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Note
d’intention
DE
GERLACHE Etienne (1785-1871)
DE GERLACHE, Etienne,
Constantin, né en 1785 à
Bourge, décédé en 1871 à Ixelles
Congressiste (1830-1831, Liège)
Age en 1830 : 45 ans.
Catholique.
Elu par l'arrondissement de Liège de 1831 à 1832
(Extrait
de : R. DEMOULIN, Biographie nationale de Belgique, t. XXXIII, 1963-1964, col.
217-245)
de
GERLACHE (Etienne-Constantin, baron),
homme politique, magistrat, historien, né à Biourge
(commune d'Orgeo, province de Luxembourg), le 26
décembre 1785, mort à Ixelles le 10 février 1871.
Il était le douzième enfant de
François de Gerlache et de Marguerite de Groulart,
cousins germains. Son père, écuyer, seigneur de Gomery,
était propriétaire des forges de Waillimont.
En 1791, son père meurt ; il
passe les années troublées de la fin du XVIIIe siècle au château
familial, sauf quinze mois à Ethe où le curé
Théodore-Henri Welter a été chargé de son éducation, dans des circonstances
difficiles (du 6 juillet 1797 au début de l'automne 1798). A partir d'avril
Le 6 octobre 1813, il épousa à
Paris, Anne-Catherine Busschmann, fille d'un
industriel de St-Vith. En 1818, il quitte Paris pour
Liège.
Ainsi il a passé
quatorze années dans la capitale française, des années décisives pour sa
formation. Il est arrivé à Paris à la veille du couronnement de l'Empereur ; il
quitte cette ville à trente-quatre ans, trois ans après Waterloo.
A Liège, il
fréquente assidûment
Apprécié par les
Liégeois, il fut le 6 novembre 1821 installé au Conseil de Régence, ayant été
élu le 3 octobre par le collège électoral qui comptait 30 membres. En 1823, il
fut envoyé aux États provinciaux par la ville de Liège (corps des Villes). Il
avait gagné la sympathie de Brandès, le greffier
provincial, et cela contribua sans doute à sa nomination à vie de membre du
Conseil de Régence par le roi Guillaume, le 17 février 1824, lors de la
transformation des Régences. Candidat officiel, il fut en juillet 1824 élu
membre des États généraux, 43 membres des États provinciaux sur 61 lui ayant
accordé leur suffrage. Il avait trente-neuf ans. Il continue à jouir de l'appui
ministériel : en 1825 il est nommé conseiller à
Les arrêtés du 14
juin 1825 sur l'enseignement trahissent à ses yeux une volonté de domination
inadmissible. Avec beaucoup d'indépendance, il prononce aux États généraux, le
13 décembre 1825, un discours qui eut du retentissement. Catholique de
religion, il n'aime pas alors l'ultra-montanisme, pas
plus que les tendances au monopole d'un État calviniste. Il défend la liberté
d'instruction qu'il unit étroitement aux libertés de la presse, de l'industrie
et du commerce. Il prend ainsi la tête de l'opposition catholique. Songe-t-il à
ce moment à la formation d'une union des oppositions ? La composition même de
la représentation libérale aux États généraux rendait la tentative fort
hasardeuse. Les parlementaires libéraux aussi bien persistent dans leur
anticléricalisme. En dehors des États généraux, la prise de position de
Gerlache déconcerta les jeunes libéraux du Mathieu Laensberg.
Mais la semence était jetée.
Ce seront
cependant les jeunes doctrinaires qui relanceront l'idées de l'union au printemps
de 1827, mais il faudra les réactions des calvinistes et des voltairiens à la
signature du Concordat pour que Gerlache reprenne son argumentation de décembre
1825. Il défend à nouveau, le 18 décembre, la liberté d'instruction et de la
presse, « palladium de toutes les libertés ».
Le rapprochement
se précise, à Liège, dans les premiers mois de 1828. Comme l'a écrit Gerlache
dans son Histoire du Royaume des Pays-Bas, « Les catholiques et les
libéraux reconnaissent qu'ils ont été dupes d'une politique artificieuse,
également funeste à tous ; que si chacun a ses griefs particuliers, il en
est de communs sur lesquels on peut s'entendre ».
