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Note
d’intention
VAN
MEENEN Pierre-François (1772-1858)
VAN MEENEN Pierre-François, né en 1772 à Espierres, décédé
en 1858 à Bruxelles.
Age en 1830 : 58 ans
Congressiste (1830-1831, Louvain)
Libéral. Elu par l’arrondissement d’Ypres de 1831 à 1832.
(Extrait
de : Ch. CHRISTOPHE, Biographie nationale de Belgique, t. XIV, 1897, col.
229-232)
VAN MEENEN (Pierre-François), philosophe,
publiciste, magistrat, né à Espierres (Flandre occidentale), le 4 mai 1772,
mort à Bruxelles, le 2 mars 1858. Jacques-François, son père, était un honnête
paysan, rien de plus ; Anne-Christine Landrier, sa mère, tout simplement une
femme d'élite. Elle se chargea de former le cœur et le caractère de ses
enfants, et le chef de la famille n'eut qu'à se louer de son abdication. Le
fils cadet, notre Pierre-François, devenu octogénaire, consacra, dans une page
touchante, le souvenir profond qu'il avait gardé des leçons et des exemples de
cette excellente mère. Peut-être expliquerait-on par la même influence l'intérêt
particulier que Van Meenen attacha toute sa vie à la première éducation des
enfants.
Jacques-François ayant transféré ses pénates à Anserœul, en Hainaut, non
loin de Renaix, profita du voisinage de cette ville pour y envoyer son plus
jeune fils, destiné à la prêtrise. Trois ans plus tard, il le fit entrer, pour
achever ses humanités, au collège du chapitre de Tournai. Le pays s'agitant de
plus en plus, grâce aux ordonnances de Joseph II, il jugea prudent de le
rappeler au foyer domestique, ce qui entraîna une interruption d'études de deux
ans. Ces vacances forcées agirent puissamment sur les dispositions du jeune
homme. Il se prit à réfléchir sur les causes de l'ébranlement de l'édifice social.
Passionné pour la lecture et trouvant par hasard sous sa main quelques écrits
de philosophes français, il en fit ses délices et se laissa insensiblement
séduire par leurs hardiesses. Il en était là en 1792, quand l'obtention d'une
bourse lui ouvrit les portes de l'université de Louvain.
Il fit son cours de philosophie dans la pédagogie du Lys, s'y distingua,
puis, sur la fin de 1793, fut admis comme théologien au collège de Driutius, à
la veille d'être transformé en hôpital militaire. Sa bourse lui fit trouver un
refuge au collège de Liège : à peine y était-il installé que l'invasion
française, en juillet 1794, amena la dispersion des étudiants. Anne-Christine,
sur ces entrefaites, avait perdu son mari. Pierre-François rentra cette fois
au logis en grand deuil, mais surtout changé au moral, convaincu de la
stérilité de l'enseignement philosophique de l'Alma Mater et, d'autre
part, mis en garde contre le sensualisme et le matérialisme, alors en vogue,
par ses lectures assidues de Bacon, de Descartes, de Spinoza de Leibniz, et
peut-être aussi par l'influence du professeur Liebaert, qui paraît avoir trouvé
grâce à ses yeux.
Il ne resta pas longtemps au village. Le magistrat de Louvain le délégua à
Paris pour y suivre les cours de l'Ecole normale, instituée par
décret du 9 brumaire an III (30 octobre 1794). Il passa là six mois environ ;
il en revint animé de l'enthousiasme d'un apôtre, grisé des idées nouvelles,
ardent révolutionnaire. On le vit, dans une solennité républicaine, prendre la
parole dans l'église Saint-Michel, devenue temple de la loi, pour vanter
les avantages de l'annexion de
Il était encore eu plein enthousiasme lorsque l'université fut supprimée
par décret du 4 brumaire an VI (25 octobre 1797). On rapporte qu'il ferma lui-même
les portes des Halles : « Voici u, dit-il, au maire, les clefs du
temple de l'ignorance. »
Son beau zèle se montra encore dans une pièce de vers en style pompeux,
qu'il débita, le 29 janvier 1798, dans la chaire de Saint-Michel, pour
célébrer la ratification du traité de CampoFormio. Il commença à voir
les choses d'un autre œil, en revanche, lorsque le Directoire exigea du clergé
le fameux serment de haine, et que toutes sortes de mesures vexatoires
visant l'ancien culte eurent pour première conséquence de faire éclater une
chouannerie des Flamands, la guerre des paysans. Louvain fut menacé :
la panique saisit les autorités locales, qui abandonnèrent leur poste. Van
Meenen, ainsi que le maire et le commissaire même du Directoire, se réfugièrent
à Bruxelles, où leur arrivée fit sensation. Ils en furent quittes pour une
semonce fraternelle de l'autorité départementale (voir ORTS,
