(Paru à Bruxelles, en 1905, chez Dewit)
(page 418) Après son échec aux élections de juin 1859, Malou cessa durant quelques années d’occuper une place prépondérante dans la direction du parti conservateur.
Etait-ce découragement ? Non, quelque profonde et quelque durable qu’eut été l’impression produite sur lui par les événements de 1857, par ce triomphe de la minorité factieuse sur la majorité légale, il ne se laissa pas vaincre par la tentation de l’abattement ; il la combattit chez ses amis, et courageusement, il s’attela à l’œuvre ardue de la réorganisation des conservateurs. Lorsqu’il échoua à son tour, il put, en toute vérité, se rendre ce témoignage : « Je ne puis être porté ni déserteur, ni suicidé. »
Momentanément écarté de la politique, Malou ne chercha pas le repos. Il consacra sur un autre terrain, au service de son pays, les remarquables facultés administratives, les aptitudes financières dont il était (page 419) doué. Négliger de signaler la part qu’il eut dans le relèvement et le développement du grand établissement national de commandite industrielle qu’est la Société Générale serait laisser dans l’ombre l’une des phases les plus laborieuses de sa carrière.
Pendant vingt-trois ans, de 1848 à 1871, il siégea journellement, plusieurs heures durant, dans son cabinet de la Montagne du Parc. Journalistes, amis politiques, quémandeurs de tout ordre en connaissaient le chemin.
Retracer dans quelle mesure, en sa qualité de directeur, il prit part à l’œuvre commune ; rechercher les fruits de son initiative et de ses travaux particuliers, entraînerait à refaire l’histoire de cet important organisme, après Malou lui-même.
La Notice historique sur la Société Générale (Notice historique sur la Société Générale pour favoriser l’industrie nationale, établie à Bruxelles (1823-1862), par Jules Malou. Bruxelles, Decq, 1863), qu’il publia en 1863, est le fruit de patientes et consciencieuses recherches ; c’est une contribution importante à l’histoire financière et industrielle de la Belgique contemporaine. Des tableaux graphiques, annexés en grand nombre, font, de cette étude, un document de valeur. Malou en a puisé les éléments à des sources dont l’accès ne fut pas toujours facile.
« Longtemps, écrit-il dans l’introduction de la Notice historique, trop longtemps peut-être, l’existence de la Société Générale a été renfermée dans le secret d’un intérieur muré. Depuis la révolution accomplie chez elle en 1848, elle vit au grand jour de la publicité.
« Pour cette dernière période, les matériaux historiques abondent. La direction publie chaque année un exposé qui fait connaître à tous les opérations accomplies et la situation (page 420) vraie. La tâche de l’historien se borne nécessairement à classer par l’analyse ces données successives, de manière que l’ensemble des faits puisse être saisi et apprécié.
« Il n’en est pas de même pour les années antérieures à 1848. Sauf une seule exception faite en 1833, rien n’a été publié. Les documents existent soit dans les archives de la société, soit entre les mains de ceux qui ont participé à l’administration de ses affaires ou entre les mains de leurs familles ; mais, quel que soit le lieu du dépôt ou l’origine de la possession, il ne me paraît pas que ce dépôt confère le droit d’user et même d’abuser, droit inhérent seulement à la propriété privée, aux termes des Institutes de Justinien.
« Aussi ai-je cru devoir demander et obtenir l’assentiment de la direction avant de faire usage, pour la présente notice, de pièces qui sont à ma disposition à titre de mes fonctions de directeur, mais qui, en réalité, appartiennent à la Société Générale elle-même.
« Cet assentiment, je l’ai obtenu sans que la direction s’associe à ma responsabilité soit quant à l’exactitude des faits, soit quant à la justesse des appréciations. Les comptes rendus annuels, préparés par un membre (et je n’hésite pas à accepter la paternité de ceux qui concernent les exercices 1848 à 1860 inclusivement), deviennent l’œuvre de la direction ; elle les arrête après examen et discussion. Il n’en est pas ainsi du résumé historique relatif à l’ensemble des opérations de la Société Générale depuis 1823. La direction ne l’a ni discuté, ni approuvé ; elle m’a permis de puiser des documents aux sources dont elle a les clefs, rien de plus. »
La Notice est donc une œuvre originale ; elle mérite l’attention.
La fondation de la Société Générale pour favoriser l’industrie nationale remonte à 1822. Sa création honore la mémoire du roi Guillaume. Le Roi fondateur voulait donner à la société tous les caractères d’une banque d’émission, d’escompte et de dépôt, sans lui en donner (page 421) le nom, et y ajouter des attributions industrielles que généralement ces banques n’ont point.
L’usage, à cette époque, requérait presque comme une nécessité, pour un établissement de cette nature, une dotation immobilière, source de crédit et élément de succès. Des domaines de l’Etat. attribués en pleine propriété. par une loi du 20 août 1822, au roi Guillaume, qui en fit cession à la Société Générale, constituèrent ce fonds. Indépendamment des propriétés foncières, le capital de la société se composait de 60,000 actions de 500 florins.
