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« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR
Par
Jean-Baptiste Nothomb
CHAPITRE VI. Bases de séparation,
des 20 et 27 janvier 1831. - Adhésion du roi Guillaume. - Protestation du
Congrès belge. - Résumé des actes de la Conférence.
(page 126)
(page 127) Dans sa
réunion du 20 janvier,
« Étant parvenus au jour
où doit se trouver complètement établie la cessation d'hostilités que les cinq
puissances ont eu à cœur d'amener, les plénipotentiaires ont procédé à l'examen
des questions qu'ils avaient à résoudre, pour réaliser l'objet de leur
protocole du 20 décembre 1830, pour faire une utile application des principes
fondamentaux auxquels cet acte a rattaché l'indépendance future de
Nous croyons nécessaire
de placer ici textuellement les six premiers articles, destinés à fixer les
limites de
« Art. 1er. Les limites
de
« Art. 2:
« Art. 3. Il est entendu que les dispositions des articles 108 jusqu' à117 inclusivement de l'acte générai du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliquées aux rivières et aux fleuves qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.
« Art. 4. Comme il résulterait
néanmoins des bases posées dans les articles 1 er et 2 que
(page 129) « Art.
5.
« Art. 6. Par une
juste réciprocité,
Elle remplit cette
deuxième partie de sa tâche dans sa séance du 27 janvier, toutefois en ne
rédigeant que de simples propositions; admettant un système de compensation,
elle proposait à
(page 130) Ce deuxième protocole se terminait par la conclusion suivante:
« Occupées à maintenir
la paix générale, persuadées que leur accord en est la seule garantie et
agissant avec un parfait désintéressement dans les affaires de
« Elles n'hésitent pas à
se reconnaître le droit de poser ces principes, et, sans préjuger d'autres
questions graves, sans rien décider sur celle de la souveraineté de
Le 18 février,
Cette adhésion, pleine et entière, changeait complètement la position du roi Guillaume, et il importe d'en faire la remarque.
D'abord, ce prince rétractait par là sa protestation contre le principe de l'indépendance belge, les bases de séparation, d'après le préambule du protocole du 20 janvier, n'ayant d'autre but que de réaliser l'objet du protocole du 20 décembre.
En second lieu, il
abdiquait implicitement la souveraineté sur
Le protocole du 20
janvier fut communiqué au Congrès belge dans la séance du 29 du même mois; la
discussion relative au choix du chef de l'État, ouverte (page 132) depuis la
veille, fut suspendue, et l'assemblée décida qu'il serait protesté contre la
décision de
Dans la même séance,
elle chargea une commission de lui présenter, dans le plus bref délai, un
projet de protestation, en invitant le président, M. Surlet de Chokier, à
désigner un membre dans la députation de chaque province. La commission fut
composée de MM. Osy, pour la province d'Anvers; S. Van de Weyer, pour le
Brabant; Devaux, pour
Elle fit son rapport le
lendemain; la protestation fut discutée le 1er février et adoptée par 163 voix
contre 9[6],
Cet acte, dicté par l'audace révolutionnaire, ne parvint pas à annuler le
protocole du 20 janvier, mais il tint
« Les
plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de
« D'après ce
principe d'un ordre supérieur, les traités ne perdent pas leur puissance, quels
que soient les changements qui interviennent dans l'organisation intérieure des
peuples. Pour juger de l'application que les cinq cours ont faite de ce même
principe, pour' apprécier les déterminations qu'elles ont prises relativement
(page 134) à
« A cette époque, les
provinces belges étaient occupées militairement par l'Autriche,
« L'union de
« Un tel devoir rendait
inutile tout concours étranger. Pour agir ensemble, les puissances n'avaient
qu'à consulter les traités, qu'à mesurer l'étendue des dangers que leur
inaction ou leur désaccord aurait fait naître. Les démarches des cinq cours à
l'effet d'amener la cessation de la lutte entre
« L'effusion du sang
s’arrêta;
« La seconde application des mêmes principes eut lieu dans le protocole du 20 décembre 1830.
