôt aussi dans quelques autres endroits du royaume éclata une insurrection, (oproer), caractérisée par des scènes d'incendie et de pillage, dont le tableau serait trop douloureux pour cette assemblée, pour mon cœur, pour l'opinion nationale et pour l'humanité.
En attendant le concours de vos nobles puissances, dont la convocation a été ma première pensée, on a pris immédiatement toutes les mesures qui dépendaient de moi, pour arrêter les (page 178) progrès du mal, pour protéger les bien-pensants contre les malintentionnés et pour détourner de notre patrie le fléau de la guerre civile.
Remonter à la nature et à la source de ce qui s'est passé, en pénétrer avec VV. NN. PP. le but et les conséquences, est dans l'intérêt de la patrie actuellement moins nécessaire que de rechercher les moyens par lesquels le repos et l'ordre, l'autorité et la loi soient non seulement temporairement rétablis, mais puissent être dorénavant garantis d'une manière beaucoup plus solide.
Dans l'intervalle, NN. et PP. SS., par la lutte des opinions, par l'agitation des passions et par la discordance des vues et des projets, c'est une tâche d'une haute difficulté de concilier mes désirs pour le bonheur de mes sujets avec les devoirs que j'ai contractés et jurés envers tous.
C'est pourquoi j'invoque votre sagesse, votre modération, votre fermeté, pour concerter, avec la sanction de l'opinion des représentants de la nation et de commun accord avec eux, ce qu'il convient de faire dans ces douloureuses circonstances pour le bien-être de la Néerlande.
De plusieurs côtés on pense que le salut de l'état serait obtenu par une révision de la loi fondamentale et même par une séparation de contrées unies par des traités et par cette même loi.
Mais une telle demande ne peut être mise en délibération que selon la voie tracée par cet acte dont toutes les dispositions ont été solennellement jurées par nous.
Cette importante demande sera l'objet principal de vos délibérations.
Je désire connaître sur ce point l'opinion et les vues de votre assemblée qui les donnera avec cette franchise et ce calme que requiert si particulièrement la grande importance de l'affaire. De mon côté, désirant par-dessus tout le bonheur des Néerlandais dont la Providence divine a confié les intérêts à mes soins, je suis tout prêt à coopérer, avec votre assemblée, aux mesures qui peuvent conduire au but.
Cette session extraordinaire a pour objet ultérieur de donner connaissance à VV. NN. PP. que les intérêts du royaume, au (page 179) milieu des circonstances actuelles, demandent impérieusement la réunion de la milice nationale au-delà du temps fixé pour l'époque ordinaire des exercices.
Les crédits actuels peuvent provisoirement suffire aux dépenses de cette réunion prolongée de la milice ainsi qu'aux autres dépenses qui résulteront nécessairement de la révolte (oproer.) Cependant la régularisation ultérieure de ces dépenses devra faire l'objet de vos délibérations dans la prochaine session ordinaire. NN. et PP. SS., je compte sur votre fidélité et sur votre patriotisme.
Me rappelant l'orage des révolutions qui a aussi grondé sur ma tête, j'oublierai aussi peu le courage, l'amour et la fidélité qui ont renversé le despotisme (geweld), fondé l'existence nationale et mis le sceptre dans ma main, que la valeur qui, sur le champ de bataille, a affermi le trône et assuré l'indépendance de la patrie.
Tout préparé à aller au-devant des vœux équitables, je ne céderai jamais à l'esprit de parti et je ne consentirai jamais à des mesures qui sacrifieraient le bien-être et les intérêts de la patrie aux passions et à la violence.
Le vœu de mon cœur est de concilier autant que possible tous les intérêts.
N. B. Après le discours, le président Corver-Hooft communiqua à la chambre la pièce suivante :
Nobles et puissants seigneurs,
Par suite de ce que nous vous avons fait connaître en ouvrant votre session extraordinaire, et antérieurement à tous les Néerlandais par notre proclamation du 5 courant, nous souhaitons que vos nobles puissances prennent immédiatement en considération réglée et attentive les deux points suivants :
1° Si l'expérience a indiqué la nécessité de modifier nos institutions nationales.
2° Si, dans ce cas, il convient dans l'intérêt du bien général de changer ce qui est établi par des traités et par la loi fondamentale entre les deux grandes divisions du royaume.