Liée d’affaires avec les ministres des finances et des travaux publics, la société semble être d’abord un rouage de la machine gouvernementale. Oublieuse de son titre industriel, soit à cause des circonstances, soit par un libre choix, elle se consacre presque exclusivement aux opérations en fonds publics. C’est la source principale de ses bénéfices pendant les premières années.
En 1830, la Société Générale, comme la Belgique, se déclare indépendante ; M. de Meeus est nommé gouverneur au moment où la société se trouve aux prises avec de graves difficultés. (Note de bas de page : Le comte Ferdinand de Meeus fut, pendant plus de trente ans, gouverneur de la Société Générale. Voir THONISSEN, « Vie du comte Ferdinand de Meeus » ; Louvain, Peeters, 1863). La plus grande partie de la dotation immobilière disponible en Belgique est rapidement mobilisée. Puis des jours de prospérité suivent les heures de lutte. Des créations industrielles de 1835 à 1837, l’émission du complément du capital, le développement peut-être exagéré du capital d’emprunt semblent donner à l’entreprise une grandeur puissante.
Ce prestige s’évanouit et fait place à de moins brillantes réalités en 1848 ; la Société Générale voit sa prospérité compromise et son crédit menacé ; nous avons (page 422) exposé plus haut (chapitre VII, pp. 180 et suiv.) la crise qu’elle traversa alors et dont elle ne sortit qu’avec l’aide de l’Etat ; nous n’avons plus à y revenir, ni à établir les responsabilités.
Malou rendit, pendant cette période, à la Société Générale, dont il se fit le défenseur éloquent, des services qui furent justement reconnus par sa nomination dans la direction nouvelle.
Nous ne ferons qu’imiter Malou lui-même en confondant sa carrière de directeur avec l’histoire de la Société Générale à partir de 1848 :
« J’écarte de ce récit toute idée, toute préoccupation personnelle, écrit-il en tête de sa notice.
« Les membres passés et présents de ce corps collectif, qui gouverne depuis quarante ans, qu’ils tinssent leur mandat du Roi ou des actionnaires, ont concouru tous à l’œuvre commune. Je ne me propose ni de rechercher quelle part revient légitimement â chacun, ni de décerner les honneurs d’une apothéose, ni de tenter une apologie, si quelqu’un croit en avoir besoin.
« J’essaie, purement et simplement, de réunir quelques éléments de l’histoire de la Société Générale. »
Qu’il nous suffise (d’établir un contraste entre l’état de la Société Générale en 1848, au moment où elle passa aux mains de la direction nouvelle, et sa situation en 1863, l’époque où Malou publia sa notice.
La cote des actions était tombée, en mai 1848, à 550 francs ; elle était déjà remontée à 840 francs à la fin de décembre de la même année. La direction nouvelle introduisit de nombreuses réformes, entre autres la complète publicité des opérations, substituée au secret dont les résultats avaient été si funestes.
(page 423) Banque d’escompte commercial, de prêts, caisse d’épargne, la Société Générale, avait paru oublier, jusqu’ en 1835, que le but principal de sa création était de susciter et de soutenir des entreprises industrielles. Son orientation en ce sens date surtout de l’arrivée de la direction nouvelle.
Deux systèmes se trouvèrent alors en présence. On pouvait se tenir aux affaires anciennes, les améliorer, les développer, on pouvait, sans négliger celles-ci, créer des entreprises nouvelles ou du moins y prendre une large part. Ce dernier parti fut adopté ; il entraîna quelques revers, compensés largement par des succès qui portèrent les actions de la Société Générale à une moyenne de 2,500 francs, à partir de l’année 1856.
Malou expose et critique le mode d’intervention de la Société Générale, avant 1848.
« Par des motifs qu’il est impossible de pénétrer, si tant est qu’il en ait jamais existé qui fussent valables, la Société Générale n’agit guère que par personnes interposées... La société s’intéressait comme actionnaire, le plus souvent dans des proportions modestes ; mais ses fonctions les plus importantes paraissent devoir consister à fournir les millions nécessaires, sans diriger elle-même les intérêts qui, au fond, étaient les siens. Elle avait ainsi les charges d’un patronage qu’elle n’exerçait, ni seule, ni directement. Ces charges se révèlent surtout en temps de crise, lorsqu’il faut, dans l’intérêt de l’ordre public, faire des sacrifices pour maintenir en activité des usines dont les produits ne trouvent point d’acheteurs. Sans nul doute, en examinant les faits, on rendra à la Société Générale la justice de reconnaître qu’en 1848, malgré ses embarras, elle n’a pas failli à ce devoir. »
Ce procédé étrange avait amené des conflits d’intérêts aussi anormaux que ceux qui causèrent la dissolution de (page 424) la Société Nationale et de la Société de commerce de Bruxelles, réciproquement créancières et débitrices de la Société Générale. La dissolution de ces deux sociétés fut l’un des actes importants posés par la direction nouvelle.
