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« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR
Par Jean-Baptiste Nothomb
CHAPITRE XIX. Convention
conclue entre la France et la Grande-Bretagne le 22 octobre 1832. - Convention
conclue entre la Belgique et la France le 10 novembre 1832. - Blocus maritime.
- Deuxième intervention française. - Siége de la citadelle d'Anvers. - Adresses
des Chambres belges.
(page 312) Le principe
déposé dans le protocole du 1er octobre 1832 serait peut-être resté stérile, si
« Le soussigné, ministre des affaires étrangères de S. M. le roi des Belges, ayant rendu compte à son souverain de l'état des négociations ouvertes à Londres, et principalement des nouveaux actes intervenus depuis que le plénipotentiaire belge a été muni des pouvoirs nécessaires pour entrer directement en relation avec le plénipotentiaire hollandais, a reçu l'ordre de faire la déclaration suivante.
« Le gouvernement
de S. M. le roi des Belges s'étant adressé, sous la date du 12 et du 13 juin,
aux cabinets des Tuileries et de St-James, pour réclamer (page 313) l'exécution
des engagements contractés par le traité du 15 novembre, reçut pour réponse que
« Fort de cette
assurance et de l'approbation donnée, par la note de
« Le cabinet de La Haye,
en paraissant s'offrir à négocier un arrangement direct avec le gouvernement
belge, avait fait croire à l'existence d'un moyen pacifique dont il restait
encore à user; en arrêtant ainsi
« C'est ce qui engagea
le roi des Belges à se départir, momentanément, de la résolution de ne prendre
part à aucune négociation avant l'évacuation du territoire belge. En
conséquence, des mesures furent arrêtées par Sa Majesté pour ouvrir une
négociation directe, à l'effet de s'assurer, d'une manière certaine, s'il était
possible d'obtenir un arrangement, à l'amiable, avec
« L'envoyé extraordinaire
et ministre plénipotentiaire du roi des Belges, à Londres, fut muni, le 18
septembre, de pleins pouvoirs à l'effet de négocier, conclure et signer un
traité direct avec le plénipotentiaire de S. M. le roi des Pays-Bas; le
plénipotentiaire belge, en instruisant
« Le gouvernement de S.
M. le roi des Belges ne tarda pas à acquérir la connaissance de la note
adressée à
« Le temps est donc venu de mettre à exécution un traité revêtu depuis cinq mois de la sanction commune des cinq cours et dont l'inaccomplissement expose la paix de l'Europe à des dangers croissants et continuels. Au delà du nouveau refus du gouvernement hollandais, il n'y a plus, pour arriver à ce résultat, que l'emploi des forces matérielles, car on ne peut supposer que les puissances admettent un ajournement indéfini, qui porterait la plus grave atteinte à l'ordre public européen, et qu'après deux ans de laborieuses négociations, un traité solennellement ratifié reste sans exécution.
« En conséquence, le
soussigné a reçu l'ordre formel de son souverain, de réclamer du gouvernement
de S. M. le roi des Français (de Sa Majesté britannique) l'exécution de la
garantie stipulée par l'article 25 du traité du 15 novembre 1831 conclu avec
« Le soussigné prie S. Exc. le ministre secrétaire d Etat de S. M. le roi des Français (de Sa Majesté britannique) au département des affaires étrangères, de mettre la présente déclaration sous les yeux du Roi son (page 316) auguste maître, et saisit cette occasion d'offrir à Son Excellence, etc.[1]
« (Signé) GOBLET.
« Bruxelles, le 5 octobre 1832. »
Dans cette conjoncture
décisive, il importait de renforcer l'action du gouvernement, et le Roi parvint
à compléter le ministère; le 20 octobre, MM. Lebeau et Rogier s'associèrent au
général Goblet, en acceptant, (page 317) l'un le portefeuille de l'intérieur,
l'autre celui de la justice. Le nouveau cabinet se constitua sous des
conditions précises et rigoureuses; ces conditions furent exposées dans une
note qui, le même jour, fut transmise à MM. Le Hon et Van de Weyer, et
notifiée, le 23, aux gouvernements de France et de
Cette note se terminait ainsi:
« Le nouveau ministère n'a consenti à subir la responsabilité de sa position, qu'avec la ferme résolution d'accomplir les grands devoirs qu'elle lui impose. Le malaise intolérable du pays, la résistance chaque jour plus prononcée du gouvernement néerlandais et la saison avancée à laquelle nous touchons, ne permettent plus au gouvernement belge de laisser subsister des doutes sur le terme où commencera pour lui, à défaut de l'intervention des puissances, l'impérieuse obligation d'employer ses propres forces.
« C'est par ces motifs et dans ce but que le ministre plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges a l'honneur de confirmer à S. Exc. M. le duc de Broglie la déclaration qu'il lui a faite, que son gouvernement sera dans l'impossibilité absolue de prolonger l'attente dans laquelle il se trouve au delà du 3 novembre prochain; que si ce jour arrive sans que la garantie stipulée ait reçu son exécution, ou au moins un commencement d'exécution, Sa Majesté se verra dans la nécessité de prendre possession par ses propres forces du territoire belge encore occupé par l'ennemi.
« Telle est donc la condition d'existence du nouveau ministère: évacuation du territoire pour le 3 novembre, (page 318) ou commencement actif d'exécution, soit par l'action des puissances, soit par celle de l'armée nationale. Il ne peut se soutenir au delà de ce terme si l'une ou l'autre de ces deux hypothèses ne se réalise pas; ce n'est là de sa part ni une volonté arbitraire, ni un vain engagement ; c'est la loi irrésistible de sa position; c'est celle qu'imposent aujourd'hui en Belgique à tout ministère, quel qu'il soit, l'état intérieur du pays et la force des choses[2].» Depuis le mois de juin, les armements belges avaient été poussés à un degré extraordinaire, et, sans jactance, le gouvernement pouvait poser aux puissances garantes le dilemme: Le traité sera exécuté par vous ou par nous; choisissez.
