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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 12 novembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 13) M. de Vrints, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Rossius, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Mathieu-Joseph-Hubert Hennen, artiste musicien à Anvers, né à Heerlen (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des bateliers des cantons de Thuin, Charleroi, Fontaine-l'Evêque et Merbes-le-Château demandent le dégrèvement du droit de patente qui frappe leur industrie. »

- Renvoi à la commission d'industrie avec demande d'un prompt rapport.


« Des blessés de 1830 demandent qu'il leur soit accordé un signe distinctif. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Hooger, Lousbergs et autres membres de la société commerciale et industrielle de Malines présentent des observations concernant le projet de loi sur les protêts. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

Composition de la commission permanente de comptabilité

MpMoreauµ. - Les sections ont composé la commission de comptabilité de MM. Vleminckx, de Macar, Vander Maesen, Jouret, Vander Donckt et Van Iseghem.

Projet de loi sur les protêts

Discussion générale

MpMoreauµ. - M. le ministre se rallie-t-il aux amendements proposés par la commission ?

MjBµ. - Oui, M. le président.

MpMoreauµ. - La discussion s'ouvre donc sur le projet de la commission.

M. Vermeireµ. - Messieurs, j'ai lu à la hâte les documents qui concernent le projet de loi en discussion. Cette lecture m'a confirmé dans l'opinion qu'en supprimant le protêt des effets de commerce, en le rendant facultatif, on cause un préjudice au crédit des petits commerçants plutôt qu'on ne leur accorde une faveur ; et, en effet, messieurs, il ne peut en être autrement, car le crédit n'est pas une chose absolue ; le crédit se mesure sur les garanties qu'on obtient ; et si ces garanties ne sont pas suffisantes, le crédit se restreint et, au lieu de venir en aide au petit commerce, on lui cause un grand préjudice.

Que les frais du protêt soient diminués, tout le monde doit le désirer, mais que l'on abolisse l'acte même du protêt, qui a été reconnu nécessaire par toutes les législations, certes on ne peut croire que cette mesure-là pourrait être utile, en quoi que ce fût, au commerce.

En effet, messieurs, n'est-il pas désirable que, dans les pays qui commercent entre eux les mêmes formes de constater le non-paiement et la non-acceptation soient observées ? En supprimant le protêt, en y substituant la déclaration du tiré, on apporte une innovation à la législation actuelle, innovation dont personne ne peut préciser les avantages ni les inconvénients. Nous sommes maintenant régis par une législation qui, sous ce rapport, a existé de tout temps ; il n'y a que dans les mauvais jours de 1848, peut-être aussi dans les mauvais jours de 1793, qu'on trouve des lois qui me paraissent être en opposition avec l'intérêt bien entendu du commerçant.

En effet, messieurs, pourquoi les banques, la Banque Nationale, par exemple, ne veut-elle pas accepter à l'escompte les effets qui portent le « sans frais » ? Précisément parce que, dit-elle, ce sont des effets qui n'ont pas été reconnus par le tiré.

L'obligation du protêt a fait plus pour l'extension du crédit en Belgique que le maintien du « sans frais », quoique le protêt obligatoire doive nécessairement entraîner des frais pour le commerce.

Le projet de loi ne nous dit pas quel a été le nombre des protêts qui ont été faits en Belgique, alors que le « sans frais » était facultatif et quel a été le nombre des protêts, alors que le protêt était devenu obligatoire.

Si nous avions cette statistique, nous pourrions dire immédiatement que l'obligation du protêt, quelque sévère que paraisse la mesure, a l.iit diminuer le nombre des protêts et a fait plus pour l'extension du crédit, comme je l'ai déjà dit, que toutes les lois antérieures.

En effet, nous avons vu que, par l'obligation du protêt, le crédit a été solidement établi en Belgique. Je n'en veux pour preuve qu'un seul fait. Le taux de l'intérêt a été presque constamment plus bas chez nous que dans les pays qui nous entourent, tandis qu'avant l'établissement de la Banque Nationale et de l'obligation du protêt, le taux de l'intérêt y était toujours plus élevé qu'en Angleterre, en France, en Hollande et dans d'autres pays.

Et pourquoi ? C'est que lorsque vous donnez des garanties de sécurité à une chose, elle est voulue par tout le monde, il y a concurrence pour l'obtenir et que, conséquemment, plus vous offrez de garanties pour le payement des effets de commerce, plus vous travaillez dans l'intérêt des commerçants.

Il y a, messieurs, un pays voisin qui a, pour ainsi dire, été toujours au bas de l'échelle du taux de l'escompte.

Il paraît que, dans ce pays, on s'est un peu relâché des règles sévères qui doivent entourer l'escompte du papier de commerce et qu'au lieu d'employer à l'escompte une grande partie des capitaux d'une banque très importante, on les a fait dévier et on les a consacrés à des spéculations qui sont en quelque sorte une immobilisation, au moins momentanée, de ces capitaux.

Quel a été le résultat de cette mesure ? C'est qu'aujourd'hui en Hollande, à Amsterdam, le taux de l'escompte est à 5 p. c, tandis qu'en Belgique il est à 2 1/2, à 3 et à 4 p. c. au maximum.

Vous voyez donc bien que si vous diminuez la garantie, vous faites nécessairement augmenter le taux de l'escompte et vous portez un préjudice à ceux qui doivent jouir du crédit.

Je ne pourrai donc pas accepter le projet de loi, messieurs, parce que je ne veux pas de la faculté de faire ou de ne pas faire protester.

Il faut qu'une loi soit une. Il faut qu'elle dise les obligations qui doivent être remplies et ne laisse pas la faculté de faire ou de ne pas faire.

Il ne faut pas que l'on puisse reprocher à un encaisseur de faire protester contre tel individu et de ne pas faire protester contre tel autre qui sera peut-être dans une plus mauvaise position que le premier. C'est avoir deux poids et deux mesures. Ou il faut laisser rétablir le « sans frais », comme nous l'avions autrefois, ou il faut maintenir le protêt obligatoire dans tous les cas.

Je suis persuade que la faculté que vous donnez au porteur de laisser protester ou de ne pas laisser protester, portera la plus grande perturbation dans le genre d'affaires. Quand on lit le rapport de la section centrale, quand on lit les pétitions qui nous sont adressées à ce sujet, quand on lit surtout dans un journal l'extrait qui y est publié du mémoire par un homme pratique dans la question, on ne peut manquer d'en être convaincu.

Mais ce n'est pas tout ; la section centrale elle-même n'ose pas conclure ; elle nous dit : Nous sommes devant l'inconnu ; nous ne savons pas si l'innovation que nous allons faire sera favorable ou défavorable au petit commerce. La section centrale n'est convaincue de rien ; elle nous dit : Essayons.

Eh bien, dans une pareille matière, quand je ne suis pas certain d'améliorer, je m'abstiens ; je ne veux pas faire d'essais de ce genre.

Et maintenant, messieurs, avec le projet qui nous est présenté, avons-nous encore l'unité dans notre législation ? Nous avons le protêt obligatoire ou facultatif pour les effets de commerce, à moins d'ordre formel, et lorsqu'il s'agit du commerce maritime, où cependant les protêts n'ont pas l'importance qu'ils ont dans les transactions commerciales ou financières, on recule. Pour les affaires maritimes, il y a obligation de protester.

Et puis, voyez les inconvénients de la déclaration qui devra être faite ! Si, un jour d'échéance, vous avez 400 à 500 effets à faire encaisser et que tout ce monde puisse venir dans votre bureau faire sa déclaration, les encaissements ne sont-ils pas, au point, de vue pratique, rendus impossibles ?

M. Thonissenµ. - Elle est facultative.

M. Vermeireµ. - Elle est facultative, soit ; mais on peut venir la faire dans votre bureau ; ou j'ai mal lu le projet, ou c'est ainsi.

Messieurs, je crois que dans la matière qui nous occupe, comme dans bien d'autres, nous devons nous garder d'innover : nous ne devons pas, en voulant adoucir le sort du petit commerçant, le frustrer dans ses intérêts. Or, c'est ce que le projet qui nous est soumis me semble devoir faire dans la pratique.

(page 14) M. Dupont, rapporteurµ. - Les observations auxquelles vient de se livrer M. Vermeire me démontrent qu'il est nécessaire que j'explique en quelques mots par quelles péripéties le projet de loi a passé.

La commission que la Chambre a investie de sa confiance a examiné ce projet pendant très longtemps et avec une extrême attention ;- elle a examiné aussi toutes les pétitions qui lui ont été transmises. Et ce n'est, messieurs qu'après s'être mis d'accord avec le gouvernement, ce n'est qu'après cet examen sérieux et approfondi qu'elle a adopté le système qu'elle vous présente aujourd'hui.