Malou a défini, en termes larges, la mission, telle qu’il la comprenait, d’un grand établissement de crédit industriel.
« La mission vraie et vraiment utile des sociétés de crédit mobilier ou autres grandes associations de capitaux est de prendre une initiative hardie, sans être aventureuse, pour fonder des entreprises dont elles calculent les éléments de prospérité ; leur mission est de les soutenir, de les améliorer et de surmonter les difficultés souvent imprévues qui empêchent ou retardent le succès ; mais aucune de ces compagnies ne peut avoir la prétention, parce qu’aucune n’a la force, de conserver elle seule tout ce qui est bon ; il ne faut pas non plus que, se contentant d’avoir créé, elles abandonnent les affaires à leur sort et, pour ainsi dire, aux hasards de la vie industrielle. La participation du public est une condition nécessaire : plus sont considérables les bénéfices que le public recueille de cette participation, plus aussi est réelle et durable la force des établissements fondateurs. Il est encore, sans doute, des esprits superficiels ou attardés pour lesquels le génie des affaires semble être je ne sais quelle habileté de mauvais aloi qui consisterait à patronner et à vendre le mieux possible des valeurs médiocres ou périclitantes, profonde erreur dont l’expérience a depuis longtemps fait justice. Ce jeu d’habileté, s’il pouvait faire invasion dans notre pays moral et éclairé, rencontrerait immédiatement le discrédit et l’impuissance.
« L’intérêt et le devoir des sociétés fondatrices leur prescrit, au contraire, tout en faisant des opérations fructueuses pour elles-mêmes, de procurer au public, leur auxiliaire indispensable, (page 425) une très large part de bénéfice la plus heureuse serait celle qui n’aurait échoué en rien. » (Notice historique, p. 59).
Ces principes, à la lueur desquels Malou jugeait le passé de la Société Générale, il cherchait à les faire prévaloir dans l’application quotidienne, associant toujours l’intérêt public à celui de l’établissement fondateur, poussant à l’extrême le soin de l’étude des affaires commanditées, ménageant avec une scrupuleuse discrétion le patronage d’une institution qui se devait à elle-même d’agir avec une prudence d’autant plus grande que s’affirmait en elle la confiance du pays.
Malou ne quittera la Société Générale qu’en 1871 ; il fera alors généreusement le sacrifice des avantages de sa haute situation financière, pour assumer la charge du pouvoir en des circonstances particulièrement pénibles et délicates.
(page 425) L’année 1860 ouvre pour Jules Malou une période de fréquentes publications d’intérêt à la fois industriel et financier, politique et économique.
Plusieurs de ces travaux ont pour objet la question monétaire : celle-ci eut en Belgique, vers 1860, un regain d’inquiétante actualité. (Note de bas de page : Malou, on s’en souvient, pendant qu’il faisait partie du Cabinet de Theux, en 1847, avait fait passer une loi relative à la création de pièces d’or belges de 10 et de 25 francs ; l’argent restait l’étalon monétaire ; la fabrication de l’or fut limitée à 20 millions. Celle loi, écrivait Malou en 1859, « je ne l’aurais certes ni proposée, ni soutenue si quelque opposant, au lieu d’objections contestables en théorie, faibles en réalité, d’après la situation des choses à cette époque, comme d’après les plus hautes probabilités avait annoncé, de science certaine, que la prime sur l’or, établie depuis plus de quarante ans, disparaîtrait que l’argent, à son tour, jouirait d’une prime qui s’élève parfois jusqu’à 28 par mille, qu’en moins de quinze années, l’immense réservoir d’argent existant en France se trouverait épuisé. » Dès 1850, M. Frêre-Orban avait déposé et fait voter un projet de loi ayant pour objet d’autoriser le gouvernement à opérer le retrait des pièces d’or de 10 et de 25 francs et de faire cesser le cours légal des monnaies d’or étrangères en Belgique. Malou avait combattu ce projet et défendu la loi de 1847, dont il était l’auteur. « Depuis longtemps, j’ai cessé d’en porter le deuil, » écrivait-il en 1860.)
(page 426) La circulation souffrait d’un malaise dont la nature était complexe. La pièce de 5 francs était la seule dont l’acceptation fût obligatoire dans les payements.
En fait, ce qui circulait de cette monnaie était composé, en moyenne, de 87 centièmes de pièces françaises rebutées par les trieurs, plus ou moins usées, et de 23 centièmes de pièces frappées en Belgique.
La circulation réelle était presque partout d’or et de papier. L’argent faisait prime.
Le marché monétaire belge subissait le contrecoup de la crise traversée par le marché français, dont il dépendait étroitement. En France, la législation admettait la coexistence de l’or et de l’argent comme monnaie légale. Le rapport établi entre l’argent et l’or était, en droit, d’un à quinze et demi. Mais, en fait, le marché des métaux avait modifié ce rapport. L’or, devenu abondant, s’était substitué à l’argent ; celui-ci était exporté vers les pays où il faisait prime aux taux les plus élevés : les Indes et la Chine.
