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Les finances publiques sous le régime hollandais (par Robert
DEMOULIN) (1950)
Les finances publiques de 1830 à 1850 (par Guillaume
JACQUEMYNS) (1950)
(Extrait
de : Histoire des finances publiques en Belgique, t. I, Bruxelles, Bruylant, 1950, pp 25-34)
(page 27) Après
les guerres de la Révolution et de l’Empire, il fallut reconstruire l’Europe.
La tâche des diplomates et des politiques n’était peut-être pas la plus
malaisée. L’économie européenne avait été bouleversée par vingt années de
conflits. Dans les différents pays, les finances publiques étaient en désordre..L’œuvre du baron Louis en France est restée un modèle de
restauration financière. En Angleterre, les controverses doctrinales sur le
retour à l’étalon-or, les discussions sur l’amortissement de l’énorme dette
d’un Etat qui avait dû armer l’Europe pour abattre la France, manifestent bien
l’importance capitale du problème financier dans les années qui suivirent
Waterloo. Le gouvernement tory est aux prises avec de grandes difficultés qu’il
ne peut surmonter qu’en empruntant au fond d’amortissement.
Aux Pays-Bas,
le problème est double.
La
prépondérance que le Nord a exercée pendant les quinze années de la réunion des
dix-sept provinces était écrasante dans les sphères dirigeantes. On ne compte
pas un ministre belge des finances pendant cette période et le haut personnel
administratif de ce département était presque exclusivement (page 28) hollandais. Il est vrai que le
problème crucial était d’essence hollandaise. En 1814, le rétablissement de
Charge
hollandaise très onéreuse pour
Mais
le poids de la dette n’est pas le seul à s’appesantir sur les habitants du
nouveau royaume. L’équilibre budgétaire est difficile à établir : frais de
guerre contre Napoléon revenu de l’île d’Elbe, entretien d’une armée montant la
garde au Sud, face à la France considérée comme la grande perturbatrice, mise
sur pied d’une administration, politique de grands travaux. Aussi les déficits
se succèdent : dix millions de florins en 1816, dix-sept millions en 1817. Pour
combler ce déficit, l’Etat emprunte, mais les députés aux Etats Généraux
s’inquiètent des charges nouvelles qui retombent finalement sur les
contribuables. Une lutte s’engage dont le roi sortira provisoirement vainqueur
en choisissant des voies détournées.
Il
est intéressant de montrer la marche suivie par le souverain. Guillaume Ier ne
se soucie pas seulement d’équilibre budgétaire, mais il cherche le redressement
de toute l’économie de son royaume, il entend poursuivre une politique
d’expansion économique. Il veut trouver de l’argent qui permettrait d’ouvrir de
nombreux chantiers, de l’argent qui financerait l’industrie, de l’argent qui
réduirait les charges fiscales. La gestion des finances publiques n’est qu’une
partie de l’œuvre de rénovation (page 29)
économique de Guillaume Ier et ne prend tout son sens que replacée dans
l’ensemble de cet effort considérable.
« Le
second chapitre comprend les dépenses extraordinaires et imprévues qui,
particulièrement en temps de guerre, doivent être réglées d’après les
circonstances.
« Le
premier chef, une fois approuvé par les Etats Généraux, est destiné à ne plus
subir de changement, que dans le cas où quelque article des dépenses viendrait
à varier ou à cesser entièrement.
« Le
second chef n’est consenti que pour un an ».
Certains
pensaient trouver une sauvegarde dans l’article 70 : « Le budget des
dépenses de l’Etat, soumis par le prince souverain aux Etats Généraux, doit
nécessairement avoir leur assentiment. Ils délibèrent ensuite sur les moyens
proposés pour y faire face. »
Mais
l’entourage royal et certains hommes politiques hollandais considéraient que
« l’intention et le sens de
Le
prince souverain doit faire aux Etats un rapport annuel détaillé de l’usage des
fonds accordés. Mais les délibérations des Etats ne sont pas publiques et il
n’est pas fait mention de la publicité du rapport sur les finances.
Après
la réunion de
En
outre, dans l’établissement du budget, on n’entre pas dans beaucoup de détails.
De plus, dans l’exécution, le pouvoir gouvernemental agit avec assez de
désinvolture bien que l’article (page 31)
127 de
En
1814,
Ainsi
un troisième budget était créé et il échappait au contrôle des Etats Généraux
jusqu’en
Le
Syndicat émit plusieurs emprunts. Certains remportèrent un incontestable
succès, mais d’autres ne rencontrèrent pas la faveur du public, et, en octobre
1830, le Syndicat ne put faire face à ses engagements. Mais à l’actif de ce
Syndicat, il faut compter la réduction de la dette différée pour un montant de
376 millions et l’avance au Trésor de sommes considérables. Grâce à ces
capitaux, Guillaume Ier poursuivit sa politique de grands travaux et finança le
fonds de l’industrie (7 1/2 millions). En 1829, le Syndicat avait émis des
emprunts pour 123 millions, vendu des domaines pour 38 millions, créé de la
dette active pour 13 millions. La charge de l’intérêt annuel était diminuée par
les amortissements de 3.343.050 florins, mais augmentée de 6.459.996 florins
par suite de nouvelles dettes, ce qui laissait 3.116.946 florins
d’accroissement (H. RIEMEN5, op. cit., p. 178).
