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« Le Parti Catholique Belge de 1830 à 1884 », par
G. GUYOT de MISHAEGEN (Bruxelles, Larcier,
1946)
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(page 7) En régime parlementaire, un parti peut se définir : une
association de fait pour la défense ou le triomphe, par des moyens légaux,
d’une certaine conception du bien commun. L’existence des partis politiques
remonte très haut. Ils répondent à des besoins divers. Et il s’en faut que les
auteurs soient d’accord sur leur nature. Le régime parlementaire du XIXème siècle leur confère une importance extraordinaire.
Ce sont de simples associations de fait, car le libéralisme, destructeur des
corporations anciennes, répugne à leur octroyer un statut de droit. Leur unité
résulte d’une communauté de vues sur le but et les moyens, ainsi que de
l’acceptation volontaire d’une discipline. Leur vitalité s’affirme dans
l’équilibre : ils doivent être assez larges pour stimuler l’initiative
individuelle, assez forts pour réprimer l’anarchie. Leur raison d’être unique
est de concourir au bien commun. Elle est identique pour tous. Ils ne diffèrent
entre eux que par les moyens particuliers qu’ils
choisissent pour atteindre leur but (Note de bas de page : (01)
Beaucoup d’autres définitions de parti ont été proposées, nous en choisissons
quelques-unes à titre d’exemples. E. Burke donne celle-ci : « Un groupe
d’hommes unis pour promouvoir, par leurs efforts simultanés, l’intérêt national
à l’égard d’un certain principe sur lequel ils sont tous d’accord.» (Cité par
Lawrence Lowell dans « Le gouvernement de l’Angleterre », traduction
française par A. Nerincx, p. 562. Paris. 1910). E. Banning parlant des partis au début du régime parlementaire,
écrit « Ils réunissaient, dans une association libre, des hommes des
professions et des conditions les plus diverses et leur donnaient pour mission
la défense, la réalisation d’un idéal désintéressé, non la satisfaction
d’appétits matériels. » (Réflexions morales et politiques, p. 29.
Bruxelles, 1899.) Tocqueville (1805-1859), observateur des jeunes mais déjà
mouvants partis américains, appelle « les grands partis politiques ceux qui
s’attachent aux principes plus qu’à leurs conséquences ; aux généralités et non
aux cas particuliers, aux idées et non aux hommes ». (De la démocratie en
Amérique, t. II, p. 6. Paris, 1874, 3 vol.). E.
Faguet définit les partis « des groupements d’intérêts ». (Le culte de
l’incompétence, p. 55, Paris, 1912). Laffitte, sénateur de
(page 8) Les partis du XIXème siècle se
distinguent par leur Weltanschauung, leur conception particulière du monde. Il
y en a notamment qui adhèrent à l’idéologie de
D’antre part, les croyants, et les
catholiques eu particulier, considèrent comme un devoir tout aussi impérieux
d’endiguer les progrès de l’incrédulité, notamment dans la législation et dans
l’organisation de la vie publique. C’est la raison pour laquelle, en certains
pays, ils fondent des partis politiques et portent le conflit sur le terrain
parlementaire.
(page 9) L’histoire de ces partis est encore à faire : celle du parti
catholique belge particulièrement. Nous aurions voulu la mener, d’un seul jet,
depuis
Le parti politique est une réalité
complexe comme la vie dont il émane. Il se compose de membres, groupés en des
organisations diverses et unis entre eux par un programme en vue d’un but
commun. Ce sont des idées, des conceptions, des intérêts semblables qui lient
ses membres. Le facteur psychologique est donc le premier élément dont il
faille tenir compte dans l’étude d’un parti. Il témoigne que tout ne peut
s’expliquer par la logique ; que bien des attitudes, des démarches, des faits sont irrationnels. Comment justifier, par exemple, le refus
motivé d’entrer dans un nouveau gouvernement alors que le lendemain, le veto
est levé et la participation acquise au ministère en question. Il y a là de
l’insaisissable et de l’impondérable, comme dans tout comportement humain, une
réalité qui échappe partiellement à l’analyse et aux investigations
scientifiques.
Qu’est-ce qu’un parti représente pour
un de ses membres, pour un spectateur, pour un historien ? Pour le membre,
c’est une raison d’être au point de vue politique, une force qui le lance et le
soutient dans la carrière publique, un centre où il se retrouve en communion de
pensées et de sentiments avec plusieurs autres hommes. Le spectateur voit dans
le parti un groupement conduit par des chefs, des cadres et organismes
électoraux, une activité qui s’exprime par la presse, par des discours et des
votes au parlement, par la tenue de congrès et de réunions, par divers moyens
de propagande. Pour lui, ce n’est qu’une association entre beaucoup d’autres à
laquelle il attache plus ou moins d’importance selon l’intérêt que la politique
lui inspire. L’historien considère ces mêmes éléments,
mais il veut en saisir davantage. Il ambitionne d’exprimer ce qui en fait la
vie et en (page 10) constitue l’âme
pour le ressusciter, selon le but que Michelet assigne à l’histoire. Le parti
est beaucoup plus qu’une association, des organismes, des journaux..., c’est
une réalité humaine, c’est un aspect essentiel de l’existence d’un Etat
parlementaire, c’est une tranche de vie politique et sociale d’un pays, c’est
un tout qu’il faut étudier bien plus de l’intérieur que de l’extérieur. Mais là
gît précisément la difficulté. Comment rendre ce qui échappe à la critique, ce
qui est insaisissable. Et l’on est obligé de séparer ce qui dans la vie est
uni. Il faut examiner successivement la fin, le programme, l’esprit, les
leaders, les cadres, la presse, les résultats pour en donner une idée aussi
complète et aussi fidèle que possible. Aller au delà est affaire d’intuition
plus que d’érudition, de don plus que de science. Bienheureux celui qui y
atteint.