Les pièces de 5 francs, belges comme françaises, s’en étaient allées, les meilleures en premier lieu, cédant à l’attraction. Or, la législation belge n’admettait que l’argent comme monnaie légale. L’or était proscrit. (page 427) N’ayant que de l’argent français et un peu d’argent belge, la Belgique s’était trouvée dans le tourbillon qui entraînait l’argent français ; il ne restait plus, aux mains des Belges, comme instrument d’échange, que l’or, légalement inconnu, et le papier. L’argent était introuvable : il fallait l’acheter.
C’ était la crise en plein, crise dont souffrait durement la masse des débiteurs et des contribuables.
En effet, nul n’était tenu de recevoir en payement ce qui n’était pas monnaie légale ; nul n’était tenu de recevoir autre chose que de l’argent ; l’Etat, le premier, s’y refusait.
« Il est un fait certain, écrivait Malou : les populations qui n ‘ont, pour leurs transactions journalières, qu’une monnaie dépourvue de cours légal, une monnaie repoussée par l’Etat, quand elles veulent s’acquitter envers lui, doivent souffrir et éprouver chaque jour des pertes. Elles sont encore gênées et elles perdent, si la monnaie dont l’acceptation est seule obligatoire n’existe qu’en trop faible quantité. Le créancier, lorsqu’il veut bien accepter l’or, fixe à son gré la perte que le débiteur, n’ayant d’autre moyen de libération, est forcé de subir il la fixe peut-être trop souvent de manière à être lui-même indemne ou à gagner. Dans ces luttes incessantes, tous souffrent ; c’est surtout le faible qui pâtit. »
Les créanciers, les commerçants aussi, subissaient le contrecoup funeste du mauvais régime monétaire. Nul ne contrevenant à la loi en acceptant de l’or, l’alternative pour eux était, le plus souvent, d’être payés en or ou de n’être pas payés.
La question de l’adoption légale de l’or français se posa au Parlement. La Belgique cesserait-elle d’être monométalliste-argent pour devenir bimétalliste ? Grave (page 428) problème qui justifiait la création d’une commission monétaire. (Note de bas de page : Instituée par M. Frère-Orban, ministre des finances, MM. Henri de Brouckere, Orts, Eudore Pirrnez, Cogels, Malou en faisaient partie, ainsi que MM. Bischoffsheim, Matthieu, Lejeune, Pirson, Kreglinger et Stas).
La majorité de celle-ci se prononça en faveur du statu quo. La pièce de 5 francs demeurait, dans les conclusions de l’éminent rapporteur de la commission, M. Pirmez, la seule monnaie dont l’acceptation serait indéfiniment obligatoire dans les payements. La majorité de la Commission se bornait à réclamer des mesures énergiques d’épuration dans le but d’arrêter l’importation de pièces usées ; le propriétaire d’une pièce trop légère offerte à la Banque Nationale ne pourrait la reprendre ; la pièce serait coupée ; le propriétaire aurait l’option de retirer les morceaux ou de les laisser à la Banque en supportant, en ce dernier cas, une perte proportionnée à la différence de poids.
Sans faire ni l’étude ni le procès du projet de la commission, il convient de rechercher les motifs qui déterminèrent Malou à en combattre les conclusions, à réclamer l’admission de l’or français et le cours légal de la monnaie d’or en Belgique. Ses idées sont exposées dans trois brochures qui parurent à quelques mois d’intervalle : La Question monétaire (octobre 1859) ; De l’adoption légale de l’or français (décembre 1860) ; Extrait des Mémoires inédits d’une vieille pièce de vingt francs, par Philidor Goudvriendt (1860) (Note de bas de page : Signalons, en outre, une brochure sur « La situation monétaire de la Suisse en septembre 1859 », par M. O. T. (Ott. Trumpler), traduite de l’allemand par Jules Malou (novembre 1859)).
Ces diverses publications sont dirigées contre les propositions de la commission monétaire, que Malou (page 429) déclarait nettement inéquitables. « Fussent-elles justes, disait-il, elles n’en seraient pas moins impolitiques, inopportunes, à peu près inexécutables. Fussent-elles exécutées, elles seraient inefficaces. Le lendemain, la question monétaire serait posée dans les mêmes termes qu’aujourd’hui. » (La question monétaire, 10 octobre 1859, Bruxelles, Decq, p. 20).
Le gouvernement n’avait pas fait connaître son opinion au moment où parut La question monétaire. Malou avait rédigé, à son adresse, une note sommaire, qu’il reproduisit en manière de conclusion de sa première brochure. Cette note résume, en ses passages marquants, les principales considérations que Malou fit valoir à l’appui de son opinion :
« Je déclare ne pouvoir me rallier aux propositions faites par la majorité de la commission, en ce qui concerne les pièces de 5 francs.