L'administration supérieure ne garda pas rancune à Van Meenen ; il devint
secrétaire de la sous-préfecture de Louvain (1800), et fut, en outre, investi,
dans le cours des années suivantes, de divers mandats de confiance. Pendant
quatorze ans, à partir de 1802, il siégea au conseil municipal de Louvain ; procureur
syndic du conseil général des hospices et secours de son arrondissement
(1803), président du collège électoral de la même circonscription, il s'acquit
une réputation de capacité et de dévouement qui le fit porter, en 1805, sur la
liste des candidats au Corps législatif. Cependant les fonctions qu'il remplissait
avec succès ne répondaient que tout juste à ses goûts, et le despotisme
impérial, d'autre part, achevait de dissiper ses illusions de vingt ans. Il
finit par prendre la résolution de renoncer aux fonctions publiques pour
embrasser la carrière du barreau. A force de volonté, et grâce à ses rares
aptitudes, grâce aussi à une disposition de la loi du 13 mars 1804, autorisant
le gouvernement à dispenser, pendant dix ans, de la production de diplômes,
les individus ayant rempli des fonctions législatives, administratives ou
judiciaires et réclamant la faveur d'exercer toutes les fonctions ou
professions pour lesquelles le titre de licencié en droit était exigé, il en
vint à se mettre en règle et fut admis à prêter serment, comme avocat à la cour
d'appel de Bruxelles, le 30 août 1808. Il ne se détacha toutefois complètement
de l'administration que vers fa lin de l'année suivante pour se livrer,
toujours à Louvain, aux travaux de sa nouvelle profession.
Elle ne l'absorba pas tout entier : il sut se créer de studieux loisirs,
qu'il consacra con amore à la philosophie, à l'idéologie, comme
on disait alors, en attachant à cette expression je ne sais quelle acception
dédaigneuse. Mais ses méditations n'eurent pas seulement pour objet des pures
théories ; il s'inquiéta surtout, comme son contemporain Benjamin Constant, de
la solution pratique des grands problèmes de la morale sociale et du droit
constitutionnel. Aussi bien il s'inquiétait des destinées de son pays, qui
subirait tôt ou tard le contre-coup des fautes de l'Empire ; il se préparait à
un rôle actif, et il se trouva, en effet, à son poste lorsque la tragédie
napoléonienne approcha de son dénouement. Le 2 février 1815, parut à
Bruxelles, chez P.-J. Demat, le premier numéro de l'Observateur politique,
administratif, historique et littéraire de
L'épigraphe avait beau dire : dans la situation critique où se trouvaient nos
provinces, la presse n'était pas sûre de son lendemain. Quelle serait
l'attitude du prince d'Orange ; le futur souverain des Pays-Bas ?
Résisterait-il aux exigences de Maurice de Broglie, l'évêque de Gand, organe
d'un clergé puissant et remuant ? On verrait peut-être se renouveler les
agitations du règne de Joseph II. Entrerait- il dans la voie des concessions ?
Que deviendraient alors les conquêtes de la révolution ? Tenir un juste milieu
? Ce serait ne contenter personne. Quoi qu'il arrivât, la presse devait
s'attendre à un bâillon. Nos courageux publicistes ne se laissèrent pas
effrayer : naviguant entre des écueils, ils suivirent imperturbablement la
ligne droite des principes, à leurs risques et périls. Libéraux sincères, ils
réclamaient la. liberté pour tous, pour le clergé comme pour les adversaires ;
confiants à l'origine dans les intentions et dans la prudence du nouveau
gouvernement, ils n'eurent pourtant jamais la faiblesse de s'incliner devant
tous ses actes et de lui ménager des avertissements, si bien qu'ils finirent
par lui devenir suspects. On a insinué qu'ils ne se seraient pas jetés
graduellement dans l'opposition, si tout au commencement, Guillaume 1er s'était
montré plus sensible à leurs avarices. C'est un reproche immérité. L' Observateur
prit part à l'allégresse générale, lorsque le roi fit son entrée solennelle
dans Bruxelles, le 30 mars 1815 ; mais il n'avait rien à renier pour
acclamer le nouveau régime ; sa confiance en lui ne l'empêcha pas de le
surveiller de près, fidèle en cela à sa profession de foi constitutionnelle publiée
le 2 février par l'organe de Van Meenen. Il fut maladroit peut-être, mais il
fut loyal, et ce qui le prouve, c'est qu'il ne se décida que très lentement à
se placer sur le terrain de la critique. Peu à peu, sans doute, il se montra
moins accommodant : ce ne fut point dépit, mais désenchantement, illusions
perdues.