On ne saurait tout dire. Dans un
parti, il y a d’abord l’électeur : l’électeur de la ville ou de la campagne,
dont personne jamais, pas même son représentant, ne s’est préoccupé de retenir
le nom, soldat inconnu, humble héros d’une croisade moderne. Il y a ensuite le
propagandiste qui n’est pas nécessairement propagandiste de cabaret ; le
voltigeur encadrant la colonne s’élançant à l’assaut. Il y a le politicien de
village et le politicien de petite ville... L’armée proprement innombrable,
dont la vie, l’action, l’histoire se confondent partiellement avec l’histoire
de Belgique ou l’histoire de l’Eglise en Belgique, pendant cinquante ans.
Traiter du parti catholique belge, ce n’est pas refaire le tome VII de Pirenne ni les volumes du R. P. de Moreau. Les
sources manquent d’ailleurs le plus souvent, qui seules pourraient nous
permettre de descendre jusqu’à ces détails.
Qu’on nous entende bien ! Ce n’est
pas la pénurie de sources qui nous impose nos limitations principales. Nous
avons, au contraire, dû circonscrire nos recherches afin de ne pas succomber
sous la masse imposante des documents. L’histoire du parti catholique dans une
commune rurale, celle d’une association catholique dans un chef-lieu d’arrondissement
ne sont pas étrangères à l’histoire du parti
catholique belge dans son ensemble. Puisque ce parti, durant l’époque qui nous
occupe, est surtout une fédération de cercles, qui ne voit l’intérêt de se
pencher successivement sur chacune des cellules constituantes afin de mieux
réussir la description générale de l’organisme ? Seulement, si nous l’avions
tenté, nous n’aurions jamais réussi la synthèse. Notre oeuvre, c’est ainsi que
nous la concevons, devra servir d’amorce à d’autres études de détail.
(page 11) Elle se limite, en somme, à quelques points, dont on ne
saurait contester l’importance : la constitution progressive du parti, son
but et son programme, ses chefs et son action parlementaire, sa presse enfin.
Le parti catholique n’a pas surgi d’un seul coup : c’est le fruit d’une longue
gestation, de palabres entrecoupées d’hésitations. Son but, son programme et sa
tactique lui ont été imposés en quelque sorte par l’attitude de ses
adversaires. Qui eût songé à défendre la religion par des armes empruntées au
système parlementaire, si les intérêts majeurs de la religion n’avaient été
d’abord attaqués par des parlementaires anticléricaux ? C’est ce qui explique
encore l’action de ses chefs, les délibérations des Congrès de Malines, les
débats des Chambres législatives, l’oeuvre des associations électorales, les
campagnes menées par les journaux. Un parti ne compte, il n’existe que par son
âme. Et c’est l’âme unique, vivante et vibrante, du parti catholique belge que
nous avons voulu rechercher, découvrir, mettre à nu. Tout le reste nous
paraissait d’intérêt secondaire, et nous l’avons intentionnellement négligé.
L’instinct social des hommes ne
suffit pas à expliquer la genèse des partis politiques à travers l’histoire.
Les auteurs recherchent des motifs psychologiques plus précis. Pour certains,
il y a la survivance du caractère agressif de l’humanité primitive ((2)
H. Summer Maint, Essais
sur le gouvernement populaire, p. 147. Paris, 1887. H. J. -Laski. A Grammar of politics, p. 312. Londres, 1930.). D’autres
font dériver les partis du complexe de sociabilité et d’esprit partisan qui
pousse l’homme à rechercher une approbation de sa conduite et qui lui fait
désirer de répandre ce qu’il estime comme vrai ((3) A. Roullet, Les partis
politiques, dans Chronique sociale de
France, p. 840, t. XLII, 1933. pp. 837-860). Pour la masse, il faut compter avec l’esprit grégaire. Un parti lui
offre des cadres et des chefs, des idées et des solutions, bref une organisation
dont elle se rend bénéficiaire à condition d’opter. Dans le parti même, il y a
les jeunes épris d’initiative, d’action, de progrès, les jeunes qui partent en
flèche, et les traditionnalistes qui freinent au nom
de la fidélité ((4) T. Abner, Etudes
sur le catholicisme libéral, p. 91. Bruxelles,
Au cours des siècles, les partis
évoluent avec les sociétés et les régimes gouvernementaux dont ils sont issus.