Messieurs, vous le savez, depuis deux ans environ, depuis 1867, de très nombreuses pétitions ont été adressées à la Chambre. Ces pétitions demandaient la révision des dispositions du code de commerce en ce qui concerne les protêts. Ce qui avait frappé surtout les pétitionnaires, c'était, je l'avoue, l'extrême élévation des frais de protêt. Le gouvernement, saisi de ces pétitions, s'est demandé s'il n'était pas possible de couper en quelque sorte le mal dans sa racine, et de faire disparaître le protêt lui-même.

Cette idée était, a coup sûr, séduisante, et il eût été désirable qu'ont eût pu l'introduire dans la pratique, avec toutes les garanties qu'exige la négociation du papier de commerce.

Le gouvernement est entré dans cette voie et, comme vous le savez, il a déposé un projet de loi par lequel il propose de substituer au protêt la déclaration écrite, datée et signée du tiré, avec certaines formalités que le projet de loi indique.

La commission du code de commerce, entraînée par les mêmes idées, par le même désir a suivi le gouvernement, et vous avez pu remarquer que les dispositions qu'elle a proposé d'introduire dans le titre de la Lettre de change relatif au protêt sont en quelque sorte la reproduction des idées du gouvernement.

Il semblait, messieurs, que le projet dût être accueilli avec faveur. Il n'en a rien été cependant et nous sommes obligés de reconnaître que des réclamations nombreuses se sont élevées contre le nouveau système qu'on propose de mettre en vigueur.

Ces réclamations, messieurs, se sont traduites dans de nombreuses pétitions que nous avons reçues, pétitions émanées les unes des chambres de commerce, des huissiers, partie peut-être intéressée dans cette affaire, les autres aussi d'un grand nombre de négociants.

Les motifs qu'on mettait en avant pour combattre le projet de loi, motifs que nous avons pesés avec la plus grande impartialité, ces motifs étaient les suivants.

On disait : Lorsque ce projet a été proposé, on a complètement perdu de vue l'importance du protêt ; jetez les yeux autour de vous, voyez la législation des peuples qui vous entourent, et vous verrez que nulle part, en aucun temps, on n'a fait disparaître le protêt pour le remplacer par la simple déclaration écrite.

Voyez en Hollande, sous le code civil ; en Allemagne, sous l'empire de la loi nouvelle de 1848 ; voyez en France même, sous l'empire du décret du 23 mars 1848, c'est-à-dire sous l'empire d'une législation introduite à une époque où les passions révolutionnaires étaient fortement surexcitées ; voyez en Angleterre, où l'on se passe le plus possible d'officiers publics, partout vous verrez que l'acte du protêt doit être dressé par un fonctionnaire à ce commis par la loi. Et quelle en est la raison ? C'est que du protêt dépendent une foule d'intérêts. C'est le point de départ de la ruine du négociant ; c'est une tache infligée à son honneur commercial ; c'est en quelque sorte le premier jalon auquel le tribunal de commerce rattachera plus tard la cessation des payements de ce négociant. Et, en effet, à ce point de vue, la date du protêt a une très grande importance, puisque de l'époque de la cessation des payements, et ici l'on compte par jour, dépendra la validité d'un très grand nombre d'actes passés par le failli à cette époque de sa vie commerciale. .

On ajoutait encore que le protêt devait être un acte authentique parce que si le protêt était négligé, il en résultait la perte du droit du porteur contre les endosseurs. A ce point de vue encore, il importait que la date du protêt fut nettement fixée puisque dans la quinzaine de cet acte, l’action récursoire doit être dirigée contre les endosseurs à peine de déchéance. Or, ceux-ci seront toujours intéressés à contester la validité et la date des déclarations sous seing privé ; ils ne pourront le faire quand l'acte sera authentique ; l'authenticité donne donc une grande garantie et assure la libre circulation du papier de commerce, qui dépend entièrement de la confiance du public.

Voilà les motifs qu'on mettait en avant. Lorsque le législateur impose sous des peines sévères la nécessité de faire un acte, il faut aussi qu'il donne à ceux qui doivent le poser, le moyen de l'accomplir sans de trop de formalités, simplement, sans de grandes complications, avec une sécurité parfaite et sans qu'il en résulte un perte de temps ou une trop grande perte d'argent.

On ajoutait que la situation nouvelle qu'on veut créer ne serait pas plus économique pour les négociants,

Or, les auteurs du projet, disait-on, n'ont eu en vue, en définitive, que d'éviter les frais du protêt ; celui-ci en lui-même est un acte utile ; personne ne le méconnaît.

Eh bien, on nous représentait un grand établissement financier, et j'insiste sur cet argument parce que je tiens à expliquer les motifs pour lesquels la commission a modifié son opinion première ; on nous représentait, dis-je, un grand établissement financier et on nous le dépeignait sous l'empire de la loi ancienne en le comparant à celle que lui créait la loi nouvelle.

La Banque Nationale, par exemple, remet aujourd'hui à un officier public toute sa liasse d'effets à protester ; dès ce moment, sa responsabilité cesse ; l'officier public est responsable, vis-à-vis d'elle, de l'accomplissement de toutes les formalités.

Supposez, au contraire, que le banquier soit obligé de faire toutes ses opérations par lui-même ou par ses agents. Le banquier devra faire timbrer et enregistrer l'effet ; il devra vérifier la signature qui lui est offerte, constater l'identité du tiré et de celui qui se présente pour signer la déclaration ; il sera tenu de remplir une foule de formalités à peine de nullité, à peine de perdre son recours et de supporter souvent une perte considérable ; vous arriverez à cette conséquence que le banquier augmentera le taux de sa commission, de sorte que si les frais de protêt sont plus élevés, ils seront compensés et au delà par le supplément de commission porte sur le bordereau de l'encaisseur.

On disait enfin que le système auquel s'étaient arrêtés la commission et le gouvernement donnait lieu à de fréquentes discussions en ce qui concerne la présentation des effets, qu'il serait très difficile de vérifier si la signature donnée était bien celle du tiré, de rechercher si le signataire avait le droit de faire cette déclaration, tandis que, pour le protêt, il suffit que l'acte soit fait au domicile du tiré. Voilà les inconvénients devant lesquels on nous plaçait. L'on supposait aussi qu'un malhonnête homme s'emparerait de l'effet, qu'on serait obligé de lui remettre pour y signer sa déclaration ; quelle serait alors la position de l'encaisseur ? sera-t-il cru sur parole ? devra-t-il prouver par témoins les faits dont il est la victime ?

Et si l'effet vient à être perdu, si la déclaration est égarée ? Lorsque le protêt aura été dressé, l'officier public aura dû inscrire sur son registre la copie textuelle du protêt et de l'effet auquel il se rapporte. En cas de perte, cette copie pourra conserver les droits du porteur. Cet avantage disparaîtra avec une déclaration sous seing privé. Ce porteur ne pourra se mettre aussi facilement à l'abri.

Nous avons été touchés, dans une certaine mesure, par toutes ces considérations ; nous avons pensé que le projet de loi, tel qu'il était d'abord conçu, ne pouvait être maintenu.

Nous avons reçu également d'autres pétitions et notamment une pétition de Liège, qui est conçue dans de très bons termes et donne des arguments sérieux en faveur du système de la simple déclaration.

Cette pétition nous faisait remarquer qu'on pourrait peut-être maintenir le projet de loi avec certaines modifications et l'on nous disait : Maintenez la déclaration écrite, datée et signée par le tiré, mais mettez-y certaines conditions.

Exigez que la déclaration soit donnée sur le titre lui-même ; exigez qu'elle soit donnée au moment de la présentation et par le tiré lui-même ; qu'elle ne consiste que dans ces mots : Je ne paye pas ; et dans ces conditions, un grand nombre d'inconvénients qu'on signale n'existeront plus.

Cela est vrai, messieurs, mais il en est cependant qui existeront encore.

Il en serait ainsi des inconvénients relatifs à la signature du tiré, à la perte et à la lacération du titre et puis on se trouverait en face d'un inconvénient nouveau qui résulterait du système auquel on s'arrêtait. On disait dans cette pétition : « Qu'on se borne à inscrire sur le titre ces mots : Je ne paye pas. »

Il arrive souvent que le négociant a le plus grand intérêt à faire connaître les motifs du non-paiement ; le protêt pouvant porter un préjudice considérable à son crédit et à son honneur commercial, il désire exprimer dans sa déclaration la raison pour laquelle il ne peut satisfaire à l'invitation du tireur.

Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels nous n'avons pu nous rallier à ce second système, d'autant plus qu'il circonscrivait les effets de la loi dans un cercle trop restreint.

(page 15) En prenant ce projet et en l'examinant de plus près, car la commission y tenu de nombreuses séances, nous nous sommes aperçus que dans ces griefs qu'on formulait contre le projet étaient dirigés en réalité contre une seule de ses dispositions, contre l'article 6, paragraphe 2 du projet, qui est ainsi conçu :

« Les frais seront à la charge de la partie requérante, dans le cas où le défaut de déclaration du refus d'acceptation ou du refus de payement peut lui être imputé. » C'est-à-dire que ce qu'on critiquait, c'était l’obligation imposée aux banquiers de se contenter de la déclaration datée et signée et la défense qui lui était faite de recourir au protêt, a moins qu'il ne voulût en supporter les frais ; nous avons effectivement constaté que, du moment que l'on faisait disparaître cette disposition, tous les griefs qu'on articulait disparaissaient également.

En effet, si le banquier se trouve en présence d'un homme de mauvaise foi, s'il a affaire à un tiré dont il ne connaît pas la signature, si, en un mot, les différents inconvénients que j'ai signalés viennent à se produire, le banquier est parfaitement libre de ne pas accepter cette déclaration ; le banquier peut vaincre la résistance du tiré et déjouer ses manœuvres en ayant recours au protêt, et comme la loi lui en laissera la liberté complète, il n'aura à rendre compte à personne de l'usage de cette liberté.

Mais alors on se trouve en présence d'une autre objection, qui a été faite par M. Vermeire.

M. Vermeire, qui est membre de notre commission, pense qu'on doit aller plus loin encore que la commission et le gouvernement ne sont allés dans leur revirement : c'est-à-dire qu'on doit revenir complètement sur les projets qui ont été déposés et qu'on doit retourner à l'ancien système, au système du protêt obligatoire dans tous les cas.

.l'avoue que je ne pense pas que ce système puisse être accueilli par la Chambre.

Je viens de vous montrer que les droits et les intérêts du porteur sont complètement sauvegardés par le. projet de loi. Ils sont sauvegardés de la manière la plus complète et l'honorable M. Vermeire ne démontrera à personne qu'ils puissent être compromis. Le crédit, la valeur des effets de commerce ne seront donc nullement affectés : la déclaration, pour les parties qui y auront recours, remplacera complètement le protêt et produira les même effets sans aucune contestation possible.

Mais ce qui est vrai, et c'est là le point sur lequel l'honorable membre a appelé votre attention, c'est que, par cela même que le tireur pourra faire usage de la liberté qui lui est laissée, on pourra le critiquer et dire : vous avez fait protester contre moi et vous ne l'avez pas fait pour d'autres.

Cet argument de sentiment ne peut me convaincre ; et j'admets parfaitement bien que l'opinion publique pourra contrôler l'usage de cette liberté que nous abandonnons au porteur.

Nous créons, en définitive, un moyen nouveau, un moyen qu'on pourra substituer au protêt.

Pourquoi voulez-vous que lorsque le porteur et le tiré seront d'accord, on soit obligé de faire les frais d'un protêt ? Car c'est à cela que revient votre opinion.

Il pourra très bien arriver, et il arrivera que lorsqu'un négociant dont la signature est parfaitement connue sur la place, dont la solvabilité est notoire, dont la situation légale ne donne prise à aucun doute, refusera de payer un effet, le porteur de cet effet se contentera d'une simple déclaration sans avoir recours au protêt. Ce sont autant de frais frustratoires auxquels échappera le commerçant, et je crois que ce résultat doit être envisagé avec faveur par la Chambre. Le tireur, qui sera souvent un petit commerçant, profitera ainsi du crédit du tiré.

Sans doute, et c'est là la véritable objection, dans les commencements, immédiatement après l'application de la loi, on verra rarement les porteurs d'effets se dispenser du protêt ; on y aura le plus souvent recours.

Mais peu à peu les préventions que le système de la déclaration inspire aujourd'hui aux encaisseurs se dissiperont ; on s'apercevra dans la pratique que beaucoup d'inconvénients, qui semblent très graves quand on les présente théoriquement et qu'on les groupe, n'ont pas toute la valeur qu'on leur attribue dans les pétitions que je vous résumais tout à l'heure. ; et l'on verra, la concurrence aidant, un usage plus fréquent de la déclaration. Les banquiers sont régis, comme tout le monde, par la loi de la concurrence, et lorsqu'un banquier aura souvent recours à la formalité de la déclaration, il verra sa clientèle augmenter ; les autres banquiers suivront son exemple et ce procédé s'introduira dans nos mœurs.

C'est à ce point de vue que la commission s'est placée lorsqu'elle a amendé le projet du gouvernement et lorsqu'elle vous a soumis le nouveau projet auquel M. le ministre de la justice s'est rallié.

Si vous lui donnez également votre approbation, le protêt continuera à subsister, mais le commerce aura à sa disposition un moyen facile, économique et peu coûteux de le remplacer et si, comme nous l'espérons, la pratique signale les moyens d'en diminuer les inconvénients, le progrès que nous avons voulu introduire par la force de la loi se réalisera par le libre assentiment de tous les intéressés.

A ce projet nous avons ajouté une disposition qui est calquée sur le décret français du 23 mars 1848. En 1848, on a réduit considérablement en France les frais de protêt. La commission a cru que puisque la question était placée sur le terrain des protêts, c'était l'occasion de suivre un excellent exemple donné par nos voisins. Le projet de tarif introduit dans le projet n'est en définitive, je le répète, que la reproduction du tarif français. Les critiques qui ont été dirigées par les huissiers contre ce tarif ne sont pas fondées, puisque les huissiers de Paris font les protêts aux conditions de ce tarif.

Il me reste à dire un mot d'une autre disposition, celle par laquelle la commission propose de modifier un article du code de commerce qui prescrit que le protêt se fera le lendemain de l'échéance.

Nous avons proposé, d'après diverses pétitions qui nous ont été adressées et en nous conformant, du reste, à l'avis de la chambre de commerce de Liège, d'augmenter d'un jour ce délai ; c'est-à-dire qu'il sera permis aux huissiers de ne faire le protêt que le surlendemain de l'échéance. Les motifs en sont donnés dans le rapport. Un grand nombre d'effets sont aujourd'hui payables dans les campagnes. La loi ne peut être observée ; elle est, par suite, très souvent violée, tandis qu'en donnant cette faculté aux huissiers, on agira dans le délai légal, ce qui est, à coup sûr, préférable. C'est au surplus le délai introduit par la loi allemande de 1848 qui régit les places de commerce les plus importantes du centre de l'Europe et notamment la ville de Francfort.

MjBµ. - Messieurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, le. gouvernement se rallie au projet de la commission. Cependant il est utile de faire connaître les motifs qui avaient déterminé le gouvernement à proposer son projet et les motifs qui le font aujourd'hui se rallier aux modifications que la commission y a introduites.

Dans notre pensée, en matière de procédure, tout acte inutile doit être supprimé et l'on ne peut se préoccuper exclusivement des inconvénients qui peuvent résulter de cette suppression pour certaines situations acquises.

Les formalités du protêt, car il est à remarquer que le projet du gouvernement ne supprime pas le protêt, il simplifie les formalités prescrites par le code de commerce, sont inutiles, telles qu'elles sont prescrites par le code de commerce.

Que faut-il pour garantir le porteur et les endosseurs ? La certitude que le payement n'a pas eu lieu à l'échéance. Eh bien, il est évident que si par des formalités simples et peu coûteuses la législation procure cette certitude, personne n'a à se plaindre. Vous ne pouvez discuter avec les partisans de la réforme que sur la question de savoir si les mesures que nous proposons répondent au but indiqué.

Eh bien, je demande en quoi le protêt fait par l'huissier vaut plus que la déclaration signée par le tiré ? Que l'on prouve que l'un système vaut mieux que l'autre et alors je suis tout prêt à me rallier à l'opinion de l'honorable M. Vermeire.

On a dit, et c'est la seule objection qui subsiste même dans l'esprit de l'honorable M. Dupont, on a dit : « Le banquier présentera ou fera présenter l'effet au débiteur ; celui-ci pourra examiner le billet, il l'aura entre les mains, il pourra le déchirer. » Mais n'en est-il pas de même aujourd'hui ? Si je suis débiteur d’un billet dont vous venez me demander le payement, vous devez me le confier, je dois pouvoir l'examiner, j'ai le droit d'avoir l'effet en mains.