Il nous sera agréable de recevoir, aussi vite que peut le permettre la nature des choses, la communication libre et franche des sentiments des représentants du peuple néerlandais sur ces questions importantes, afin de concerter avec VV. NN. PP., d'après les circonstances (naar bevind), les mesures qui pourraient mener à l'accomplissement de leurs intentions.
Et nous prions, NN. et PP. SS., que Dieu vous tienne en sa digne garde.
La Haye, 13 septembre 1830.
Signé : GUILLAUME.
No 2. A. S. M. le Roi des Pays-Bas
« Sire, ce n'est point sans éprouver un sentiment pénible que nous avons connu la demande qui a été faite à votre majesté, tendant à obtenir la séparation des intérêts des provinces méridionales et septentrionales. La crainte que notre silence ne puisse être interprété comme une adhésion nous impose le devoir d'exposer à votre majesté que ce vœu n'est nullement partagé par nous. L'expérience de quinze années nous a prouvé de la manière la plus évidente que c'est à l'échange mutuel et libre des produits que l'on doit la prospérité réciproque. Les avantages que la navigation a retirés des colonies, les débouchés que ces mêmes colonies offrent chaque jour de plus en plus à notre industrie, sont une preuve irréfragable que toute séparation serait funeste non seulement à cette province, mais au commerce et à l'industrie de la Belgique entière. Intimement convaincus de cette grande vérité nous osons la faire connaître à votre majesté avec le respect et la confiance qu'inspirent un roi qui veut le bonheur de son peuple et qui ne travaillera jamais qu'à sa prospérité bien entendue. »
Les signatures sont trop nombreuses pour pouvoir être insérées.
Anvers 13 septembre 1830.
(page 181) No 3. La Brabançonne
(Air des Lanciers polonais)
Dignes enfants de la Belgique,
Qu’un beau délire a soulevés,
A votre élan patriotique
De grands succès sont réserves.
Restons armés, que rien ne change !
Gardons la même volonté,
Et nous verrons fleurir l’Orange
Sur l’arbre de la Liberté.
------
Aux cris de mort et de pillage,
Des méchants s’étaient rassemblées ;
Mais votre énergique courage
Loin de vous les a refoulés.
Maintenant purs de cette fange
Qui flétrissait votre Cité,
Amis, il faut greffer l’Orange
Sur l’arbre de la Liberté.
------
Et toi, dans qui ton peuple espère,
Nassau, consacre enfin nos droits ;
Des Belges en restant le père,
Tu seras l’exemple des rois.
Abjure un ministère étrange,
Rejette un nom trop détesté,
Et tu verras mûrir l’Orange
Sur l’arbre de la Liberté.
------
Mais malheur, si de l’arbitraire
Protégeant les affreux projets,
Sur nous du canon sanguinaire
Tu venais pointer les boulets !
Alors tout est fini, tout change ;
Plus de pacte, plus de traité ;
Et tu verras tomber l’Orange
De l’arbre de la Liberté.
JENNEVAL
(page 182) N° 4. La Bruxelloise (Août 1830)
(Air de la Marseillaise)
Drapeau brillant de la Belgique,
Etendard rouge-jaune-noir,
Offre-nous ton aspect magique,
Et nous renaîtrons à l'espoir. (bis)
Rouge-jaune est feu du courage,
Le noir, c'est mort aux ennemis.....
Hommes libres, soyons unis ;
Honte éternelle à l'esclavage !
Courage, citoyens ! parlez et montrez-vous ;
Bientôt (bis) la Liberté reviendra parmi nous. ------
Belges, délivrez la patrie
Du joug d'un ministre oppresseur ;
Faites sur sa tête ennemie
Diriger un arrêt vengeur. (bis)
Du nom sacré de la Justice
Il se joue en nous accablant ;
On parle, on écrit en tremblant :
Que lui-même tremble et frémisse !
Courage, citoyens ! parlez et montrez-vous ;
Bientôt (bis) la Liberté reviendra parmi nous.
------
O Roi dont de pareils ministres
Osent fasciner les regards !
Entends-tu les clameurs sinistres
Qui s'élèvent de toutes parts ?....(bis)
Dissipe l'orage qui gronde,
Rends la presse à la liberté ;
Que ta royale autorité
Sur l'amour du peuple se fonde !
Courage, citoyens ! parlez, unissez-vous ;
Bientôt (bis) la Liberté renaîtra parmi nous.
