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« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR
Par
Jean-Baptiste Nothomb
CHAPITRE IV. Conférence de Londres. - Suspension d'armes du 21 novembre
et armistice du 15 décembre 1830. - Comité diplomatique. Déblocus de Maestricht
et de l'Escaut.
(page 105) La révolution belge avait échappé à deux écueils contre lesquels elle pouvait se briser dès ses premiers pas: par deux mesures qui, en apparence, étaient simplement intérieures, par la déclaration de son indépendance et l'adoption du régime monarchique[1], elle avait fait entrevoir que son but n'était pas d'amener un bouleversement général, mais un ordre de choses qui pût s'approprier au statu quo politique de l'Europe.
Elle devait être mise à une nouvelle épreuve bien plus décisive.
Dès les premiers jours
du mois d'octobre 1830, le roi Guillaume s'était adressé à l'Autriche, à
C'est donc sur
l'invitation du roi Guillaume que les plénipotentiaires des cinq cours se sont
réunis. Le gouvernement hollandais a, depuis, contesté les pouvoirs de cette
assemblée politique; il a soutenu que
Les deux parties ont
alternativement changé de rôle: avant la campagne d'août 1831,
(page 107) On n'a pas assez insisté sur le caractère et les conséquences de la première démarche faite par le roi Guillaume en octobre 1830[3].
(page 108) Ce monarque s'était reconnu dans l'impossibilité de reconquérir le royaume des Pays-Bas; il avait donné un démenti à sa devise : Je maintiendrai.
En s'adressant aux cinq
cours qui, en 1814 et 1815, avaient décidé du sort de
Le roi Guillaume s'est élevé par la suite contre la dictature européenne que se sont attribuée les cinq grandes puissances; mais n'avait-il pas été le premier à la reconnaître, à en provoquer l'action? Les cinq cours ne se sont pas adressées à lui pour qu'il les autorisât à s'immiscer dans les affaires de son royaume;
c'est de lui qu'est venue
l'initiative: considérant son royaume comme une création diplomatique, il a
fait un appel à la diplomatie. Il a dit aux puissances: Vous m'avez donné une
couronne en 1814; soutenez-la sur ma tête; elle tombera si vous n'étendez votre
main sur moi. Et la couronne est tombée; car les puissances ont pensé que, pour
le salut de l'Europe, il convenait de . proclamer la dissolution du royaume-uni
des Pays-Bas et l'indépendance de
Mais si, d'un côté, les
cours avaient le droit de reconnaître l'indépendance belge, d'un autre côté,
c'était un devoir pour elles de ne pas souffrir qu'il fût porté atteinte à la
nationalité hollandaise. Leur premier acte , fut de proposer une suspension
d'armes[4] ;
car
Ce fut le 7 novembre 1830
que les deux commissaires (page 109) de
Ce protocole consacrait
donc le principe de l'intervention en faveur des cinq puissances, et le
principe du post-liminium de 1790 au profit de
Bien qu'issu de
l'insurrection, et dans les premiers transports révolutionnaires, le
gouvernement provisoire comprit la position de
Il s'exprimait en ces termes dans son acte d'adhésion:
« Les membres du
gouvernement provisoire se plaisent à croire que des sentiments de sympathie
bien naturels pour les souffrances de
Telles étaient les dispositions des esprits, tels furent les encouragements que la diplomatie reçut à son début[7].
(page 111) Les deux
commissaires, MM. Cartwright et Bresson, firent leur rapport à
Le 21 novembre, un dimanche, à quatre heures de l'après-midi, le gouvernement provisoire consentit à la suspension d'armes[8].
Le protocole n° 1
portait que les troupes se retireraient réciproquement derrière la ligne qui
séparait, avant l'époque du traité du 30 mai 1814, les possessions du prince
souverain des Provinces-Unies de celles qui ont été jointes à son territoire
pour former le royaume des Pays-Bas. Ces expressions recélaient, dans leur
laconisme, un système entier de délimitation: ce n'est que depuis qu'on a
compris que les limites de
(page 112) Dans leur
rapport à
. Nous avons beaucoup insisté sur les actes du 10 et du 21 novembre, parce qu'ils sont d'une grande portée; ce sont nos premiers pas dans la voie diplomatique; il nous était libre d'y entrer ou non; mais une fois engagés envers les puissances, il nous devenait impossible de rétrograder. Il faut avoir l'intelligence de ces premiers faits pour comprendre la marche de la révolution, qui, le 10 novembre, a quitté la rue et le champ de bataille pour passer dans le cabinet.