« En supposant, gratuitement peut-être, que ces mesures puissent recevoir une complète exécution et que l’on ne doive pas reculer devant les plaintes du public vexé et lésé, l’effet en sera d’enlever à notre seul agent légal de circulation le principal caractère et l’utilité la plus certaine de la monnaie. Il y aura défiance, sinon discrédit. Les petites et moyennes transactions, les plus nombreuses et qui se soldent en argent, ne pourront se régler avec sécurité, à moins que chaque Belge ne soit muni d’une balance de précision. La monnaie qui doit être pesée n’est plus de la monnaie d’après les habitudes de la Belgique. Les Chinois seuls paraissent en avoir d’autres.
« Au lieu de remédier aux difficultés actuelles, on en fera naître de nouvelles.
« On n’empêchera pas l’importation des pièces frustes et usées : elles continueront à se glisser parmi les bonnes, parce (page 430) que les causes de l’importation subsisteront et vu l’impossibilité du pesage de chaque pièce à chaque payement.
S’il en est ainsi, la lésion pour les particuliers ne se produira, il est vrai, que dans les rapports avec l’Etat. Les receveurs devront, non point refuser les pièces trop légères, mais les saisir et les couper ; le payement des contributions deviendra ainsi un peu moins agréable qu’il ne l’est aujourd’hui ; mais le droit de couper les monnaies offertes en payement d’une dette ne peut assurément être conféré qu’à des fonctionnaires publics incapables d’en abuser. Il ne suffira pas de faire cette opération une fois ou pendant quelque temps ; il faudra couper sans cesse, sous peine de n’avoir obtenu aucun résultat. »
Malou ne se contentait jamais d’une critique. L’épuration lui paraissait-elle un expédient inefficace et nuisible, c’était d’un autre côté qu’il cherchait une solution :
« Ou bien, il faut rester en communauté de système monétaire avec la France, en acceptant le système de ce pays tel qu’il est en fait, c’est-à-dire pour l’or, devenu agent principal, comme pour l’argent ;
« Ou bien, il faut rompre cette communauté et adopter soit le système-argent d’une autre nation voisine, soit un système- argent particulier à la Belgique et qui mette sa monnaie en rapport avec la valeur vraie du métal…
« Un instant, écrit-il encore d’autre part, j’avais incliné vers l’adoption du système monétaire à étalon d’argent, soit des Pays-Bas, soit de l’Allemagne. Un instant aussi, la majorité de la commission avait incliné dans ce sens. »
Mais la réflexion et de graves objections avaient modifié ses vues. La Belgique s’était accoutumée à compter en francs et centimes. « L’habitude des populations, en fait de monnaies, disait Malou, est la puissance la plus respectable. »
Décréter le libre cours de l’or paraissait être l’ultima ratio (page 431) des adversaires nombreux de MM. Frère-Orban et Pirmez.
Malou se prononça pour un moyen terme : au sein de la commission, il ne proposa point l’acceptation immédiate de l’or français comme monnaie légale ; il proposa l’acceptation de cet or en payement des contributions et au cours du jour.
En réalité, Malou était acquis au bimétallisme et allait s’efforcer d’en étendre l’établissement pratique.
« J’ai passé le Rubicon, écrivait-il au baron Cogels, son collègue (le 16 décembre 1860) je conclus carrément à l’adoption légale de l’or français. »
An sein de la commission des monnaies, sa critique du système de l’épurage fut admise, même par des partisans de l’argent ; au contraire, la demi-mesure qu’il proposait d’introduire fut vivement combattue, voire par les champions de l’or. Il obtint cependant un succès : les propositions radicales de la commission ne furent jamais soumises à la législature.
La question monétaire restait ouverte. Elle occupa l’opinion pendant longtemps encore. Alimentée par des publications signées des noms de Frère, de Laveleye (Note de bas de page : E. DE LAVELEYE publia « La question de l’or » (1860). En 1891, fidèle à ses idées bimétallistes, il a fait le récit des incidents de 1860-1861, dans l’introduction à son livre : « La monnaie et le bimétallisme international »), Allard, Barthélemy Dumortier, la polémique s’exacerba à tel point qu’elle faillit brouiller deux amis : Malou et le baron Cogels.
Ce dernier, aurophobe impénitent avait lancé une brochure à laquelle Malou répondit par une plaidoyer en faveur De l’adoption légale de l’or français.
(page 432) « Nous ne serons pas d’accord, je le sais et je le regrette, écrivait Malou (le 16 décembre 1860) en annonçant la publication de son nouveau travail à son collègue de la commission des monnaies, mais je suis bien convaincu qu’il est plus que temps d’en finir. Une grande partie de nos populations est vexée, elle s’en prend à la Banque Nationale, très injustement selon moi et j’ai tenté de le prouver. Pour la forme, je me suis attaché à suivre de mon mieux votre exemple, ambitionnant, s’il se peut, une petite part de votre légitime succès.