(page 183) N° 5. La Marseillaise des Belges
Allons, enfants de la Belgique,
Le jour de gloire est arrivé ;
Contre nous d'un joug tyrannique
L'étendard sanglant est levé. (bis)
Entendez-vous près de Vilvorde
Les cris de ces nombreux soldats ?
N'osant compter sur les combats,
Ils voudraient semer la discorde.
Aux armes, citoyens ! formez vos bataillons ;
Marchons (bis), qu'un sang impur abreuve nos sillons !
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Soldats belges, que la Patrie
Réclame comme ses enfants,
Venez votre troupe aguerrie
Portera l'ordre dans nos rangs.
Abandonnez des mercenaires.
Qui voudraient diriger vos coups
Contre des Belges, contre nous,
Vos parents, vos amis, vos frères.
Aux armes ! etc.
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Et quoi ! des cohortes bataves
Feraient la loi dans nos foyers ;
Nous pourrions rester leurs esclaves
Nous de tout temps braves guerriers !
Belges, pour vous, ah ! quel outrage !
Quel ardeur il doit exciter !
Voulez-vous qu'on puisse douter
De vos vœux, de votre courage ?
Aux armes ! etc.
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En avant, braves de Bruxelles !
Les Belges pour vous secourir,
Comme vous à l'honneur fidèles,
Ont juré de vaincre ou mourir.
(page 184) Sous vos drapeaux à la victoire
Nous volerons avec transport ;
Nous y trouverons tous la mort, Ou bien nous trouverons la gloire.
Aux armes ! etc.
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Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs ;
Liberté, liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs.
Sous nos couleurs que la victoire
Accoure à tes mâles accents !
Que les Bataves expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !
Aux armes, citoyens ! formez vos bataillons ;
Marchons (bis), qu'un sang impur abreuve nos sillons !
N° 6. La Liberté belge
(Air : Amis, la matinée est belle (de la Muette de Portici))
Généreux fils de la Belgique,
Plein d'amour pour la liberté,
L'éclat de ta valeur civique
Vivra dans la postérité.
Unissant courage et prudence,
Sois prêt au combat :
Ton triomphe ou la mort s'avance,
Attends l'arme au bras ;
La liberté ne t'échappera pas.
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Du pillage et de l'incendie
Ta main réprima les excès,
Qui sans crainte exposa sa vie
A du sang pour d'autres succès ;
Unissant courage, etc.
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La Patrie à ton cœur est chère,
Tu feras respecter ses droits :
(page 185) Belge, tu ne crains pas la guerre ;
Mais tu veux le règne des lois.
Unissant courage, etc.
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L'ormeau se croise en palissade
Devant l'asile paternel,
Mais la plus forte barricade
Est dans ton courage immortel ;
Unissant courage, etc.
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Oppose le calme à l'orage,
Mais veille encor sur tes foyers ;
La honte est près de l'esclavage,
Et l'honneur est sous les lauriers :
Unissant courage, etc.
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Peuple, l'Europe te contemple ;
Songe à ces droits que tu défends,
Et la Liberté dans son temple
Ouvre les bras à ses enfants.
Unissant courage et prudence,
Sois prêt au combat :
Ton triomphe ou la mort s'avance,
Attends l'arme au bras ;
La liberté ne t'échappera pas.
N° 7. Avis
Le sieur Delfosse, lithographe à Bruxelles, s'est empressé de payer son tribut à la cause sacrée de la patrie, en venant offrir au commandant de la Garde bourgeoise une lithographie allégorique qu'il lui a dédiée ; cette lithographie se vendra au profit des pauvres.
Le commandant a, en conséquence, autorisé ledit sieur Delfosse, à se présenter chez tous les habitants de cette ville. Il espère que son offre généreuse ne restera pas sans fruit et que chacun s'empressera d'encourager son patriotisme. Bruxelles, le 13 septembre 1830.
Le commandant en chef de la Garde bourgeoise,
Baron VANDERLINDEN D'HOOGVORST.
(page 186) L'état-major et le conseil de la Garde bourgeoise, ayant résolu qu'un collecte serait faite à domicile, pour subvenir aux besoins du service de la Garde bourgeoise et des ouvriers , les habitants de Bruxelles sont prévenus que les personnes dont les noms suivent ont bien voulu se charger de ce soin.
Pour la première section : MM. Van der Elst, rue aux Laines, Hanset, comte d'Andelot, de Page, avocat.