Jusque-là, il n'avait
pas existé de département spécial des affaires étrangères[9];
le gouvernement provisoire (page 113) avait délégué M. Tielemans pour traiter
avec les commissaires de
Les hostilités avaient cessé par la suspension d'armes qui autorisait les troupes belges et hollandaises à conserver respectivement les positions qu'elles avaient au 21 novembre, à quatre heures de l'après-midi; cet état provisoire devait être remplacé par l'armistice, dont les conditions furent longuement discutées et qui ne fut accepté que le 15 décembre[10].
La suspension d'armes du
21 novembre stipulait la cessation entière des hostilités et, notamment, le
rétablissement de la liberté de communication par terre et par mer, et la levée
du blocus des ports et des côtes. Le roi Guillaume révoqua immédiatement toutes
les mesures hostiles qu'il avait prises, à l'exception du blocus de l'Escaut,
qu'il ne voulut point considérer comme un acte d'hostilité proprement dite,
mais comme le résultat des anciens droits que
« Les plénipotentiaires ont résolu de faire connaître au plénipotentiaire de S.M. le roi des Pays-Bas que les cinq puissances, ayant pris sous leur garantie la cessation complète des hostilités, ne sauraient admettre, de la part de Sa Majesté la continuation d'aucune mesure qui porterait un caractère hostile, et que ce caractère étant celui des mesures qui entravent la navigation de l'Escaut, les cinq puissances sont obligées d'en demander une dernière fois la révocation.
« Les
plénipotentiaires ont observé que cette révocation devait être entière et
rétablir la libre navigation de l'Escaut, sans autre droit de péage et de
visite que ceux qui étaient établis en 1814, avant la réunion de
« Convaincus que, dans sa loyauté et sa sagesse, le (page 115) roi ne manquera pas d'accéder à tous les points de leur demande, les plénipotentiaires sont néanmoins forcés de déclarer ici que le rejet de cette demande serait envisagé par les cinq puissances comme un acte d'hostilité envers elles, et que si, le 20 janvier, les mesures qui entravent la navigation de l'Escaut ne cessaient dans le temps indiqué ci-dessus et conformément aux promesses de Sa Majesté même, les cinq puissances se réservaient d'adopter telles déterminations qu'elles trouveraient nécessaires à la prompte exécution de leurs engagements.
« Par une juste
réciprocité, les plénipotentiaires, ayant été informés qu'une reprise
d'hostilités a eu lieu, principalement aux environs de Maestricht, que des
mouvements de troupes belges semblent annoncer l'intention d'investir cette
place et que les troupes ont quitté les positions qu'elles devaient conserver
jusqu'à la fixation de la ligne définitive d'armistice, en vertu de la déclaration
ci-jointe du gouvernement provisoire de
Le gouvernement hollandais ouvrit l'Escaut le 20 janvier 1831, sans exiger de péage ni exercer de visite; le fleuve se trouva assimilé à la pleine mer.
Le protocole du 9 janvier, en établissant une corrélation (page 116) entre le déblocus de l'Escaut et celui de Maestricht, a créé un principe de réciprocité qui a pris place dans le droit public des deux peuples.
Les deux parties essayèrent de ne satisfaire au protocole du 9 janvier que sous des réserves; mais ces réserves furent rejetées le 27 janvier[11] 1.
L'armistice, accepté le 15 décembre, a été un hors-d'œuvre diplomatique; nous en exposerons les conditions, au chapitre VIII, et nous dirons quelles tentatives ont été faites pour en amener l'exécution[12].
[1] Nous faisons remonter ces deux mesures à l'arrêté du
gouvernement provisoire du 4 octobre 1830 et au projet de constitution.
[2] Lord Aberdeen a résigné le département des affaires
étrangères le 16 novembre 1830; il a néanmoins encore signé les deux protocoles
du 17 novembre.