Dans les premiers volumes de l'Observateur, Van Meenen se montra
philosophe plutôt que politique. Le plus pressant, à ses yeux, puisqu'un
projet de constitution va être élaboré, c'est d'affirmer les grands principes.
Avant tout, les citoyens réclament, dans la mesure la plus large, des garanties
individuelles, la liberté civile, la sécurité la plus entière. Pourquoi la
liberté politique fut-elle réduite à rien dans
Si Joseph II, au lieu de tout brusquer, s'était associé l'un après l'autre
,tous les intérêts, au lieu de les froisser tous en même temps, en moins d'un
quart de siècle, là révolution qu'il rêvait eût été un fait accompli ;
mais il n'en est pas moins vrai qu'il se serait vu arrêté dès les premiers
pas, si la nation avait eu sérieusement part à l'autorité législative, si les
ministres eussent été responsables, si enfin les droits individuels, soit des
corps, soit des particuliers eussent été protégés sur ce point capital. Ce
n'est pas que les constitutions, prises en elles-mêmes, soient des
panacées ; cependant, de nos jours, on s'en passerait difficilement ; mais
on aurait peu de chance d'aboutir si l'on ne s'entendait avant tout sur les
principes. Il faut se dire que constituer, c'est organiser les pouvoirs, non
les exercer.
Mais tandis que Van Meenen disserte, les événements se précipitent. La commission
chargée de réviser la loi fondamentale a terminé ses travaux. La proclamation
du 18 juillet éclate comme un coup de foudre. Il s'agit de savoir sous quelle
forme on votera, pour ou contre le projet, et qui votera. Quoi ! deux poids et
deux mesures ! En Hollande, conformément à la loi en vigueur, le projet sera
soumis à la délibération d'une assemblée. Formée de membres des Etats
généraux et d'un nombre égal de membres extraordinaires ; en Belgique, au
contraire, des notables, un sur deux mille habitants, seront convoqués par
arrondissement pour voter sur le dit projet, et le recensement des votes
se fera à Bruxelles, Ainsi, les Hollandais délibéreront sur ce qui nous
intéresse autant qu'eux-mêmes, et nous ne pourrons dire que oui ou non!
Tout ici est étrange et disproportionné. Et si les deux parties du nouveau
royaume ne s'accordent pas ? Dans quelle balance les pèsera-t-on ?
Van Meenen signale ces anomalies ; il se contente, du reste, du rôle d'observateur
et ne songe pas à brûler ses vaisseaux, si peu qu'il engage ses amis
politiques à voter pour le projet. Il redoute par-dessus tout les prétentions
du clergé : voilà le secret. Les évêques belges n'avaient pas attendu pour
dessiner leur attitude, que le texte du projet soumis à l'approbation des
notables fût connu. Ils firent feu sur toute la ligne ; la police eut beau
saisir les mandements : le coup était porté. Indifférence ou scrupule, les cinq
dixièmes des notables s'abstinrent de donner leurs suffrages ; des 1,373 votants,
527 seulement adhérèrent au projet. Le roi Guillaume n'en démordit point : il
affecta de considérer comme affirmatifs les votes de 136 opposants qui
n'avaient entendu repousser formellement que les articles relatifs au culte ;
d'autre part, il appliqua l'adage : Qui tacet consentit, aux notables
qui n'avaient pas voté et crut pouvoir passer outre. Une proclamation du 24
août déclara
Calculs équivoques s'il en fut ; mieux eût valu cent fois, dit fort bien
Th. Juste, décréter souverainement la loi fondamentale. Ce qu'on n'a peut-être
pas remarqué, c'est que l'idée de ces calculs parait avoir été suggérée par
Van Meenen lui-même. Ce n'est pas sans étonnement que nous avons lu dans l'
Observateur (t. II, pages 266) les lignes suivantes à propos de la
formation définitive des listes de notables : « Un beau principe à appliquer ici, c'est que, lorsqu'on en
appelle à des votes de rejet, il faut
considérer le silence des habiles à voter comme des votes de maintien ; sans cela, on s'exposerait à juger des
dispositions de tous par les mouvements du petit nombre des gens turbulents, et
une minorité désapprobatrice prévaudrait sur la masse qui n'a pu manifester son
opinion que par son silence, parce que tout autre moyen lui était
interdit ». L'analogie des deux situations n'est sans doute pas complète ;
mais la pensée est la même.