La volonté exprimée, le
1er octobre, par
Cette convention fut
ratifiée le 27 octobre et, le même jour, la sommation adressée à
Voici le texte de la
sommation adressée à
« Le soussigné, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. le roi des Français près S. M. le roi des Belges, a reçu l'ordre de faire connaître à M. le général Goblet, ministre des affaires étrangères, la détermination que vient de prendre S. M. le roi des Français, d'accord avec Sa Majesté britannique.
« L'inutilité reconnue des efforts si souvent renouvelés pour arriver, par la voie des négociations, à l'acceptation et à l'exécution du traité relatif aux Pays-Bas, conclu à Londres le 15 novembre 1831, les oblige à (page 320) adopter la seule mesure qui leur reste pour mettre fin à un état de choses dont la durée, plus longtemps prolongée, pourrait compromettre la paix de l'Europe. Ils se voient donc contraints, par les considérations ci-dessus mentionnées et par les engagements qu'ils ont contractés, de procéder immédiatement, par les moyens qui sont en leur pouvoir, à obtenir l'évacuation respective des territoires qui se trouvent occupés par celle des deux puissances à laquelle ils ne doivent plus appartenir.
« En conséquence, le soussigné est chargé de demander que S. M. le roi des Belges veuille bien faire connaître si elle consent à faire évacuer, le 12 du mois (page 321) de novembre prochain, la place de Venloo, les forts et lieux qui en dépendent ~ ainsi que les portions de territoir qui ne font pas partie du royaume de Belgique; et, dans le cas où une réponse formelle et satisfaisante à cet égard ne serait pas faite le 2 du mois de novembre prochain, le soussigné doit déclarer que toutes les mesures nécessaires seront prises pour amener ce résultat.
« Le soussigné saisit cette occasion, etc.
« (Signé) comte DE
La sommation faite à
La sommation adressée à
« En conséquence, le soussigné est chargé de demander que S. M. le roi des Pays-Bas veuille bien faire connaître si elle consent à faire évacuer, le 12 du mois (page 321) de novembre prochain, la citadelle d'Anvers, les forts et les lieux qui en dépendent; et dans le cas où une réponse formelle et satisfaisante à cet égard ne serait pas faite, le 15 du mois de novembre prochain, le soussigné doit déclarer que des forces de terre et de mer seraient mises en mouvement par les deux gouvernements de France et d'Angleterre, et si le 15,du mois de novembre prochain l'évacuation de la citadelle d'Anvers, des forts et lieux qui en dépendent, n'était pas complétement effectuée par les troupes néerlandaises, toutes les mesures nécessaires seraient prises pour amener ce résultat. »
Le gouvernement belge
avait donné avis à
« Londres, le 30 octobre 1832.
« Les soussignés,
l'ambassadeur de S.M. le roi des Français et le secrétaire d'État de S. M. le
roi du (page 322) Royaume-uni de
« Le territoire belge une fois affranchi des troupes néerlandaises, le roi des Belges se trouvera dans l'obligation de faire évacuer les territoires, places et lieux dans le Limbourg et dans le grand-duché de Luxembourg, qui, d'après les termes du traité du 15 novembre 1831, doivent appartenir à S. M. le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg. Comme il serait cependant contraire aux stipulations renfermées dans ledit, traité de faire remettre ces territoires au roi des Pays-Bas avant que les conditions attachées à leur possession aient été remplies, les soussignés sont chargés de proposer au gouvernement de Sa Majesté prussienne de faire occuper provisoirement les territoires, places et lieux ci-dessus mentionnés, et de les garder en dépôt jusqu'à ce que le roi des Pays-Bas ait formellement accepté et pris l'engagement de remplir les conditions attachées à leur possession par le traité du 15 novembre 1831.
« Les soussignés se flattent que la cour de Berlin verra dans la présente démarche une preuve manifeste de la confiance qu'inspirent à leurs gouvernements sa politique éclairée et son amour pour la paix.
« Les soussignés sont prêts à signer avec le plénipotentiaire de S. M. le roi de Prusse tout acte qui pourrait (page 323) être nécessaire pour donner à l'arrangement proposé le caractère formel et rassurant que les circonstances exigent.
« Les soussignés ont l'honneur, etc.
« (Signé) TALLEYRAND , PALMERSTON. »
Cette proposition ne fut
pas acceptée par
(page 324) Le 2 novembre, à minuit, le ministère belge répondit en ces termes à la sommation qui lui avait été faite:
« Le soussigné, ministre
des affaires étrangères de S. M. le roi des Belges, a eu l'honneur de recevoir
la note en date du 30 octobre dernier, par laquelle M. le comte de
« Le soussigné s'est empressé de mettre cette note sous les yeux de son souverain, et il a reçu l'ordre de déclarer:
« Que S. M. le roi des Belges consent à faire évacuer, le 12 de ce mois, et même à une époque plus rapprochée, la place de Venloo, les forts et lieux qui en dépendent, ainsi que les portions de territoire qui ne font pas (page 326) partie du royaume de Belgique, en même temps que le gouvernement belge entrera en possession de la citadelle d'Anvers, ainsi que des forts et lieux situés sur les deux rives de l'Escaut qui font partie du territoire assigné à ce royaume par le traité du 15 novembre[5].
« Le soussigné saisit cette occasion de renouveler, etc.
« (Signé) GOBLET. »
La réponse du gouvernement hollandais à la sommation des deux cabinets porte également la date du 2 novembre; elle est négative.