Dans les anciennes cités grecques, ils prolongent d’abord les rivalités
héréditaires des tribus primitives. Plus tard, ils manifestent l’opposition des
patriciens de naissance, détenteurs du sol et maîtres du pouvoir, contre les
nouveaux venus dont le nombre force l’élargissement des cadres sociaux et
politiques : les Eupatrides, à Athènes, se heurtent aux démocrates conduits par
Pisistrate ((5) R. Cohen, Athènes, une démocratie de sa naissance
à sa mort, p. 42. Paris, 1936.). Dans la démocratie
restreinte organisée par Clisthène et perfectionnée par Périclès, malgré le
principe de la souveraineté populaire, les institutions sont si bien réglées et
les chefs si experts, qu’Athènes au Vème siècle ne connaît plus de partis. Elle est alors capable de se
dresser, bloc invincible, contre l’invasion perse et de galvaniser
Une évolution semblable se découvre
dans l’histoire romaine. Sous les rois, chaque gens, puissante formation
d’origine familiale, constitue un parti dont la force se mesure au nombre et à
la valeur de ses membres. Sous
Au moyen âge, l’organisation
contractuelle et hiérarchique de la société donne lieu aux luttes locales des
seigneurs. Les partis, vite formés, plus vite dispersés, n’existent pour ainsi
dire qu’en armes. « Au fur et à mesure que se fortifie et s’étend le pouvoir
royal, les querelles de familles d’abord isolées, s’unissent, s’agglomèrent en
partis ; ceux-ci ne conçoivent plus d’autres causes à leurs affinités ou à
leurs inimitiés que tradition, solidarité, honneur. En Italie, ils se
consolident déjà au XIIIème siècle ; en France et
dans les Pays-Bas, ils prennent de l’importance au XIVème
siècle » ((6) J. Huizinga, Le
déclin du moyen âge, p. 26. Paris, 1932.).
Ce sont les Armagnacs et les Bourguignons, en France ; les « Kabiljauws » et les « Hoeks »
dans le comté de Hollande ((7) J. Huizinga, op. cit.,
p. 26.). A l’instar des villes de l’antiquité, les grandes
communes voient l’opposition souvent sanglante des riches et des pauvres, des
grands et des petits, des « bons » et des « méchants », des Leliaerts
et des Clauwaerts.
A l’époque moderne, la potestas du prince est enserrée par les libertates
dont se prévalent les représentants des corps et des ordres : il y a là une
dualité qui est déjà une opposition. Des luttes en naissent pour défendre ou
rogner les privilèges. Dès le XV’ siècle, le conflit
se résout en faveur de l’un ou l’autre élément. En France, en Espagne et
ailleurs, la monarchie triomphe tandis que les Cantons suisses et les
Provinces-Unies s’érigent en républiques fédératives. Au XVIème
siècle,
Au XVIIème
siècle, en effet, à la lutte entre les libertates et
l’absolutisme (page 14) des Stuarts,
se joignent des dissensions religieuses parmi les églises protestantes. C’est à
ce double conflit que s’originent les deux partis des
whigs et des tories. Les tories, fidèles aux Stuarts et à l’Eglise établie,
inscrivent à leur programme la défense de la monarchie et de la religion d’Etat
; ce sont les conservateurs du moment. Les whigs ou progressistes, héritiers
spirituels de Cromwell et des révolutionnaires de 1640, appartiennent pour la
plupart aux sectes dissidentes ; ils se prononcent en faveur des prérogatives
du parlement, de la souveraineté populaire et du droit à la révolution,
L’Angleterre leur doit
Aux Pays-Bas Autrichiens, Joseph II doit lutter, pendant ses dernières années, contre deux
partis les statistes et les vonckistes. En 1787, la
gouvernante Marie-Chritine avoue qu’ils ont un
programme commun : s’opposer au pouvoir pour la défense des privilèges
traditionnels ((9) S. Tassier, Les démocrates belges de 1789, p. 427.
Bruxelles, 1930). En 1789, ils ne sont pas moins
d’accord pour se débarrasser du prince. Les premiers excès de
Les partis ont donc existé de tout
temps, l’histoire en témoigne. Ils sont essentiels au régime parlementaire du XIXème. siècle. Ils naissent de
certaines communautés d’intérêts, de tendances, (page 15) de doctrines. Au milieu des remous de l’opinion publique,
ils recueillent l’appel confus des électeurs : ils promettent satisfaction à
qui leur donnera confiance. Eux-mêmes proposent à la masse des programmes, des
principes, des consignes. Forts du nombre de leurs adhérents, ils participent à
la vie politique : postes émetteurs et transmetteurs, ils lancent et propagent
des ondes directrices. Leur existence est perpétuellement provisoire, sans
statut, sans personnalité juridique. Ils s’opposent entre eux, non plus
uniquement sur des questions de détails, mais fondamentalement par leur
Weltanschauung, par leur conception du monde. Plus profondément encore qu’à
l’époque de
Religion, hiérarchie sociale, droit
de propriété, toutes choses naguère indiscutées, sont soumises à la critique.