L'irritation du clergé se traduisit par
des exposés de doctrines et par des actes. L'abbé De Foere, rédacteur du Spectateur
belge, recueil très influent dans
En 1817, lors de la grande crise commerciale des Flandres, Van Meenen prit
part à la fondation d'une Association patriotique pour le soutien de l'industrie
nationale, dont tous les membres devaient s'engager d'honneur, non seulement
à ne pas employer sciemment des toiles, des draps et des étoffes de coton
fabriqués à l'étranger, mais encore à en interdire l'usage aux personnes
placées sous leur dépendance. Les adhésions furent nombreuses ; des comités
locaux s'organisèrent. Van Meenen était partisan de la liberté commerciale ;
mais l'effet désastreux des lois protectrices lui paraissait ne pouvoir être
mieux combattu que par la prohibition elle-même. Le gouvernement ouvrit enfin
les yeux ; d'abord il s'en tint à des modifications de tarifs et des avances
aux industriels ; ensuite il imagina le million Merlin, prélevé sur les
revenus des douanes au profit des industries grevées de droits élevés ; enfin,
il mérita bien du pays en créant
Mais Van Meenen ne s'intéressait pas seulement aux affaires du jour ;
c'était avant tout un philosophe. Dans les années qui précédèrent la
réorganisation de l'enseignement supérieur, nous le voyons s'entourer de jeunes
gens qu'il incite à penser par
eux-mêmes. Nous ne citerons que Sylvain Van de Weyer, le futur diplomate, qui
resta toute sa vie profondément imbu des leçons de ce maître. Van Meenen avait
l'esprit large : il rêvait la conciliation du cartésianisme avec la
philosophie expérimentale importée d'Angleterre, lorsque les Inductions de
Kératry lui tombèrent sous la main. Non bis in idem, se dit-il ; et il
abandonna son projet. Si Van Meenen prit au sérieux la philosophie de
Condillac, ce ne fut qu'un instant et pour l'éprouver, comme il disait ;
il en reconnut l'insuffisance et les contradictions, correspondit avec Destut
de Tracy pour lui déclarer qu'il n'était pas d'accord avec lui, puis se
rapprocha de Royer-Collard et mérita, pour sa Lettre à Haumont (voir ce
nom), insérée dans l'Observateur, les éloges de Victor Cousin. Van
Meenen se montra sévère à l'égard de son adversaire, dont il appréciait
cependant la valeur ; il y eut un échange de lettres, au cours desquelles
l'avocat philosophe essaya de circonscrire le débat, en le faisant porter sur
la question du langage. Jacotot faisait alors beaucoup de bruit à Louvain.
Haumont ne s'intéressant guère à la nouvelle méthode, Van Meenen résolut
lui-même de rompre une lance avec le fondateur de l'émancipation intellectuelle
: d'une part, il tenait à réduire à sa juste valeur une théorie grosse de
conséquences pédagogiques de première importance ; de l'autre, il n'était
pas fâché de trouver l'occasion de lancer quelques pointes au gouvernement, à
propos de l'invasion officielle de la langue hollandaise en Belgique. (Nous
renvoyons le lecteur à l'article JACOTOT, de
Van Meenen avait ses idées à lui, en matière d'éducation ; il n'aimait pas
les formulaires et pensait qu'il ne convient pas de couler les jeunes
intelligences toujours dans le même moule, mais de les rendre assez vigoureuses
pour marcher ensuite par elles-mêmes. Il réalisa ses vœux en dirigeant
personnellement l'éducation de ses enfants, et n'eut point à s'en repentir. En
même temps, il suivit avec attention les progrès de la réaction qui s'opérait
en France contre le pur sensualisme. Il entra en relation avec Laromiguière,
qui, tout en restant condillacien, commençait à reconnaître que l'âme n'est
pas entièrement passive et que les sensations ne suffisent pas à expliquer la
pensée. Il prit la peine de commenter, page par page, le Discours sur la
langue du raisonnement et les Leçons de philosophie. Ce travail,
presque aussi étendu que les ouvrages dont il était l'objet, fut communiqué à
Laromiguière sur le désir manifesté par celui-ci au baron de Reiffenberg, alors
occupé de traduire les Leçons en latin. Le penseur français se fit un
devoir de ne laisser sans réponse aucune des objections de Van Meenen. On se
prend à regretter que ces notes n'aient pas été coordonnées de manière à
former un livre ; la réputation de notre compatriote y eût gagné, et l'histoire
de l'éclectisme se fût enrichie d'un bon chapitre. Mentionnons encore parmi
les ouvrages philosophiques inédits de Van Meenen une dissertation sur la
morale de Bentham, qui ne doit pas avoir été sans influence sur
Les idées lamennaisiennes se répandirent dans le pays et rendirent
possible l'union des catholiques et des libéraux. Van Meenen et l'abbé
De Foere en furent les véritables fondateurs. Mais l'alliance des deux partis
ne fut tout à fait scellée qu'en juin 1829, par la publication d'une brochure
de L. de Potter, alors détenu aux Petits-Carmes pour un article du Courrier.