Dès le
(page 327) L'article 3
de la convention du 22 octobre portait que l'armée française n'entrerait sur le
territoire belge que lorsque le roi des Belges en aurait préalablement exprimé
le désir ; le 8 novembre, M. le comte de
Les conditions de
l'entrée et du séjour de l'armée française furent réglées par une convention
particulière datée du 10 novembre ; le cabinet français avait demandé que les
frais extraordinaires de l'expédition fussent supportés par
(page 328) Le gouvernement hollandais, de son côté, n'était pas resté inactif; le cabinet de Berlin se prêta à la rédaction (page 329) d'un nouveau projet destiné à être substitué à celui de lord Palmerston, et le roi Guillaume y adhéra en exigeant quelques modifications nouvelles ; le plénipotentiaire hollandais à Londres, désespérant de réussir auprès du ministre des affaires étrangères, lord Palmerston, crut devoir s'adresser directement, dans les journées du 12 et du 13 novembre, au premier ministre, lord Grey ; ces tentatives ne devaient pas arrêter le cours des choses: il était trop tard[9].
Le 15 novembre au matin, l'armée du Nord, sous le commandement du maréchal Gérard, franchit la frontière; le 19, elle se trouva sous les murs d'Anvers[10].
(page 330) Il était
d'une haute importance pour le gouvernement belge que la ville d'Anvers fût
sauvée; le salut de cette ville n'était possible qu'autant que le siége de la
citadelle serait purement extérieur; un siége purement extérieur n'était
possible qu'avec l'inaction des Belges dans l'intérieur de la ville, et
l'intervention étrangère. Les opérations militaires devaient donc prendre ce
caractère extraordinaire propre à assurer la neutralité de la ville ; pour le
roi des Belges le problème était là : obtenir la citadelle sans exposer la
ville. Ce problème fut résolu ; et ce qu'on avait plaisamment appelé la
stratégie doctrinaire sauva la première cité commerciale de
(page 331) Les
opérations militaires, ainsi circonscrites, devenaient plus difficiles et plus
dangereuses ; le terrain, à une époque aussi avancée de l'année, offrait les
plus grandes difficultés; le courage et la science parvinrent à surmonter tous
les obstacles; l'armée de
Nous n'avons pas voulu
interrompre, par des réflexions, le récit des faits ; l'Europe entière a
assisté, attentive, haletante, au siége d'Anvers ; c'est que l'Europe savait
qu'un événement extraordinaire allait s'accomplir. Dans cette Belgique, où
s'étaient vidées tant de querelles politiques, devait se résoudre de nouveau
une question de suprématie sociale : les deux principes qui divisent le monde
venaient se heurter au pied de la citadelle d'Anvers.
Que ne puis-je m'abstenir
de rappeler ce qui se passait parmi nous à la vue de ces grands résultats ! Ou
bien, que ne puis-je écrire: Liée par des engagements irrévocables,
Mais, hélas! il ne devait point en être ainsi; la tribune législative ne consentit point à être muette; elle ne voulut point se taire au milieu des armes[13].
L’intervention étrangère
est-elle nécessaire et légale ? Telle était la question de responsabilité qui
semblait attendre les ministres à la barre des Chambres ; cette question,
soulevée un moment, fut bientôt abandonnée ; les engagements étaient trop
positifs, trop notoires. Mais (page 334) il surgit une autre question qui, de secondaire,
devint. principale: Le gouvernement a-t-il consenti à l'évacuation des
territoires que le traité sépare de
Oui, le ministère devait exiger préalablement l'adhésion du roi Guillaume au traité, car l'article 24 porte que l'évacuation aura lieu après l'échange des ratifications du traité à intervenir entre les deux pays ; où est le traité ratifié par le roi de Hollande?
C'est en vain que les ministres répondent qu'il existe, outre la note du 2 novembre, d'autres actes dont la publication serait intempestive, mais dont ils attestent l'existence sous leur responsabilité; c'est en vain que le ministre des affaires étrangères déclare à plusieurs reprises[14], qu'en signant la note du 2, il avait la certitude que l'évacuation ne se ferait pas sans les garanties nécessaires, énoncées dans la note du 11 juin; que si cette condition n'a pas été formellement exprimée dans la note du 2 novembre, c'est qu'elle résulte de l'ensemble des engagements; et que, par une réponse moins précise et moins catégorique, on courait risque de faire naître de nouveaux retards.
(page 335) C'est en vain encore que les ministres répondent que l'article 24 du traité ne pouvait s'entendre que d'une adhésion volontaire, pure et simple ; que cet article, par suite du refus du roi Guillaume et des réserves, restait sans application ; que les Chambres l'avaient ainsi jugé, en mai 1832, en appuyant le principe de l'évacuation préalable.
A Dieu ne plaise que je veuille diminuer la juste douleur que devaient exciter l'intervention étrangère, l'inaction forcée de l'armée nationale et l'abandon prochain de populations si dignes d'être belges: à cet égard il n'y a eu, et il ne devait y avoir, qu'unanimité dans les Chambres comme dans le pays.
Les ministres avaient
demandé un jugement à la représentation nationale ; après avoir laborieusement
amené des résultats si longtemps attendus et si souvent proclamés impossibles,
après avoir remporté une si grande victoire dans les cabinets, ils se croyaient
sûrs de la victoire devant les Chambres ; ils se flattaient d'obtenir une
éclatante approbation, et bientôt ils furent réduits à appuyer l'ajournement
des débats, à réclamer un déni de justice : insigne faveur qui leur fut
accordée par 44 membres de
A la suite de nombreuses et inutiles tentatives faites par le Roi pour former un nouveau cabinet, les ministres démissionnaires consentirent, le 16 décembre, à reprendre leurs portefeuilles[16].
(p. 337) Pour être juste, nous ajouterons que le ministère avait commis une faute en invitant les Chambres à se prononcer sur des résultats encore incomplets: c’est ce qu’il (page 338) reconnut en demandant l'ajournement de la discussion; mais, ici, il était en droit de compter sur l'unanimité des Chambres, dont l'intérêt était même de rester passives (page 339) devant des événements à la fois inaccomplis et inévitables.