Cet
organisme est un des piliers de l’imposante construction économique de
Guillaume Ier. Ce souverain a lui-même indiqué avec précision les services
qu’il en attendait : « Le Syndicat d’amortissement a plus de liberté que
le Trésor pour pourvoir (page 33) à
ses besoins ; il doit être considéré comme une institution indépendante avec sa
propre administration, qui a des obligations mais qui est mise en état de les
remplir. Son but est de relever le crédit de l’Etat et d’exécuter les mesures
financières pour la commodité du Trésor, tandis qu’il est indiqué quelles
obligations celui-ci doit remplir à l’égard du Syndicat. Ces obligations sont
sacrées, et cela pourrait avoir de très visibles conséquences pour le crédit
des deux institutions si elles n’étaient pas exécutées cependant le devoir du
Trésor y veillera. Le Trésor ne doit pas s’exposer à des difficultés pour aider
son jeune frère ou partager avec lui les difficultés financières dans
lesquelles il peut tomber. » (Algemeen Rijks Archief, Secrétairerie
d’Etat, 3 avril 1823, X 3, lettre du roi au ministre des finances Elout).
Ainsi
Guillaume Ier, sans se soucier des Etats Généraux, se procure des capitaux
considérables. Lui-même spécule avec les quatre titres dette active, dette
différée, obligations du Syndicat, bons des domaines. C’est lui qui gère seul
les finances du royaume, car lui seul est informé de l’ensemble du problème.
Ministre des finances, vice-président de
Les
chiffres des budgets réguliers ne jettent que des lueurs sur la situation des
finances du royaume. Ils montrent cependant l’amélioration du rendement fiscal
après l’introduction du nouveau régime des impôts en 1823 et l’accroissement du
revenu des postes décèle bien la reprise continue de l’économie (Pour tout ce qui
regarde la fiscalité nous renvoyons à l’étude de M. VAN HOUTTE.) Mais le
déficit reste considérable : 16 millions en 1830 avec un projet de budget
ordinaire de 60.750.000 et un budget extraordinaire de 17.103.200 florins.
(page 34)
Cette
préoccupation essentielle du contrôle des finances par les Chambres trouve une
de ses origines immédiates dans la gestion financière de Guillaume Ier et de
ses ministres, qui n’étaient que ses humbles commis.
Ainsi
l’expérience du régime hollandais a-t-elle eu des conséquences capitales dans
notre histoire financière. L’exemple du mystérieux Syndicat est resté longtemps
vivace dans la mémoire des Belges et les difficultés inextricables rencontrées
après 1830 dans le partage de la dette ont renforcé nos ancêtres dans leur
conviction que la tâche essentielle du Parlement était de contrôler les
finances de l’Etat.
(Extrait
de : Histoire des finances publiques en Belgique, ,
t. I, Bruxelles, Bruylant, 1950, pp. 35-
(page 37) Je me propose d’étudier les
finances publiques de 1830 à 1850 en corrélation étroite avec la situation
politique et économique. J’ai utilisé des documents publiés et de nombreuses
sources d’archives.
Après
les événements de septembre 1830,
En
1839, après des débats et des négociations pénibles, les traités sont ratifiés
par toutes les parties en présence.
Jusqu’en
1840, c’est sous le signe de l’Unionisme que les Belges essaient de sortir de
leurs difficultés. Cet unionisme s’accommode fort bien de discussions parfois
violentes entre libéraux et catholiques au sujet du rôle de la « société civile
».
Tons
les Belges ne sont pas, au lendemain de 1830, unis dans un réel patriotisme.
Ils ne sont pas rares ceux qui boudent ou qui sont hostiles à
A
côté des Orangistes, ouvertement adversaires de la séparation, il y a ceux qui
se taisent, mais qui sont bien décidés à ne rien faire pour raffermir
Le
Gouvernement se rend compte de l’existence de cet état d’esprit quand, pour
sauver
De
1840 à 1846 se succèdent des cabinets à tendances modérées et fidèles à
l’esprit de 1830.
Le 31
mars 1846, est constitué le Ministère catholique homogène de Theux. Le 8 juin
1847, les libéraux remportent une (page
38) éclatante victoire. Le ministère de Theux, désavoué par le corps
censitaire, démissionne. Le Roi, surpris par les résultats des élections, et
redoutant la formation d’un cabinet « de parti », hésite, temporise. Enfin, le
12 août, il autorise Rogier à constituer le ministère qui, s’appuyant sur une
majorité homogène, ouvre le régime parlementaire tel que l’entendent les
Anglais. Hubert Frère-Orban est de l’équipe. Il reçoit le portefeuille des
Travaux publics. Son grand talent, l’ascendant qu’il a sur tous les
doctrinaires, le désignent quelques mois plus tard comme successeur de Veydt
aux Finances.
Comme
beaucoup de ses prédécesseurs à ce Département, il se trouve aux prises avec de
grandes difficultés résultant, d’une part, de l’évolution économique du pays
et, d’autre part, de la situation des finances publiques en général.
Pendant
les vingt premières années d’indépendance, les finances publiques subissent, la
chose est naturelle, le contrecoup de l’état d’esprit, des événements
politiques et de la situation économique.
Les
événements politiques agissent surtout en 1830, 1831, 1839 et 1848. La situation
économique influence les finances publiques d’une façon constante, mais plus
particulièrement en 1839 et 1848, années de crises graves qui ont failli
ébranler tout l’édifice patiemment construit.
Il
est intéressant de voir comment le pays est sorti du marasme économique et
financier. Il y a des leçons à tirer des crises qui, en quelques mois, ont
conduit le pays à deux pas de la banqueroute.