« Ces questions par elles-mêmes sont abstraites, arides, pour ne pas dire ennuyeuses. Vous aviez, passez-moi l’expression, argenté la pilule, j’ai essayé de la dorer. La brochure, de nos jours, telle que je la conçois, surtout en termes de réplique, doit être aux in-folios de nos pères ce que sont nos locomotives d’express-train à leurs pataches, nos revolvers tirant douze coups par minute à leurs mousquetons à mèche, la fine lame de Tolède à la massue des temps primitifs. Vous avez donc grand tort de vous accuser, dans votre dernière et bonne lettre, d’avoir trop manié la pointe. C’est par la pointe que la vérité pénètre, c’est le droit de la polémique, le respect dû aux caractères, aux intentions et surtout l’amitié demeurant saufs. »
Si la polémique en était restée là, aucun conflit n’eût surgi. Mais trois articles parurent, successivement, dans l’Emancipation (les 25, 27 et 28 janvier 1861), sous la signature de Malou et rouvrirent les hostilités. Le baron Cogels se plaignit vivement d’avoir été « traité par-dessous la jambe » plus qu’il ne le méritait et il signifia son mécontentement à l’auteur des articles. L’esprit sauva heureusement l’amitié compromise
Pour conserver notre vieille et précieuse amitié (Lettre au baron Cogels, 3 février 1861), sans alliage, pure et brillante comme l’or ou l’argent, et non terne (page 433) comme l’affreux nickel, je fais volontiers tout sacrifice d’amour-propre, répondit Malou, je ferais de grand cœur, au besoin, tout autre sacrifice, fût-il cent fois plus difficile à accomplir... Aucune intention blessante n’avait dicté des appréciations faites de bonne foi, erronées peut-être à vos avis, mais que plusieurs amis communs considèrent, m’ont-ils dit spontanément, comme ne dépassant pas les limites d’une polémique. Quoi qu’il en soit, puisque nous nous sommes trompés, attribuez, je vous prie, cette involontaire erreur non à mes sentiments, mais attribuez-la, comme elle doit l’être, à ma mauvaise tête et à ma mauvaise plume. Désirant que le solde créditeur de notre vieux compte d’amitié demeure intact, je n’ai pas non plus porté au passif de ce compte les accusations imméritées de malveillance et de déloyauté. »
M. Cogels ne garda pas rancune ; l’amitié fut sauve.
Malou continua de manier « la pointe par où la vérité pénètre », et livra, bientôt après, à ses contemporains l’Extrait des mémoires inédits d’une vieille pièce de vingt francs.
Les Mémoires inédits parurent d’abord dans l’Emancipation, sous la signature de Philidor Goudvriendt ; celui- ci n’avait négligé qu’une chose : ménager l’esprit, qui fit, aussitôt que l’œuvre fut connue, nommer partout l’auteur. Quel autre que Malou eût trouvé moyen de parler bimétallisme sur le ton plaisant d’un conte, de citer, à propos d’une vieille pièce de 20 francs, pêle-mêle, Tacite, La Fontaine et Manzoni, Frère, Pirmez et Michel Chevalier ? Ouvrons les Mémoires inédits :
« Je naquis â Paris le 3 avril 1810, le lendemain du mariage de Napoléon avec Marie-Louise. La capitale était en fête... Jusqu’en 1850 (j’atteignais alors mes 40 ans), j’étais recherchée, choyée, honorée je faisais prime, j’obtenais agio. Aucun des propriétaires aux mains desquels je passais (page 434) ne m’eût échangée contre quatre de ces pièces de 5 francs qui depuis.. mais alors elles étaient communes et menacées de dépréciation par M. Michel Chevalier lui-même... Tout allait donc fort bien, jusqu’à l’époque où je fus introduite en Belgique, malgré la loi qui m’y refuse cours légal. De cette époque néfaste datent les tribulations dont je suis chaque jour l’innocente victime et l’occasion non moins innocente.
« … L’or arrivant à eux, les hommes d’Etat belges le maudissent sans réussir à le repousser, et depuis que leurs pièces de 5 francs s’en vont, ils les aiment d’autant plus qu’ils en ont moins. L’an passé, dans leur désespoir, ils avaient même eu l’idée de déclarer coupables leurs pièces de 5 francs afin de les empêcher de partir ; mais s’apercevant un peu tard que ces menaces de poursuites les détermineraient à émigrer au plus vite, ils renoncèrent à cette magnifique idée, et c’est dommage, en vérité...
« Il y a dix ans qu’ils ne fabriquent plus de monnaies d’argent. Ils considèrent comme un préjugé suranné l’opinion de tous les autres peuples de l’univers qui, nonobstant le progrès des lumières, s’obstinent à vouloir frapper de la monnaie légale. A leur avis, pour avoir un étalon pur, correct, irréprochable, il suffit que le garde des sceaux conserve avec soin, à l’abri de l’incendie et des rats, la minute de la loi qui décrète cet étalon. II se trouvera au ministère de la justice après que leur dernière pièce de francs aura disparu. Leur système monétaire, pour le moment, consiste donc à n’en point avoir.