Le libéralisme pose la question religieuse et celle de l’autorité qui sont connexes. Il prononce la séparation des Eglises de
l’Etat. Il rejette Dieu de la vie publique et prétend ainsi pratiquer la
neutralité. Il remplace la croyance par la religion du progrès, la confiance
totale en la bonté originelle de l’homme et l’espoir d’un avenir meilleur
procuré par les bienfaits de la science. Il conduit au laïcisme par lequel
l’homme, désormais libéré de Dieu et de la préoccupation d’une vie future,
limite son espérance à son existence actuelle et ses perspectives à la terre
qui le porte. Toute réalité invisible est remisée au rang de mythes antiques,
indignes de la raison et de la science : l’esprit désormais connaît une
frontière, celle du monde sensible. Il isole aussi l’homme de ses semblables,
en détruisant les associations, en stigmatisant le « délit de coalition », en
promulguant la loi d’airain de la libre concurrence : « Laissez faire, laissez
passer ». C’est un enfant de la révolution industrielle, un allié du
capitalisme, l’ennemi numéro un du socialisme naissant.
Karl Marx (1818-1883) explique la
situation misérable de l’ouvrier en face d’une minorité privilégiée par la
théorie de la « sur-valeur ». Sans peine ou presque,
les capitalistes gagnent sur chaque produit la différence entre le prix de
vente et le salaire de l’ouvrier. Fatalement, ils tendent à réduire le coût de
l’embauchage afin d’accroître leurs propres revenus et augmenter leurs moyens
de production. Leur nombre, heureusement, se réduit de plus en plus, par le jeu
des forces économiques. Quand ils ne seront plus que quelques-uns, il suffira
d’un simple décret pour éliminer ces parasites et instaurer le collectivisme
d’Etat. Les prolétaires ont pour devoir de s’associer, s’ils veulent (page 16) précipiter l’évolution «
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Les stades intermédiaires de la
révolution consisteront dans le renversement des gouvernements établis, la
socialisation des instruments de production et la destruction des classes. On
verra surgir une république internationale sans distinctions sociales, sans
Etat proprement dit, où les tâches seront réparties « A chacun selon ses moyens
». Le marxisme est matérialiste : « La religion est l’opium du peuple ». Il se
caractérise par l’exaltation de la matière.
Le racisme divinise les caractères
ethniques et physiques de certaines races dites privilégiées. Dans l’Essai sur
l’inégalité des races humaines (1855), son premier théoricien, le comte de
Gobineau (1816-1882) proclame la supériorité des Aryens et, parmi eux, des
Germains. Imbu des conceptions hégéliennes sur le devenir de l’Allemagne,
halluciné par la silhouette du surhomme nietzschéen, le raciste offre le
sceptre du monde à la nation germanique, en raison de la pureté de son sang,
fondement et gage de sa bonté morale. Il déchaîne en l’homme les forces,
inconscientes et obscures, des instincts les moins nobles. Il gratifie d’une
dignité souveraine de simples caractères physiologiques ou somatiques ; la
primauté, apanage jadis de l’esprit, est accordée à la chair dans une
hiérarchie renversée des valeurs. La seule religion acceptée est une religion
nationale, dissoute en un vague panthéisme dont le Dieu est l’émanation
protectrice de la race allemande. Comme la fin justifie et légitime les moyens,
Libéralisme, marxisme et racisme ont
des sources et des traits communs. Tous postulent le naturalisme qui consacre
l’indépendance absolue de l’homme. Ils rejettent la possibilité d’une religion
révélée et d’un ordre surnaturel, qui dépassent les frontières du sensible et
échappent au contrôle de l’expérience. Ils fondent chacun leur mystique sur une
valeur considérée comme absolue liberté, rendement économique, pureté du sang.
L’erreur consiste à ignorer les nuances dans une réalité sociale, extrêmement
nuancée. En face de ces idéologies, le catholicisme affirme ses principes : l’Eglise
est la gardienne et l’interprète d’une religion fondée sur la révélation divine
; l’homme est une créature raisonnable et libre mais dépendante de Dieu ; le
motif (page 17) de chaque démarche
est la certitude d’une vie future éternelle ; l’esprit domine la matière et
constitue le critère de la hiérarchie entre les biens. Il n’y a pas d’accord
possible entre sa mystique surnaturelle et ce que l’on a appelé les pseudo-mystiques du naturalisme contemporain. Pour les
combattre, et ainsi s’opposer à la déchristianisation du monde, il peut se
servir des armes que le régime parlementaire met à sa disposition. Certains
catholiques ont estimé qu’ils avaient l’obligation de le faire. C’est là,
croyons-nous, le fondement véritable des partis politiques qu’ils ont organisés
dans quelques pays.
Au début du XIXème
siècle, O’Connell est l’initiateur des partis catholiques. Après lui, il n’en
subsiste pas en Grande-Bretagne, la liberté religieuse est laissée à tous. Aux
Etats-Unis, il ne s’en forme pas, la vie politique se déroulant à l’écart du
problème religieux. Dans
Le
premier, Daniel O’Connell (1775-1847) obtient
l’émancipation des catholiques du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande.
Il réprouve la tactique de violence et se refuse à sortir de la légalité. Toute
sa campagne est une guerre constitutionnelle, au grand jour. En dehors des
partis classiques, whigs et taries, il unit les catholiques et les protestants
irlandais dans une vaste coalition devant laquelle Londres se voit obligé de
lever l’incapacité, pour les premiers, de siéger au Parlement, de Westminster
et d’atténuer l’Union de 1800 qui maintient l’Erin dans une tutelle de fait.