Mais il y a plus. Tout le monde est d'accord pour supprimer les deux témoins et ce sont précisément ces témoins qui pourraient, le cas échéant, constater la lacération de l'effet.

Je dis donc que le seul argument que l'on a fait valoir ne résiste pas à l'examen, car avec ou sans protêt il faut toujours qu'à l'échéance l'effet soit présenté au tiré et qu'il l'ait entre les mains.

Il en est ainsi d'ailleurs pour toutes les créances ; quand vous avez à payer une dette civile, on doit vous présenter le titre ou la quittance.

Heureusement l'humanité ne se compose pas seulement de malhonnêtes gens ; les honnêtes gens y sont en grande majorité et on ne lacérera pas plus les effets de commerce dans l'avenir, qu'on ne l'a fait dans le passé.

On a objecté aussi la difficulté d'obtenir la déclaration. Veuillez (page 16) remarquer, messieurs, que le service des recouvrements se trouve en quelque sorte monopolisé. Ainsi, à Bruxelles, c'est la Banque Nationale qui fait l'office d'encaisseur pour presque tous les banquiers et ce sont les huissiers attachés à la Banque Nationale qui font, à eux seuls, presque tous les protêts.

Qu'arrivera-t-il ? C'est que le jour de l'échéance, les encaisseurs seront munis de déclarations ; les banques ne manqueront pas d'en faire imprimer. Les encaisseurs demanderont au tiré qui refuse de payer de signer la déclaration, ou bien s'ils ne trouvent pas le tiré, ils laisseront une déclaration à son domicile, et, si le lendemain la déclaration n'est pas renvoyée signée, on fera le protêt.

Mais, ajoute l'honorable M. Dupont, se faisant l'organe de certains réclamants, la Banque remet toute sa liasse d'effets à l'huissier et à partir de ce moment, elle est déchargée de toute responsabilité. Si la Banque doit augmenter son personnel pour faire présenter les effets et recueillir les déclarations de refus de payement, elle devra nécessairement mettre à charge de ses clients les frais résultant de ce surcroît de dépenses.

Voyons un peu comment les choses se passent dans la pratique. Actuellement la Banque remet ses effets à des personnes qui n'ont aucun caractère public, à des encaisseurs. Ce sont ces encaisseurs qui se présentent au domicile des tirés, et quelle dépense peut-il résulter pour la Banque si elle charge ses encaisseurs de laisser une déclaration imprimée au domicile des débiteurs qui refusent de payer leurs billets à l'échéance ?

Je crois donc, messieurs, qu'il n'y avait aucune espèce d'inconvénient à admettre la déclaration obligatoire, car, pour moi, je préfère la signature du tiré constatant le refus de payement à un acte auquel le tiré ne participe pas, et je suis certain que nos grands établissements financiers en viendront à substituer complètement la déclaration au protêt.

C'est parce que je suis certain que la pratique amènera ce résultat que je me rallie à la proposition de la commission.

Le langage de l'honorable M. Vermeire est vraiment extraordinaire.

L'honorable membre prétend que la réforme est plutôt faite contre les petits commerçants qu'en leur faveur.

Ainsi, messieurs, nous simplifions les formalités, nous diminuons les frais, et voilà que les débiteurs sont moins favorisés qu'auparavant !

Je ne comprends pas comment l'honorable membre peut soutenir que si le débiteur ne doit payer que 100 francs pour se libérer, il sera dans une position moins favorable que s'il devait payer 115 francs. (Interruption.)

L'honorable M. Vermeire me dit : Laissez subsister le protêt, mais diminuez-en les frais.

Si vous laissez subsister le protêt, vous laissez subsister les frais, car on ne vous fera pas le protêt pour rien. Or le protêt coûte plus cher que la déclaration.

M. Vermeireµ. - Non.

MjBµ. - Comment non ? Mais la déclaration ne coûte que l'enregistrement et le timbre, tandis que le protêt, outre le timbre et l'enregistrement, donne droit à un salaire pour l'huissier.

Le second reproche que fait l'honorable membre au système de la commission comme à celui du gouvernement, c'est de rompre avec les usages suivis en d'autres pays.

Mais, messieurs, nous n'avons pas de législation internationale uniforme, sur les protêts. En Angleterre, le protêt se fait tout autrement que chez nous ; un officier public, un notaire ou un de ses commis présente l'effet, le signe, et tout est dit. Si, dans les six mois, on veut exercer des poursuites, on fait un acte de protêt, et savez-vous combien la première formalité coûte ? Un schelling six pence.

Au surplus, messieurs, ce n'est point parce que certaines formalités ont existé pendant de longues années, même pendant un ou deux siècles, que nous devons les maintenir.

L'honorable membre, en combattant l'innovation proposée, a obéi à un esprit de routine dont il ne fait pas preuve en toute matière, et il est vraiment étonnant que, partisan de la liberté absolue pour le commerce et l'industrie, il veuille grever de frais inutiles la circulation du papier.

Ce que l'honorable membre devrait nous démontrer, c'est le caractère indispensable du protêt. Il ne l'a pas fait.

Aucun inconvénient, j'en ai la conviction, ne résultera de la réforme proposée ; elle aura toujours cet avantage de réduire les frais de la constatation du refus de payement, car le protêt, dans le système de la section centrale, ne coûtera plus que 4 fr. 50 c. et, si la déclaration remplace le protêt, il n'y aura d'autres frais que ceux du timbre et de l'enregistrement.

Mais, dit-on, le projet atteint la position des huissiers. Il est surtout vrai de dire qu'il fera cesser certains abus, car rien n'était variable comme le coût d'un protêt. Les protêts coûtaient plus ou moins cher selon les localités ; ici le protêt coûtait 10 francs, là c'était 15 francs, dans d'autres localités il ne coûtait que 5 francs.

Le tarif de 1807 ne recevait pas partout son exécution ; des huissiers même ne l'observaient pas, sous le prétexte que des erreurs s'étaient glissées dans la rédaction.

Notons, au surplus, que le notaire anglais touche 1 sh. 6 p. par constatation de refus de payement ; à Paris, l'acte de protêt ne coûte que 4 fr. 50 c. ; en Prusse, les frais ne sont guère plus élevés ; il n'y a pas de raison, me semble-t-il, pour que nous imposions aux débiteurs des dépenses plus considérables.

M. Vermeireµ. - Je me serai mal expliqué ou M. le ministre de la justice m'aura mal compris.

J'ai dit que je tenais au maintien de l'acte de protêt parce que, pour moi, cet acte constitue une garantie en faveur de l'extension du crédit et, à ce sujet, j'ai ajouté que depuis que le protêt existe dans la législation, depuis que les grands établissements financiers ont rendu le protêt obligatoire, le taux de l'intérêt est descendu en Belgique, alors que dans d'autres pays il s'était élevé.

En ce qui concerne les frais, je suis de l'avis de l'honorable ministre de la justice, je pense que ceux-ci pourraient être considérablement diminués. On pourrait, par exemple, laisser faire les protêts sur papier simple ; limiter le salaire que peut réclamer l'huissier ; supprimer, comme vous le faites dans le projet, les témoins qui, d'après moi, sont tout à fait inutiles ; supprimer ou du moins diminuer considérablement les frais d'enregistrement. De la sorte, les frais de protêt ne seraient plus que ce qu'ils sont en France. Que l'on diminue les frais dans les limites du possible, qu'on simplifie les formalités, mais qu'on laisse subsister l'acte. C'est là ce que j'ai demandé et pas autre chose. Et si je l'ai demandé, c'est pour entourer le crédit de toutes les garanties possibles, afin que le taux de l'intérêt puisse être réduit au plus bas.

MjBµ. - L'honorable membre, pour la seconde fois, affirme que le protêt est une garantie pour le crédit, mais pour la seconde fois aussi, il s'est abstenu de le prouver. Et comment, messieurs, le protêt serait-il une garantie ? Quelle est la véritable garantie dont le crédit a besoin ? C'est la certitude que le débiteur payera. Or, je demande à l'honorable M. Vermeire si une déclaration du tiré portant qu'il refuse le payement n'a pas la même valeur que le protêt lui-même fait par ministère d'huissier ? (Interruption.) Vous avez une conviction contraire, soit ! mais vous devriez au moins nous prouver en quoi la garantie diffère ; et c'est ce que vous ne faites pas. Vous ne nous avez nullement prouvé en quoi la déclaration est une garantie moins grande entre les mains du porteur que l'acte de protêt ; c'est absolument la même chose.