[1] Ne voulant affaiblir aucun des engagements
contractés par les puissances, le gouvernement belge fit part à la Conférence
collectivement, à Londres, et à l'Autriche et à la Prusse séparément à Vienne
et à Berlin, de la démarche faite par la note du 5 octobre près de la France et
de la Grande-Bretagne; la note adressée à la Conférence par M. Van de Weyer
porte la date du 11 octobre; la note remise au prince de Metternich par le
baron de Loe est datée de Vienne, 21 octobre, la note remise à M. Ancillon par
le général de Mercx est datée de Berlin, 20 octobre. Ces notes restèrent sans
réponse.
Le
gouvernement belge ne pouvait admettre qu'aucune des puissances pût se
considérer comme dégagée de l'obligation résultant des notes du 15 octobre
1831, annexées aux vingt-quatre articles; il fit déclarer, dans chacune de ces
trois notes, que s'il s'était adressé à la France et à la Grande-Bretagne
seulement, c'est parce que l'éloignement des lieux rendait impossible, de la
part des cours de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Berlin, la coopération
immédiate, nécessaire à une époque aussi avancée de l'année.
Cette pensée
était exprimée en ces termes dans les notes remises au prince de Metternich et
à M. Ancillon: « Si Sa Majesté ne s'est pas également adressée à S. M.
l'empereur d'Autriche (le roi de Prusse), c'est que l'éloignement des lieux eût
rendu impossible tout concours immédiat, et que tout nouveau retard à une
époque aussi avancée de l'année eût été préjudiciable au repos de l'Europe; le
roi des Belges, en s'adressant à ses alliés, qui depuis longtemps avaient fait
les préparatifs nécessaires, n'a prétendu méconnaître ni infirmer aucun des
engagements résultant pour l'Autriche (la Prusse) du même traité du 15
novembre. »
Cette
démarche, faite dans des circonstances aussi irritantes, prouve que le gouvernement
belge avait la conscience de son droit.
Ces pièces se
trouvent dans le Recueil de Paris, t. II, p. 82 et suivantes, et dans le
rapport fait aux Chambres belges, le 16 novembre 1832.
(Note
de la 4e édition.)
[2] Le général Goblet et ses deux nouveaux
collègues, en arrêtant ces instructions, se lièrent par une espèce de compromis
conçu en ces termes:
« Le général
Goblet donne lecture des instructions destinées à être transmises aux envoyés
du gouvernement à Paris et à Londres; il annonce que ces instructions ont reçu
l'approbation du Roi.
« Il est
décidé que les conditions énoncées dans ces instructions sont invariables,
qu'elles constituent un engagement pris réciproquement par les membres du
conseil; que, par conséquent, si au 3 novembre la France et la Grande-Bretagne
ne sont pas sorties de l'inaction, le conseil proposera au Roi de reprendre
immédiatement les hostilités, et que si Sa Majesté ne croit pas pouvoir adopter
ce parti, les ministres résigneront leurs portefeuilles.
« Il est
convenu que ces instructions seront annexées au présent procès-verbal.
« Bruxelles,
le 21 octobre 1832.
«
(Signe') GOBLET, LEBEAU, CH. ROGIER. » (Note de la 4e édition.)
[3] Cette communication fut faite le 27
octobre, immédiatement après l'échange des ratifications. Dans la lettre
d'envoi, lord Palmerston et le prince de Talleyrand se réfèrent au protocole du
1er octobre et aux réserves y exprimées.
Les
plénipotentiaires d'Autriche et de Prusse se bornèrent à accuser la réception
de la convention, en réitérant les regrets que leur inspirait cette
détermination.
Les
plénipotentiaires de Russie ajoutèrent à leur accusé de réception la
déclaration qu'ils se retiraient de la Conférence. (Papers relative to the affairs
of Belgium, n° 47-52, B. 1re partie (Recueil de Paris, 1. II, p. 161-163.)
[4] Le baron de Bulow répondit à la
proposition du 30 octobre par une note datée du 3 décembre et portant que
l'occupation dans les formes proposées ne paraissait pas conforme à l'attitude
prise par le cabinet de Berlin. (Papers Relative to the affairs of Belgium, B.
1re partie, n° 62.) (Note de la 3e édition.)
Le recueil
officiel de Paris pourrait faire croire que le refus du gouvernement prussien
n'a point été aussi formel; le baron de Bulow se borne d'abord à accuser la
réception de la proposition du prince de Talleyrand et de lord Palmerston;
cette réponse provisoire est insérée dans le Recueil de Paris, 1. Il, p. 208;
on renvoie ensuite au protocole de la 4e séance de la Diète germanique, du 8
novembre 1832, protocole rapporté p. 129-143 du même volume. Il est à remarquer
que l'occupation dont il est question dans ce protocole n'a rien de commun avec
la proposition faite à Londres; dans le protocole de Francfort il s'agit de
l'occupation de la partie du grand-duché de Luxembourg entre la place fédérale
et Trèves, par les troupes prussiennes, au nom de la Diète germanique, par
mesure de représailles, à la suite de l'arrestation de M. Antoine Pescatore;
dans la proposition de Londres, il s'agit de l'occupation de la partie du
grand-duché de Luxembourg réservée au roi grand-duc par le traité du 15
novembre et par mesure de sequestre, toujours il est vrai par les troupes
prussiennes; mais dans le premier cas, la Prusse n'eût fait que remplir un
devoir fédéral; dans le second, elle se fût associée à la France et à la
Grande-Bretagne pour l'exécution forcée du traité du 15 novembre.
L'élargissement de M. Pescatore, le 23 novembre, rendit sans objet l'acte de
représailles projeté par le protocole de la Diète du 8 du même mois; le refus
fait à la France et à la Grande- Bretagne par la Prusse n'a d'autre motif que
celui qui est énoncé dans la note du baron de Bulow, du 3 décembre, note qui se
trouve également dans le Recueil de Paris, t. Il, p. 211.