Pour la 2e section : MM. le curé de la Chapelle, Joseph Claus, négociant ; Devis, fabricant ; Jambers, rue du Poinçon.
Pour la 3e section : MM. Vauthier Morel, Limbourg, d'Honner, Goffin-Matthieu.
Pour la 4 section : MM. Palmaert, père ; De Vleeschoudere, Fortamps, Michiels-de-Heyn.
Pour la 5e section : MM. Lauwers, curé du Finistère, De Selliers de Moranville, Robyns, Allard, avocat.
Pour la 6e section : MM. Meeûs, directeur du jardin botanique ; Demeurs, Navez, Glibert.
Pour la 7e section : MM. Piron, Stadleer, rue Ducale, De Munck, Lemmens, Chapuis.
Pour la 8 section : MM. Michiels, Criquillon, Delmer, Verhulst, Vanderperren, Bovie.
L'état-major et le conseil sont convaincus que les habitants répondront à cet appel, ces dons patriotiques devant éminemment contribuer à maintenir la tranquillité publique et à faire respecter les propriétés.
Les personnes absentes de la ville ou qui pourraient s'absenter, sont priées de laisser leurs dons à leur domicile où les citoyens délégués pour la collecte se présenteront.
Au quartier-général de l'hôtel-de-ville, le 14 septembre 1830.
Le commandant en chef de la Garde bourgeoise,
Baron VANDERLINDEN D'HOOGVORST.
(page 187) N° 9. Proclamation
Bruxelles, ce 14 septembre 1830.
L'état-major général de la Garde bourgeoise informe les habitants que, depuis la création et l'entrée en fonctions de la commission de sûreté publique, les devoirs en quelque sorte illimités que les circonstances et le besoin urgent de maintenir l'ordre et de protéger les propriétés, avaient placés entre les mains de l'état-major, se trouvent aujourd'hui réduits à un simple pouvoir d'exécution, et que le pouvoir régulateur et administratif réside actuellement entre les mains de la commission de sûreté.
Le commandant en chef de la Garde bourgeoise, Baron VANDERLINDEN D'HOOGVORST. Par ordonnance : le Secrétaire, NICOLAY.
No 10. Adresse à nos députés aux États-Généraux
Messieurs,
Le discours de la couronne aux États-Généraux, loin de satisfaire et de rassurer les habitants de Bruxelles, a excité au plus haut degré l'effervescence et le mécontentement populaire. Ce discours que l'on attendait avec anxiété, semble prouver que le gouvernement continue à ne pas comprendre sa situation vis-à-vis de nos provinces, et la nécessité d'y ramener enfin, par un système de franchise et de loyauté évidentes, le calme et l'espérance.
« L'État, y est-il dit, florissait dans un heureux repos, par l'ordre, le commerce, l'industrie. Le gouvernement s'occupait d'alléger les charges du peuple et d'introduire successivement dans l'administration intérieure les améliorations que (page 188) l'expérience avait indiquées. Tout à coup une émeute éclate à Bruxelles, et cet exemple est imité dans quelques autres localités ; l'incendie et le pillage signalèrent ces désordres, trop affligeants pour mon cœur, la nation et l'humanité, pour que j'en offre à cette assemblée le triste tableau. »
« Les mesures qui dépendaient du gouvernement ont été prises sans délai pour arrêter les progrès du mal, protéger les bons citoyens contre les malveillants et détourner du royaume le fléau de la guerre civile. »
Oui sans doute, messieurs, mais qui peut revendiquer le mérite de ces mesures dont le gouvernement semble s'attribuer l'honneur à lui-même ? n'appartient-il pas aux citoyens qu'une administration toujours pleine de défiance contre les hommes. indépendants et libres avait privés de la force des armes, tandis qu'elle les livrait à une garde sans consistance qui disparut au premier signal du danger ?
Est-ce ainsi qu'il convenait de reconnaître les services éminents rendus par la garde de Bruxelles dont le zèle plein d'activité et de dévouement a préservé de l'incendie et du pillage les maisons de tant de fonctionnaires publics et les palais des princes et du roi lui-même ?
Une partie de la garnison de Bruxelles, désarmée en quelques instants, mettait l'autre à la discrétion du peuple irrité, lorsque les fidèles bourgeois vinrent prêter aux soldats paralysés dans leurs mouvements un appui protecteur, vérité que le prince d'Orange s'est plu à reconnaître.
