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DE POTTER Louis (1786-1859)
DE POTTER Louis, né en 1786 à Bruges, décédé en 1859 à Bruges
Age en 1830 : 44 ans
Membre du Gouvernement provisoire (1830)
Biographie, Souvenirs personnels
Interventions au cours de la session 1830-1831
(Congrès national)
(Extrait de Th. JUSTE, dans Biographie nationale de Belgique, t. V, 1876,
col. 620-629)
DE POTTER (Louis) naquit à Bruges le 26 avril 1786. Il appartenait à une
famille noble et opulente. Celle-ci, lors de la seconde invasion française, en
1794, chercha un asile en Allemagne, et cette émigration se prolongea jusque
vers l'époque du consulat. Louis De Potter, dont l'instruction était restée
fort incomplète, la recommença et voulut non-seulement approfondir les langues
anciennes, mais aussi s'initier à quelques langues vivantes. En 1811 il partit
pour l'Italie et passa dix années à Rome (1811 à 1821), puis deux années à
Florence (1821 à 1823). Il s'occupait avec prédilection de l'histoire de l'Eglise
catholique, et il l'étudiait avec les préventions qui prédominaient dans
l'école philosophique du XVIIIe siècle. Déjà, en 1816, il avait fait paraître
des Considérations sur l'histoire des principaux conciles depuis les apôtres
jusqu'au Grand schisme d'Occident. En 1821, il compléta ce premier travail
par un autre ouvrage, en six volumes : L'Esprit de l'Église ou
Considérations sur l' histoire des conciles et des
papes, depuis Charlemagne jusqu'à nos jours. Pendant son séjour à Florence,
il avait eu accès aux archives et à la bibliothèque de la famille Ricci ; c'est
là qu'il réunit les matériaux d'un troisième ouvrage qui parut en 1825 et qui
fut immédiatement traduit en allemand et en anglais ; c'est
En 1823, Louis De Potter était revenu en Belgique,
très satisfait de voir le nord et le midi des Pays-Bas réunis sous le sceptre
de Guillaume de Nassau. « Je remercie le sort, écrivait-il, de ce qu'il
m'a destiné à vivre sous des institutions libérales, qui, par des principes de
modération et d'équité, ne mettent aucune barrière à la pensée... » Après
la mort de son père (M. De Potter de Droogewalle),
il quitta Bruges et alla se fixer à Bruxelles. D'un caractère indépendant,
sans préjugés et sans ambition, il refusa de « lever » le diplôme qui
lui conférait la noblesse héréditaire. Il eût cependant dépendu de lui d'entrer
dans la carrière des emplois ; il était fort bien sinon avec le ministère tout
entier, du moins avec le chef du département de l'intérieur, M. Van Gobbelschroy, son ancien condisciple. Par ses écrits
joséphistes, même par sa collaboration au Courrier des Pays-Bas, l'organe
le plus influent de l'opinion libérale, De Potter secondait les vues du
gouvernement. Mais De Potter ne se croyait aucune aptitude pour les fonctions
officielles, et, du reste, indépendant à tous égards, il préférait rester
simple publiciste.
En 1827, De Potter se signalait parmi les plus
violents adversaires des catholiques ; il avait blâmé comme un acte de
faiblesse le concordat conclu avec la cour de Rome et applaudi à la création du
collège philosophique. Pour maintenir les catholiques dans une sorte de
sujétion et perpétuer celle-ci, il aurait voulu que le gouvernement restât
maître absolu de l'instruction publique, « qu'il se constituât, selon ses
expressions, en comité de dictature le plus ferme et le plus énergique
possible. » - Mais l'année suivante (1828) une singulière métamorphose
s'opéra dans les idées de De Potter, et elle
coïncidait avec la transformation du parti libéral presque tout entier. Les
libéraux, craignant pour eux-mêmes les tendances absolutistes du gouvernement,
se rapprochèrent des catholiques, leurs anciens antagonistes, et ils allaient
maintenant réclamer ensemble le développement des libertés constitutionnelles.
