D’OREYE Alexandre (1798-1886)
D’OREYE Alexandre, né en 1798 à Liège, décédé en 1886
Age en 1830 : 32 ans
Congressiste (1830-1831, Liège)
(Extrait de R. JANNE, Alexandre
d'Oreye, dans Les Gens de robe liégeois et la révolution belge, Liège, G.
Thone, 1930, pp. 235-241)
Alexandre
d’Oreye (1798-1886)
Il est
des hommes qu'un seul écrit a rendu célèbre : tel n'est point le cas
d'Alexandre d'Oreye qui écrivit beaucoup, mais dont la célébrité n'est pas
aussi grande qu'elle méritait de l'être. C'est un peu de sa faute, car sa
modestie était réelle et il ne se doutait pas, lui qui refusa tout éclat à ses
funérailles, qu'un jour viendrait où le moindre de ses écrits serait reçu avec
reconnaissance. Ceux-ci, en effet, ont été dispersés dans des partages de
famille et l'invasion allemande en détruisit beaucoup en 1914. Aussi,
savons-nous bien peu de choses de cet homme, qui, avec bien d'autres, fut si
nécessaire à la Patrie
belge.
Oreye
est un petit village de la
Hesbaye, cette réserve de petite noblesse, d'où sa famille,
fut dans le principe, probablement originaire. Nous nous excusons, une fois de
plus d'étaler la richesse du barreau de Liège, mais un extrait des registres
aux actes de naissances de la
Ville de Liège que nous avons sous les yeux en écrivant, nous
fait assavoir que l'an sixième de la République française, le vingt sept germinal, est
né Lambert-Alexandre-Joseph, fils de Nicolas-Joseph d'Oreye et de
Marie-Thérèse-Françoise Collette. Le père d'Oreye, qui était architecte,
détruisit l'œuvre de la
Révolution en reconstruisant la tour de la nouvelle
cathédrale. A son fils, comme le disait pompeusement La Gazette de
Liège,était dévolu le soin de restaurer mieux qu'une cathédrale de pierres,
ces institutions de salut national qui assurent la vitalité vraie d'un pays.
II
semble qu'à cette époque, il y ait eu un sort favorable sur la jeunesse : il
fut, jeune, avocat, très jeune, substitut, plus jeune encore, procureur du Roi,
puis, deux ans plus tard, avocat général ; après vingt ans de Parquet, il prit
séance à la Cour.
De sa
participation à la
Révolution de 1830, nous avons très peu de détails, moins
encore que pour le reste de sa vie. Nous le trouvons secrétaire d'une société
qui s'intitulait « Commission pour l'Instruction élémentaire ». C'était le
cheval de Troie des futurs révolutionnaires' qui abritait dans ses flancs
Rogier, de Liedekerke, Bégasse, de Gerlache, Raikem, glorieux hoplites qui
fourbissaient leurs armes en silence. D'Oreye en sortit capitaine de la
neuvième compagnie de la garde bourgeoise et soutint en outre les Patriotes de
ses oboles. Puis, il alla siéger au Congrès où il fut rapporteur de quelques
articles de la
Constitution, mais où tous les amendements qu'il proposa
concernant l'organisation de la garde civique furent immanquablement repoussés
: peut-être connaissait-il trop bien ces questions. Après quoi, il rentra au
Palais de Liège, où en fait il réorganisa complètement l'administration
judiciaire, et il fit ce travail à peu près seul, car Raikem, Procureur Général
continuait à siéger dans les Conseils du Gouvernement, jusqu'au moment où il
devint Ministre de la justice. Aussi, faisant fonction de Procureur Général,
est-ce lui qui installa la Cour
d'Appel à Liège, après la
Révolution, et qui prononça, à l'âge de trente-quatre ans, le
discours inaugural. On comprend, vu son âge et sa situation, qu'il ait choisi
comme thème de celui-ci les bienfaits de l'inamovibilité des magistrats. Les
variations sur ce motif sont empreintes de la phraséologie du temps : on y
tonne contre les despotes, on parle, sans nuance, du cruel et cauteleux Louis
XI, on parle de tout sans dire grand chose, mais enfin, pour un discours
inaugural, c'est quand même un discours inaugural et c'est déjà fort bien
ainsi.
C'est
en 1834, semble-t-il, que d'Oreye rendit le plus de services à cette frêle
nationalité belge, toujours prête à prendre froid à tous les courants d'air
politiques de l'Europe.
Des
esprits chagrins, des empêcheurs de danser en rond, profitaient de la moindre
occasion qui leur était offerte pour tailler des croupières au Gouvernement. On
sait qu'en 1834, ils avaient déjà suscité des difficultés à Léopold 1er en
personne au sujet de la vente des chevaux du prince Guillaume d'Orange. En
cette même année, ils enfourchèrent un autre cheval de bataille : ce fut celui
du serment des avocats à Liège. Depuis la Révolution belge, les docteurs en droit se
contentaient, pour être inscrits au Tableau de faire viser leurs diplômes par
le Procureur Général, et se présentaient à la barre sans autre formalité.