L’entreprise rappelle les ligues d’ancien régime, où les vassaux recouraient au
refus de service (jus cessandi servitii)
quand le prince refusait obstinément de leur faire (page 18) droit.
L’originalité du leader consiste à faire pénétrer, dans les couches sociales
d’un pays individualiste et bientôt de toute l’Europe, l’idée que l’Union fait
la force d’un peuple. Au début de 1823, il fonde l’Association catholique,
accessible à tous les Irlandais. A ceux qui jouissent de quelque fortune, il
ose demander une cotisation. « S’ils ne sont pas capables de donner une guinée
pour la cause catholique, pense-t-il avec raison, ils ne sont pas dignes d’être
des nôtres. »
Les Irlandais répondent avec
enthousiasme à son appel. Guinée par guinée, ils versent 250.000 francs en
quelques mois. Certains de la victoire, ils obéissent au mot d’ordre de leur
chef : « Rallions-nous autour du drapeau de la liberté » (Dublin, 1825) ((12)
Nemour,-Godré, O’Connell,
p. 188. Paris, 1895.). Aux Communes cependant, O’Connell
plaide vainement la cause de son Association. Il ne réussit pas à la sauver de
la dissolution. Mais l’opinion anglaise est alertée. Elle commence à comprendre
la légitimité des aspirations des Irlandais. Son oeuvre, illégalement dissoute,
O’Connell la ressuscite sous la forme de meetings, tenus d’abord pendant
quatorze jours consécutifs, puis dispersés selon les nouvelles prescriptions.
Six années d’agitation aboutissent à l’octroi du Catholic
relief bill de 1829. Il remporte d’un seul coup la victoire la plus complète.
Montalembert l’en félicite eu 1847 : « Vous avez affranchi l’Eglise du joug
temporel par des moyens légaux et vous avez séparé la question religieuse de la
cause politique ». Dès lors, les catholiques de Grande-Bretagne n’ont plus
besoin de parti.
Dans
Les
Français ont un O’Connell c’est le comte
Charles de Montalembert (1810-1870). En 1830, celui-ci se convainc que la cause
des Bourbons est compromise, qu’il ne faut donc plus tenir à « l’union du trône
et de l’autel ». Félicité de Lamennais (1782-1854) ne pense pas autrement. Il
s’adresse aux prêtres, ses confrères « Vous tremblez devant le libéralisme,
leur dit-il, catholicisez-le ». Ils formulent ensemble le programme du
catholicisme libéral. Ils le défendent ensemble dans le journal L’Avenir, 16
octobre 1830, sous la devise : « Dieu et la liberté ». Ils créent le noyau
d’une ligue, L’Agence générale pour la défense de la liberté religieuse, qui
doit mobiliser les croyants, sauvegarder « contre toute atteinte arbitraire les
droits des catholiques, conquérir les libertés promises et nécessaires ». Ils
fondent, à Paris, une école libre pour les enfants pauvres, Ils multiplient les
comités provinciaux. Deux préoccupations les dominent : obtenir la liberté
d’enseignement et grouper les catholiques du monde entier, à commencer par ceux
de France. Un instant, l’oeuvre est sérieusement compromise par les
revendications trop absolues de L’Avenir et les exagérations de Lamennais.
Montalembert courbe la tête sous
l’orage qui emporte son ami. Il reprend la lutte à partir de 1842. Dans une
brochure, intitulée Du devoir des
catholiques dans la question de la liberté d’enseignement, il revendique,
non la suppression de l’Université, mais l’abrogation du monopole dont elle
jouit. Il faut des collèges libres. Seule leur fondation peut garantir dans
La
situation de l’Espagne est tout aussi lamentable.
Les constitutions de 1812, de 1847 et de 1876 sont autant dire lettres mortes. Pronunciamentos, querelles de généraux, dictatures
militaires, (page 22) guerres
carlistes, tout semble conjurer contre la paix du pays. Sans doute, le
catholicisme garde sa position privilégiée de religion d’Etat. L’enseignement,
de même, reste confessionnel. Mais les ennemis travaillent à la sape, tandis
que les défenseurs se divisent autour de la question dynastique. Les plus
ardents composent le parti carliste qui ne cesse de viser au rétablissement des
principes religieux et sociaux, dont son chef se dit le seul défenseur. Les
plus nombreux entrent dans le parti alphonsiste qui comprend des éléments plus
mêlés. En 1882, sous Alphonse XII (1875-1885), Léon XIII pour « établir
Au Portugal, la patrie de Pombal et de Dom
Miguel, les catholiques font un effort tardif. Aguerris par la persécution qui
se poursuit depuis un siècle, ils semblent vouloir répondre à l’appel que leur
adresse Léon XIII (1901). Les uns, à la suite du Correio Nacional de Lisbonne,
préconisent la formation de « centres nationaux » accueillant les membres des
anciens partis à la condition de s’unir pour la défense des droits de l’Eglise.
Les autres, inspirés par
Les
catholiques allemands réussissent beaucoup mieux.