Voyons
en leurs grandes lignes 1° l’évolution économique du pays ; 2° la situation des
finances publiques ; 3° les crises financières de 1839 et 1848.
CHAPITRE
PREMIER. - Evolution économique du pays.
Une
crise économique intense éclata au lendemain de
(page 39)
Les
produits de l’industrie belge ne furent pas seulement exclus des colonies
hollandaises, ils furent encore écartés des marchés européens. Entourée de
voisins puissants, de peuples éminemment industriels et agricoles, de nations «
fermées à double tour »,
L’incertitude
qui régnait sur l’avenir politique du pays contribua à augmenter le malaise.
Les
institutions commerciales et industrielles se plaignaient amèrement de ce que
le Gouvernement semblait se désintéresser complètement de la situation
économique du pays.
Les
industriels alarmés réclamèrent des compensations. Absorbés par des questions
d’organisation politique et administrative, le Gouvernement et le Congrès ne
donnèrent point satisfaction à leurs doléances. Ils se bornèrent à édicter
quelques mesures de circonstance sans caractère économique bien accentué.
Le
Gouvernement devint impopulaire, les hommes d’Etat furent sévèrement jugés par
les industriels, les commerçants, une partie de la population ouvrière et par
un grand nombre d’étrangers.
Si
les premières années de notre indépendance furent marquées par le marasme
économique, il ne serait cependant pas juste de dire que le Gouvernement se
borna à constater ce marasme. Sans doute, il y eut insuffisance de sa part,
mais non carence complète
Pour
mesurer les progrès accomplis pendant les vingt premières (page 40) années de notre indépendance, il faut connaître la
situation au lendemain des journées de 1830. Waxweiler,
dans sa belle étude sur
Ce
qui permit tout d’abord à
L’établissement
des lignes de chemins de fer favorisa la mise en valeur du marché national.
En
même temps, on améliora les routes, on augmenta le nombre de canaux.
L’industrie,
placée dans la nécessité de chercher pour ses produits des voies nouvelles, se
perfectionna en vue de lutter victorieusement à l’étranger. Exclus des colonies
et des ports des provinces septentrionales, nos industriels s’ingénièrent à
trouver d’autres débouchés, d’autres acheteurs, d’autres courtiers.
Après
la stagnation économique de 1830 à 1834, l’industrie capitaliste prit un
développement qui contraste avec la période précédente.
A
partir de 1835, les transformations techniques introduites dans l’industrie à
la suite de l’extension du marché par l’incorporation à la France et à
Après
En la
seule année 1837, 250.000.000 de francs furent souscrits pour la constitution
de sociétés anonymes.
En
1839, à la veille de la catastrophe financière, un capital de 60 millions de
francs était immobilisé dans les charbonnages. Les banques et autres
établissements financiers absorbaient 80 millions.
Dans
l’ensemble, 350 millions furent mis en circulation de 1834 à 1838.
La
plupart de ces créations se firent sous le patronage de
Vers
1835,
Elle
fonda en 1835 deux puissantes sociétés filiales : «
Toute
cette activité fut compromise par la crise de 1839. Mais le pays se ressaisit
assez rapidement.
A
partir de 1840, la grande industrie continua à se développer au point que
De
1840 à 1850, les progrès de l’industrie furent de plus en plus marqués. Le
commerce prit une grande extension.
De
1845 à 1850, les provinces wallonnes, centre de l’industrie métallurgique et
charbonnière, étaient en pleine activité. Anvers et le Brabant, bien que se
trouvant dans de moins bonnes conditions, virent, elles aussi, s’améliorer leur
situation économique. Le Limbourg et surtout les deux Flandres continuèrent à
se débattre dans une stagnation économique pénible. Ces provinces ne se
relevèrent que fort lentement après la crise industrielle et agricole de
1845-1847.
L’Exposé
de la situation administrative du Royaume de 1841 à 1850, résume ainsi le
développement économique : « Le développement rapide de la plupart des grandes
branches de travail exercées en Belgique est un des faits les plus remarquables
qui se soient produits pendant ces dernières années. L’esprit d’entreprise
s’est porté vers les opérations industrielles ; des capitaux puissants sont
venus en aide au travail, et il en est résulté une activité qui a fait de
Ces
renseignements sont incomplets. Ils ne donnent pas une idée adéquate de la
situation industrielle et commerciale de
Les
données qui précèdent pourraient faire illusion. Il pourrait s’en dégager que
la prospérité belge a été continue et complète.
(page 43) Cette conclusion serait fausse. La
ligne ascendante de la prospérité présente des fluctuations. Le développement
de l’industrie recèle parfois de sérieux malaises dans le domaine commercial.
Certaines industries ont souffert. L’industrie linière semblait menacée de
mort.
Les
finances publiques reflètent les fluctuations de la situation politique et
économique de 1830 à 1850.
CHAPITRE
II. - La situation des finances publiques.
Au
lendemain de
La
campagne de 1831 mit les finances publiques à une dure épreuve.
Les
dépenses militaires n’influencèrent pas la dette publique puisqu’elles furent
payées par les impôts ou amorties rapidement.
On
saisit pleinement ce que signifie pour
La
situation était d’autant plus délicate que certaines taxes impopulaires avaient
dû être immédiatement abolies.
Le
système fiscal belge ne fut guère changé après 1830. Des dispositions, datant
de l’époque française, avaient été maintenues sous le régime hollandais.