L'honorable membre, pour justifier sa théorie, ajoute que le taux de l'escompte a baissé en Belgique depuis qu'on y a rendu le protêt obligatoire par le refus des négociations des traites sans frais.

Or, messieurs, je ne sache pas que le protêt ait produit ce résultat. (Interruption.)

Il s'est élevé une grave question au sujet de la mention « retour sans frais », inscrite sur les effets de commerce.

Le retour « sans frais » ne constituait pas une garantie ; il ne pouvait avoir une valeur sérieuse que s'il était écrit de la main même du tireur ; or, c'est ce qu'il n'était pas possible de constater.

Mais si l'on pouvait introduire cette garantie, et établir le retour sans frais de manière que l'action récursoire soit possible contre tous les endosseurs et le tireur, je ne vois pas en quoi le retour sans frais pourrait être nuisible ; j'y vois, au contraire, une simplification, une manière facile de faire des affaires et d'obtenir une plus grande circulation de papier.

Au surplus, ce n'est point là ce qui peut influencer le taux de l'intérêt ; le taux de l'intérêt est influencé surtout par les affaires qui se font non seulement en Belgique, mais dans toute l'Europe, à telles enseignes que dès qu'une banque étrangère élève le taux de son escompte, nous sommes obligés de suivre le mouvement qui se produit ailleurs. Au surplus, mon honorable collègue de l'intérieur m'assure que depuis la suppression de la formule « retour sans frais », l'escompte a été à 6 p. c, ce qui prouve bien que cette panacée de l'honorable M. Vermeire n'a pas les vertus qu'il lui attribue.

M. De Fréµ. - J'ai une question à adresser à l'honorable rapporteur. Le projet de la commission rend le protêt facultatif ; il dépend du porteur de faire un protêt ou de n'en pas faire. L'avantage qu'il y a de permettre au porteur de remplacer le protêt par une simple déclaration, c'est de favoriser le débiteur malheureux ; c'est d'empêcher, dans certaines circonstances, que le protêt ne soit, comme le disait tout à l'heure l'honorable rapporteur, le premier jalon d'une faillite qui peut éclater plus tard. (page 17) Eh bien, messieurs, si vous voulez atteindre ce but, et je loue cette intention, il faut modifier l'article 443 du code de commerce, au chapitre des Faillites, qui dispose que tous les mois, et dans les dix jours, le receveur de l'enregistrement fera connaître au président du tribunal de commerce quels sont les protêts qu'il a enregistrés. (Interruption.)

Eh bien, si la déclaration enregistrée équivaut au protêt et si, par suite de l'application de la loi sur les faillites, le receveur de l'enregistrement doit faire à l'égard de la déclaration enregistrée ce qu'il fait aujourd'hui à l'égard des protêts, je dis que le tribunal de commerce pourra y trouver le premier jalon d'une déconfiture commerciale.

MjBµ. - Et pourquoi pas ?

M. De Fréµ. - Mais alors la raison donnée par l'honorable M. Dupont n'est pas applicable, ou bien il faut modifier l'article 443 et dire qu'il ne s'applique pas aux déclarations enregistrées.

Je voudrais avoir, à cet égard, une réponse de l'honorable rapporteur, afin que les receveurs de l'enregistrement sachent ce qu'ils auront à faire.

M. Dupont, rapporteurµ. - La réponse à la question que vient de me poser l'honorable M. De Fré se trouve dans le rapport. On y lit, à la page 5 :

« Il n'est peut-être pas inutile de constater ici, comme le fait le gouvernement, que les déclarations enregistrées devront être portées sur le tableau dressé par les receveurs de l'enregistrement en vertu de l'article 443 du code de commerce. Ce point ne peut faire l'objet d'un doute, puisque le projet de loi assimile complètement ces déclarations aux protêts quant à leurs effets. »

La raison en est bien simple : c'est qu'en définitive il faut qu'il y ait sécurité pour tout le monde ; il faut que tout le monde connaisse quelle est la situation des différents négociants de la place.

On a voulu atteindre ce but à l'aide du tableau des protêts ; il ne faut pas que lorsqu'on introduit la déclaration au lieu du protêt, on vienne enlever à cette disposition toute espèce de valeur.

De deux choses l'une : ou je me serai mal expliqué, ou l'honorable membre m'aura mal compris. J'ai dit effectivement que le protêt était souvent le point de départ de la faillite d'un négociant.

J'ai ajouté que dès lors, dans l'opinion des adversaires du projet, il fallait nécessairement qu'il y eût un acte authentique et non une simple déclaration. Il fallait, d'après eux, que cet acte fût dressé par un officier public à cause de sa grande importance.

C'est à ce point de vue que je m'étais placé et non pas à celui de mon honorable ami, M. De Fré.

- La discussion générale est close, on passe aux articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Les protêts faute d'acceptation ou de payement, ainsi que l'acte de protestation, prescrit en cas de perte de l'effet dont le payement est refusé, peuvent être remplacés par une déclaration qui constate le refus de la personne requise d'accepter ou de payer.

« La déclaration du refus de payement doit être faite, au plus tard, le lendemain du jour de l'échéance. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, l'honorable rapporteur vient de nous renvoyer à son rapport où se trouve déclaré en effet que toutes les dispositions légales relatives aux protêts s'appliqueront aux déclarations, sauf les différences établies par le projet de loi actuel.

Je me demande, s'il ne vaudrait pas mieux une déclaration bien précise dans le texte même de l'article premier. Il me semble, en outre, qu'il y aurait différentes modifications à apporter aux dispositions légales aujourd'hui suivies en matière de protêts. C'est ainsi, par exemple, que l'article 165 du code de commerce exige que le protêt soit notifié aux endosseurs. Cette notification se fait par exploit d'huissier.

Aujourd'hui que nous substituons la déclaration au protêt, cette déclaration devra-t-elle encore être notifiée aux endosseurs ? En Angleterre, d'après les documents qui nous ont été transmis, on se contente d'un simple avis, pour lequel il n'y a aucune formalité. Ne pourrait-on pas, tout au moins, pour le cas où il y aura déclaration, remplacer par un simple avis la notification par exploit d'huissier ?

M. Dupont, rapporteurµ. - Nous aurons à examiner la question que vient de soulever l'honorable M. Jacobs lorsque nous aborderons la lettre de change ; pour le moment, nous devons nous restreindre à l'objet du projet de loi.

M. Jacobsµ. - D'après cela nous devrons attendre que l'on aborde la révision du titre de la Lettre de change pour décider si la déclaration devra être suivie, aussi bien que le protêt, d'une notification par exploit d'huissier.

MjBµ. - Messieurs, le projet de loi a deux buts, celui de remplacer, dans certains cas, à la volonté du porteur, le protêt par la déclaration ; et celui de diminuer les frais. Quant au restant, toutes les règles du code de commerce subsistent. Ainsi, par exemple, le code de commerce prescrit que le protêt doit être fait dans tel ou tel endroit ; cette disposition subsiste. Le projet de loi dit formellement qu'il n'abroge que les dispositions qui lui sont contraires.

En conséquence, tout ce que la loi a dit quant à la notification du protêt s'applique à la déclaration.

La déclaration vaut le protêt. Si le protêt doit être notifié, la déclaration doit l'être également.

- L’article premier est adopté.

Article 2

« Art. 2. Les déclarations prévues par l'article précédent sont consignées soit sur l'effet, soit dans un acte séparé.

« Elles sont datées et signées par la personne requise d'accepter ou de payer.

« Elles sont enregistrées dans les deux jours de leur date. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, il est une observation que je tiens à placer ici, bien qu'elle se réfère aux droits d'enregistrement ; nous voulons diminuer les frais de protêt, mon observation s'y rapporte. Je crois donc qu'elle peut être présentée dans la discussion actuelle.

L'enregistrement des lettres de change se fait sans frais, mais l'enregistrement des billets à ordre, des promesses directes entraîne des frais assez considérables ; il n'est exigé qu'en cas de protêt et dans le cas de production du billet en justice.

On fait observer, à juste titre, que ces frais sont considérables et dépassent souvent les frais du protêt lui-même.

Je demanderai au gouvernement, aujourd'hui qu'il entre dans la voie de la réduction des frais de protêts, s'il n'est pas disposé à modifier le droit proportionnel d'enregistrement sur les billets à ordre et les promesses directes qui donnent lieu à protêt ou à déclaration.