Cette transformation fut révélée avec éclat dans une lettre adressée, le 8
novembre 1828, par De Potter au Courrier des Pays-Bas. Le hardi
publiciste faisait évanouir le fantôme du jésuitisme dont le
gouvernement s'était servi pendant si longtemps pour intimider et contenir les
libéraux. « ... Dès que nous nous mêlons de nos affaires, disait-il, on
crie aux jésuites, et nous voilà hors du droit commun. .. Opposons des
mots à des mots. Jusqu'ici l'on a traqué les jésuites ; bafouons, honnissons,
poursuivons les ministériels ; que quiconque n'aura pas clairement
démontré par ses actes qu'il n'est dévoué à aucun ministre soit mis au ban de
la nation, et que l'anathème de l'antipopularité pèse
sur lui avec toutes ses suites. » Le Courrier des Pays-Bas ayant
été poursuivi pour cette lettre sur les jésuites, De Potter s'en déclara
publiquement l'auteur, et, cité devant le juge d'instruction, fut enfermé le 15
novembre à la prison des Petits-Carmes. En attendant qu'il comparût devant la
cour d'assises, il poursuivait la lutte commencée. Le 22 novembre, le Courrier
des Pays-Bas publiait sous le titre de : Le ministérialisme un
nouvel article qui fut également incriminé ; deux jours auparavant, De Potter
avait adressé au même journal une lettre où, s'exprimant à certains égards
comme le chef de l'opposition libérale, il formulait les vœux de celle-ci :
liberté réelle de la presse, responsabilité ministérielle, indépendance du
pouvoir judiciaire, etc. Traduit, le 19 décembre, devant la cour d'assises du
Brabant méridional, De Potter, après des débats émouvants, fut le lendemain condamné
à mille florins d'amende et dix-huit mois de prison. De ce jour date l'immense
popularité dont De Potter devait se servir comme d'un levier pour ébranler le
régime fondé en 1815. Les cris de Vive De Potter ! avaient accueilli
l'arrêt de la cour d'assises.
Ramené aux Petits-Carmes, De Potter, loin de se laisser
abattre, continua d'exciter, de réveiller l'esprit public par des
communications incessantes au Courrier des Pays-Bas. Il avoue lui-même
que sa cellule devint un centre où se discutaient tous les moyens de combattre
légalement le despotisme monarchique. Le courageux publiciste mit le sceau à sa
popularité lorsqu'il se constitua (juillet 1829) l'apologiste et le propagateur
de l'alliance des catholiques et des .libéraux. On put à bon droit signaler
plus tard comme le programme de la révolution belge la célèbre brochure
intitulée: Union des catholiques et des libéraux dans les Pays-Bas. En
l'envoyant directement au roi, De Potter disait dans sa lettre d'accompagnement
: « L'alliance qui, dans les Pays-Bas, vient d'être jurée sur l'autel de
la patrie par la philosophie et la religion, est un des événements les plus
remarquables de votre règne : il nous sera envié par les peuples civilisés des
deux mondes.
De Potter refusa de demander sa grâce à Guillaume 1er,
qui n'attendait qu'une supplique pour se montrer clément. Le prisonnier des
Petits-Carmes continua avec une infatigable ardeur la guerre qu'il avait
déclarée à la suprématie hollandaise. Le 15 novembre 1829, il faisait paraître
sa Lettre de Démophile à M. Van Gobbelschroy sur la garantie de la liberté des Belges à
l'époque de l'ouverture de la session des états généraux (1829 à 1830).
Elle fut suivie d'une protestation plus hardie encore (20 décembre) : Lettre
de Démophile au roi sur le nouveau projet de loi
contre la presse et le message royal qui l'accompagne. Là il prédisait la
séparation du nord et du midi des Pays-Bas si les ministres ne respectaient pas
le pacte fondamental, qui était la garantie commune des peuples unis en 1815.