Dès le début du XIXème siècle, un écrivain converti,
Joseph von Görres (1776-1848) lance, parmi l’élite
intellectuelle, l’idée d’un (page 23)
Centre, qui deviendra le défenseur des intérêts spirituels. A Munich, il fonde
un premier groupe, comparable à celui de L’Avenir. En 1848, Mgr von Ketteler (1811-1877) inaugure les congrès annuels des
différentes Associations catholiques, où des laïques étudieront maints
problèmes et questions, avec le désir avoué de seconder le clergé dans la vie
publique ((21) G. Goyan, L’Allemagne religieuse. Le catholicisme,
p. 54. Paris, 1909). En 1852, au Reichstag prussien,
une « fraction catholique » se forme sous la direction des frères Reichensperger et de Mallinckrodt
((22) Auguste Reichensperger, né en 1808,
décédé en 1895, appartint d’abord à la magistrature, fut député de 1842 à 1864.
Pierre-François Reichensperger, né en 1810, mort en
1892, siégea au Reichstag dans l’opposition libérale, puis au Centre. Il
écrivit de nombreux ouvrages sur la politique contemporaine. Herman von Mallinckrodt,
né en 1821, décédé en 1874, fut élevé par sa mère dans la religion catholique.
A partir de 1842, il prit une part active à la politique et combattit pour le
triomphe des bonnes causes selon sa devise qui devint celle du Centre : Justitia fundamentum regnorum). En 1859, elle ajoute à son
nom celui de Centre, bientôt seule dénomination adoptée à partir du 12 janvier
1871, jour de la naissance officielle du parti dans la vie parlementaire
germanique. Soixante députés, sous la conduite d’un bureau de huit membres, y
défendent un programme bien précis.
Le Centre allemand poursuit la
défense de la religion par des moyens légaux : tel est le sens fondamental du progamme élaboré par Ketteler, Reichensperger
et Mallinckrodt auxquels Windthorst vient de se
joindre ((23) Louis Windthorst, né en 1812, décédé en 1891, fut
d’abord du parts ministériel et ministre de
(page 24) Le Centre tient tête à Bismarck, durant
Le
parti catholique hollandais se distingue du Centre
allemand par son caractère confessionnel. C’est une création du Docteur Schaepman (1844-1903). Il date de 1896. Avant cette année,
les catholiques des Pays-Bas, agissant de concert avec les libéraux modérés,
obtiennent la révision de
Les Christlich Sozialen d’Autriche méritent une place à part dans l’histoire comparée des partis. Leur nom
seul trahit la prépondérance du social sur le politique. Ils se réclament de
Mgr Ketteler et du baron von Vogelsang
(1818-1890). Celui-ci approfondit surtout la question agricole. Il rejette la
conception libérale de la propriété, dont les tristes enfants s’appellent,
l’un, capitalisme sans frein, et l’autre, paupérisme. Il propose une (page 25) réorganisation corporative de
la société. Il inspire l’Union de Fribourg et les Congrès de Liége. Il rallie
facilement la noblesse et la bourgeoisie autrichiennes
en butte à certains agissements des Israélites. C’est le Dr Lueger
qui assume la direction politique du parti. Il s’assigne comme objectif
immédiat la conquête de la municipalité de Vienne, le fief des libéraux et des
Juifs. Il emporte l’écharpe de bourgmestre, Vers 1890, il lutte pour la rechristianisation de l’école et la séparation des
confessions sur le terrain scolaire. Mais il restreint dangereusement le
programme initial de Vogelsang. « Bon chrétien, bon
Allemand, bon Autrichien » : avec une telle devise, il s’aliène forcément les
sympathies des minorités nationales ((27) P. Coulet,
« Le parti chrétien social d’Autriche », p. 1326, dans le Mouvement social, t. LXVIII,
1909, pp. 1325-2337). Il reste trop distant des
ouvriers. Après 1918, il s’aventure sur le terrain économique. En 1938, il
disparaît après l’Anschluss.
Les
catholiques italiens se tiennent d’abord à l’écart de la
politique. « Ne eletti, ne elettori
» : tel est d’abord le mot d’ordre du Vatican. En 1875, au Congrès de Florence,
ils décident de participer aux élections provinciales et communales ; Pie IX ne leur refuse pas son approbation. Dans l’encyclique
Etsi nos du 15 février 1882, Léon XIII les exhorte à
s’habituer aux luttes de la vie moderne, à fonder des sociétés de jeunesse et
d’ouvriers, à construire des écoles, à défendre la liberté du pape et à
soutenir la bonne presse. A partir de 1905, Pie X permet des exceptions au Non expedit pour ce qui regarde les élections législatives. En
1913, l’Union électorale catholique établit un compromis avec les plus modérés
des libéraux pour opposer un veto plus efficace au vote de mesures antireligieuses.
Mais ce n’est qu’après la première guerre mondiale que l’on voit surgir un
parti le parti des Popolari, de Don Sturzo.
Il surgit, tout armé, peut-on dire,
du cerveau de son fondateur. Don Luigi Sturzo est né en Sicile, l’année 1871.
De bonne heure, il concentre son attention sur la politique municipale. Il
conçoit une reconnaissance juridique des classes et des professions. Les
catholiques, décide-t-il avec la netteté d’une conviction intérieure, n’auront
vraiment leur mot à dire en politique, que s’ils s’organisent en parti ((28)
M. Vaussard, L’intelligence
catholique dans l’Italie du XXème siècle, p. 147.