Le protocole
n° 45 de la Diète, du 29 novembre 1832, est également étranger à la proposition
de Londres et n'est pas à sa place sous la rubrique où il est rapporté, p. 210:
du 1. II. (Voyez la dernière note du présent chapitre, p. 336.)
L'auteur, en
reproduisant textuellement la proposition faite à la Prusse par la France et la
Grande-Bretagne, avait pour but de prouver que cet acte, connu du cabinet
belge, n'excluait aucune des garanties stipulées par le traité du 15 novembre;
il existe un autre document plus formel et qu'on ne pouvait divulguer alors;
c'est une note adressée par M. Van de Weyer à lord Palmerston sous la date du
18 novembre 1832, en vertu d'instructions antérieures à l'ouverture des
chambres belges, note qui se termine par les considérations suivantes: « Il
importe que les mesures à prendre aient un caractère rassurant pour les
habitants qui cessent d'être Belges. Il faudra que les fonctionnaires soient à
l'abri d'une réaction pour avoir accepté des emplois au service du gouvernement
belge, et que l'on règle la validité des actes passés par les notaires ou
autres officiers ministériels, ainsi que des jugements rendus par les tribunaux
depuis septembre 1830, la perception des impôts, l'administration communale et
les rapports de douanes, dans la province même entre les parties démembrées. V.
S. sentira que ces questions ne peuvent se résoudre que par une convention
préalable, et que toute cession antérieure à la signature d'un pareil
arrangement devient impossible. Tant que ces points ne seraient point
formellement garantis, l'occupation d'une partie quelconque du territoire belge
actuel par une autre puissance ne présenterait qu'une source de troubles pour
l'avenir. »
Cette note a
été imprimée pour la première fois dans le Recueil de Paris, t. II, p. 208-210.
Le
gouvernement prussien refusa donc de s'associer même indirectement aux mesures
coercitives par le sequestre de la partie du grand-duché de Luxembourg réservée
au roi grand-duc; il pensa que l'occupation de la partie comprise entre
Grevenmacher et la place fédérale, proposée comme acte de représailles et de
.précaution, était une mesure grave, digne d'un examen plus approfondi.
(Protocole n° 4B, du 29 novembre 1832); il se borna à placer un corps
d'observation entre le Rhin et la Meuse, et fit part de cette mesure à la Diète
qui l'approuva dans sa séance du 6 décembre 1832; la marche de ce corps d'armée
vers le Rhin et la Meuse renouvela pour un moment dans le public toutes les
craintes de guerre générale; le protocole explicatif du 6 décembre ne fut
publiée par le Journal de Francfort qu'après la reddition d'Anvers.
Cette
note, en constatant les intentions du ministère belge, si obstinément
méconnues, sert aussi à compléter les notions sur l'attitude prise par les
trois puissances du Nord et la Diète germanique, durant la période des mesures
coercitives. (Note de la 4° édition.)
[5] Cette note, qui souleva de si
violentes discussions dans le sein de la Chambre des représentants, ne fut
signée qu'à l'expiration du terme fatal, le 2 novembre à minuit, et après de
longues hésitations. La sommation faite au gouvernement belge sous la date du
30 octobre ne pouvait s'entendre que d'une évacuation réciproque et simultanée
; pour ne laisser aucun doute, le général Goblet exprima cette condition dans
sa réponse.
Le chevalier
Adair et le comte de La Tour-Maubourg ne crurent pouvoir accepter cette note
qu'ad referendum, et en accusèrent la réception en ce sens le 3 novembre ; ce
ne fut que le 12 qu'ils l'acceptèrent définitivement en la déclarant
satisfaisante. Dans les débats de l'adresse, l'on crut devoir taire cette
particularité qui prouvait que le ministère belge était loin d'avoir agi avec
légèreté, mais qui aurait pu exposer les légations de France et de la
Grande-Bretagne aux récriminations de la tribune et de la presse.
Les notes du
3 et du 12 novembre ont été imprimées pour la première fois dans le Recueil de
Paris, t. II, p. 173 et 174, et ne se trouvent pas dans le Recueil de Londres,
qui ne contient que la lettre d'envoi à lord Palmerston et la réponse de ce
ministre, 2" partie, n° 55 et 56.
(Note
de la 4° édition.)
[6] La décision relative à l'embargo fut
arrêtée en conseil à Londres le 6, et à Paris le 7 novembre et notifiée au
gouvernement belge le 13. Le gouvernement néerlandais prit des mesures de
représailles par un arrêté en date du 16 novembre; M. Dedel, en notifiant cet
arrêté à lord Palmerston par sa note du 18, déclara que son gouvernement se
réservait ses droits à une indemnité. (Recueil de Paris, t. II, p. 277-279, où
l'on trouve le texte de toutes ces pièces, à l'exception de la note adressée au
gouvernement belge.) (Note de la 4e édition.)
[7] Une loi du 1er octobre 1831
accordait au gouvernement le droit, jusqu'à la paix, d'autoriser l'entrée et le
séjour de troupes étrangères en Belgique. (Moniteur belge, n°110)
[8] Le deuxième volume du Recueil de
Paris, p. 213-230, renferme plusieurs pièces importantes et inédites relatives
à la négociation de la convention du 10 novembre 1832.