« Ce peuple belge jouit en Europe d’un réputation de bon sens justement acquise. Le bon sens règne, en effet, dans ce pays ; mais il n’y gouverne pas toujours ; aussi l’opinion générale se prononce-t-elle avec beaucoup d’énergie. A la liberté de se plaindre, qui appartient à tous les Belges et dont la plupart usent, quelques-uns opposent la liberté de ne pas les écouter et plaisantent même assez gentiment sur les innombrables pétitions enterrées au cimetière du bureau des renseignements.
(page 435) « Les Belges ont le caractère endurant, la moitié à peu près de la patience proverbiale des Allemands mais quand la mesure est comble..., ils savent se faire obéir.
« Après effusion de flots d’encre et de paroles, sans effusion d’une goutte de sang, ce combat entre les préjugés de quelques-uns et les intérêts de tous finira au moyen de suffrages électoraux
« Hi motus animorum, atque hac certamina tanta
« Pulveris exigu jactu compressa quiescent. »
Il faut des bornes, même à une citation de Philidor Goudvriendt.
De ces écrits, comme des discours de Malou, se dégage son grand principe en matière monétaire, qui fut de n’avoir point de système. Cela n’équivaut pas à dire qu’il n’eût pas, à cet égard, d’opinion raisonnée ; mais il ne fut pas, en l’espèce, doctrinaire comme Frère-Orban ou Eudore Pirmez.
« Les problèmes monétaires, écrivait-il, contiennent plusieurs inconnues. J’admire, sans pouvoir les imiter, ceux qui, grâce à des systèmes construits tout d’une pièce, n’éprouvent jamais ni doute ni hésitation... Le chapitre de l’imprévu, en matière de monnaies, est le plus long de tous. Se roidir contre les faits, en méconnaître l’irrésistible influence, ne serait ni un acte de patriotisme, ni un acte d’intelligence. Ce serait, à coup sûr, un acte inutile. Aussi les esprits les plus absolus, les plus forts théoriciens subissent-ils, de bonne ou de mauvaise grâce, l’empire des faits. »
Ses principes - car s’il n’eut pas de système, il eut cependant des principes qui se dégagent de ses actes et de ses écrits - se résument en quelques propositions d’où le bon sens jaillit : Il faut, dans les questions monétaires, tenir compte, avant tout, des faits, éviter (page 436) les perturbations qui amènent les mesures radicales heurtant les habitudes respectables et jetant le désarroi dans les transactions. Il ne faut point isoler la Belgique des pays auxquels les circonstances ont uni ses destinées monétaires.
Opportuniste en ces matières, comme en certaines autres que nous avons signalées déjà, Malou écrivait allègrement, en 1873, le prologue suivant en tête de la seconde édition de ses brochures de 1860 :
« Si j’exhume aujourd’hui ces brochures, depuis longtemps oubliées, c’est par deux raisons également valables : La polémique de 1873 est, au fond, la même que celle de 1859-1861. Je n’ai pas le temps, distrait que je suis par d’autres devoirs, de refaire mes brochures en substituant partout le mot or au mot argent, et vice versa. Le lecteur intelligent et bénévole fera aisément cette interversion...
« Je ne désespère pas de vivre assez longtemps pour assister, sinon pour prendre part, à une troisième polémique au sujet de l’or menacé d’être avili et même d’être expulsé dans l’intérêt des créanciers et de la moralité publique. En ce cas, je ferai, avec un plein succès, une troisième édition de mes brochures de 1859-1860 ».
Les idées que défendait Malou firent rapidement leur chemin ; en mars 1961, une proposition due à l’initiative parlementaire de M. Barthélemy Dumortier fut votée malgré les efforts du ministre des finances. La loi du 4 juin 1861 réintroduisait en Belgique le bimétallisme et ouvrait le pays aux monnaies françaises. M. Frère préféra quitter le ministère plutôt que de contresigner la loi sur le cours légal de l’or ; il se retira le 3 juin 1861, pour rentrer le 26 octobre suivant. Peu d’années après, on le sait, la Belgique entrait dans l’Union latine (1865).
(page 437) La crise ministérielle de 1861 fut causée à la fois par l’obstination de M. Frère et par le refus du ministre des affaires étrangères, le baron de Vrière, de reconnaître le royaume d’Italie.
On sait quelles graves préoccupations pesaient sur les catholiques de l’univers entier. Victorieux de l’Autriche en 1859, grâce au concours de Napoléon III, Victor-Emmanuel avait attendu que l’armée française eût repassé les Alpes pour annexer au Piémont les légations de Bologne, de Ferrare, de Ravenne, insurgées contre Pie IX. Les Romagnes étaient perdues ; l’Ombrie et les Marches étaient menacées. Rome se disposait à la défense. Mgr de Merode, ministre des armes, prenait la place du cardinal Antonelli, et allait chercher, au château de Prouzel, Lamoricière, le héros de Constantine.