Au commencement de février 1830, De Potter fut
poursuivi pour la seconde fois. Le Courrier des Pays-Bas avait publié,
sous la signature du prisonnier, un plan de confédération patriotique lequel
tendait, selon les expressions du ministre de la justice, à établir dans l'Etat
un Etat qui aurait, sans mission légale, contrecarré, miné et renversé le
pouvoir du gouvernement. M. Tielemans, alors référendaire au ministère des
affaires étrangères, fut arrêté à La Haye comme l'inspirateur et le complice de
De Potter. Tous deux furent traduits devant la cour
d'assises du Brabant méridional avec les imprimeurs-éditeurs du Courrier des
Pays-Bas et du Belge, les rédacteur et éditeur du Catholique des
Pays-Bas et du Vaderlander. De
Potter, Tielemans et Bartels, rédacteur du Catholique,
étaient accusés « d'avoir excité directement les citoyens ou
habitants à un complot ou à un attentat ayant pour but de changer ou de
renverser le gouvernement du pays. » Le 16 avril, ils comparurent devant
la cour d'assises du Brabant méridional. « Nous fûmes, dit De Potter,
placés dans des voitures, malgré nos réclamations, et transportés au lieu où se
tenaient les assises, sous l'escorte de neuf gendarmes. La lutte, je l'appelle
ainsi, car c'étaient bien deux partis en présence, l'opposition et le gouvernement,
la lutte fut aussi longue qu'animée : elle dura quinze jours, au bout desquels
le président, à qui il fallait tout le courage de la servilité pour courir
ainsi les mêmes chances que le chef de mes premiers condamnateurs, prononça,
pâle comme un mort, l'arrêt de huit années de bannissement et huit autres de
surveillance de la haute police pour moi, sept années pour MM. Tielemans et Bartels, et cinq pour l'imprimeur du Catholique, M.
de Nève. Trois jours après le prononcé de l'arrêt, la
correspondance de De Potter avec Tielemans, saisie
dans la prison des Petits-Carmes, parut en deux volumes ; par la connivence
coupable du gouvernement, elle avait été livrée au trop célèbre Libry-Bagnano. Le 7 juin, les bannis furent conduits hors
de Bruxelles et le lendemain ils arrivaient à Vaels,
où ils durent séjourner pendant quelque temps, en attendant l'autorisation de
traverser les provinces rhénanes pour se rendre en Suisse. Le 2 août, escortés
par des gendarmes prussiens, ils se dirigeaient vers. Cologne.
Lorsqu'ils eurent appris, sur le Rhin, qu'une
révolution avait renversé le trône de Charles X, ils résolurent d'entrer en
France et prirent la route de Strasbourg. Le 14 août, De Potter partait pour
Paris avec Tielemans et Bartels. Le 24, fête anniversaire
de Guillaume 1er, De Potter, sous l'impression de la révolution française, fit
un dernier appel au roi des Pays-Bas. « Je l'exhortai, dit-il, à provoquer
lui-même le rappel de l'union avec
Après les premiers troubles de Bruxelles, De Potter,
dans les lettres qu'il adressait aux chefs du mouvement national, ne voyait
encore rien au-delà d'une séparation parlementaire et administrative, qui
devait être votée par les états généraux. Il ne prévoyait point, et l'on peut
dire qu'il ne désirait même pas une révolution plus complète. Cette révolution
fut provoquée par l'obstination de Guillaume 1er et l'attaque de Bruxelles. Le
20 septembre, dans une entrevue qu'il eut à Lille avec Gendebien, De Potter
consentit à suivre ce dernier à Valenciennes afin de s'aboucher avec d'autres
patriotes attendus dans cette ville. Comme on croyait alors Bruxelles au
pouvoir des troupes royales, on se proposait d'organiser la résistance en
province. On ne s'entendit pas, et De Potter retourna à Lille, le 22. Cinq
jours après, il rentrait en Belgique, où le peuple lui réservait un accueil
enthousiaste ; depuis Enghien jusqu'à Bruxelles, le voyage de l'ex-prisonnier
des Petits-Carmes fut un triomphe. « A six heures du soir, dit une
relation contemporaine, M, ne Potter arriva à la porte d'Anderlecht suivi d'une
foule innombrable et de plusieurs contingents de volontaires armés qui
l'avaient rejoint en route. Il y trouva un détachement nombreux de la garde bourgeoise,
et plus de vingt mille de nos concitoyens, parmi lesquels on remarquait
plusieurs de nos blessés. Il fit à pied le trajet jusqu'à l'hôtel de ville,
accompagné de tout ce cortège qui grossissait à chaque instant. On porta sa