Le
Congrès national, à son tour, décréta la réduction de la contribution
personnelle et des centimes additionnels, dont cet impôt, ainsi que les accises
et les droits d’enregistrement, étaient frappés ; il abrogea la loi du 3 juin
1830 qui établissait un nouveau droit sur le café et élevait, dans de notables
proportions, les accises sur le sel, les vins étrangers, les eaux-de-vie
indigènes et les autres. C’était pour le Trésor une nouvelle perte de revenus
de plus de 6 millions annuellement.
Le
Gouvernement, continuant à obéir à l’esprit de
Tous
les impôts impopulaires disparurent sans qu’ils fussent remplacés, ni
compensés.
Les
Chambres qui succédèrent au Congrès, poursuivirent l’œuvre des réformes dans le
système d’impôts : le droit de patente fut abaissé de 25 p. c. et un
dégrèvement supplémentaire fut accordé aux bateliers ; le cadastre était en
pleine voie d’exécution ; en attendant qu’il fût achevé, la contribution
foncière dans les deux Flandres et dans la province d’Anvers fut réduite de 5
p. c.
Le
Trésor supporta difficilement ces réductions d’impôts. Après avoir donné
satisfaction à l’opinion publique, les Chambres suivirent le Gouvernement dans
sa révision du régime fiscal : l’accise sur le genièvre fut augmentée ; il fut
établi un droit sur le débit en détail des boissons alcooliques ; les tarifs de
douanes furent modifiés. Les Chambres modifièrent fréquemment les additionnels.
C’est la contribution foncière que ces modifications atteignirent le plus
fréquemment : de 5 qu’ils étaient en 1831 et 1832, les additionnels avaient été
portés à 45 en 1833, réduits à 25 en 1834, puis à 15 de 1835 à 1838, pour être
portés à 26,5 en 1839.
Les
droits de patente, les accises et les droits d’enregistrement furent aussi
légèrement modifiés.
C’était
nécessité pour arriver à l’équilibre des budgets.
(page 45) En 1830, le Gouvernement se trouva
devant une situation monétaire difficile.
Une
loi de 1832 instaura un régime monétaire bimétalliste indépendant. La loi
maintint cependant le cours légal aux pièces françaises et hollandaises et
aussi à celles des Anciens Pays-Bas autrichiens. Ce régime ne prit fin qu’en
1844. Il n’y eut plus alors en Belgique que des pièces belges et françaises.
La
circulation des billets de banque resta très réduite. Encore en 1848,
l’émission totale des billets n’était que de 35 millions, alors qu’il y avait
200 millions de monnaie métallique en circulation. Le public se montrait
réfractaire à l’usage des billets de banque.
La
crise de 1848 montra les dangers de la pluralité des banques d’émission. Depuis
1850,
Par
une loi du 28 décembre 1850,
Revenons-en
à la situation du Trésor et à l’étude de la dette publique.
A la
fin de septembre 1830, les caisses comptables de l’Etat ne renfermaient que
2.218.000 francs, et encore y comprenait-on une partie des revenus provinciaux
et communaux.
Les
caisses étaient vides, les impôts rendaient de moins en moins, le pays devait
défendre son indépendance. Le (page 46)
Gouvernement n’avait qu’un moyen de pourvoir aux besoins pressants de la
trésorerie : l’emprunt.
Dans
la suite, la situation s’améliora. On dut néanmoins continuer à avoir recours à
des emprunts de formes diverses.
Le
pays compléta son armature économique (notamment construction de chemins de
fer) et organisa son administration sur des bases nouvelles.
Dans
la dette publique, il faut distinguer les dettes contractées depuis 1830 et la
dette hollandaise que nous trouvons pour la première fois inscrite au passif en
1842.
Il ne
peut être question d’entrer dans les détails de ces emprunts. Il faut se borner
à dégager les grandes lignes. Quelques emprunts méritent de retenir davantage
l’attention.
Avant
l’inscription de la dette hollandaise, la dette publique était de 281 millions.
Le
passif bondit à 680 millions lorsque pour la première fois la dette hollandaise
fut inscrite à ce passif.
La
dette publique belge était amortissable, à l’exception des rentes 2,50 p. c.
remontant à la période hollandaise.
« Sans
négliger d’affecter les bonis budgétaires à des dépenses extraordinaires,
« Puis
on relâcha. En 1842, ou s’en tint à un amortissement de 0,50 p. c., avec cependant des velléités de revenir à la vieille
formule. Dans la suite, plusieurs changements furent encore apportés. »
(FERNAND BAUDUTJIN, Histoire économique de
Quelques
mots de la dette d’origine hollandaise. Le traité du 15 novembre 1831, conclu
entre
Ce
chiffre exagéré ne fut pas maintenu. Après des négociations adroitement menées
par nos ministres et nos représentants (page
47) à Londres, les traités définitifs conclus à Londres, en avril 1839,
réduisirent la part de
C’était
une charge nouvelle très lourde. Mais du moins nos budgets étaient dégagés des
charges extraordinaires sous le poids desquelles le Trésor avait failli
succomber : celles que nécessitait la défense nationale. En effet, de 1831 à
1839, le budget de la guerre nous a enlevé au delà de 454.000.000 de francs.
Par
un traité complémentaire du 5 novembre 1842 (loi du 3 février 1843), la rente
de 10.582.000 francs fut inscrite au grand-livre de la dette publique.
2,50
p.c. fr. 219.959.631,79 5.498.999,79
4,50
p.c. fr. 67.183.000,00 3.036.735,00
L’étude
de quelques emprunts fait apparaître combien, avec l’affermissement de la
situation politique du pays, les souscriptions rencontrèrent moins de
difficultés.