Le retentissement de cet écrit fut sans effet sur une cour terrifiée.
Cependant la colère du peuple devenait décidément menaçante. Un nouvel acte
d'accusation fut dressé contre de Potter et son ami Tielemans, à propos de la
publication, dans le Courrier, des Lettres de Démophile. Van
Meenen et Gendebien les défendirent devant la cour d'assises du Brabant
méridional : une sentence d'exil frappa les accusés, qui ne devaient pas tarder
de rentrer avec tous les honneurs de la guerre. Mais ce qui parut vraiment
odieux dans cette affaire, c'est que trois jours après la condamnation aux
assises (3 mai 1830), la correspondance de Tielemans et de Potter parut en deux
gros volumes in-8°, chez Baes Van Kempen, c'est-à-dire chez Libri-Bagnano. Elle
avait donc été imprimée pendant le procès ! On avait commis l'infamie de
la livrer au typographe avant le jugement ! Il en résulta que ce jugement passa
pour avoir été dicté au tribunal. Les intéressés réclamèrent : ceux qui
devaient s'expliquer restèrent muets. La mesure était comble.
La révolution éclata. Van Meenen ne fut pas le dernier à se prononcer pour
la séparation des deux pays. A Louvain, avec quelques notables, il s'empara du
pouvoir le jour même où la garnison fut chassée, grâce à leur ferme contenance.
Bruxelles, tranquille de ce côté, put résister plus aisément à l'attaque des
forces envoyées contre elle. Van Meenen fut appelé par le gouvernement provisoire,
dès le 28 septembre, au poste important de gouverneur du Brabant. Il accepta ce
mandat pour aider ses amis à traverser la crise. Mais une fois ce résultat
obtenu, il se hâta de démissionner (1er décembre) ; il avait toujours montré
peu de goût pour l'administration, Le 6 octobre, du reste, il avait été nommé.
procureur général près de la cour supérieure de justice de Bruxelles. Le 6
décembre, il fut désigné pour faire partie de la commission de constitution.
Les électeurs louvanistes l'envoyèrent siéger au Congrès national ; il se
trouva là dans son véritable milieu, et déploya tout son zèle en coopérant
assidûment à l'élaboration de notre précieuse charte. C'est sur sa proposition
qu'elle fut adoptée dans son ensemble et sanctionnée solennellement le 7
février 1831.
Il vota pour la monarchie constitutionnelle sous un chef héréditaire, pour
l'exclusion des Nassau, pour deux Chambres législatives, contre les 18
articles, etc.; mais c'est surtout dans la discussion du titre II de
Lors des premières élections pour
Van Meenen avait impérieusement besoin de remplir
toute sa vie; les glaces
de l'âge ne surent ni refroidir son énergie morale, ni le détourner de ses
études, ni modérer ce besoin d'activité incessante et variée, ce qui est le
propre des hommes de propagande. Tant qu'il fut debout il travailla, il
écrivit, il s'associa soit à des œuvres de progrès, soit à des manifestations
politiques. Dès 1826, il était entré avec Baron, Quetelet, Lesbroussart, Vande
Weyer, de Potter, etc., dans
Van Meenen avait pris une part, en 1834, à la fondation de l'université
libre de Bruxelles. Il fit plus: il tint à honneur de figurer sur la liste de
ses professeurs. Il y fit un cours d'encyclopédie de la philosophie, qu'il
échangea bientôt pour la philosophie morale, En 1841, il fut élevé à la dignité
rectorale ; son mandat d'un an fut plusieurs fois renouvelé. C'est comme
recteur qu'il prononça, le 20 novembre 1844, à l'occasion du decennium de
l'université, un discours énergique et significatif, où il évoqua le souvenir
de l'Encyclique de 1832 et des Vrais principes de l'évêque de
Liège Van Rommel, en matière d'instruction publique. Il y représenta
l'université de Bruxelles comme ayant sa raison d'être dans la nécessité de
résister aux envahissements de la théocratie, et de soutenir les institutions
nationales au nom de l'indépendance et de la science, « la souveraine du
monde". Il ne repoussait pas la religion, mais voyait dans l'étude