Aux élections du
12 juillet 1828, Gerlache est réélu député aux Étals généraux au premier tour
par 35 voix sur 61. « L'intrigue a été forcée de céder ce candidat à l'opinion
publique », écrit Ch. Rogier dans le Mathieu Laensberg
du 13. « Jamais événement de notre politique nationale ne fit une
telle impression sur les esprits à Liège. Dans les réunions, dans les cafés,
sur les places publiques, partout on s'exprimait avec chaleur sur les
élections et partout dans le même sens », écrivit Devaux dans le Mathieu Laensberg des 14 et 15 juillet 1828.
Aux États généraux,
Gerlache mène une lutte vigoureuse contre 1e gouvernement. Le 27 octobre 1828,
au comité général sur le projet d'adresse, il présente une note remarquable,
défendant la pétition des États provinciaux de Liège, réclamant l'abolition de
la mouture et le rétablissement du jury. On y trouve des formules frappantes
comme celle-ci « Autrefois il était de principe que les gouvernements devaient
mener les peuples, aujourd'hui le contraire est presque passé en proverbe ».
Il réclame la
séparation des trois pouvoirs, la responsabilité ministérielle, revendique avec
insistance la liberté de l'instruction, terminant sa note par ces phrases : «
La liberté de l'instruction, celle de la presse, la liberté civile et
religieuse sont pour nous des questions de vie ou de mort. N'oublions pas
qu'intimement unies entre elles, nous ne pouvons en perdre une seule sans les
perdre toutes ».
Le 28 novembre
1828, il présente le principe de la responsabilité ministérielle. « Il m'est
impossible de concevoir la monarchie tempérée sans la distinction des
pouvoirs ; de concevoir un roi inviolable sans un ministre
responsable ». Reprenant les théories de Benjamin Constant et de Chateaubriand,
dans
Le 3 décembre
1828, dans une réplique vigoureuse à Van Maanen,
ministre de
Gerlache alors
voulait que le pays marchât à la tête des nations progressistes. « La loi
fondamentale n'est pas seulement le produit de l'ancienne civilisation des
Provinces Unies (vers laquelle on tend toujours à nous ramener), ni même la
civilisation moderne des Pays-Bas : c'est le fruit de la civilisation
européenne. Et prétendre que la carrière des améliorations est à jamais
fermée pour nous, quelques progrès que puissent faire nos voisins, cela me
paraît désespérant. Ce n'est pas, je le répète, en marchant à part, ni en
rétrogradant, que notre nation peut devenir puissante et forte ; c'est en
précédant toutes les autres, aussi bien dans l'ordre politique et moral
que dans l'ordre matériel ».
L'opposition se
renforce et dresse l'un contre l'autre le Midi et le Nord, Belges et
Hollandais. Les pétitions se multiplient. A Liège, en avril 1829, une
association constitutionnelle est formée, Gerlache en fait évidemment partie.
Après le message
royal du 11 décembre 1829, la tension croît entre le pouvoir et l'opposition
parlementaire. Gerlache, le 18 décembre 1829, lors de la discussion sur le
budget décennal, mena une attaque serrée. Le récent projet de loi sur
l'instruction publique est d'abord l'objet de ses flèches, puis il s'attache à
défendre la liberté linguistique. « Je suppose que nos collègues du nord
croient avoir l'avantage de descendre en droiture de quelque colonie de
Francs ou de Teutons, vainqueurs des Romains, tandis que nos ancêtres, à
nous, leur paraissent provenir des Gaulois ou des Romains vaincus.
Mais où sont les titres de leur victoire et de notre vasselage ? » En refusant
droit de bourgeoisie à la langue française, on fera « deux nations d'un
peuple » destiné à n'en former qu'une ».
Gerlache présente
les autres griefs, « l'incroyable partialité dans la répartition des emplois
publics », la fixation dans le Nord des grands établissements d'administration.
La gravité de la situation est telle que Gerlache exprime la crainte d'une
révolution.