Vous avez jugés aussi, messieurs, ces faits honorables auxquels succéda un vif élan de patriotisme. Le bonheur relatif dont jouissaient les Belges, et qu'ils obtenaient à la sueur de leurs fronts, était diminué par les griefs de toute nature, dont l'existence obstinément maintenue par le gouvernement, était depuis longtemps l'objet des plaintes universelles. Un drapeau, cher aux souvenirs des Belges, dans tous les temps jaloux de leurs droits, est arboré en signe de ralliement. Ce drapeau national, choisi pour faire disparaître tout étendard contraire à la dynastie (page 189) régnante, contribue à calmer l'effervescence de la multitude. Il ramène l'ordre gravement troublé, mais il fait naître aussi dans tous les cœurs un vif désir d'affranchissement. Et comment de généreux citoyens, armés pour l'existence sociale compromise par l'incurie d'un ministère anti-belge, n'eussent-ils point songé à se délivrer des vexations et des iniquités sans nombre qu'ils subissent depuis dix-sept ans avec une patience que rien n'égale ? En vain trois cent mille pétitionnaires ont signalé les motifs du mécontentement général. Le pouvoir était sourd à leurs humbles demandes.
Cependant, la capitale des provinces du Midi se trouve en possession d'une force que des circonstances imprévues ont mise dans ses mains. D'autres cités, émues d'un sentiment qui vit dans toutes les âmes, suivent l'impulsion qui résulte, non d'une connivence coupable, mais d'un élan spontané et légitime. Les régences de presque toutes les autres villes prennent part au mouvement patriotique. Les premiers d'entre vous, messieurs, réunis à Bruxelles, appuient ce mouvement par une proclamation où, loin de blâmer leurs compatriotes, ils déclarent, d'après l'exemple qui leur avait été donné par la commission nommée par le prince d'Orange, s'associer franchement à leurs efforts et manifestent énergiquement à S. A. R. les vœux des Belges pour une séparation du Nord et du Midi du royaume, qui seule semble le terme nécessaire d'injustices et de préférences odieuses.
Tels sont, messieurs, les événements qui ont précédé la résolution que vous avez prise de tenter encore les chances d'une réunion avec vos collègues des provinces du Nord, réunion de puis tant d'années funeste aux habitants des provinces du Midi. Il ne nous appartient point de juger une détermination, un parti mûrement examiné sans doute par votre sagesse ; cependant, au milieu des dangers imminents qui menacent et la ville de Bruxelles, et notre patrie tout entière, nous ne devons point vous taire la vérité. La proclamation du roi, votre absence, le discours prononcé par S. M. aux états-généraux nous présagent un sombre avenir. Partout des troupes occupent nos forteresses, (page 190) ou cernent nos villes avec une attitude qui respire la guerre, et semblent vouloir en appeler à la vioence plutôt qu'au bon droit.
Tandis que vous soumettant à toutes les exigences d'une étroite légalité vous employez l'arme du raisonnement pour sou tenir notre cause, les bataillons grossissent autour de nous. Le discours du trône vous invite même à les maintenir en permanence. Sommes-nous donc les ennemis d'un arrangement à l'amiable ? Sommes-nous des sujets rebelles qu'il faut impitoyablement courber sous le joug ? Vous connaissez nos intentions constitutionnelles et justes ; vivre avec la Hollande sur un pied d'égalité lorsque nous supportons une partie si considérable du fardeau de sa dette est l'unique prétention de ces révoltés audacieux qu'on entoure d'un appareil foudroyant. Un tel système de compression militaire ne peut, messieurs, qu'attirer sur nous les plus affreuses calamités. Tandis que vous suivrez pas à pas toutes les formalités exigées par la loi fondamentale pour la solution de la grande question que vous devrez décider plus tard réunis à des députés convoqués en nombre double, notre commerce et notre industrie périssent de langueur dans une douloureuse incertitude.
Des villes considérables inquiétées par le voisinage de troupes nombreuses dont elles ignorent les projets, sont dans un état continuel d'alarme, et verront croître rapidement la misère et le désespoir des classes ouvrières.