Je comprends que, lorsqu'il faut soumettre les documents en justice, ils doivent être enregistrés et qu'on perçoive le droit ; mais lorsqu'on fait un protêt ou bien une simple déclaration, faut-il nécessairement exiger l'enregistrement et ce droit proportionnel qui dépasse considérablement les frais du protêt lui-même ?

MjBµ. - Messieurs, la réponse à la question qui vient d'être posée par l'honorable membre ne peut être faite pour le moment et il faudra attendre la révision du titre de la Lettre de change.

Le système proposé par la commission modifie les conditions de la lettre de change, du billet à ordre, etc., et c'est seulement lors de la discussion de ce système qu'on pourra examiner, au point de vue fiscal, s'il y a lieu de réduire le droit d'enregistrement.

Mais pour le moment, tant que cette réforme n'est pas faite, nous ne croyons pas qu'il soit possible de changer en rien le système fiscal en ce qui concerne la lettre de change et les billets à ordre.

MpMoreauµ. - M. le ministre propose la disposition additionnelle suivante : « La formalité ne sera donnée que si les effets sont joints aux déclarations faites par acte séparé. »

MjBµ. - Je propose aussi d'ajouter les mots : « de l'enregistrement » après le mot : « formalité. »

MpMoreauµ. - La disposition additionnelle serait donc ainsi conçue : « La formalité de l'enregistrement, etc. »

Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. Guilleryµ. - Cette phrase me paraît avoir pour objet de forcer à l'enregistrement, et il me semble que c'est précisément l'enregistrement proportionnel qui constitue la plus grande partie des frais.

Ce ne sont pas les droits fixes et le salaire de l'huissier qui constituent les plus grands frais, c'est l'enregistrement proportionnel qui s'élève aujourd'hui à 6 p. mille.

Or, il me semble que lorsque les parties sont d'accord pour éviter le protêt, il vaudra mieux éviter aussi les frais d'enregistrement, qui sont la véritable plaie des débiteurs dans l'embarras. Ce droit est d'autant plus onéreux, qu'il frappe toujours en réalité sur la misère.

Si un négociant est dans la prospérité, il pourra avoir une grande circulation et il ne payera aucun droit. S'il est dans le malheur, non seulement on lui fait faire les frais nécessaires pour constater le défaut de payement, mais on perçoit un droit proportionnel d'enregistrement. Sans vouloir soulever, quant à présent, une question qui se rapporte à tout notre système d'enregistrement, il me semble que, dans la loi actuelle, nous pourrions supprimer ce droit pour le cas où le protêt serait évité.

MjBµ. - Cette question est étrangère au projet que nous discutons et l'honorable M. Guillery le reconnaît lui-même puisqu'il dit qu'il s'agit de la législation fiscale sur les effets de commerce.

(page 18) Mais il est à remarquer que l'honorable membre se trompe, lorsqu'il dit que dans le cas qu'il cite les parties sont d'accord pour éviter le protêt. Les parties ne sont pas d'accord pour éviter le protêt ; elles sont d'accord pour substituer une formalité moins onéreuse à la formalité conteuse du protêt qui existe actuellement.

Or, vous aurez avec la forme nouvelle tous les avantages de l'effet protesté ; comment ne devriez-vous pas payer les droits ? Avec la déclaration, c'est comme si votre effet avait été protesté ; vous avez tous les droits, tous les avantages que le protêt vous donne ; dès lors, pourquoi supprimer le droit ?

Vous êtes obligés aujourd'hui de payer les frais d'enregistrement dès qu'il y a protêt. Pourquoi ne payeriez-vous pas le même enregistrement lorsque la loi vous concède une faveur qui diminue les frais ?

Ce que l'honorable membre peut demander, c'est que mon honorable collègue, M. le ministre des finances, examine s'il n'y a pas lieu de réviser le système d'impôt sur les effets ; mais c'est une question que je ne me permettrai pas de trancher et je crois qu'il faut la réserver pour qu'on puisse l'étudier mûrement.

M. Jacobsµ. - J'accepte l'ajournement de la question fiscale soulevée par cet article. Mais il me semble que l'amendement de M. le ministre de la justice est tout a fait inutile. En vertu des considérations qui ont été développées par lui-même et par M. le rapporteur, toutes les dispositions de la loi relatives au protêt s'appliquent à la déclaration. Or, d'après la législation en matière de protêt, le protêt ne peut être enregistré, sans que l'effet soit produit et enregistré en même temps. Cette disposition s'applique à la déclaration ; il est donc inutile de le dire.

MjBµ. - Le projet de loi du gouvernement pas plus que celui de la commission ne contenaient d'abord cette disposition, parce que dans notre pensée, nous ne touchions pas à la législation fiscale. C'est sur la réclamation de M. le ministre des finances qu'un paragraphe, nouveau a été ajouté a l'article 2.

On aurait pu croire que l'on pouvait se dispenser de faire enregistrer le billet, auquel se rattache la déclaration. C'est pour qu'il n'y ait pas de doute sur ce point, qu'une disposition formelle a été introduite dans la loi.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté avec l'amendement de M. le ministre de la justice.

Article premier

MjBµ. - Messieurs, nous avons voté l'article premier ainsi conçu :

« Les protêts, faute d'acceptation ou de payement, ainsi que l'acte de protestation, prescrit en cas de perte de l'effet dont le payement est refusé, peuvent être remplacés par une déclaration qui constate le refus de la personne requise d'accepter ou de payer.

« La déclaration du refus de payement doit être faite, au plus tard, le lendemain du jour de l'échéance. »

Or, messieurs, dans l'opinion de la commission, ce remplacement du protêt par la déclaration ne peut avoir lieu que si le porteur y consent. Comme les commentaires du rapport ne peuvent tenir lieu du texte de la loi, je propose d'ajouter après les mots : « peuvent être remplacés » ceux-ci : « si le porteur y consent. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 5

« Art. 3. Les déclarations faites par acte séparé rappellent la substance de l'effet présenté soit à l'acceptation, soit au payement. »

- Adopté.


« Art. 4. L'acceptation et le payement par intervention peuvent être constatés dans les formes déterminées par les articles 2 et 3. »

- Adopté.


« Art. 5. Les formalités prescrites par les articles précédents seront observées sous peine de nullité. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Les protêts, faute d'acceptation ou de payement, sont faits par un notaire ou par un huissier, sans l'assistance de témoins. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, il faut bien le reconnaître, les notaires auxquels on accorde le droit de faire les protêts n'usent guère de ce droit, qu'ils considèrent comme étant au-dessous de leur ministère. Ce ne sont, en réalité, que les huissiers qui font les protêts ; or, on ne trouve d'huissiers que dans les chefs-lieux de canton, et il en résulte souvent des frais de déplacement assez considérables qui grossissent notablement les frais du protêt.

On pourrait remédier à ce défaut, d'autant plus saillant que nous cherchons a réduire les frais des protêts : y aurait-il des inconvénients sérieux a accorder aux secrétaires communaux le droit de faire le protêt concurremment avec les huissiers et les notaires ? J'ai souvent entendu s'apitoyer dans cette Chambre sur le sort des secrétaires communaux sans qu'aucun remède y soit proposé.

Si les secrétaires de certaines communes rurales, où il n'existe pas d'huissier avaient la perspective de faire des protêts, ils trouveraient là une ressource supplémentaire. (Interruption.)

Des banquiers d'Anvers m'ont suggéré cette idée ; la paternité ne m'en revient pas.

Je citerai à la Chambre un fait à l'appui de ce que j'avance.

Il y a dans l'arrondissement d'Anvers une petite ville de 10,000 âmes, la ville de Boom qui est à trois lieues d'Anvers.

Il n'y a pas d'huissier à moins de deux lieues de Boom, de sorte que les frais des protêts y sont considérables.

M. Van Humbeeckµ. - Il y a à Boom deux notaires qui font des protêts.

M. Jacobsµ. - Les notaires en général n'en font pas. Ils considèrent cette besogne comme au-dessous de leurs fondions.

Je demande s'il y a des inconvénients sérieux à autoriser les secrétaires communaux à protester aussi bien que les notaires et les huissiers. On ne leur prendrait qu'une minime partie de leur temps et l'on rendrait un service important aux commerçants de la commune.

MjBµ. - Messieurs, le système proposé par l'honorable membre est impossible et pour plusieurs raisons.

D'abord, les secrétaires communaux n'ont pas de fonctions organisées de telle façon qu'ils puissent faire des protêts.

Les huissiers sont des fonctionnaires publics dont l'organisation a été faite en vue de ces actes pour que le contrôle puisse en être exercé.

Les huissiers dépendent des magistrats. Leurs registres sont soumis au visa des receveurs de l'enregistrement, des contrôleurs, etc.