Le
crédit, nul en 1830, égale après quelques années celui des Etats du continent
les plus favorisés à cet égard.
Suivant
les circonstances et les difficultés du moment, le gouvernement eut
successivement recours à différents modes emprunt : emprunt volontaire et
patriotique, souscriptions publiques, emprunt forcé.
La
première expérience financière du Gouvernement provisoire fut un échec complet.
Un
emprunt de 5 millions de florins à 6 p. c., présenté sous
la forme d’un emprunt patriotique et volontaire, fut émis en vertu d’un décret
du 22 octobre 1830 ; il ne trouva des souscriptions que pour 300.000 florins.
Volontaires et patriotes ne se présentèrent pas. Les bourses restèrent fermées.
La confiance manquait. Le patriotisme n’était guère exalté. Pas un sou ou peu
de sous pour sauver
(page 48) Puisque le volontariat ou le
patriotisme ne donnaient pas, il fallut avoir recours à d’autres procédés. Au
début de 1831, le Gouvernement exigea à l’avance le montant de la contribution
foncière pour l’année même ; elle devait être versée en deux fois, pour le 15
février et le 1er avril.
Mais
cette ressource était insuffisante. Après avoir essayé en vain de placer un
emprunt de 12 millions de florins, le Gouvernement décida de l’imposer aux
contribuables. La situation politique du pays était telle que le libre appel
aux capitaux belges et étrangers était vain. Aussi, le Gouvernement dut-il
avoir recours à l’emprunt forcé.
En
mars 1831, fut annoncé un emprunt forcé de 12 millions de florins à 5 p. c. ; chacun devait y souscrire d’après le montant de sa
contribution personnelle.
Il
fallut, le 21 octobre 1831, décréter un nouvel emprunt forcé, très semblable au
premier dans ses modalités, et d’un montant de 10 millions de florins. Ce
nouvel emprunt était non productif d’intérêt.
La
jouissance de ces fonds fut de courte durée (l’emprunt de 12 millions devait
être remboursé le 1er janvier 1833 ; les obligations de l’emprunt de 10
millions étaient reçues en payement des impôts à partir de juin 1832).
Le
Gouvernement, toujours dans l’obligation de maintenir le pays dans un état permanent
de défense, et ne pouvant augmenter les impôts qu’il avait réduits peut-être
trop promptement et trop massivement, incapable aussi de trouver dans le pays
les sommes nécessaires, dut faire appel au crédit. Il y fut autorisé par la loi
du 16 décembre 1831, à concurrence d’un capital de 48 millions de florins.
A la
suite de démarches personnelles de Léopold Ier, les maisons Rothschild
consentirent à prendre ferme un emprunt de 48.000.000 de florins, soit
100.800.000 francs en capital nominal. Rothschild veut bien accorder ce que les
Belges ne sont pas disposés à donner. Mais, en bon banquier, il fixe son prix.
La
première moitié fut cédée à ce banquier à 75 p. c. de la valeur nominale ;
l’intérêt nominal de 5 p. c. était ainsi porté à 6,60 p. c.
Mais
les commissions et des ristournes diverses ramenaient (page 49) le
prix réel de cession à 70 p. c. à peine, fixant à 7,50 l’intérêt à payer par
Quelques
mois plus tard, la deuxième tranche fut prise à un taux un peu meilleur. Le
prix officiel de cession passait de 75 à 79 p. c.
Ces
conditions étaient incontestablement fort dures. Les circonstances politiques
les expliquent en partie. L’avenir politique du pays n’était pas encore assuré
: trois des grandes puissances n’avaient pas encore envoyé des ambassadeurs à
Léopold Ier.
Cet
emprunt fut éteint à concurrence de 16.458.368 francs par amortissement et de
84.341.632 francs par la conversion ordonnée par la loi du 21 mars 1844.
L’emprunt
Rothschild fut difficile à digérer. Aussi le Gouvernement ne se hasarda-t-il
pas à négocier des titres de la dette consolidée. Il se borna à émettre des
bons du Trésor : 15 millions le 1er mars 1833, à 6 p. c.,
plus une commission variant de 1 à 2 p. c.
Lors
du renouvellement des bons émis le 1er mars 1833, l’intérêt put être réduit à 5
p. c. et la commission à 0,50 p. c. Le 1er décembre 1833 cette commission fut
même supprimée.
Le
pays, pour pouvoir commencer les travaux de construction des chemins de fer, et
profitant de la faveur avec laquelle le public avait accueilli les bons du
Trésor, en négocia 10 millions qui furent englobés dans l’emprunt de 1836.
A
cette époque l’emprunt de 100.800.000 francs contracté en 1831 était coté aux
Bourses de Bruxelles et d’Anvers de 101 à 102.
On
était loin de la situation fâcheuse de 1830 et 1831. En vertu d’une loi du 18
juin 1836, le Gouvernement ouvrit, le 26 juillet suivant, une souscription
publique d’un capital de 30 millions de francs (4 p. c. à 92). Cet emprunt
était destiné à l’extinction de 10 millions de francs de bons du Trésor et à
l’exécution de travaux d’utilité publique.
L’émission
obtint un grand succès. Les souscriptions s’élevèrent à plus de 691 millions de
francs.
Ce
succès fut sans lendemain. En 1838, les incertitudes politiques internationales
ne permirent pas au Gouvernement de placer dans le public l’emprunt qu’il était
autorisé à contracter en vertu de la loi du 25 mai 1838.