elle-même, dans la recherche sincère de la vérité, un acte de foi en
L'Académie royale de Belgique ayant été réorganisée par
Léopold 1er (1er décembre 1845), sur le rapport de S. vande Weyer, alors
ministre de l'intérieur, la classe des lettres résolut, dès le 27 janvier
suivant, d'associer à ses travaux plusieurs hommes éminents, parmi lesquels Van
Meenen ne pouvait être oublié. L'élection du digne vieillard devait paraître
un hommage rendu à son mérite, plutôt qu'un appel direct à sa coopération. Il
ne l'entendit pas ainsi : il tint à se montrer aussi actif que ses collègues
plus jeunes. Son rapport sur un ouvrage de Quetelet concernant
En 1855, une chute malheureuse obligea Van Meenen de se
séparer pour toujours de ses collègues de la cour et de s'éloigner des affaires
publiques. Il souffrit de sa condamnation au repos ; sa puissante
constitution en fut minée peu à peu. Comme Charles-Quint, il mourut trois ans
après son abdication. Ses funérailles furent imposantes, digne d'un grand
citoyen. Une discordance se fit cependant entendre à Louvain. Van Meenen avait
été enterré civilement : il avait professé une religion philosophique, en
dehors de toute théologie.
On a peine à se figurer de pareilles colères. La carrière
tout entière du défunt fut représentée comme un tissu de palinodies. Le
vénérable abbé de Haerne, son collègue au Congrès, se crut obligé de formuler lui-même une généreuse protestation.
L'université de Bruxelles possède un portrait de
Van Meenen, œuvre magistrale de Navez. La ressemblance, paraît-il, est
frappante. Front haut et large, sourcils froncés par l'habitude de la pensée,
regard dont la sévérité ne parvient pas à dissiper un penchant à l'indulgence,
nez droit et allongé, qui revêt tout à la fois une probité native et, dans les
narines, une nuance d'ironie perceptible seulement à l'œil attentif ; des
lèvres serrées et un peu relevées du côté gauche, confirmant ce dernier trait
et en même temps accusant un orateur ; un menton carré, signe de fermeté et de
respect de soi-même; dans l'ensemble, une expression d'honnêteté et de simplicité
un peu rustique, mais surtout de dignité presque solennelle, tels sont les
traits matériels et moraux, pour ainsi dire, de cette remarquable physionomie.
Van Meenen était d'une taille élevée, d'une complexion sèche, osseuse et robuste
; sans être négligé dans sa toilette, il en avait peu de souci : les délicats
le surnommaient l'homme aux grosses
bottes. Il était de cette race
énergique et sûre d'elle-même qui a fourni, au temps de la première révolution
française, tant d'individualités fortes, devant lesquelles nous ne sommes que
des mirmidons. Comment se fait-il qu'un homme aussi distingué, aussi bien doué,
aussi influent sur ses contemporains, soit si peu connu de la génération
présente, à coup sûr ingrate sans le savoir ? Nous voyons à cela deux causes :
d'abord Van Meenen en dehors de ses articles de journaux, n'a publié qu'un
petit nombre d'opuscules ; ensuite, son influence a été celle d'un puissant
critique plutôt que celle d'un fondateur et d'un homme d'action. Il faut aussi
tenir compte de son absence d'ambition personnelle : il ne tenait pas à
briller, mais à se satisfaire lui-même. Il ne se donnait pas la peine de
soigner son style, trop souvent délayé et diffus. Il se tenait, d'autre part, presque
toujours sur le terrain des idées générales, peut-être à raison de son
éloignement pour le sensualisme. En somme, Van Meenen fut un généreux
enthousiaste, rêvant une société nouvelle, parce qu'il avait trop connu l'ancienne,
et la voyant déjà debout dans ses théories. Nous ne le comprenons plus, mais
ses premiers lecteurs le comprirent, parce qu'ils partageaient ses espérances.
Nous lui devons un pieux souvenir. Il fut de l'un de ceux qui préparèrent
l'indépendance de
Alphonse Le Roy.
Alph. Le Roy, Notice sur la vie et les travaux de P.-F. van Meenen, dans
l'Annuaire de l'Académie royale de Belgique pour 1877.