D'Oreye estima que cette manière d'opérer manquait un peu de décorum et la Cour de Liège, assemblée le
1er juin 1834 décida que, dorénavant, les docteurs en droit devraient prêter
serment et que tous ceux qui ne l'avaient pas fait précédemment seraient
invités à régulariser leur situation. II en fut ainsi fait, mais
est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Deux
avocats se refusèrent à prêter serment de fidélité au Roi et d'obéissance à la Constitution et
consultèrent le Conseil de discipline dont le rapporteur, dit d'Oreye, était
notoirement un zélé partisan de la
Restauration ; puis, ils firent appel à la Presse. Pendant ce
temps, un troisième avocat se présentait devant une Chambre Orangiste de la Cour, qui décida que les avocats
ne devaient prêter que le serment professionnel.
Tout
cela fit grand bruit. Il y eut au Palais incident sur incident, procédure sur
procédure, conclusion sur conclusion. Le Conseil de discipline soutenait les
avocats en disant que seul le serment professionnel devait être prêté ; les
magistrats partagés étaient en général partisans du double serment politique et
professionnel et, les collègues de d'Oreye étaient unanimement de son avis ;
ils avaient le sens du pays et des thèses gouvernementales. La thèse des
avocats, c'est-à-dire le rapport de Me Dereux au Conseil de discipline sur le
mémoire de Mes Muller et Dewildt fut imprimé dans le Journal de Liège qui
semblait alors abriter toutes les revendications contraires au régime de la Belgique. Ce rapport
est extrêmement judicieux et il faut reconnaître qu'en droit comme en logique
pure, il est même remarquable. Dans un premier paragraphe, il établit qu'on ne
peut exiger des avocats de serment politique parce que le décret du 20 juillet
1831 n'exige ce serment que des fonctionnaires et que les avocats ne sont et
n'ont jamais été fonctionnaires publics. Si un arrêté du 4 octobre 1832 a exigé ce serment des
avocats près la Cour
de Cassation, c'est précisément parce que là, ils font office d'avoués. De
même, peut-on exiger ce serment des avocats qui sont assumés comme juges, pour
une raison identique, c'est qu'ils sont là véritablement juges pendant le
moment où ils officient. Quant au serment professionnel qui fait l'objet du
second paragraphe de ce rapport, il est déterminé par la loi du XXII ventôse an
XII et il n'est pas douteux qu'il doit être prêté par tous ceux qui veulent
être reçus avocats et « habiles à plaider en cette qualité. »
Si
Messieurs les avocats avaient incontestablement raison en droit, il est
malheureux de constater que ce droit était conforme aux intérêts de tous ceux
qui combattaient le régime de' la
Belgique et son statut politique. Aussi d'Oreye, qui avait
fait la Révolution,
se montra-t-il en cette affaire particulièrement acharné et finit-il par
obtenir gain de cause devant la juridiction suprême. Le patriote avait débordé
le juriste, mais on ne peut vraiment lui en tenir rancune. II est de ces
affaires politiques, où alors comme aujourd'hui, le parti des honnêtes gens
était parfois contraire à la justice. Honnête homme, d 'Oreye le fut toute sa
vie qui fut très longue, et qu'il termina dans une laborieuse retraite de
Premier Président honoraire. Sa maison du Bois-d'Avroy était une sorte de
maison du Bon Dieu, car d'Oreye, qui avait des sentiments religieux très
profonds, était d'un dévouement et d'une générosité incessante pour les
pauvres. Il aimait cette demeure qui s'élevait au milieu d'un jardin qu'il
avait, selon le goût du temps, orné d'une grotte pour laquelle disait-on, il
rapportait chaque jour l'une ou l'autre pierre qu'il avait trouvée sur son
chemin. L'anecdote, si elle est vraie, n'est pas de nature à pouvoir jeter une
pierre dans son jardin : elle prouve tout simplement, comme l'anecdote
d'ailleurs fausse de (Lafitte) qui ramassait une aiguille, que d'Oreye était un
homme simple et patient. Ce fut au cœur des beaux jours, entouré d'une
nombreuse famille, qu'il quitta cette terre à l'âge de 88 ans, après avoir pu
assister quelques années avant aux fêtes du Cinquantenaire du Pays dont il fut
le si bon et loyal serviteur. Un excellent portrait nous le rappelle, tel qu'il
fut à la fin de sa vie : le foulard de soie négligemment jeté autour du cou,
l'insigne de grand officier de l'Ordre de Léopold attaché au revers de sa
redingote sombre ; le visage, sous son auréole blanche, a grand allure. A la fois énergique et bon, une sorte de moue
fine sur les lèvres semble par avance dédaigner les honneurs qui lui étaient
dus, particulièrement en l'année où l'on évoque le souvenir de tous ceux qui,
membres du Palais de Liège, contribuèrent aux travaux du Congrès National de
1831.
Nous
exprimons à M. A. d'Oreye de Bruxelles toute notre gratitude pour les
documents qu'il a bien voulu nous prêter et les renseignements qu'il nous a
fournis sur son grand-père Alexandre d 'Oreye.
Raymond
JANNE
INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1830-1831 (Congrès
national)
(00) Vérification de ses pouvoirs
comme membre du Congrès (14/04/1831)
(01) Garde civique (14/06/1831, 16/06/1831, 17/06/1831,
18/06/1831)
(02) Proposition ayant pour objet
d’empêcher la reprise immédiate des hostilités (15/06/1831)
(03) Réunion des états provinciaux pour la session ordinaire de 1831 (30/06/1831
(après-midi))
(04)
Préliminaires de paix (les dix-huit articles)
(08/07/1831)