Le député de Liège
avait défendu les pétitionnaires, ceux de la première vague en mars 1829, ceux
de la seconde en mars
Gerlache définit
« Un combat à mort s'est
engagé entre l'opinion publique et ceux qui veulent exercer le monopole du
pouvoir et des doctrines, interpréter arbitrairement la constitution et
gouverner sans contrôle », ainsi terminait-il son discours sur les pétitions le
11 mars 1830.
En mai, c'est la
pétition des Liégeois contre le nouveau projet de loi sur la presse qu'il
défend, et quelques jours plus tard c'est à ce projet même qu'il s'attaque avec
un brio étincelant.
Il se prononce
d'abord avec netteté en faveur de la liberté de la presse, « essence de tous
les gouvernements constitutionnels », « condition d'existence pour notre État
», après avoir rappelé « les hésitations de quelques hommes plus attachés aux
préjugés de leurs pères, qu'éclairés sur les besoins des nations modernes »,
hésitants en 1815 lors de la rédaction de la loi fondamentale à insérer un
article en faveur de la presse.
Il affirme que la
volonté de contrainte du gouvernement se brisera sur la puissance de l'opinion,
qu'après le monopole de l'instruction et de la presse, il faudra la censure des
livres, l'interdiction des livres et des journaux de l'étranger, « car il y
a aujourd'hui solidarité de liberté entre trois ou quatre grandes nations
constitutionnelles » [nous soulignons], finalement la fermeture des
Universités.
Sa péroraison
provoqua une vive sensation. Après avoir déclaré que la loi fondamentale fut
pour les Belges ce que fut pour les Anglais la convention de 1688, il cita le
texte suivant :
« Si le pouvoir du prince est
supérieur à celui des citoyens, l'autorité du souverain est subordonnée à celle
de la multitude : lorsque le chef ne cherche que ses avantages particuliers
sans s'embarrasser du bien public, le jugement et la vindicte appartiennent au
peuple dont il tient sa puissance et que sa conduite remet dans ses
droits. L'autorité suprême réside dans la généralité ; on ne peut le disputer
sans traiter en même temps d'usurpateurs la plus grande partie des monarchies
de l'Europe. Un roi ne tire son droit que du consentement unanime
de la nation qui, par conséquent, peut l'ôter à celui qui s'en rend
indigne. Les Belges sont plus particulièrement fondés dans ces prétentions que
d'autres peuples, ayant pris la précaution de faire reconnaître ce
droit par le serment que leur comte prête à son installation ». « De qui est la
pièce que je viens de vous citer, Messieurs ? Elle est du fondateur de la
liberté en Hollande, de l'un des ancêtres du fondateur de la liberté en
Angleterre en 1688 ; d'un prince de la même famille et du même nom que le
fondateur de la liberté en Belgique en 1815 : de Guillaume le Taciturne, enfin...
».
Ce fut la dernière
fois que Gerlache prit la parole aux États généraux avant les événements
révolutionnaires. Il exerçait un grand ascendant sur l'opposition unioniste et
sa popularité grandissait.
En janvier 1830,
le directeur de la police à Bruxelles adressait à Van Maanen
une « chanson infâme » attribuée à de Potter :
Combien
d'indignes mandataires
Séduits par l'or et les rubans
Trahissent les droits de leur frères
Et sans pudeur quittent nos rangs !
Avilissant leur noble tâche
On marchande leur oui, leur non ;
Et ça siège près d'un Gerlache !
Faut-il que les Belges soient cornichons !
Mais viennent les jours de
colère populaire, le juriste, soucieux du respect de la légalité, se heurtera
aux exaltés. Il fit partie de
A la réunion du 7
septembre, Gerlache s'opposa à la constitution d'un gouvernement provisoire,
dépourvu de tout moyen d'action, et se heurta encore à Gendebien. L'après-midi,
en compagnie de plusieurs députés, Gerlache se rendit à Vilvorde, au quartier
général du prince Frédéric, à l'effet d'obtenir qu'on ne publiât pas a Bruxelles la proclamation royale du 5 septembre, dont ils
craignaient les pires effets sur le peuple puisqu'elle n'accordait pas la
séparation. Les députés prièrent le Prince de faire connaître à son père la
demande de séparation immédiate, sinon le drapeau français pourrait être
déployé. La demande relative à la proclamation était devenue sans objet puisque
les journaux hollandais et anversois en avaient donné connaissance à Bruxelles
alors que les députés se trouvaient à Vilvorde. Le 8, après de nouveaux
conciliabules, les députés, sous l'influence du marquis de Trazegnies,
décidèrent de se rendre tous à La Haye, et ceux qui avaient songé à faire
partie d'un gouvernement provisoire renoncèrent à leur intention.