(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre du
Congrès (10/11/1830)
(01) Formation d’une députation
chargée d’informer le gouvernement provisoire de l’installation du Congrès (10/11/1830)
(02) Indépendance de
(03) Règlement d’ordre du congrès national (12/11/1830, 13/11/1830, 15/11/1830, 17/12//1830)
(04) Négociations relatives au statut du Luxembourg (17/11/1830)
(05)
Manifeste résumant tous les
griefs du peuple belge (18/11/1830)
(06)
Exclusion des Nassau de tout pouvoir en Belgique (24/11/1830)
(07) Mode de publication des actes du congrès
national (27/11/1830)
(08)
Question du sénat (14/12/1830, 15/12/1830, 16/12/1830, 17/12//1830,
18/12/1830)
(09)
Constitution. Acquisition et
perte de la nationalité (20/12/1830)
(10)
Constitution. Peine établie en
vertu d’une loi (21/12/1830)
(11)
Constitution. Inviolabilité du
domicile (21/12/1830)
(12) Constitution.
Liberté des cultes, de leur exercice public et liberté des opinions (21/12/1830, 22/12/1830)
(13) Constitution. Indépendance des cultes vis-à-vis des
pouvoirs publics, notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le
mariage religieux). (24/12/1830)
(14) Constitution.
Liberté de la presse (24/12/1830)
(15)
Constitution.
Liberté d’enseignement (24/12/1830)
(16)
Constitution. Droit de réunion
(27/12/1830)
(17)
Constitution. Secret des
lettres (27/12/1830)
(18)
Constitution. Emploi des langues (27/12/1830)
(19)
Cour des comptes (29/12/1830)
(20)
Question du choix du chef de l’Etat
(Nemours-Leuchtenberg) (05/01/1831, 07/01/1831, 08/01/1831, 12/01/1831,
18/01/1831, 28/01/1831, 29/01/1831, 02/02/1831, 03/02/1831)
(21) Crimes et délits contre la chose publique (07/01/1831,
12/01/1831, 14/01/1831)
(22) Constitution. Autorisation pour le roi et ses héritiers de se marier et
d’être chef d’un autre Etat (08/01/1831)
(23) Constitution. Inviolabilité du chef de l’Etat et
responsabilité des ministres (09/01/1831)
(24) Constitution. Non-application des
arrêtés illégaux par les conseils provinciaux et communaux (09/01/1831)
(25) Constitution. Droit de déclarer la
guerre et de signer des traités (10/01/1831)
(26) Constitution. Régence
du roi et impossibilité de régner (14/01/1831)
(27) Garde civique (17/01/1831)
(28) Abrogation de la législation
néerlandaise sur l'organisation judiciaire (18/01/1831)
(29) Constitution. Droit de résistance
aux actes illégaux des fonctionnaires publics et droit de poursuite (notamment
à l’égard des ministres) (21/01/1831)
(30) Constitution. Cour de cassation (21/01/1831)
(31) Constitution.
Nomination des présidents et vice-présidents du pouvoir judiciaire (24/01/1831)
(32) Constitution. Nombre de cours d’appel (24/01/1831)
(33) Constitution. Finances communales et imposition
au profit des polders et wateringues (27/01/1831)
(34) Protestation contre le protocole du 20 janvier 1831 contenant les bases de
séparation entre
(35) Constitution.