(page 50) L’emprunt fut livré à la maison
Rothschild en 3 p. c. à 73,50, revenant net aux preneurs à 68,93. Une nouvelle
fois la finance étrangère nous fit payer très chèrement le secours qu’elle nous
accordait.
En
1839, il y eut un fait nouveau d’importance.
Alors
que le service de la dette publique exigeait 5.988.000 fr. en 1832, 9.083.000
en 1838, le chiffre en fut porté à 15.776.000 fr. à la suite du traité de paix.
Le
Gouvernement fut autorisé, par la loi du 26 juin 1840, à contracter un emprunt
de 5 p. c. La situation internationale était tendue. La question d’Orient
éclata. L’emprunt de 5 p. c. se fit dans des conditions difficiles et
onéreuses. Il fut négocié avec
Une
somme de 12.473.272 francs fut éteinte par l’amortissement ; le complément,
74.466.728 francs, par la conversion autorisée par la loi du 1er décembre 1852.
L’atmosphère
politique devint moins lourde après 1841. Le Gouvernement put négocier, le 8
octobre 1842. un emprunt à 5 p. c., de 28.621.718
francs, au taux de 104,75, revenant net à 102,83.
Le 5 p.
c. de 1840, le 4 p. c. et le 3 p. c. qui au moment de la négociation de
l’emprunt de 1842 étaient généralement cotés aux cours respectifs de 102 3/4,
91 et 71 1/4, étaient cotés à
Un
bon vent semblait souffler. Le Gouvernement tenta, tout à la fois, la
conversion d’une grande partie des dettes à 5 p. c. en dettes 4,50 et la
négociation d’un emprunt de 84.656.000 francs à 4,50.
La
conversion se fit le 21 mars 1844. La loi, ainsi que l’arrêté royal d’exécution,
conservaient aux créanciers adhérents la jouissance de l’intérêt de 5 p. c.
jusqu’au 1er novembre 1844 : tous devaient se prononcer dans les trente jours ;
à défaut de quoi ils étaient considérés comme ayant accepté la conversion.
Aucun remboursement ne fut demandé. L’emprunt se fit le 29 juin 1844.
La
conversion et l’emprunt eurent le succès le plus complet. Il est à noter que le
droit d’option laissé à
La
quiétude dura de 1841 à 1847.
(page 51) Les recettes augmentèrent en même
temps que les dépenses. L’industrie s’était fortement développée. Le volume du
commerce s’était considérablement accru. La population passa d’environ 4
millions en 1830 à près de 4.500.000 en 1850. La quotité par habitant qui était
de 19 fr. 35 en 1840, était de 19 fr. 44 en 1845 et de 19 fr. 65 en 1850.
Notre
organisation financière fut complétée. La loi du 29 octobre 1846 régla les
attributions de
Les
événements de 1848 contraignirent à nouveau le Gouvernement à avoir recours à l’emprunt
forcé portant intérêt à 5 p. c.
Ils
eurent aussi des répercussions fâcheuses sur le cours de nos rentes. Le 3 p. c.
qui cotait 67 en 1838, connut des fluctuations de cours en Bourse 70,80 (en
moyenne) de 1838 à 1840, 63,83 de 1841 à 1850. Le cours le plus bas fut atteint
en 1848 44,50 fr. Le 5 p. c. cotait alors 50.
Avant
d’aborder l’étude de la crise de 1848, il convient de s’arrêter un moment au
budget des Voies et Moyens.
L’ensemble
des recettes autorisées par les lois annuelles de finances constituent le
budget des Voies et Moyens.
Les
prévisions de 1830, 1831 et 1832 étaient à peu près égales aux recouvrements
effectués.
Les
exercices 1833 et 1834 procurèrent un excédent de recouvrements. Il en fut de
même des années 1836, 1837, 1838, 1844, 1845 et 1846.
De
1830 à 1850, onze exercices donnèrent un excédent d’évaluation de 31.608.611
francs.
Pour
les années de crise 1839 et 1848, les chiffres furent respectivement de
4.306.714 et 9.764.401 francs.
Des
chiffres et encore des chiffres. Un tourbillon de millions! Il est cependant
intéressant d’analyser quelques budgets des Voies et Moyens, par exemple ceux
de 1835, de 1845 et de 1850.
Celui
de 1835, fixé primitivement à 89.171.334 francs, fut (page 52) porté à 91.831.559 fr. 62. Les contributions directes
entraient dans ce total pour 19.061.000 francs, les douanes pour 7 millions
351.000 francs, le droit de bornage pour 929.000 francs ; les accises pour
19.186.000 francs, l’enregistrement, les successions, le timbre, le greffe, les
hypothèques pour 18.315.000 francs ; les péages, y compris les chemins de fer,
pour 5.384.000 francs ; les capitaux et revenus pour 4.452.000 francs et les
remboursements pour 850.000 francs.
Le
total général du budget ordinaire de 1845 s’éleva à 112.861.000 francs, se décomposant
comme il suit : contributions directes : 31.322.000 francs ou 36,90 p. c. des
impôts, 27,70 p. c. des recettes, 7 fr. 36 par habitant. - Douanes : 12.188.000
francs ou 14,30 p. c. des impôts, 10,80 p. c. des recettes, 2 fr. 86 par
habitant. - Accises : 20.202.000 francs ou 23,80 p. c. des impôts, 18 p. c. des
recettes, 4 fr. 74 par habitant. - Droits de garantie 335.000 francs ou 0,40 p.
c. des impôts, 0,30 p. c. des recettes, 8 centimes par habitant. -
Enregistrement, greffe, hypothèques, timbre, successions : 20.865.000 francs,
24,6 p. c. des impôts, 18,40 p. c. des recettes, 4 fr. 90 par habitant.