voiture au-dessus des barricades. La foule était si grande qu'il eut peine à
pénétrer à l'hôtel de ville ; il y fut reçu par tous les membres du
gouvernement provisoire qui se précipitèrent sur lui et faillirent l'étouffer
dans leurs embrassements, en le nommant le principal auteur de la
révolution. » Le lendemain, une proclamation annonça l'adjonction de
l'ancien banni au gouvernement provisoire de
Sur la proposition de De
Potter, un comité central, chargé du pouvoir exécutif, avait été choisi
dans le gouvernement provisoire. De Potter en fut membre avec MM. Rogier, Van
de Weyer, Félix de Mérode et Gendebien. A ce comité, où De Potter eut d'abord
un rôle presque prépondérant, furent dus les décrets qui émancipèrent
Ce fut De Potter qui, en qualité de doyen d'âge, donna
lecture, le 10 novembre, au Congrès national du discours d'ouverture, qu'il
avait rédigé avec l'approbation de ses collègues. Mais, dès que le Congrès fut
constitué, c’est-à-dire le 13 novembre; De Potter envoya sa démission de membre
du gouvernement. Il écrivait à ses collègues : « … Je ne tenais pas mon
mandat du Congrès nationale. Je ne devais donc ni ne pouvais le résigner entre
ses mains. Ce mandat est devenu nul selon moi, dès l'instant que vous avez
investi le Congrès, comme vous venez de le faire par votre
démission, de tous les pouvoirs réunis et confondus. » Cette lettre fut notifiée
le même jour au Congrès. Une scission aussi profonde ayant été vivement blâmée
par un grand nombre de patriotes, De Potter crut devoir justifier la conduite
qu'il avait tenue depuis le mois d'août 1830 et démontrer que, dès le
commencement de la révolution, il avait rêvé la république des provinces
belges. Ce fut l'objet de l'apologie qu'il publia, le 23 novembre, sous le
titre de : Lettre à mes concitoyens.
De Potter continua de défendre ses idées et ses
principes, par des communications adressées au journal le Belge, et dans
une association politique dont il était le membre principal. Lorsque Louis-
Philippe eut refusé la couronne pour le.duc de Nemours, l'ancien membre du
gouvernement provisoire ,adjura le Congrès national de décréter la république.
Quelque temps après, De Potter reprenait volontairement le chemin de l'exil ;
une agression violente, dirigée avec la participation de la police, dit-on,
contre l'association démocratique dont nous avons parlé, affligea profondément,
et à juste titre, le promoteur de la révolution ; il partit pour Paris après
avoir dénoncé l'incurie ou la connivence de l'autorité régnante. Cet exil se prolongea jusque
vers la fin de 1838. Du reste, De Potter ne restait pas inactif : il prenait
part (1831 à 1834) à la rédaction du journal l' Avenir, publié par
Lamennais ; il inséra ensuite des articles dans le journal républicain le Réformateur
; en même temps il faisait paraître De
la révolution à faire d’après l’expérience des révolutions avortées (1831) ; Eléments de tolérance
à l'usage des catholiques belges (1834) et Questions aux catholiques
belges sur l'encyclique de M. de Lamennais. Il s’occupait assidûment d'une
nouvelle édition de ses deux grands ouvrages sur les conciles ; il les refondit
en un seul, qui parut à Paris (1836-1837) sous le titre de : Histoire du
christianisme.
Revenu en Belgique en 1838, De Potter y publiait,
l'année suivante, un autre ouvrage qui eut un grand retentissement. Il était
intitulé Souvenirs pers8onnels (1828-1839) et retraçait la part que
l'auteur avait prise à la séparation du nord et du midi et à la révolution
belge. On ne peut louer ici l'impartialité de l'éminent patriote ; il a trop
souvent de l'amertume. Toutefois les Souvenirs personnels seront
toujours consultés avec fruit par ceux qui voudront approfondir les causes de
la révolution à laquelle
La mort seule put arracher De Potter à ses grands et
persévérants travaux. Il s'éteignit à Bruges, le 22 juillet 1859, laissant dans
les annales de
Th. Juste.
(01) Discours d’ouverture et installation du Congrès national (10/11/1830)
(00) Lettre de démission en tant que membre du gouvernement provisoire (15/11/1830)
(00)
Considérations
de Louis de Potter tendant à l’engager à décréter la république (Communications des pièces
adressées au congrès) (14/02/1831)