Or, comment voulez-vous que sans une loi qui soumette les secrétaires communaux à l'action des procureurs du roi et des fonctionnaires de l'enregistrement, nous puissions remettre à ces agents le droit de faire des protêts ? Il faudrait d'abord une assimilation, tout au moins quant aux protêts, et je crois que cela ne peut se faire par une simple disposition de loi comme celle que propose l'honorable M. Jacobs.

L'huissier est obligé de faire le protêt, mais le secrétaire communal serait-il tenu de le faire ?

S'il en est ainsi, il faudrait le dire.

On a parlé des inconvénients résultant des distances. Mais la plupart des secrétaires communaux des petites communes n'habitent pas la commune où ils exercent leurs fonctions ; il en est qui desservent 4, 5 et même 6 communes.

L'honorable membre se trompe, du reste, lorsqu'il dit que les notaires ne font pas de protêts.

Il est possible que dans la province d'Anvers les notaires ne rédigent pas ces actes, mais il en est autrement dans d'autres localités.

Enfin, une dernière considération. Nous diminuons les émoluments des huissiers. Il n'y a pas lieu d'aggraver leur position en leur créant des concurrents dans la personne des secrétaires communaux.

M. Maghermanµ. - Messieurs, s'il est désirable d'améliorer la position des secrétaires communaux, il me semble qu'il est peu convenable de le faire aux dépens des huissiers, dont la position, pour un grand nombre, est loin d'être brillante.

Déjà, à différentes reprises, les émoluments de ces fonctionnaires ont été diminués, notamment lorsqu'on a pris la mesure de remplacer les citations devant les juges d'instruction par de simples invitations par écrit.

Le tarif qui a établi les émoluments des huissiers date de 50 ou 60 ans et, depuis cette époque, la valeur de l'argent a beaucoup diminué. C'est au point que le gouvernement sent le besoin d'augmenter les traitements de tous les fonctionnaires. Les huissiers n'ont point partagé cet avantage. Dans un grand nombre de localités, ces fonctionnaires ont beaucoup de peine à vivre d'une manière honorable et il n'y a pas lieu, dès lors, de diminuer encore leurs attributions.

Tout ce qui tend à réduire les frais de protêt aura mon vote comme tout ce qui tendra à diminuer utilement les frais de procédure, mais j'attire l'attention de l'honorable ministre de la justice sur le point de savoir si l'on ne pourrait améliorer la position des huissiers en réduisant le nombre de ces fonctionnaires, en ne maintenant que le nombre strictement nécessaire pour le service public. Je pense que de cette manière on améliorerait la position de ces fonctionnaires sans imposer de charges au public.

M. Jacobsµ. - Je comprends qu'on ne se fasse pas de suite à l'idée neuve de mettre les secrétaires communaux sur la même ligne que les notaires et les huissiers en matière de protêt ? Mais je ferai observer à (page 19) M. le ministre de la justice que déjà la loi du 22 frimaire an VII avait mis les secrétaires communaux à peu près sur la même ligne que ces autres fonctionnaires, qu'elle prescrit aux secrétaires des administrations municipales, aussi bien qu'aux notaires et aux huissiers, d'avoir un répertoire dans lequel ils transcriraient jour par jour les tous actes de leur ministère.

En se reportant à la loi du 22 frimaire an VII, il y aurait donc moins de modifications à faire à la législation existante qu'on ne le pense, pour conférer cette attribution nouvelle aux secrétaires communaux.

- L'article 6 est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Le gouvernement est autorisé, pour les localités où il le juge utile et dans les limites à déterminer par lui, à permettre aux notaires et aux huissiers de déroger, à l'égard des actes de protêt, aux dispositions de l'article 1037 du code de procédure civile. »

M. Jacobsµ. - Je demande la parole, non pas précisément à propos de cet article, mais, puisqu'on a proposé une modification à un article du code de procédure civile, il me paraît qu'on pourrait en introduire une dans l'article 176 du code de commerce. Cet article exige que l'huissier donne copie intégrale de son protêt à la personne contre laquelle il proteste.

La déclaration qui va être substituée au protêt n'exige la remise d'aucune pièce à la personne contre laquelle on emploie ce mode nouveau de procéder.

Il y a exagération en sens inverse dans l'un et l'autre cas : ne rien remettre du tout en cas de déclaration et remettre une copie intégrale en cas de protêt.

Selon moi, il suffirait d'insérer la substance de l'acte dans la copie ou plutôt dans l'extrait qu'on remettrait à la personne contre laquelle on proteste

L'article 176 du code de commerce est très peu observé dans la pratique ; un grand nombre d'huissiers ne remettent pas de copie, et on le conçoit.

Les jours de fortes échéances, ils reçoivent souvent assez tard un grand nombre de protêts. Ils font les originaux, mais ils ne font pas les copies et cela pour plusieurs raisons : d'abord, parce que le temps leur manque et, ensuite, parce que le timbre peut être employé inutilement ; il se peut que la personne, contre laquelle le protêt est fait soit prête à payer, le timbre de la copie préparée est perdu.

Si l'huissier, au lieu de devoir remettre une copie sur timbre, pouvait ne donner qu'un avis relatant la substance de l'acte sur papier libre, il ne se dispenserait jamais de cette formalité.

Je propose donc à la Chambre de vouloir bien insérer un article additionnel qui serait une modification à la première partie de l'article 176 du code de commerce et que j'ai rédigé dans les termes suivants :

« Le notaire ou l'huissier chargé de protester laissera au domicile du tiré, à peine de destitution, un avis sur papier libre contenant la substance du protêt. »

Cela permettrait de diminuer encore du montant du timbre de la copie les frais de protêt, qui seraient ainsi réduits de 4 fr. 50 c. à 4 francs.

MjBµ. - Je suis obligé, à regret, d'opposer une fin de non-recevoir à la proposition de l'honorable M. Jacobs.

L'honorable membre se trompe, quand il croit que l'article 7, que nous discutons en ce moment, a été introduit comme une modification aux dispositions existantes et n'a pas directement trait a la matière du projet de loi.

L'article 7 est une conséquence directe du principe du projet de loi.

M. Jacobsµ. - Mon article additionnel aussi.

MjBµ. - Pas le moins du monde. Vous touchez par votre disposition à une partie du titre de la Lettre de change, qui n'a aucun rapport avec le projet de loi actuel.

Vous admettrez parfaitement, je suppose, que le projet de loi en discussion pourrait sortir tous ses effets, même sans votre proposition. Mais il n'en serait pas du tout de même si le projet ne contenait pas l'article que nous discutons en ce moment.

Que voulons-nous ? Nous voulons pouvoir augmenter la durée du temps pendant lequel les protêts peuvent se faire. Ainsi, actuellement les protêts ne peuvent se faire en hiver que pendant une partie de la journée beaucoup moins longue qu'en été. Eh bien, quel inconvénient y aurait-il à autoriser le gouvernement à permettre par arrêté royal de faire des protêts, dans certaines grandes villes, pendant un temps plus long qu'aujourd'hui ? Cela peut être utile par suite de la substitution de la déclaration au protêt par huissier.

Cette disposition a donc un rapport direct avec le projet de loi, tandis que celle de l'honorable membre met en discussion des points importants du code de commerce, que je n'entends pas discuter en ce moment et sur lesquels je doute fort que la Chambre soit disposée à se prononcer actuellement.

Je suis prêt à discuter toute proposition qui se rattacherait directement au projet de loi ; mais je ne suis nullement disposé à m'aventurer dans la discussion d'amendements étrangers à ce projet et dont il n'est pas toujours possible d'apprécier immédiatement toute la portée.

- L'amendement de M. Jacobs est appuyé ; il fait partie de la discussion.

M. Jacobsµ. - M. le ministre de la justice se fait tort lorsqu'il prétend n'être pas à même de discuter mon amendement séance tenante. Il s'agit, en effet, d'une chose extrêmement simple ; il s'agit tout bonnement de permettre que la copie ne soit plus écrite sur timbre et qu'à la copie textuelle on puisse substituer un extrait. Je demande, en d'autres termes, que le protêt soit traité de la même façon que la déclaration séparée, laquelle, au lieu de transcrire intégralement l'effet, ne le relatera qu'en substance.

C'est une question des plus simples et sur laquelle la Chambre est parfaitement à même de se prononcer en ce moment.