Le premier
projet de convention fut présenté par le plénipotentiaire français, sous la
date du 28 octobre; relativement aux frais de l'expédition, il renfermait un
article 8 et dernier ainsi conçu: « Les frais extraordinaires résultant du
séjour momentané de l'armée française sur le territoire belge seront à la
charge de la Belgique, et l'on prendra pour base et pour règle à cet égard les
arrangements auxquels ont donné lieu l'expédition française envoyée l'année
dernière au secours de ce royaume. » ,
Le 31
octobre, le ministre belge remit un contre-projet en sept articles ; il
justifiait en ces termes le retranchement absolu du 8e article du projet
français: « Le traité du 15 novembre, disait-il, a été imposé à la Belgique;
les puissances co-signataires lui en ont garanti l'exécution; ce n'est qu'en
présence de cette nécessité et de cette garantie que la Belgique a pu se
résigner aux sacrifices exigés d'elle. Maintenant qu'elle est à même de tirer
de ses propres ressources les moyens de faire exécuter un traité auquel elle
aurait librement concouru, comment prétendre lui faire payer les frais d'une
expédition ayant pour objet d'amener l'exécution d'un traité qu'elle n'a
accepté qu'en cédant à une loi impériale ; ce serait augmenter au delà de tout
ce qu'il est possible de calculer la somme des sacrifices matériels déjà
offerts par la Belgique à la paix de l'Europe; lorsque ses forces militaires se
trouvent sur le pied de guerre le plus respectable, elle consent à les laisser
dans l'inaction, ajoutant ainsi aux sacrifices matériels, si nombreux et si douloureux,
un sacrifice moral nouveau plus douloureux encore. »
Les autres
observations du ministre belge portaient sur des détails purement militaires.
Le
plénipotentiaire français, après en avoir référé à Paris, fut autorisé à
supprimer l'article concernant le remboursement des frais d'expédition, en
signifiant une réserve de ce chef ; le ministre belge n'accepta cette réserve
qu'en opposant une contre-réserve ; cette réponse, qui porte la même date que
la convention, est de nature à être invoquée par la Belgique pour se mettre à
l'abri de toute réclamation.
Dans sa note,
le plénipotentiaire français déclare « que bien que dans cette convention il ne
soit rien statué relativement aux dépenses extraordinaires qui seront
occasionnées par l'expédition, le gouvernement français n'entend cependant pas
renoncer à réclamer plus tard le remboursement desdites dépenses, se réservant
au contraire expressément le droit de faire valoir contre la Belgique, en tout
temps et en toute circonstance, les réclamations qui auraient leur source dans
les frais extraordinaires qu'aurait entraînés le séjour de l'armée française
sur le territoire belge. » Dans sa contre-note, le ministre belge répond «
qu'il s'en réfère purement et simplement aux engagements résultant du traité du
15 novembre 1831, dont les stipulations ont été imposées à la Belgique et dont
l'exécution a été garantie au roi des Belges par S. M. le roi des Français,
conjointement avec LL. MM. l'empereur d'Autriche, le roi du royaume-uni de la
Grande-Bretagne et d'Irlande, le roi de Prusse et l'empereur de toutes les
Russies. »
Ainsi qu'il a
été depuis affirmé à la Chambre des représentants par M. Nothomb, alors
ministre de l'intérieur, en réponse à M. Guizot, la créance n'a été reconnue
dans aucune circonstance. Le second Empire s'est abstenu de toute réclamation.
Le blocus
maritime et le sequestre des vaisseaux capturés entraînaient également des
frais extraordinaires de la part tant de la France que de la Grande-Bretagne;
de ce chef il n'a jamais été soulevé de réclamation à la charge de la Belgique,
les deux puissances exécutrices n'ayant fait encore que remplir leurs devoirs
européens. (Note de la 4e édition.)
[9] Le thème prussien et la correspondance
engagée à ce sujet entre lord Grey et le baron van Zuylen van Nyevelt se
trouvent dans les quatre recueils, et notamment dans le Recueil de La Haye, t.
III, p. 262 et 320.
(Note
de la 4e édition.)
[10] Il n'est peut-être pas sans intérêt
de faire mention d'un incident assez singulier; le gouvernement français fit
diriger par Arlon sur la Belgique deux convois de munitions de guerre, les 13
et 14 décembre. Par une note, datée du 23 décembre, la Diète germanique demanda
au baron Alleye de Cypreye, ministre de France à Francfort, des
éclaircissements sur ce fait ; le ministre de France donna ces éclaircissements
par une note du 2 janv1er, où il est dit que le gouvernement français, en sa
qualité de signataire et de garant du traité du 11novembre, peut, à certains
égards, envisager autrement qu'on ne le fait à Francfort la question sur
laquelle est basée la réclamation; deux autres notes furent encore échangées et
laissèrent l'affaire dans le vague. (Note de la 3e édition.)
Les forces de
l'armée d'expédition n'étaient point déterminées par la convention du 20
novembre 1832; une nouvelle division ayant reçu l'ordre d'entrer en Belgique
vers la fin de novembre, le seul ministre belge encore en fonctions, celui de
la guerre, protesta contre cette mesure comme inutilement onéreuse au pays ; le
ministre de France à Bruxelles se borna à répondre qu'elle n'était contraire à
aucun engagement. (Voyez t. II du Recueil de Paris, p. 241-243.) (Note de la 4e
édition.)
[11] Un fait sur lequel l'auteur n'a
point assez insisté, c'est que les deux puissances exécutrices ne se
considéraient pas comme en état de guerre avec la Hollande, ce qui exigeait une
singulière réserve de langage.
Dans un ordre
du jour adressé à l'armée sous la date du 15 novembre, le ministre de la guerre,
baron Evain, expliquant les motifs de l'intervention française et de l'inaction
militaire de la Belgique, disait entre autres:
« Le refus
obstiné de la Hollande de retirer ses troupes derrière les limites que les
traités lui ont assignées était un acte permanent d'hostilité envers les
grandes puissances de l'Europe. » Cette phrase pouvant faire considérer les
mesures coercitives comme constituant un état de guerre, sir Robert Adair
protesta contre ces expressions dans une note remise au général Goblet le 17
novembre, et le comte de La Tour-Maubourg adhéra le lendemain à cette
protestation. .
Ces notes
sont insérées p. 238 et 239 du 2e vol. du Recueil de Paris, et manquent dans le
Recueil de Londres.