Il fallait à l’armée pontificale des hommes, et aussi de l’argent.
Le 18 avril 1860, Pie IX autorisait l’émission d’un emprunt de 20 millions de francs à 5 p. c. à ouvrir par voie de souscription dans les pays catholiques.
Mgr Gonella, depuis dix ans nonce à Bruxelles, connaissait Malou. Il savait son dévouement à l’Eglise et s’adressa à lui pour assurer en Belgique l’exécution de toutes les mesures relatives à l’emprunt romain.
Un comité de placement fut constitué à Bruxelles ; MM. de Theux, de Merode, de Meeus furent appelés avec Malou à en faire partie. Ce dernier en fut la cheville ouvrière : il assuma toute la besogne matérielle et rechercha en province des agences de placement.
« L’emprunt romain, dont je me suis énormément occupé depuis plus d’un mois, paraît marcher assez bien dans la plupart des provinces, écrivait-il le 11 mai à l’évêque de Bruges.
(page 438) « J’avais espéré qu’il me serait possible de faire un résumé clair et complet de la situation financière du gouvernement pontifical. Malheureusement, les données m’ont manqué jusqu’à présent.
« La plupart de ceux qui disent : Je ne sais si les finances du Pape sont prospères, ajoute-t-il, choisissent ce prétexte à défaut d’autre. C’est exclure l’idée fondamentale, qui consiste à faire une part au dévouement. Cette part n’est pas énorme : les fonds romains, comme je l’ai dit au Journal de Bruxelles, sont cotés au moins aussi haut que les fonds piémontais ; le volé et le voleur ont dans l’opinion que l’idée de dévouement n’influence pas, au moins le même crédit. C’est une chose très remarquable et qui répond aux objections faites de bonne foi. Quant aux autres, il est inutile de répondre. »
Le Pape chargea son représentant à Bruxelles d’exprimer à Malou sa profonde gratitude. « Quand Pie IX élèvera au ciel ses mains pour attirer les faveurs célestes sur tous les enfants de l’Eglise, son cœur généreux en demandera de plus abondantes pour vous et pour votre famille, afin de reconnaître votre dévouement spécial à la cause du Saint-Siège. » (Lettre de Mr Gonella, nonce apostolique, à Malou, 20 octobre 1860.)
Deux ans plus tard, Malou s’associait aux éloquentes protestations formulées au Parlement belge par MM. de Theux, Dechamps, Dumortier et Kervyn de Lettenhove contre la reconnaissance hâtive du royaume d’Italie par le ministère libéral. Il s’exprimait au Sénat en des termes qui, par leur modération, produisirent une impression très vive :
« Le Gouvernement a posé un acte qui a froissé les membres de l’opinion à laquelle je m’honore d’appartenir, dans leurs idées comme Belges, dans leurs sentiments de catholiques.
(page 439) « Pourquoi avons-nous été froissés, comme Belges, dans nos idées politiques ?
« De quoi vivent les petites nations constituées comme la nôtre, et quel est le principe qui doit assurer leur durée ? Il n’y en a qu’un seul : c’est le respect du droit public.
« Si le droit public existait encore en Europe, s’il n’y avait pas été porté de si tristes infractions, la position de la Belgique, comme petite nation neutre, ne serait-elle pas meilleure qu’elle ne l’est aujourd’hui ? Eh bien, quoi que l’on puisse dire, que l’on parle d’intérêts matériels, d’espérances, de traités de commerce à conclure, la signification et le caractère réel de l’acte du Gouvernement sont évidents. C’est la ratification des violences, des infractions au droit public, c’est la négation du principe même de notre existence ; et c’est aussi pour cela que, comme Belges, comme amis de notre pays, nous désapprouvons la politique du Cabinet.
« Un seul mot en ce qui concerne nos sentiments comme catholiques.
« Nous croyons que le pouvoir temporel du Souverain Pontife est nécessaire, essentiel à la liberté, à l’indépendance des consciences catholiques.
« L’honorable M. Van Schoor nous disait hier : J’espère voir disparaître bientôt ces vestiges d’un triste passé.
« Messieurs, quand, après la Révolution française, il s’est agi de la restauration simultanée de la société politique et religieuse, un homme qui a fait quelque bruit dans le monde au début de ce siècle jugeait autrement la question du pouvoir temporel, par ces paroles : « Ce sont les siècles qui ont fait cela, et ils l’ont bien fait. » Je me borne à opposer cette autorité à l’opinion de l’honorable sénateur de Bruxelles. » (Interruption.)
Avant d’exposer davantage quels furent, au Sénat, le rôle et l’influence de Malou, il faut rappeler les circonstances qui le déterminèrent à rentrer dans la politique active.