A La Haye,
l'accueil du Roi fut correct, celui du peuple le fut beaucoup moins. Le 12 septembre
au soir, Gerlache faillit être molesté. Le 21 septembre, lors de la discussion
sur l'adresse, il met en évidence le caractère international du mouvement
révolutionnaire, « ... cette fièvre de liberté qui agite
Aussi lorsque le
Roi l'invita par son ministre de l'Intérieur à faire partie d'une commission
chargée « de proposer des changements à faire à la loi fondamentale », il
refusa (5 octobre 1830). Il déclina aussi l'invitation du prince d'Orange à
participer aux travaux d'une commission chargée de lui proposer des « mesures
conciliatrices appropriées au besoin du temps et à la situation du Pays ».
« M. de Gerlache ne s'est pas
présenté à Anvers, quelques-uns disent qu'il est allé à Bruxelles, d'autres
disent que cela n'est pas vrai », écrivait le 14 octobre 1830, Nicolaï, membre
des États généraux et premier président de
Député de Liège
aux États généraux, chef de l'opposition catholique, mais unioniste, il était
naturel qu'il recueillît de nombreux suffrages aux élections pour le Congrès
national, le 3 novembre 1830. Sur 1543 votants - il y avait 2130 inscrits -
Gerlache obtint le plus de voix :
Le 11 novembre, le
Congrès élut son bureau. Au premier tour de scrutin, sur 170 votants, il obtint
51 voix, le même nombre que Surlet de Chokier, une de plus que Stassart.
Au second tour, SurIet recueillit 63 voix, Gerlache,
62, Stassart 43. Au scrutin de ballottage, Surlet l'emporta par 106 voix à 61. Gerlache, qui « eût été
élu s'il l'avait voulu », d'après François du Bus, fut du moins élu premier
vice-président, par 12 voix.
Aux longs débats
du Congrès national, Gerlache prend part avec une belle assiduité. Il a présidé
Dans
l'organisation des pouvoirs, il est partisan d'un intermédiaire entre le trône
et une « chambre toute populaire » ; convaincu « qu'il y aura toujours des gens
ennemis des innovations politiques et voulant garder leur position et d'autres
cherchant à changer la leur », « des espèces de whigs et de tories, partisans
les uns des bonnes vieilles lois du pays et les autres faisant sonner bien haut
les besoins du siècle et la nécessité de marcher avec lui », il veut «
organiser cette aristocratie et cette démocratie ». Pour Gerlache « toute
amélioration pour être durable, doit être lente, sanctionnée par le temps
et la contradiction » ; aussi souhaite-t-il une chambre héréditaire, mais,
sachant qu'elle n'a pas chance d'être acceptée, il réclame un Sénat à vie, à la
nomination du chef de l'État. Dans le même esprit, il se prononça pour la
suppression de l'article qui déclarait qu'il n'y aurait désormais aucune
distinction d'ordres dans l'État. Il s'est félicité de ce que
Lors des
discussions sur le choix d'un Souverain, il vota pour le duc de Leuchtenberg. Il manifesta avec vigueur son opposition
irréductible à la réunion à
Surlet de Chokier élu Régent,
Gerlache fut appelé à la présidence du Congrès national, le 25 février 1831,
par 122 voix sur 130 votants.