« A l'exposé des motifs
qui déterminent les cinq cours, cet acte associa la réserve des devoirs dont
« Chaque nation a ses droits particuliers; mais l'Europe aussi a son droit: c'est l'ordre social qui le lui a donné.
« Les traités qui
régissent l'Europe,
« Le protocole du
20 décembre fut l'expression de ces vérités; il statua que
« Les puissances venaient d'indiquer ainsi le but auquel elles devaient marcher. Elles y marchèrent, fortes de la pureté de leurs intentions et de leur impartialité, Tandis que, d'un côté, par leur protocole du 18 janvier, elles repoussaient des prétentions qui seront toujours inadmissibles, de l'autre, elles pesaient avec le soin le plus scrupuleux toutes les opinions qui étaient mutuellement émises, tous les titres qui étaient réciproquement invoqués. De cette discussion approfondie des diverses communications faites par les plénipotentiaires que S. M. le roi des Pays-Bas et par les commissaires belges, résulta le protocole définitif du 20 janvier 1831.
« Il était à
prévoir que la première ardeur d’une indépendance naissante tendrait à franchir
les justes bornes des traités et des obligations qui en dérivent. Les cinq
cours ne pouvaient néanmoins admettre en faveur des Belges le droit de faire
des conquêtes sur
« Les puissances avaient encore à délibérer sur d'autres questions qui se rattachaient à leurs traités et qui ne pouvaient, par conséquent, être soumises à des décisions nouvelles sans leur concours direct.
« D'après le protocole du 20 décembre, les instructions et les pleins pouvoirs demandés pour les commissaires belges qui seraient envoyés à Londres devaient embrasser tous les objets de la négociation. Cependant, les commissaires arrivèrent sans autorité suffisante et, sur plusieurs points importants, sans informations; et les circonstances n'admettaient point de retard.
« Les puissances,
par le protocole du 27 janvier, ne firent néanmoins, d'une part, qu'énumérer
les charges inhérentes soit au territoire belge, soit au territoire hollandais,
et se bornèrent à proposer de l'autre, des arrangements fondés sur une
réciprocité de concessions; sur les moyens de conserver à
« Dans ces arrangements, la médiation des puissances sera toujours requise; car, sans elle, ni les parties intéressées ne parviendraient à s'entendre, ni les stipulations auxquelles les cinq cours ont pris, en 1814 et 1815, une part immédiate, ne pourraient se modifier.
« L'adhésion de S.
M. le roi des Pays-Bas aux protocoles du :20 et du 27 janvier
Les actes de
[1] Les plénipotentiaires hollandais remirent également,
sous la date du 6 janvier 1831, des propositions à
Ces propositions
étaient divisées en trois parties:
A. Territoire. B.
Partage de la dette. C. Navigation des colonies.
Relativement au
territoire de
Par le protocole du 20
janvier,
Avant d'adhérer au
protocole du 20 janvier, les plénipotentiaires hollandais, par une note du 12
février, insistèrent de nouveau sur le désenclavement et émirent, pour la
première fois, l'opinion que
Il est à remarquer
que, nonobstant la note du 12 lévrier, les plénipotentiaires hollandais
adhérèrent purement et simplement, le 18, aux bases de séparation arrêtées par
la Conférence.
Les instructions
données à lord Ponsonby par lord Palmerston, au nom de la Conférence, sous la
date du 1er décembre 1830, se trouvent dans le deuxième volume du recueil
Papers relative to the affairs of Belgium, B. 2e partie, n° 4. Le ministre
anglais regarde le principe de la séparation absolue de la Belgique d'avec la
Hollande comme non susceptible de longues discussions; et dans l'hypothèse de
l'admission de ce principe, il recherche quelles doivent être les limites des
deux pays; il attribue à la Hollande le status quo de 1790 et à la Belgique le
reste du royaume des Pays-Bas, en considérant le grand-duché de Luxembourg
comme un État à part: délimitation adoptée par le protocole du 20 janvier 1831
et contraire aux propositions des plénipotentiaires hollandais, du 6 janvier.