La
récapitulation donne un total d’impôts de 84.912.000 francs ou 75,2 p. c. des
ressources du budget, 19 fr. 94 par habitant.
Péages
8.579.000 francs ou 7,6 p. c. des ressources. - Chemins de fer 12.402.000
francs ou 11 p. c. des ressources. - Capitaux et revenus 4.401.000 francs ou
3,9 p. c. des recettes. - Remboursements 2.075.000 francs ou 1,9 p. c. des
recettes. -— Vente de biens domaniaux 492.000 francs ou 0,40 p. c. des
recettes.
Les
contributions directes entrent dans les 116.529.000 francs de recettes du
budget de 1850 pour 31.680.000 francs ou 27,2 p. c.,
36,8 p. e. des impôts, 7 fr. 23 par habitant. - Les douanes pour 11.847.000
francs ou 10,10 p. c., 13,80 p. c. des impôts, 2 fr.
70 par habitant. - Les accises pour 20.754.000 francs ou 17,9 p. c., 24,10 p. c. des impôts, soit 4 fr. 74 par habitant. -
Les droits de garantie pour 417.000 francs ou 0,3 p. c.,
0,5 p. c. des impôts, soit 10 centimes par habitant. - Les droits
d’enregistrement, de greffe, de timbre, d’hypothèque, de succession pour
21.394.000 francs ou 18,4 p. c., 24,9 p. c. des
impôts, 4 fr. 88 par habitant.
Les
impôts atteignirent un total de 86.092.000 francs, soit 73,9 p. c. des recettes
ou 19 fr. 65 par habitant.
Les
péages étaient compris dans la recette pour 7.828.000 francs (page 53) ou 6,7 p.c. - Les chemins de
fer et télégraphes pour 14,664.000 fr. ou 12,6 p. e. - Les capitaux et revenus
pour 5.065.000 francs ou 4,3 p. c. Les remboursements pour 2.449.000 francs ou
2,1 p. c. - Les ventes de biens domaniaux pour 431.000 francs ou 0,4 p. c.
Le
rapport des contributions directes avec le chiffre total des ressources du
budget resta à peu près le même jusqu’en 1850, plus tard il a sensiblement
varié : 29,6 p. c. en 1840, 27,2 p. c. en 1850 (il tombera à 15,27 p. c. en
1880).
Pour
compléter cet aperçu, il nous reste à donner le tableau général des budgets
ordinaires de 1831 à 1850.
A plusieurs
reprises, il a été fait allusion aux difficultés des années 1839 et 1848. Le
moment est venu de donner quelques précisions au sujet des crises qui
éclatèrent en ces années.
CHAPITRE
III. - Les crises financières de 1839 et de 1848.
(page 54) Avant 1850, date à laquelle fut
créée
Pour
contrebalancer l’influence de
Le 21
août 1841, un arrêté royal autorisa la formation d’une société anonyme portant
le titre de Banque de Flandre et devant durer jusqu’au 21 août 1866. Un arrêté
royal du 8 juillet 1842 approuva le règlement pour l’émission de billets à vue
de
La
faculté d’émission accordée aux quatre banques de crédit n’était subordonnée à
aucune restriction quant à la nature des opérations auxquelles ces
établissements entendaient consacrer leurs ressources et leur activité.
Aussi,
loin de se consacrer spécialement aux affaires financières et de donner au
crédit commercial un puissant concours, ces institutions ne tardèrent pas à
engager leurs capitaux dans des établissements industriels, qui seuls
absorbèrent bientôt la majeure partie des ressources que réclamait le
développement du crédit en Belgique.
Rappelons
qu’après 1834 se répandit la forme de la société anonyme. Les entreprises
industrielles absorbèrent de gros capitaux.
Pendant
la période 1833-1839, le capital souscrit des sociétés anonymes représentait
environ 300 millions.
(page 55) Immobiliser ainsi les capitaux
dans les entreprises industrielles, sans garantie sérieuse, était méconnaître
les règles qui doivent présider à l’organisation des banques d’émission.
Le
puissant effort de création capitaliste allait accumuler des ruines.
Dès
1838, les faillites succédèrent aux faillites. Les usines se fermèrent,
engloutissant les capitaux.
Dès
1838, elle connut les effets de son imprudence, lorsque la crainte d’une guerre
avec
Le 17
décembre 1838,
En
1839, les actions industrielles tombèrent à vil prix, il y eut des pertes
considérables.
A
propos de la crise de 1839, Waxweiler cite le
jugement sobre et concis de l’historien économiste Briavoinne
« Il y a eu, dit-il, entraînement général, excès d’ambition, inexpérience,
quelquefois avidité coupable. Suivant qu’on est resté fidèle aux règles de la
morale et de la sagesse, ou qu’on les a enfreintes, on a réussi ou l’on a
échoué. Tout ceci est indépendant du principe ; mais il faut peut-être en
conclure, que puisqu’on en peut faire un si mauvais abus, un Gouvernement ne
doit mettre qu’avec réserve à la disposition du commerce un privilège aussi
exorbitant que celui de la société anonyme » (La révolution industrielle en
Belgique).