Deux jours plus
tard, devant les critiques des catholiques qui s'étonnaient de voir le
ministère ne compter que des libéraux (J. Vande Weyer aux Affaires étrangères, Tielemans à l'Intérieur, A. Gendebien à
Le 29 mars, le
Congrès national confirma Gerlache dans ses fonctions de président par 65 voix
sur 101 votants. Le 18 mai, Gerlache préside à la réouverture des travaux du
Congrès, suspendus indéfiniment le 14 avril, et il fut appelé à nouveau au
fauteuil présidentiel, par 86 voix sur 142.
A Gerlache échut
évidemment l'honneur de présider la délégation chargée de porter au prince
Léopold de Saxe-Cobourg le décret l'élisant roi des Belges. Le 10 juin, la
députation fut reçue pour la première fois par le Prince. Les entretiens se
poursuivirent plusieurs jours et le « froid Gerlache lui-même fut séduit
» par Léopold. Le 26 juin, le projet de traité des XVIII articles entre
Gerlache présida
ces assises animées et réussit à les maintenir dans la dignité, malgré des
interventions des tribunes, d'où partaient des protestations contre l'abandon
des « frères » limbourgeois et luxembourgeois. Le 9 juillet, les XVIII Articles
étaient approuvés et le 21 juillet Gerlache était à la gauche de Léopold Ier
lors de la cérémonie de prestation de serment, à la place Royale. Après la
cérémonie, les membres du Congrès se réunirent une dernière fois et Gerlache,
en leur adressant ses adieux, indiqua bien nettement quel rôle il souhaitait
voir jouer par le Roi : « Vous aviez décrété la monarchie constitutionnelle ;
mais le monarque vous manquait. Le pouvoir central, le pouvoir actif,
le pouvoir fort qui tient tous les autres en équilibre et leur donne
l'impulsion, était absent... ».
Les premières
élections législatives eurent lieu dans des circonstances difficiles ; le pays
sortait à peine de la terrible secousse de
Cependant
Gerlache, au cours de l'été 1832, prit la grave décision de renoncer à la
politique et de se consacrer à la magistrature. Fut-ce sous l'effet des
attaques brutales dont il fut l'objet de la part d'Alexandre Gendebien ou pour
des raisons plus profondes? Nul ne pourra trancher cette question. Il semble
cependant que la publication de l'encyclique Mirari
Vos l'impressionna vivement. Désormais cet homme qui, en 1825 aux États
généraux, avait montré aux jésuites peu de sympathie, lui qui avait défendu
avec fermeté les libertés publiques, est ébranlé par la condamnation solennelle
des libertés de conscience et de la presse par le pape Grégoire XVI. Le 4
octobre 1832 il est nommé premier président de
Pendant
trente-cinq ans il exercera cette haute fonction et l'on peut se demander si le
souci d'occuper la tête du troisième pouvoir de l'État, poste permanent qui
n'était pas soumis aux aléas de la politique, n'a pas pesé dans la décision de
Gerlache d'abandonner son mandat législatif. « Songeons que ce grand corps
judiciaire sera presque omnipotent, et qu'il importe du moins que ce soit
pour le bien », écrivait-il le 3 septembre 1832 à François du Bus, qu'il
pressait d'accepter la place de premier avocat général (du Bus, Au temps de
l'unionisme, p. 368). Ces fonctions judiciaires, Gerlache les remplira avec
dignité et compétence. On a loué son bon sens, son expérience, l'étendue de ses
connaissances, son « sentiment du juste et de la vérité ». Ces hautes
fonctions, il les interrompra pour accepter une mission diplomatique
extraordinaire en janvier 1839 dans les moments difficiles que le pays
traversait à la suite de l'adhésion de Guillaume Ier au traité des
XXIV Articles. C'est le 2 janvier 1839 que le Conseil des ministres décida
l'envoi à Londres de Gerlache et à Paris de Félix de Merode.