(Note de la 3e
édition.)
[2] L'article 5 suppose que les limites définitives de la
Belgique seront arrêtées et tracées conformément aux bases posées dans les
articles 1 et 2 ; l'article 4 veut qu'i! soit effectué un échange par les soins
des cinq cours: ces deux articles donnent aux bases de séparation le caractère
de préliminaires de paix et renferment le germe d'un nouvel arbitrage.
[3] L'auteur de l'ouvrage: la Belgique et la révolution
de juillet, p.121, M. CH.-L. DE BÉCOURT, commet une grave erreur en supposant
que la deuxième partie des bases de séparation, relative au partage des dettes,
n'a reçu le caractère de proposition qu'à la suite des observations faites par
la France, sous la date du 17 mars 1831. Le même écrivain dit, p. 183, que
l'article 2 des bases de séparation assurait implicitement à la Belgique la
province de Liége, le duché de Bouillon et les dix cantons français; mais, dans
le récit qu'il fait de la négociation des dix-huit articles, il n'admet pas
l'opinion des commissaires belges sur les enclaves du Brabant hollandais. Les
bases de séparation assignaient seulement à la Hollande ce que l'ancienne
république avait possédé en 1790; tout ce qui était en dehors du status quo de
1790 devait revenir à la Belgique, et sous ce rapport, les enclaves du Brabant
non possédées par la Hollande en 1790 étaient dans la même position que les dix
cantons détachés de la France en 1811 : faire une distinction, c'était sortir
du principe fondamental des bases de séparation.
Nous ajouterons que
l'assertion de l'auteur français est trop absolue quant au duché de Bouillon,
et nous renvoyons à la note du chap. VI du premier appendice. (Note de la
4" édition.)
[4] Protocole du 18 février 1831, n° 18.
[5] La possibilité de l'avènement d'un nouveau souverain
en Belgique résultait également des protocoles du 1er et du 7 février, n° 14 et
15, relatifs à l'exclusion de certains princes, protocoles contre lesquels le
roi Guillaume n'a point protesté. (Note de la 3e édition.)
M. WHITE, The belgic
revolution, 1. II, p. 111, traduction française, 1. II, p. 238, semble croire
que l'auteur va trop loin en soutenant que le roi, Guillaume, par son adhésion,
sans réserve quelconque, aux bases de séparation, abdiquait implicitement;
l'auteur ne va pas plus loin que le cabinet russe dans le précis des
négociations du 27 février 1832, document d'un si grand intérêt historique et
qui est passé sous silence par l'écrivain anglais.
En juin 1831, le
prince de Talleyrand disait, avec une haute prévoyance de l'avenir, à l'un des
commissaires belges, l'auteur même de l'Essai:
« Croyez-moi; le roi
Guillaume nous a rendu un grand service en acceptant les bases de séparation;
son refus nous eût bien embarrassés. » (Note de la 4° édition.)
[6] Les opposants étaient MM. de Foere, Bosmans,
Jottrand, Dubus, Domis, LegreIle, C. Wannaer, Viron et Allard.
[7] De leur côté, les plénipotentiaires des Pays-Bas
avaient adressé à la Conférence, sous la date du 12 février, une note pour
protester contre le titre ler de la constitution belge, intitulé: Du territoire
et de ses divisions. (Papers relative to the affairs of Belgium, B. 1er
partie, n° 10, p. 22.) La protestation ne
porte que sur les dispositions en vertu desquelles le Limbourg en entier et le
grand-duché de Luxembourg sont considérés comme partie intégrante du nouveau
royaume de Belgique, et non sur le principe de l'indépendance belge et de
l'exclusion de la maison d'Orange. (Note de la 3e édition.)