Paris, 1921). En 1919, il sent que l’heure est venue. Il
formule un programme non-confessionnel et le présente
ainsi : « Nous sommes avec ceux qui excluent la religion des vues de (page
26) parti et nous nous contentons comme démocrates chrétiens de poursuivre un
idéal conforme aux principes religieux. » Il revendique l’intégrité de la
famille, la liberté d’enseignement, celle d’association et d’organisation
syndicale, l’indépendance de l’Eglise dans le plein exercice de son magistère
spirituel, la liberté et le respect de la conscience chrétienne considérée
comme le fondement de la vie nationale. Il accepte temporairement le régime
parlementaire parce qu’il veut agir légalement, mais son plan comporte une
rénovation politique de la société sur une base démocratique, dans un cadre
corporatif, par des principes chrétiens sociaux. Il connaît d’abord le grand
succès. Mais la dictature fasciste le dissout pour vingt ans (1924-1944).
Le
parti catholique belge, dont nous entreprenons
d’écrire le premier demi-siècle d’histoire, est le plus ancien de tous. Son
organisation véritable date de 1867, ce qui est déjà une date vénérable. Mais
sa gestation commence bien avant. Ses ambitions sont modestes. Il accepte la
monarchie parlementaire,
Les travaux relatifs à l’histoire du
parti catholique belge depuis les origines jusqu’en 1884 ne sont certainement
pas des plus abondants. On ne possède, à vrai dire, qu’un seul exposé
d’ensemble c’est l’histoire du Parti catholique en Belgique, par M. Auguste Mélot. C’est une oeuvre de vulgarisation, publiée sous le
patronage de
Les monographies les plus anciennes
sont les plus sujettes à caution. Elles ont les défauts de leur époque. Elles
sont basées presque uniquement sur des sources éditées : les journaux, les
Annales parlementaires, des rapports et des brochures ; en fait de documents
inédits, tout au plus de la correspondance et des notes privées. Elles sont
écrites par des témoins immédiats, des témoins qui sont aussi le plus souvent
des acteurs. Elles n’ont aucun recul, le feu des passions les consume encore.
Les auteurs jouent au prophète, de préférence au prophète de malheur. Et l’on
ne peut s’empêcher de sourire aux catastrophes que le pays a évitées, même en
ne les écoutant pas ! Ces réserves faites, les monographies de Juste, de Poplimont, de E. Vandenpeereboom,
d’E. C. de Gerlache, de Thonissen, de L. Hymans, de S. Balau constituent
des mines de renseignements. Nous croyons en avoir extrait tout ce qui pouvait
nous être utile.
Dans le septième volume de son Histoire de Belgique (1830- 1914), Henri
Pirenne commence par une excellente définition des partis au XIXème siècle « Au fond, dit-il, les partis ne sont que la
projection sur l’écran parlementaire des grands mouvements qui agitent une
nation » ((29) Préface,
p. VIII, Bruxelles, 1832).
Il résume alors le débat entre les catholiques et lés libéraux, qu’il place
ainsi d’emblée sur son vrai terrain celui des conceptions de vie, des attitudes
envers la religion et l’Eglise. De tous les historiens, c’est lui qui semble
avoir le mieux compris, c’est certainement lui qui a montré le plus clairement
que les querelles partisanes du XIXème siècle,
mesquines en apparence, se déroulent réellement aux bords d’un gouffre : le
gouffre dont la profondeur insondable sépare les croyants et les libres
penseurs ((30) p. 99 et suiv.).
L’Histoire
de
De
(page 29) Dans ses volumes sur Léopold Ier et Léopold II, le comte L. de Lichtervelde
dépasse largement le cadre biographique. Nos deux premiers rois, prétend-il
démontrer, sont les gardiens vigilants de l’intérêt général. C’est sous cet
angle qu’il faut les voir manoeuvrer entre les partis. Si Léopold s’attache à
l’unionisme, c’est en vue d’atténuer les luttes intérieures, de faciliter la
vie parlementaire, de se permettre à lui-même de faire « sa » politique. Au
début de l’indépendance, les catholiques vivent surtout de traditions
inconscientes ; ils manquent de doctrine politique, et l’auteur oublie de
mentionner le changement provoqué sous ce rapport par les Congrès de Malines.
L’attitude de Léopold II envers les partis est
commandée par des considérations d’ordre supérieur, comme la défense nationale
et le problème colonial. Les hommes ne comptent guère : on les révoque une fois
qu’ils ont cessé d’être utiles. Il a fallu du temps pour que Léopold II ait confiance dans les capacités gouvernementales des
hommes d’Etat catholiques.
Les Congrès catholiques en Belgique
par M. M. Defourny, renferment un essai de synthèse
sur la genèse, la tenue et les résultats des quatre premiers Congrès de Malines
et de ceux de Liége. Les Fragments d’histoire contemporaine de Belgique, d’A.
De Ridder, éclairent la mentalité des catholiques au
début du règne de Léopold 1er. La querelle des fondations charitables en
Belgique, par le P. A. Muller, S. J., fait la lumière sur la question de la «
loi des couvents » de 1857. Dans Journalisme et politique, H. Henry raconte les
tentatives faites aux environs de 1860 pour revigorer la presse et rajeunir le
parti. Dans La lutte scolaire, M. P. Verhaegen magnifie la résistance des
catholiques à « la loi de malheur » de 1879. Notre bibliographie mentionne bien
d’autres études monographiques. Nous ne devons pas les critiquer singulièrement.
