« Le Congrès
national. L’œuvre et les hommes », par Louis de Lichtervelde, Bruxelles, 1945
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(page 7) Pendant l'hiver de
1943, Mme Charlier-Tassier qui poursuivait avec un
succès croissant, à La Renaissance
du Livre, l'édition de la collection «Notre Passé », m'a demandé de
préparer pour l'heure de la libération un petit livre sur le Congrès National.
C'était me ramener à mes premières publications dans le domaine de l'histoire
contemporaine. J'ai repris les notes qui m'avaient servi en 1922 ; j'ai relu
les ouvrages anciens parus sur le Congrès ainsi que les publications qui ont vu
le jour à l'occasion du centenaire de notre indépendance ; je me suis replongé
surtout dans le compte rendu des Discussions du Congrès, essayant de les
lire avec des yeux neufs et de saisir l'impression qu'elles laissent dans
l'esprit d'un Belge impartial d'aujourd'hui. L'ambiance rendait singulièrement
émouvante cette prospection des origines de notre Etat. L'œuvre du Congrès
était à certains égards ruinée. La
Belgique était occupée, son armée métropolitaine anéantie,
son Roi prisonnier ; les libertés proclamées par la Constitution
n'existaient plus. Un certain nombre de Belges qui disposaient seuls de la
presse et de la radio affectaient le plus grand mépris pour les conquêtes de
1830. Ils traitaient galamment d'imbéciles les auteurs de la Constitution et
n'avaient que de la commisération pour ceux qui avaient fondé, au milieu de
l'Europe jalouse, un (page 8) Etat
qui était cependant parvenu à devenir une grande puissance économique, à
étendre son influence sur tout le centre africain et à s'auréoler de gloire
dans la première guerre mondiale.
Les Discussions du Congrès, dans les textes de l'époque, prenaient
dès lors une actualité singulière. Quelle joie d'y entendre le cri d'une
nationalité qui se retrouve en pleine force après trente-cinq années
d'oppression, de souffrances et de déboires! Quelle fierté de suivre la lutte
courageuse menée pour l'intégrité du territoire! Quel encouragement de voir ce
que peuvent, dans des circonstances quasi désespérées, un patriotisme fervent
et un invincible esprit d'union ! Quel orgueil, aussi, de constater qu'en 1830 la Belgique était à
l'avant-garde des idées nouvelles et que plus sage que bien d'autres, elle ne
s'était pas laissée griser par elles et qu'elle avait pris soin de les décanter
avant de les mettre en pratique ! A mesure que j'avançais dans mon travail, la
conviction s'ancrait en moi qu'à l'heure indéterminée mais pourtant certaine de
la libération du territoire, l'ouvrage qui m'était demandé pourrait être un
tonifiant pour l'opinion publique nationale, excédée de tant de calomnies
dirigées contre un passé plein de grandeur. Le Congrès a construit. Au moment
où, après le désastre, il s'agit de reconstruire, il n'est pas inutile de voir
comment le Congrès a procédé, et d'essayer de démêler ce qu'il y a eu dans son
œuvre de solide et de faible. Les ruines qui s'accumulent autour de nous
donnent un prix nouveau à la richesse que constitue une tradition. La Belgique indépendante,
héritière d'une Belgique plus ancienne et moins heureuse, s'en est forgé une à
travers des difficultés sans nombre. C'est défendre notre âme que de travailler
à la faire mieux connaître, mieux comprendre et mieux aimer.
L. L.
Baudries, le 7 août 1943.
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