La protestation du
Congrès belge fut envoyée par lettre close à la Conférence de Londres, mais le
texte n'en a pas été inséré au recueil officiel des protocoles, circonstance
qui a fait, à tort, supposer à l'auteur de l'ouvrage: La Belgique et la
révolution de juillet, p. 190, M. DE BÉCOURT, que la protestation même n'avait
point été transmise à la Conférence.(Note de la 4e édition.)
[8] Nous croyons savoir que, quant aux idées, le
protocole justificatif du 19 février appartient au plénipotentiaire prussien,
baron de Bulow, mort à Berlin, le 6 février 1846, après avoir été ministre des
affaires étrangères, et, quant à la forme, au plénipotentiaire russe, comte
Matuscewic, renommé par son talent de rédaction. (Note de la 4" édition)
[9] Dans tous les actes qui ont suivi l'adhésion aux
bases de séparation, jusqu'à l'avènement du prince Léopold, le cabinet de La
Haye a considéré, au moins par son silence, les protestations du 22 décembre
1830 et du 4 janvier 1831 comme non avenues, et la question dynastique comme
résolue.
Dans la protestation
du 21 juillet 1831 contre les dix-huit articles, le gouvernement hollandais
émit, pour la première fois, l'opinion que les bases de séparation avaient
laissé intacte la question de souveraineté, opinion reproduite depuis, à la
suite du rejet des vingt-quatre articles.
Le roi Guillaume
ayant, à l'appui de sa dénégation, sollicité l'influence personnelle de
l'empereur de Russie, le comte de Nesselrode rétablit les faits dans un mémoire
très étendu, daté de Saint-Pétersbourg, 27 février 1832. Ce document, qui
renferme la pensée du cabinet russe, a été imprimé pour la première fois dans
le recueil anglais: Papers relative to the affairs of Belgium, B. 2"
partie, n° 80, p. 62.
II serait fastidieux
d'énumérer toutes les notes par lesquelles le cabinet de La Haye a renouvelé
cette dénégation; nous nous bornerons à l'extrait Suivant du mémoire du 30
janvier 1832 : « Par sa note du 22 décembre 1830, l'ambassadeur des Pays-Bas
protesta contre le protocole du 20 de ce mois, en tant que, soit par ses
dispositions, soit par ses expressions, cet acte portait atteinte aux droits du
roi... Cette protestation fut suivie d'une déclaration faite au nom de Sa
Majesté à la Conférence. Elle contenait les réserves nécessaires, et c'est à la
faveur de ces réserves que Sa Majesté fit exprimer son désir de voir régler la
séparation entre la Hollande et la Belgique d'une manière équitable. L'annexe A
du 12e protocole se trouva destinée à réaliser ce désir. Nonobstant les motifs
qui s'opposaient à l'accession, le roi accéda au dit acte; mais jamais le
gouvernement ne dévia de ses principes, et son office du 12 juillet 1831 en
offre une preuve bien convaincante dans l'observation que l'annexe A du12e
protocole a laissé intacte la question de la souveraineté, et dans la
déclaration qu'en supposant que le roi pût consentir à ce que cette importante
solution fût mise dans la balance de l'arrangement entre la Hollande et la
Belgique, la Hollande ne saurait s'y prêter sans de justes compensations. Si la
marche de la négociation éprouva plus tard une aberration sensible, la cour dès
Pays-Bas s'appliqua constamment à la maintenir dans la voie adoptée. »
Nous croyons avoir
prouvé à l'évidence que le roi Guillaume s'est désisté des protestations
faites, le 22 décembre 1830 et le 4 janvier 1831, contre les principes de
l'indépendance belge, et que les bases de séparation n'ont point laissé intacte
la question dynastique. (Note de la 3e édition.)