Le
gouvernement prussien, dans l'exposé fait à la Diète germanique pour annoncer
la marche de l'armée d'observation et consigné au protocole no 46, du 6
décembre 1832, déclara, en parlant des mesures coercitives, qu'une telle
entreprise ne saurait, dans le cas d'une résistance de la part de la Hollande, s'imaginer
sans guerre. (Note de la 4e édition.)
[12] Le ministère belge avait vu de bonne
heure quel parti il pouvait tirer de la position particulière où il avait plu
au roi Guillaume de placer Lillo et Liefkenshoek, et, dès le 10 décembre 1832,
les envoyés belges à Londres et à Paris avaient reçu l'ordre de ne pas
insister, le cas échéant, sur la reddition de ces deux forts. (Note de la 1re
édition.)
[13] Dans la séance du 21 novembre
[14] Séances du 21 et du 23 novembre
1832.
[15] Ont voté pour l'ajournement, 44 :
MM. de Bousies, Boucqueau-de Villeraie, Fortamps, Cols, Coppieters, Davignon,
Defoere, Deleeuw, Félix de Mérode, Werner de Mérode, de Muelenaere, Denef, de
Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dugniolle, Dumont, Jacques, Lardinois,
Lebeau, J. Verderbelen, Legrelle, Mary, Dubois, Milcamps, Morel-Danneel,
Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Rogier, Donny, Thienpont,
Ullens, Vandenhove, M. Vanderbelen, L. de Robiano, Verdussen, Verhaegen, Hip.
Vilain XIIII, Vuylsteke et Raikem.
Ont voté
contre l'ajournement, 42 :MM. Angillis, Brabant, Coppens, Corbisier, Dams,
Dautrebande, Meeus, H. de Brouckere, Dehaerne, de Maizières, D'Elhoungne,
Delafaille, de Meer de Moorsel, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Desmet, de
Renesse, de Woelmont, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dubus, Dumortier, Fallon,
Fleussu, Gendebien, Levae, Hélias-d'Huddeghem, Hye-Hoys, Jaminé, Jullien,
Uedts, Osy, Pirson, Raymaekers, C. Rodenbach, de Tieken de Terhoven, Speelman,
Vergauwen, Watlet, Zoude, Jonet, Rouppe. (Note de l'éditeur de la 3e édition.)
[16] En même temps que le traité du 15
novembre recevait un commencement d'exécution, le ministère obtenait un autre
résultat, depuis longtemps attendu.
M. Thorn,
gouverneur de la province de Luxembourg, pour le roi des Belges, détenu à
Luxembourg depuis le 17 avril 1832, vit cesser sa captivité le 23 novembre; cet
honorable magistrat aurait été, dès le mois de mai, rendu à la liberté, si l'on
avait tenu compte de la position exceptionnelle où se trouve une partie de la
province de Luxembourg, par suite du traité du 13 novembre 1831.
Les individus
qui, en décembre 1831, avaient pris part aux armements ayant pour objet de
replacer immédiatement sous la domination du roi grand-duc la partie de la
province qui ne doit pas appartenir à la Belgique, aux termes du traité du 15
novembre, devaient-ils être considérés comme des accusés ordinaires, sous
l'empire du droit commun de la Belgique?
Telle est la
question que faisait naître l'arrestation de M. Thorn dans ses rapports avec
l'affaire de la bande Tornaco.
Le précédent
ministère l'avait résolue affirmativement.
Traduits devant
le jury de Namur, les accusés présents furent acquittés le 12 septembre 1832.
La condition
principale mise à l'élargissement de M. Thorn était donc implicitement
accomplie.
Mais le
ministère public crut devoir faire des réserves, au nom du gouvernement, contre
les accusés contumaces.
On demanda la
révocation de ces réserves.
Les choses en
étaient arrivées là lorsque M. d'Huart (depuis ministre des finances),
commissaire du district de Grevenmacher, opéra de son chef l'arrestation de M.
Pescatore.
Le nouveau
ministère, appréciant le véritable état de cette question, consentit à mettre
en liberté M. Pescatore et à considérer comme non avenues les réserves faites
contre les accusés contumaces.
Dès lors, il
n'exista plus d'obstacle à l'élargissement de M. Thorn. (Note de la 1re
édition.)
Cette affaire
n'a été qu'un incident du grand drame qui occupait le monde, incident auquel
l'auteur n'a consacré qu'une note très succincte; on peut aujourd'hui en dire
davantage.
Les
nombreuses pièces relatives à cette affaire, qu'il faut rappeler plutôt comme
un embarras que comme un événement, ne sont réunies dans aucun recueil; les
plus intéressantes sont celles qui ont précédé le dénouement et qui servent à
l'expliquer; on les trouve dans le second volume du Recueil de Paris, p.
89-150, et dans le troisième du Recueil de La Haye.