Lorsque votre présence autour du trône lui assure toute sécurité, souffrirez-vous que vos concitoyens, amis comme vous des droits de leur patrie, encouragés par vous-mêmes à défendre ces droits, soient exposés à des mesures guerrières, aussi intempestives qu'inutiles ? Ce n'est point sans doute pour nous abandonner et nous perdre que vous avez consenti à suivre, dans leur long circuit et malgré l'urgence des événements, toutes les voies constitutionnelles les plus lentes et par conséquent les plus pénibles dans notre situation ; que cette condescendance de votre part vaille du moins au pays, dont vous êtes les mandataires, le repos et la confiance dont il a un pressant besoin.
(page 191) Ce but réparateur ne peut être atteint qu'autant que vous obteniez immédiatement du trône une mesure rassurante et décisive qui fasse renaître de suite le calme dans les esprits et la confiance indispensable au commerce et à l'industrie ; que les démonstrations hostiles dont nous sommes menacés cessent, que les troupes venues du Nord et qui nous environnent se retirent dans leurs garnisons. La tranquillité se rétablira et les apparences de guerre civile que le gouvernement craint de voir éclater se dissiperont d'elles-mêmes.
Tels sont les vœux que nous désirons voir porter au pied du trône. Si vous ne pouviez obtenir ces garanties indispensables dans la crise actuelle ; nous osons croire, MM., que vous refuseriez hautement de légaliser, par votre présence à La Haye, les vues et les actes hostiles qui consommeraient la ruine de notre patrie.
Bruxelles, 15 septembre 1830.
No 11.
» Les soussignés, habitants de Bruxelles, Liége, Louvain, Luxembourg, Namur, Neufchâteau, Alost, St-Trond, Roulers, Tirlemont, Jodoigne, Dinant, Thielt, etc.
« Vu le discours du trône et considérant le danger d'heure en heure plus imminent d'une guerre civile, la détresse et l'irritation toujours croissante des classes commerçantes et ouvrières.
« Supplient leurs députés d'employer tous leurs efforts, pour faire consacrer sans délai, dans l'adresse en réponse au discours du trône, ou par tout autre acte, le principe de la séparation du Nord et du Midi, et de réclamer en même temps l'éloignement immédiat des troupes hollandaises stationnées dans les provinces belges.
» Si leurs efforts n'atteignent pas ce but, seul capable de maintenir la paix dans nos provinces, les soussignés invitent instamment leurs députés à revenir parmi eux comme un grand nombre d'entre eux en avaient d'abord exprimé l'intention.
« Bruxelles, le 15 septembre 1830.
N° 12. Le baron de Stassart, député de Namur, à ses concitoyens
Chers concitoyens, les députés réunis à Bruxelles ayant fini par prendre la résolution d'aller à La Haye, je n'ai pas hésité le moins du monde à m'y rendre, quelle que fût d'ailleurs mon opinion personnelle. Je me flattais ou plutôt je cherchais à me flatter que le gouvernement, éclairé sur la véritable situation de nos affaires, adopterait la seule mesure convenable, et qu'il nous présenterait un projet de loi que les Belges appelaient de leurs vœux, un projet de loi que commandait impérieusement une politique prévoyante ; mais vain espoir ! l'on se borne à des questions vagues, compliquées, et dont il est impossible de se promettre un résultat satisfaisant. Dans cet état de choses, ne pouvant espérer aucune utilité de ma présence aux Etats-Généraux, j'ai cru devoir revenir à Bruxelles pour y donner des soins à la santé de ma femme que j'avais laissée très souffrante... Je m'empresserai de retourner au poste lorsqu'un projet de loi clair, précis et positif pour provoquer la séparation des deux parties du royaume sera mis en discussion. Jusques-là je ne vois pas ce que peuvent faire des députés vraiment Belges.
Je regarde comme un devoir, chers concitoyens, de vous communiquer les motifs qui m'ont fait quitter La Haye, le 15 de ce mois, après avoir assisté à la séance royale et aux deux séances qui l'ont suivie.
Je saisis cette occasion pour vous renouveler l'assurance de mon entier dévouement.
Bruxelles, le 17 septembre 1830.
Le baron DE STASSART.
No 13.
La Commission de sûreté chargée, aux termes de son mandat, de maintenir le principe de la séparation du Nord et du Midi, (page 193) invite tous les citoyens qui ont, sur cette question nationale, des vues utiles et patriotiques, à lui communiquer leurs mémoires où nos intérêts politiques, commerciaux et industriels seraient examinés avec impartialité.
Bruxelles, 16 septembre 1830.
S. Van de Weyer, A. Gendebien, Rouppe, Félix de Mérode, Ferd. Meeus.