[3] La première note adressée au gouvernement
britannique, au nom du roi des Pays-Bas, est du 5 octobre 1830. Elle contient
un exposé des faits assez étendu et la conclusion suivante:
« Et comme
l'assistance des alliés du roi pourra seule rétablir la tranquillité dans les
provinces méridionales des Pays-Bas, j'ai en même temps reçu l'ordre de
demander qu'il plaise à Sa Majesté britannique de commander à cette fin l'envoi
immédiat du nombre nécessaire de troupes dans les provinces méridionales des
Pays-Bas, dont l'arrivée retardée pourrait compromettre gravement les intérêts
de ces provinces et ceux de l'Europe entière.
« En m'acquittant,
par la présente, des intentions de mon gouvernement, j'ai l'honneur d'informer
Votre Excellence qu'une semblable communication est adressée à
Lord Aberdeen ne
répondit à M. Falck que le 17 octobre; il refusa l'envoi des troupes comme
tardif et annonça la réunion prochaine des plénipotentiaires des cinq cours, en
déclarant que le but principal du gouvernement britannique serait d'empêcher
les troubles survenus dans les Pays-Bas de conduire à une interruption de la
paix générale.
Par une note du 21
octobre, M. Falck accusa réception de la réponse de lord Aberdeen. Après avoir
exprimé ses regrets du refus des secours militaires et ses doutes sur
l'efficacité des moyens diplomatiques, il sollicita en ces termes une déclaration
de suspension d'armes:
« En conséquence,
j'ai été chargé d'insister auprès de vous, pour que les plénipotentiaires de
[4] Protocole no 1, du 4 novembre 1830, signé:
Esterhazy, Talleyrand, Aberdeen, Bulow et Matuszewicz.
[5] M. Charles Bresson, qui devait jouer un rôle si
équivoque à l'occasion de l'élection du duc de Nemours et si décidé à
l'occasion des mariages espagnols, est mort ambassadeur à Naples, le 2 novembre
1847. (Note de la 4e édition.)
[6] Ce premier acte, du 10 novembre 1830, est signé par
MM. de Potter, comte F. de Mérode, Ch. Rogier, A. Gendebien, J. Vanderlinden, Jolly et F.
de Coppin.
[7] Avant de publier l'Essai, M. Nothomb eut l'occasion
d'exposer dans son ensemble la marche suivie en diplomatie; il fit publiquement
remonter la solidarité au gouvernement provisoire et au Congrès national. Voyez
le discours du 8 mars 1832, p. 46 du Recueil. (Note de la 4e édition.)
[8] L'acte est signé: F. comte de Mérode, A. Gendebien,
S. Van de Weyer, Ch. Rogier, J. Vanderlinden, F. de Coppin et Jolly.
[9] Le gouvernement provisoire avait, dès les premiers
jours de son institution, organisé des départements ministériels, mais dont les
chefs n'avaient ni responsabilité, ni contre-seing.
Intérieur, M. Nicolaï, puis M.
Tielemans, Finances, M. Coghen, 27 septembre
[10] L'acceptation de l'armistice est signée par MM. S.
Van de Weyer, Ch. Rogier, Jolly, de Coppin, Vanderlinden et F. de Mérode. M.
Gendebien refusa de signer cet acte. .
[11] Les plénipotentiaires hollandais s'exprimaient en ces
termes dans une note qui porte la date du 25 janvier:
« Considérant toutefois que l'Europe ne
peut attendre des moyens d'un .seul État, quelque glorieuses que soient ses
annales, le retour au véritable système de non~intervention, basé sur le
respect dû aux droits de chaque peuple, le roi s'est déterminé à ne pas
s'opposer à la force majeure et à demeurer pour le moment, à partir du 20
janvier 1831, spectateur de la navigation de l'Escaut des bâtiments neutres ou
appartenant aux ports belges, sous la réserve et la protestation les plus
formelles, tant par rapport à ladite navigation elle-même, qu'aux droits que Sa
Majesté a la faculté de lever des bâtiments qui naviguent sur l'Escaut; en
conséquence, Sa Majesté a ordonné qu'à dater du dit jour, il sera sursis
provisoirement à l'exécution des mesures adoptées à l'égard de la navigation de
l'Escaut. »
[12] M. WHITE, The belgic revolution, t. II, p. 63, note,
p. 225, traduction française, t. II, p. 172, note, et t. III, p. 32, confond la
suspension d'armes qui consacrait le status quo et l'armistice qui exigeait une
évacuation territoriale, et comprend à tort ces deux actes dans les mêmes
mesures d'exécution. (Note de la 4° édition.)