Elles n’ont que des rapports lointains avec notre objet. Dans chacune d’elles,
nous n’avons glané que des détails sur telle ou telle question très
particulière, et pour quelques années seulement.
Nous avons parcouru de même les
biographies des hommes politiques du temps, qu’ils soient de droite ou de
gauche Dechamps, Malon, Ducpétiaux, d’Anethan,
Jacobs, de Gerlache, d’Ursel, Lammens,
Pirmez, Frère-Orban, Rogier, Nothomb, de Mérode, de Haulleville,
Dumortier. Un chef représente les tendances de son groupe. Du moins, le peut-on
supposer en mainte conjoncture. L’expérience enseigne pourtant qu’il n’en va
pas nécessairement ainsi. De plus un portrait, même fidèle, n’est (page 30) jamais qu’une déformation. Le
personnage, grandi, intentionnellement embelli parfois, est campé au premier
plan ; le reste se devine dans la pénombre. Nous ne pouvions nous dispenser de
parcourir cette galerie d’ancêtres. Mais nous avons le devoir de faire observer
qu’il y reste bien des places vacantes. Que les oeuvres sont de valeur inégale.
Et que dans la vie d’un parti, la conduite des chefs n’est pas tout.
Nous étions en somme fondée à croire
qu’une histoire quelque peu profonde du parti catholique belge ne serait pas
inutile. Elle viendrait combler une lacune. Mais il serait impossible de la
mener à bien, sans recourir aux sources inédites et éditées archives, rapports,
journaux et revues, les Discussions du Congrès national et les Annales
parlementaires, des écrits occasionnels, des pamphlets et des brochures, des
mémoires enfin. C’est à ce prix-là seulement que nous pouvions caresser
l’ambition de faire neuf, à ce prix-là seulement que nous pouvions espérer
retenir l’attention de nos contemporains.
Nous arrivons malheureusement très
tard. Les archives du Secrétariat de
Les rapports imprimés des Assemblées
générales de Malines et des congrès annuels de
(page 31) Ce ne fut pas une mince affaire que de dépouiller la presse !
Ce ne fut pas non plus le labeur fécond que nous attendions ; le journal est
rempli de détails fastidieux, on y prise plus d’anecdotes que d’histoire
véritable. Nous avons dû nous limiter. Nous avons vu d’abord le Journal de Bruxelles, l’ancêtre des
quotidiens de la capitale, durant ses débuts en 1841, 1850, 1852, pour sauter
ses années de décadence, reprendre en 1870, 1872, 1878. Nous avons fini par le Bien public de 1884, l’organe gantois
dont les valeureux directeurs prirent l’initiative de l’Union nationale pour le
redressement des griefs en cette « Année des merveilles ». Nous avons encore
dépouillé le Journal historique et
littéraire de 1834 à 1865, dirigé par Pierre Kersten
à Liège, et spécialement sa chronique juridique mensuelle, si clairvoyante à
l’endroit des libéraux.
Nous avons parcouru les Discussions du Congrès national
recueillies par le chevalier Huyttens de Terbecq dans
la presse de 1830 et de 1831. C’est le miroir le moins infidèle que l’on puisse
trouver. Pour les travaux parlementaires ultérieurs, nous nous sommes laissée
guider par l’Histoire parlementaire de
Les écrits occasionnels émanent soit
des chefs de la droite comme Dechamps, Malou, de Decker, soit d’écrivains
s’occupant de politique comme P. de Haulleville, D.
de Garcia de
La littérature autobiographique est
fort sujette à caution. Les hommes, - et les hommes politiques encore plus que
les autres, - écrivent souvent pour se justifier. Joseph Lebeau (1794-1865)
dans ses Souvenirs personnels, traite surtout de son rôle diplomatique au début
de notre indépendance. Il témoigne pourtant de son amour pour la liberté et de
sa sincérité unioniste, au Congrès national, lorsqu’il vota contre
l’intervention de la loi ou du magistrat dans les affaires d’un culte ((33), p.
25, Bruxelles, 1883). Il atteste la classification peu tranchée des partis
jusqu’en 1839, mais il atténue le caractère libéral du premier ministère
homogène qu’il forma en 1840 ((34) p. 163 et p. 233). C’est de la révocation de
ce cabinet par Léopold Ier, en avril 1841, que Mathieu Leclercq (1796-1889)
parle surtout dans ses Souvenirs encore inédits. Il
blâme le Roi de vouloir gouverner avec les catholiques et d’avoir exigé la
démission de ses ministres. Charles Woeste (1837-1922), dans le premier tome
des Mémoires pour servir à l’histoire contemporaine de
Nos chapitres se succèdent dans
l’ordre chronologique. Tout de suite après
Il me reste à exprimer ma
reconnaissance à tous ceux qui m’ont aidée de la manière la plus obligeante :
au R. P. E. de Moreau, S.J. et au vicomte C. Terlinden
qui ont bien voulu revoir mon travail, au comte H. Carton de Wiart qui m’a facilité l’accès de