Leur tâche était ardue. Ils devaient obtenir que l'Angleterre et
Palmerston
accueillit fort mal cette démarche. « Je ne serai en ville que lundi soir, mais
je vous recevrai, vous et M. de Gerlache, au bureau, mardi à 1 heure et demie
[15 janvier 1839]. Je ne dois cependant pas vous induire en erreur en vous
faisant croire que la mission de M. de Gerlache pourra arrêter ou changer la
marche de
Le 23 janvier,
Dans sa défense du
« monde historique et traditionnel », le « monde réel » qu'il oppose au monde
de l'idéologie, Gerlache admet « les inégalités consacrées par la nature et
l'expérience » (Essai, p. 45) et il insiste sur « la nécessité
d'une hiérarchie et d'un échelonnement des forces » que prouve à ses yeux
l'aspect général du monde. Pour lui encore la liberté ne peut subsister que si
elle est conservée « par des corps intermédiaires qui puisent en eux-mêmes leur
propre vie » (Essai, p. 50, note 1). Il est dur pour la bourgeoisie : «
La faute capitale de nos gouvernements constitutionnels modernes, c'est d'avoir
remis le sort de l'État aux mains de la classe bourgeoise, celle qui comprend
le moins les intérêts de la nation et ses propres intérêts » (Œuvres
complètes, t. VI, p. 46).
Il affirme que le
principe de la séparation entière de l'Église et de l'État, pris dans un sens
absolu, est antisocial. « La religion est un élément essentiel de l'existence
des nations, le seul lien qui les unisse et qui les tienne, solides sur leurs
bases. La religion est l'âme des États » (Essai, p. 60). « Ôtez à
Dans trois lettres
au directeur du Journal de Bruxelles, Gerlache est plus polémiste
encore. Les manifestations de mai
L'année suivante,
il présidera encore la deuxième Assemblée de Malines, du 29 août au 3 septembre
1864. Les divergences entre ultramontains et catholiques libéraux étaient vives
et l'on appréhendait une intervention de Rome ; la publication de l'encyclique Quanta
Cura et du Syllabus fut cependant retardée jusqu'à la fin de l'année.
Gerlache parla dans une atmosphère tendue. Il défendit
Le 25 juillet
1867, la loi était promulguée qui mettait à la retraite tout magistrat
dépassant l'âge de soixante-quinze ans. Avec dignité Gerlache se soumit,
n'ignorant nullement qu'il était le principal visé par celte loi partisane.
Léopold II avait demandé que Gerlache -- qui avait obtenu la concession du
titre de baron le 16 janvier 1844 -- fût nommé comte, mais Bara s'y opposa, ce
qui fâcha le jeune souverain (J. Garsou, Les
débuts d'un grand règne, t. II, p. 118).
Homme politique et
magistrat, Gerlache eut aussi une activité d'écrivain et il est un des bons
historiens de la première phase de l'Histoire de
Sept ans plus
tard, devant la même classe des Lettres, le 6 mai 1859, il prononçait son
« Deuxième discours sur la manière d'écrire l'histoire ». Il y
manifestait un grand attachement à l'impartialité, dont il avait déjà dit
qu'elle « consiste à ne rien dissimuler, pas plus les fautes de ses amis
que celles de ses ennemis ». « L'historien, doué d'une âme élevée,
indépendante, doit planer au-dessus de tous les systèmes ; il ne doit
s'affilier à aucune école, à aucun parti, à aucune secte ». Mais il ne doit pas
se borner au simple rôle de narrateur, il doit y mettre toutes ses convictions,
toute son âme, sans que Gerlache nous dise le moyen de conciliation entre cette
double exigence.
Il ne faut point
s'étonner si ses conceptions religieuses et politiques se manifestent dans tous
ses ouvrages. En 1839 il fit précéder son Histoire du Royaume des Pays-Bas
depuis 1814 jusqu'en 1830 d'une Introduction à l'Histoire de Belgique de
plus de 402 pages qu'il intitule modestement Coup d'œil sur les révolutions
religieuses du XVIe et du XVIIle
siècle.
C'est à Liège
qu'il consacre sa deuxième grande œuvre historique. Celle-ci souffre d'avoir
été écrite par tranches successives. En 1825 déjà il publiait l'Introduction
d'un ouvrage à paraître « Souvenirs historiques du pays et de la principauté de
Liège » dans le Procès-verbal de la séance publique de
En 1847 il revient
à une autre œuvre de sa jeunesse, à sa traduction du Catilina, et livre
au public un Essai sur Salluste, plein de vigueur et de vues profondes
sur la civilisation romaine.