Quelques
années plus tard,
La
crise alimentaire de 1845-1847 nous obligea à importer des quantités colossales
de denrées. Un dossier des archives politico-commerciales du Ministère des
Affaires étrangères nous fournit à ce sujet des renseignements intéressants. En
voici l’essentiel : « Les importations de froment ont été de
« Pour
la seule année 1846, l’importation du froment représente une valeur d’à peu
près 39 millions de francs ; et celle du seigle une valeur de près de 11
millions. Comme, ni en 1846, ni en 1847, les exportations de produits belges ne
se sont accrues de manière à compenser, même en partie, cette grande
exportation de numéraire pour achat de grains, on conçoit facilement que
celle-ci, combinée à quelques autres circonstances accessoires, telle qu’une
très forte importation de bétail étranger, riz, etc., ait suffi pour influer
d’une manière désastreuse sur la situation financière. »
A la
fin de l’année 1845, on cria famine, on spécula de façon effrénée sur les
denrées alimentaires. Des quantités énormes de grains, riz, pois, fèves,
haricots et maïs furent importées lorsqu’on eut la certitude du manque presque
complet de la récolte des pommes de terre.
Le
capital de toutes ces marchandises importées devant être payé à l’étranger, le
pays fut bientôt considérablement appauvri ; il s’ensuivit une rareté de
numéraire qui arrêta toute spéculation.
Les
pays limitrophes se trouvant également dans une situation difficile, les
opérations de change ne purent remédier à la crise, en faisant affluer chez
nous les capitaux étrangers.
Les
rapports des Chambres de commerce, les exposés de la situation administrative
des provinces belges, les relevés des importations et des exportations, établissent
que les années 1846 et 1847 furent désastreuses pour le commerce et l’industrie
et aussi pour les finances en général.
Les
opérations exceptionnelles en substances alimentaires, dues aux circonstances
calamiteuses, firent sortir de
Le
Directeur général aux Affaires étrangères, dans un rapport (page 57) inédit au Ministre, écrit
: « On ne peut considérer l’année 1846 comme ayant été dans son
ensemble favorable à
« L’influence
de la cherté des subsistances et la nécessité où s’est trouvé le pays d’en
demander d’énormes quantités à l’étranger ont particulièrement été funestes,
notamment, en occasionnant des sacrifices pécuniaires d’autant plus onéreux
qu’ils n’ont aucunement été compensés par de plus larges exportations de
produits manufacturés indigènes. »
Durement
éprouvée par la crise alimentaire de 1845-1847,
Après
la crise alimentaire de 1845-1847,
La
conséquence de la révolution en France et de l’agitation dans toute l’Europe
fut de paralyser presque partout la confiance renaissante, de suspendre les
ordres d’expédition, et de faire contremander autant que possible ceux déjà
donnés.
Les
années 1846 et 1847 furent marquées par un malaise financier plus on moins
accentué. En 1848 éclata la crise. Le désastre fut plus grand qu’en 1839.
Bien
que
Rien
ne fut fait pour dissiper le malaise. La principale institution de crédit,
D’autre
part, les capitalistes et les banquiers, craignant le contrecoup, ne firent
rien pour parer à la crise. La peur leur fit retirer les capitaux de la
circulation.
La
situation financière des deux principales institutions de crédit,
Une
grande part de responsabilité de la crise financière incombait d’ailleurs
directement à
« Or,
ces prêts, quoique consentis sur des valeurs généralement excellentes, avaient
été accordés sans que l’on eût considéré suffisamment la solvabilité
personnelle des emprunteurs ; on avait cherché avant tout de faciliter les
souscriptions, ils en avaient profité largement, au-delà de leurs moyens, et la
plupart de ces prêts dataient déjà de plusieurs années sans que les débiteurs (page 59) eussent marqué aucune velléité
de les amortir.
En
outre, elle avait avancé ou prêté sur gage à
A
partir du 24 février, jour où la panique se déclencha, la caisse de
La
valeur des actions de
La
crise s’accentua de plus en plus. En quelques semaines les rentes belges
baissèrent de 50 p. c.
L’Etat
se fit consentir une avance en billets de 12 millions. Les deux banques se
servaient de billets nouveaux dont la circulation était autorisée pour
rembourser leurs déposants en caisse d’épargne.
Le
Trésor se trouva dans une situation très grave. Vingt-cinq millions de bons du
Trésor étaient en circulation. En 1848, le renouvellement ne put être obtenu.
Déjà
le budget ordinaire de 1847 se soldait par un déficit de 10 millions, soit une
insuffisance de recettes de 8 p. c. En 1848, le déficit atteignit plus de 17
millions. Chiffre considérable pour l’époque.
Deux
nouveaux emprunts forcés furent émis : ils produisirent 37 millions.
Pour
remédier à la pénurie du numéraire, il fut donné temporairement cours légal à
certaines monnaies étrangères. C’est ainsi (page 60) que les souverains anglais et les florins des Pays-Bas
entrèrent dans la circulation monétaire de notre pays.
Il
n’y eut heureusement pas de dépréciation monétaire. La crise financière se
liquida donc assez facilement.
Constatation
réconfortante : dès 1849, le budget était rétabli et se clôturait avec un boni
de deux millions et demi.
Les
inconvénients de la pluralité des banques d’émission étaient apparus
clairement. La crise hâta l’évolution en faveur de
En
1850,
En sa
qualité de caissier de l’Etat,
A
partir de ce moment,
La
création de
Ainsi
finit, par un acte de la plus haute importance, l’histoire financière de