Droit d’association (05/02/1831)
(36) Constitution. Droit des prétendants au trône de
se marier (06/02/1831)
(37) Constitution. Droit d’accuser les
ministres (06/02/1831)
(38) Promulgation
de la constitution (08/02/1831, 11/02/1831)
(39) Proposition tendant à proclamer
la république (14/02/1831)
(40) Loi électorale (16/02/1831, 02/03/1831)
(41) Lieutenant général du royaume et
régence (23/02/1831)
(42) Proposition de rendre constitutionnels les décrets sur l'indépendance de
(43) Situation diplomatique de
(44) Commission d’enquête sur les
causes des émeutes de mars 1831 (02/04/1831)
(45) Retenue sur les traitements des fonctionnaires
de l’Etat (05/04/1831)
(46) Projet d’emprunt forcé de 12
millions de florins (07/04/1831)
(47) Admission au service belge
d’officiers étrangers (11/04/1831)
(48) Manifeste des griefs belges (13/04/1831)
(49) Traitements des membres de la
haute cour militaire (14/04/1831)
(50) Insubordination militaire (23/05/1831)
(51) Traitement des membres des cours supérieures de
justice de Bruxelles et de Liége (25/05/1831)
(52) Récompenses nationales (28/05/1831)
(53) Election du chef de l’Etat (Léopold de
Saxe-Cobourg) et propositions annexes (31/05/1831, 01/06/1831,
02/06/1831, 03/06/1831,
04/06/1831)
(54) Assiduité des membres du congrès
(17/06/1831)
(55) Garde civique (17/06/1831,
21/06/1831, 22/06/1831)
(56) Exemption des droits d'entrée et
de garantie le mobilier des belges qui rentrent dans leur patrie (24/06/1831)
(57) Interpellations diplomatiques (27/06/1831)
(58) Préliminaires de paix (les
dix-huit articles) (28/06/1831, 30/06/1831 (matin), 01/07/1831, 02/07/1831,
04/07/1831, 06/07/1831, 09/07/1831)
(59) Réunion des états provinciaux
pour la session ordinaire de 1831 (30/06/1831 (après-midi))
(60) Législation
sur la presse et/ou établissement du jury (18/07/1831,
19/07/1831, 20/07/1831)
(61) Fêtes anniversaires des journées
de septembre 1830 (19/07/1831)
(62) Présentation du procès-verbal de
la séance précédente (20/07/1831)
(63) Vérification des pouvoirs d’un membre du
congrès (élections contestées de de Sauvage) (20/07/1831)
(64) Dissolution du congrès national (20/07/1831)
(65) Serment à prêter par les
fonctionnaires publics (20/07/1831)
(66) Proposition tendant à donner à M.
le baron Surlet de Chokier, régent de
INTERVENTIONS
AU COURS DE LA SESSION 1831-1832
(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre de la chambre.
Election non contestée (14/10/1831)
(01) Situation diplomatique générale (traité des 24 articles)
(30/10/1831,
30/12/1831,
30/05/1832)
(02) Commission d’enquête sur les causes de la défaite
militaire d’août 1831 (10/11/1831, 23/11/1831, 28/11/1831, 01/12/1831)
(03) Crédits provisoires pour l’exercice 1831. Caisse de
retraite (12/11/1831)
(04) Nomination de la commission d’agriculture et de commerce
(15/11/1831)
(05) Rapports sur des pétitions relatives à une arrestation
arbitraire (25/11/1831),
à la vente de biens saisis de fabriques d’église (25/11/1831), aux indemnités dues
aux jurés de la cour d’assises (17/12/1831, 27/01/1832),
à la confiscation de cocardes orange chez un particulier (17/12/1831),
à l’indemnisation des victimes des événements de la révolution (27/01/1832),
à une demande d’emploi formulée par un habitant des territoires cédés (19/05/1832),
à une demande de séparation de communes (25/05/1832)
(06) Contrôle des armes de guerre (02/12/1831)
(07) Budget du département de la guerre pour 1832 (06/12/1831)
(08) Mobilisation de la garde civique (28/12/1831)
(09) Nécessité de soumettre M. de Theux à une réélection, en
raison de sa nomination comme ministre de l’intérieur (29/12/1831)
(10) Organisation de l’instruction publique (proposition
Seron-de Robaulx) (26/01/1832)
(11) Usage inadéquat du droit de parole par des
parlementaires (24/02/1832)
(12) Passation du marché Hambrouck (marché militaire) (01/03/1832)
(13) Retard apporté à l’adjudication des travaux du chemin de
fer de l’Etat en raison du traité des 24 articles (17/04/1832)
(14) Monuments pour les victimes de septembre (19/04/1832 soir)
(15) Conseil des mines (18/05/1832)
(16) Abolition de la peine de mort (22/05/1832, 24/05/1832,
04/07/1832)
(17) Organisation du service de la douane (02/06/1832)
(18) Organisation judiciaire. Portée générale du
projet de loi (26/06/1832),
cour de cassation (05/06/1832, 06/06/1832, 08/06/1832, 15/06/1832, 16/06/1832,
26/06/1832,
29/06/1832),
cours d’appel (09/06/1832,
11/06/1832,
19/06/1832,
26/06/1832),
tribunaux de première instance (09/07/1832), conditions de
nomination des juges (21/06/1832), ministère public (27/06/1832), nomination à vie des
juges suppléants (27/06/1832), première nomination (28/06/1832), entrée en vigueur (09/07/1832)
(19) Traitements des membres de l’ordre judiciaire (06/07/1832,
07/07/1832)
(20) Organisation de la garde civique et d’une armée de
réserve (22/06/1832)
(21) Création de l’ordre Léopold (02/07/1832, 06/07/1832)
(22)
Concessions de péages (13/07/1832)