Gerlache eut une carrière
brillante. Nommé membre effectif de l'Académie royale des Sciences et
Belles-Lettres le 12 octobre 1833, il en fut président en 1836, puis tous les
deux ans jusqu'à la réorganisation de l'Académie en 1846, alternant à la
présidente avec le baron de Stassart. Il le fut
encore en 1846, 1852, 1856. Il fut directeur de
Président de
La philosophie de
l'histoire retint évidemment l'attention d'un esprit comme Gerlache et il mit
au centre de l'explication de l'évolution humaine, l'action de
Enfin, dans le
domaine de la charité, Gerlache joua un rôle efficace. Administrateur de l'hospice
des enfants rachitiques d'Ixelles, président de la société de Saint François
Régis pour le mariage des indigents, il fut pendant plusieurs années, président
général des sociétés de Saint Vincent de Paul en Belgique. Gerlache est un de
ces grands bourgeois catholiques du XIXe siècle qui eurent le souci
de moraliser la classe ouvrière.
Homme austère,
courtois, de goûts simples, il était passionné par l'étude et il séduisait ceux
qui l'approchaient par sa vaste culture. Si sa vie publique
et académique fut une éclatante réussite, il fut durement frappé dans sa vie
familiale. Il perdit en dix ans sa femme et trois enfants ; en 1838, sa fille
Stéphanie, entrée au noviciat de Conflans en 1836, sa femme le 29 avril 1839,
puis deux fils, Jules à l'âge de 19 ans le 13 mai 1847 et Etienne le 15
septembre 1848 à l'âge de 23 ans. En 1854 il perdit une autre de ses filles,
Élisabeth, sous-maître générale au pensionnat de Charleville. Il lui restait
une fille, Victorine, et un fils, Constantin, marié à Léopoldine de Rosée, et
qui n'eut pas d'enfant.
Après sa retraite,
Gerlache vécut encore près de quatre ans dans son hôtel de la chaussée
d'Ixelles, où il mourut le 10 février 1871. Le 13, après des absoutes, le corps
fut transporté à Orgeo où il fut enterré le
lendemain. Le 20, à l'église Saint-Boniface, un service solennel fut
célébré à sa mémoire. Mgr Decharnps prononça un éloge
ému d'Étienne-Constantin de Gerlache, insistant sur « ce caractère distinctif
de sa vie : dans les différentes voies qu'il a parcourues, partout et
toujours, et sans l'avoir voulu, il s'est trouvé non seulement au premier rang,
mais à la première place ».
Les honneurs lui
avaient été prodigués. Décoré de la croix de fer, officier de l'Ordre de
Léopold le 1er juillet 1835, commandeur le 8 juin 1839,
grand-officier le 8 juillet 1847, il fut fait grand cordon le 20 juillet 1856 à
la veille des fêtes du XXVe anniversaire de l'inauguration de
Léopold Ier. Depuis le 20 juillet 1837 il était officier de
Gerlache a joué
dans l'histoire du pays un rôle considérable de 1825 à 1832 et il a exercé
pendant plus de quarante ans une influence décisive sur l'opinion catholique
belge.
Le catalogue des
œuvres de Gerlache a été dressé par J.-J. Thonissen,
dans l'Annuaire de l'Académie royale des sciences, des Lettres et des
beaux-arts de Belgique, 1874, 40e année, p. 221-228. Il figure également
dans
Le baron Pierre de
Gerlache, en appendice p. 341-344 de sa biographie, Gerlache et la fondation
de
L'histoire du
Royaume des Pays-Bas depuis 1814 jusqu'en 1830, précédée d'un coup d'œil sur
les révolutions religieuses du XVIe et du XVIIIe siècle,
et suivie d'un essai sur l'histoire du royaume de Belgique depuis la révolution
de 1830 jusqu'au traité de 1839, accompagnée
de discours parlementaires, de notes et de pièces justificatives, 4e
édition corrigée et considérablement augmentée, en forme les tontes Ier
(Bruxelles, 1874), Il (1875) et III (1875).