Il résulte
d'une lecture impartiale de ces pièces:
1° Que le roi
grand-duc mit pour conditions à la libération de M. Thorn l'élargissement des
individus arrêtés à la fin de l'année 1830 et le désistement de toute poursuite
envers les contumaces (Note verbale du 7 mai 1832, Recueil de La Haye, t. III,
p. 32);
2° Qu'il y
eut désaccord entre la Diète de Francfort et la Conférence de Londres; que la
Diète adhéra à la proposition du roi grand,duc. (Protocoles du 7 et du 30 mai
1862, Recueil de La Haye, t. III, p, 64); que laConférence crut pouvoir
demander l'élargissement préalable de M. Thorn (Protocoles n° 60, 62, 66, 68 du
11 mai, du 29 mai, du 15 juin, du 13 juillet 1832);
3° Que le
premier ministère du roi Léopold s'en tint purement et simplement à l'opinion
de la Conférence, croyant qu'il serait contraire aux lois et à la dignité
nationale de consentir aux conditions proposées par le roi grand-duc et la
Diète;
4° Que les
individus arrêtés ayant été, le 12 septembre, déclarés non coupables aux
assises de Namur comme criminels d'État, M. de Muelenaere crut atteindre le but
en promettant qu'ils ne seraient point retenus comme prisonniers de guerre, et
en s'abstenant de se prononcer sur l'action en contumace dirigée contre les
individus non arrêtés (Note du 12 septembre);
5° Que cette
explication paraissant insuffisante, le général Goblet, peu de jours après son
entrée au ministère, alla plus loin en chargeant M. Van de Weyer d'annoncer à
la Conférence la cessation de toute arrestation et de toute poursuite (Note du
12 octobre);
6° Que l'on
attendait le résultat de cette nouvelle démarche, la plus complète qui eût été
faite jusque-là, lorsque M. Antoine Pescatore fut arrêté le 19 octobre;
7° Que déjà
la Diète, dans une séance du 11 octobre, avait reconnu que, d'après ce qui
s'était passé, il y avait lieu de mettre M. Thorn en liberté, si le
gouvernement belge déclarait qu'il ne retenait plus aucun individu par
représailles;
8° Que la
Diète, ayant reçu dans sa séance du 25 octobre communication de l'arrestation
de M. Pescatore, demanda son élargissement préalable, en suspendant sa
résolution du 11 octobre concernant l'élargissement de M. Thorn;
9° Qu'en
effet, M. Pescatore fut élargi le 23 novembre, au matin ; que la déclaration
concernant les individus, tant acquittés que contumaces, fut réitérée
immédiatement ; que le même jour, au soir, M. Thorn fut élargi ; que ces
mesures, se succédant avec une si grande rapidité, ne furent connues qu'en même
temps et purent être présentées par les journaux belges et français comme un
échange.
Des
renseignements particuliers nous autorisent à ajouter que le colonel Prisse,
envoyé à Luxembourg pour y concerter ses mesures avec les autorités fédérales,
avait reçu pour instruction de ne se dessaisir de M. Pescatore que sur
l'assurance au moins verbale que M. Thorn serait restitué dans la même journée,
assurance qu'il obtint sous la foi de l'honneur militaire.
Néanmoins, M.
Pescatore étant mis en liberté sans réserve, et M. Thorn dirigé vers Arlon sous
la garde fédérale, le colonel Prisse fut encore obligé de déclarer que si
l'arrestation de M. Pescatore avait été commencée ou tentée dans le rayon
stratégique, on rechercherait, aux termes des lois, les auteurs de ces faits; déclaration
conditionnelle soit par sa nature, soit par ses termes, et qui ne se
s'appliquait nullement à l'auteur du fait principal consommé à Grevenmacher.
Plusieurs de
ces circonstances, défavorables au gouvernement belge, à la Conférence et
surtout aux cabinets de Paris et de Londres, ne restèrent point inconnues; les
journaux hollandais et allemands ont eu soin de les faire ressortir. C'était
pour les partisans du roi Guillaume comme une consolation, une compensation des
mesures coercitives; pourquoi leur envier le triomphe des petites choses?
Il n'est pas
sans intérêt de rétablir les faits dont l'enchaînement a dû échapper au public,
habitué à ne s'attacher qu'au résultat; nous compléterons ce résumé par
l'extrait suivant du protocole de la Diète germanique du 8 novembre : « M. le
président déclare qu'il ne peut que regretter qu'après l'assurance donnée à
Londres le 12 octobre par les Belges, que dans le moment actuel aucun individu
appartenant au. grand-duché de Luxembourg ne se trouve en état d'arrestation ou
d'accusation, la libération immédiate du ci-devant avocat Thorn ait éprouvé un
nouveau retard par suite de l'arrestation d'Antoine Pescatore, effectuée le 19
octobre; M. le président croit devoir faire une mention spéciale de cette
circonstance, attendu que la faute du retard qu'éprouve la libération de M.
Thorn retombe uniquement sur les autorités belges. » Il nous reste à nous
demander ce qui serait advenu si le gouvernement belge avait refusé
l'élargissement préalable de M.. Pescatore.
Bien des lecteurs
admettront la rectification que nous venons de faire au détriment de la
Belgique et rejetteront la réponse que nous allons donner au détriment de la
Diète.
Qu'eût fait
cette assemblée?
Des notes, et
rien de plus.
D'abord, comment
croire que la Diète eût fait en faveur d'un sujet ce qu'elle était en demeure
de faire depuis deux ans en faveur du souverain?
Les mesures
coercitives elles-mêmes ne devaient point arracher l'Allemagne à sa prudente
inaction.
En second
lieu, il existe des actes qui répondent en quelque sorte des intentions de la
Diète pour l'éventualité que nous supposons; dans sa séance du 8 novembre, sur
la demande du gouverneur militaire de la place de Luxembourg, le comité diétal
avait proposé, par mesure de représailles et de précaution, de faire occuper
par les troupes prussiennes le territoire de Wasserbillig à Luxembourg; dans la
séance du 29 novembre, sur les observations de l'envoyé de Prusse, elle décida
que la proposition exigeait, un examen plus approfondi, et que, jusqu'à
nouvelle instruction, aucun changement ne serait effectué dans le rayon de la
place. (Ce protocole ne se trouve pas dans le Recueil de La Haye; il est inséré
dans le Recueil de Paris, p. 210, t. II.) .
Tout se
serait donc passé en négociations; il y aurait eu deux victimes, deux hommes
des plus honorables, calculant, l'un à Luxembourg, l'autre à Namur, les chances
de délivrance personnelle au milieu des événements européens qui se
préparaient.
Ainsi que
nous l'avons démontré dans la note p. 323 à 32 ; ci-dessus, l'occupation de la
route stratégique de Luxembourg à Wasserbillig n'avait rien de commun avec la
proposition du sequestre de la partie du grand-duché qui devait être restituée.
(Note de la 4e édition.)