L'histoire de
Liège depuis César jusqu'à la fin du XVIIIe siècle en constitue le tome IV, 3e édition
revue et considérablement augmentée, Bruxelles, 1874 (on y trouve joint un
rapport sur un mémoire concernant
Les Études sur
Salluste et sur quelques-uns des principaux historiens de l'Antiquité
considérés comme politiques, comme moralistes et comme écrivains suivies de
réflexions et de discours sur la manière d'étudier et d'écrire l'histoire et de
quelques observations critiques sur l'histoire de Jules César par Napoléon III sont
réunies dans le tome V, 4e édition, 1876. Enfin, les Essais sur
les Grandes époques de notre histoire nationale et les Mélanges
politiques et littéraires, forment le tome VI, 4e édition, 1876.
Signalons que
(00) Vérification de ses pouvoirs
comme membre du Congrès (10/11/1830)
(01) Formation
du bureau définitif (11/11/1830)
(02) Règlement
d’ordre du congrès national (12/11/1830, 13/11/1830)
(03) Projet
d’adresse en réponse au discours du gouvernement provisoire (13/11/1830)
(04) Communications
diplomatiques. Protocole du 4 novembre 1830 relatif à la cessation des
hostilités (13/11/1830)
(05) Exclusion
des Nassau de tout pouvoir en Belgique (24/11/1830)
(06) Proposition
ayant pour objet de s’occuper du projet de constitution (25/11/1830)
(07) Question du sénat (15/12/1830, 18/12/1830)
(08) Constitution.
Liberté des cultes, de leur exercice public et liberté des opinions (21/12/1830)
(09) Constitution.
Indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment question de
l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux (22/12/1830)
(10) Constitution. Liberté
d’enseignement) (24/12/1830)
(11) Question du choix du chef de
l’Etat (Nemours-Leuchtenberg) (05/01/1831,
12/01/1831, 25/01/1831, 03/02/1831)
(12) Pétition
d’officiers hollandais détenus à Tournay comme prisonniers de guerre (10/01/1831)
(13) Constitution. Garde civique (04/02/1831)
(14) Nécessité de continuer les
travaux du congrès (08/02/1831, 25/02/1831)
(15) Nomination d’une députation pour annoncer au régent son élection,
réception du régent (24/02/1831, 25/02/1831)
(16) Renouvellement
du bureau du congrès national (29/03/1831, 18/05/1831)
(17) Article
du règlement du congrès relatif aux tribunes publiques (02/06/1831)
(18) Rapport
de la députation du congrès envoyée auprès du prince Léopold de Saxe-Cobourg à
Londres (28/06/1831)
(19) Préliminaires
de paix (les dix-huit articles) (28/06/1831, 01/07/1831,
04/07/1831)
(20) Présentation
du procès-verbal de la séance précédente (20/07/1831)
(21) Remerciements à la garde
civique (20/07/1831)
(22) Inauguration
royale (21/07/1831)
(23) Décret de reconnaissance
nationale en l’honneur du régent (21/07/1831)
INTERVENTIONS
AU COURS DE LA SESSION 1831-1832
(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre de la chambre.
Election non contestée (09/09/1831)
(01) Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre (09/09/1831)
(02) Périodicité de l’élection du bureau de la chambre (10/09/1831)
(03) Nomination des membres du bureau (en tant que président)
(10/09/1831)
(04) Sort des pétitions déposées au congrès national (16/09/1831)
(05) Rapports de pétitions sur la décision de démissionner
des officiers de volontaires (28/09/1831)
(06) Fait personnel : demande adressée au président par
M. Pirson de ne plus remonter au bureau (04/11/1831, 05/11/1831,
10/11/1831)
(07) Réponse du Roi à l’adresse relative à la situation
diplomatique générale, aux ratifications au traité des 24 articles et à
l’enlèvement du gouverneur du Luxembourg (Thorn) (15/05/1832)
(08) Organisation judiciaire. Cour de cassation. Création
d’une chambre des requêtes (06/06/1832, 07/06/1832), première nomination des membres de l’ordre
judiciaire (20/06/1832)
(09) Création de l’ordre Léopold (03/07/1832)