Que la copie intégrale soit inutile, c'est ce que tout le monde reconnaîtra certainement ; il s'agit de renseigner le débiteur, or il sera suffisamment renseigné au moyen d'un extrait contenant la substance du protêt. Et quant au timbre, la suppression que j'en propose diminuera encore d'autant les frais de protêt. Chacun peut juger de l'importance de cette suppression, et par conséquent, sur ce point encore, la Chambre peut se prononcer sans plus ample examen.

M. Dupont, rapporteurµ. - Je ne puis, comme rapporteur, que me rallier aux observations de M. le ministre de la justice. La proposition de l'honorable M. Jacobs a été examinée au sein de la commission, où cette idée avait été accueillie avec beaucoup de faveur ; mais après avoir consulté M. le ministre des finances, nous avons été d'avis qu'il y avait lieu d'ajourner cette proposition.

En effet, l'amendement de l'honorable M. Jacobs est complètement étranger au projet de loi. Nous ne pouvons pas adopter une modification au code de procédure, qui exige que tout exploit soit remis en copie au notifié, sans l'avoir mûrement examiné.

A un autre point de vue, l'amendement porte également atteinte aux lois générales sur le timbre.

Je crois donc qu'il y a d'excellentes raisons pour que nous ne nous occupions pas de cet amendement dans le projet de loi en discussion. L'occasion se présentera de le discuter lorsque nous arriverons à la lettre de change, ce qui ne tardera pas.

- La discussion est close.

MpMoreauµ. - L'amendement de M. Jacobs formera, le cas échéant, un article nouveau après l'article 7. Je mets d'abord l'article 7 aux voix.

- Cet article est adopté.

MpMoreauµ. - Je mets maintenant aux voix l'article nouveau proposé par M. Jacobs.

- Cet article nouveau n'est pas adopté.

Article 8

La Chambre passe à l'article 8.

« Art. 8. Le droit d'enregistrement des actes de protêt, des déclarations de refus d'acceptation ou de refus de payement et des déclarations d'intervention est fixé à un franc.

« Ces déclarations, écrites sur papier non timbré, seront soumises au timbre extraordinaire ou au visa pour timbre dans le délai fixé par l'article 2 pour l'enregistrement. »

- Adopté.

« Art. 9. Le tarif actuel des frais de protêt est modifié comme suit :

« A. Protêt simple :

« Original et copie : émolument : 1 fr.

« Droits de copie de l'effet et transcription sur le répertoire : émolument : 75 c.

« Timbre du protêt et du registre : déboursés : 1 fr. 15.

« Enregistrement : déboursés : 1 fr.

« Total : 4 fr. 50.

« B. Protêt à deux ou plusieurs domiciles ou avec besoin ;

« Protêt simple : 4 fr. 50.

« Pour le second domicile ou le besoin : émoluments : 1 fr.

« Timbre: déboursés : 4 c.

« Total: 5 fr. 95 c.

(page 20) « Protêts de deux ou plusieurs effets :

« Le protêt simple : 4 fr. 50

« Emoluments pour le second effet : émoluments : 50 c.

« Timbres : déboursés : 20 c.

« Total : 5 fr. 20.

« D. Protêt de perquisition :

« Original et copie du procès-verbal et du protêt : émoluments : 5 fr.

« Droit de copies à afficher : émoluments : 1 fr. 25

« Les copies du titre : émoluments : 50 c.

« Visa : émoluments : 1 fr.

« Timbre des copies : déboursés : 2 f. 25 c.

« Enregistrement : déboursés : 1 fr.

« Transcription du titre au registre ; transcription du procès-verbal de perquisition et du protêt : émoluments : 75 c.

« Timbre du registre : déboursés : 50 c.

« Total : 12 fr. 25.

« E. Protêt au parquet :

« Protêt simple : 4 fr. 50

« Deuxième copie au parquet : émoluments : 60 c.

« Troisième au tribunal et droit de la copie du titre : émoluments : 1 fr. 50.

« Visa : émoluments : 1 fr.

« Timbres : déboursés : 90 c.

« Total : fr. 8 fr. 50.

« F. Intervention :

« Original et copie : émoluments : 2 fr.

« Transcription au registre : émoluments : 25 c.

« Papier du registre : déboursés : 25 c.

« Enregistrement : déboursés : 1 fr.

« Total : 3 fr. 50.

« G. Dénonciation de protêt :

« Original : émoluments : 2 fr.

« Copie de l'exploit : émoluments : 50 c.

« Copie de billet et copie de protêt : émoluments : 75 c.

« Copie d'intervention : émoluments : 25 c.

« Copie de compte de retour : 2 émoluments : 5c.

« Timbres : déboursés : 1 fr. 35.

« Enregistrement : déboursés : 1 fr.

« Total : 6 fr. 10.

« - Adopté.

Article 10

« Art. 10. Le protêt faute de payement doit être fait au plus tard le second jour après celui de l'échéance. Si ce jour est un jour férié, le protêt est fait le jour suivant. »

M. Guilleryµ. - L'expression « les jours fériés » fait naître dans mon esprit un doute sur la signification de l'article 7 déjà voté.

J'admets parfaitement que lorsque le jour est férié, que la fête soit légale ou non, on augmente le délai accordé au débiteur malheureux ; je n'ai aucune objection à faire à une disposition favorable.

Mais dans l'article 7 il est dit : « Que le gouvernement est autorisé, pour les localités ou il le juge utile et dans les limites à déterminer par lui, à permettre aux notaires et aux huissiers de déroger, à l'égard des actes de protêt, aux dispositions de l'article 1037 du code de procédure civile. »

Je crois qu'il doit être bien entendu qu'il ne s'agit que des dispositions du code de procédure civile, relatives aux fêtes légales, lesquelles sont abrogées par la Constitution.

Je fais cette observation parce que je ne voudrais pas qu'à l'occasion de contestations soulevant la question constitutionnelle, on pût invoquer le vote de la loi actuelle.

MjBµ. - Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Guillery est très grave. Elle consiste à savoir si les fêtes légales religieuses indiquées par diverses dispositions sont maintenues.

Je crois, messieurs, que cette question ne pourra être discutée que lorsque nous nous occuperons de la révision du code de procédure civile. Nous ne modifions pas la législation actuelle ; la question reste telle qu'elle est, on peut la débattre devait les tribunaux, et elle doit parfois se présenter, car quand une échéance tombe un jour de fête, il s'agit de savoir si le payement fait le lendemain est valable.

M. Van Humbeeckµ. - La jurisprudence est favorable en général au payement au lendemain de l'échéance.

MjBµ. - Pour que les fêtes puissent être supprimées comme fêtes légales, il faudrait donc une disposition législative.

M. Guilleryµ. - La Constitution les supprime.

MjBµ. - Il n'y a pas que des fêtes religieuses. Nous pouvons fixer dans une loi les jours de fêtes légales ; mais, est-ce à propos de la loi sur les protêts qu'il faut soulever cette question ? Je ne le pense pas.

Les significations doivent, du reste, être soumises à des règles uniformes, aussi n'est-ce point par mesure spéciale, mais par une mesure générale que nous devons disposer, et nous ne pourrons le faire que lorsque nous réviserons le code de procédure civile.

M. Guilleryµ. - Messieurs, je croyais la question résolue et c'est pour qu'on n'argumentât pas d'une ratification du législateur faite incidemment, que j'ai fait une observation. Je' vois avec regret que dans l'opinion de M. le ministre de la justice il n'en est pas ainsi.

MjBµ. - C'est dans l'opinion de la jurisprudence.

M. Van Humbeeckµ. - La jurisprudence est favorable au payement des actes dont l'échéance tombe le dimanche.

M. Guilleryµ. - Pour moi, je regarde la Constitution comme ayant abrogé les fêtes légales, attendu qu'elle ne met point le culte catholique au-dessus des autres cultes.

Je dis donc que si, en verdi de la loi du 18 germinal an X, article 41, le dimanche est une fête légale pour le catholique, le samedi est une fête légale pour l'israélite, et je ne crois pas que, sous l'empire de la Constitution, on puisse incriminer un acte qui a été fait le dimanche.

Je tiens à faire cette déclaration, afin qu'on ne puisse pas induire d'abord du vote de la loi qu'il y a des fêtes légales ; des restrictions de M. le ministre de la justice, que la Chambre est unanime à considérer les fêtes légales comme n’étant pas implicitement et définitivement abrogées par la Constitution.

MjBµ. - L'honorable membre ne m'a pas bien compris ou plutôt je me suis mal exprimé. Je n'ai nullement dit que dans mon opinion il y avait en Belgique des fêtes légales, à savoir le dimanche, l'Ascension, le jour de Pâques, etc. Je crois même avoir écrit le contraire.

Mais la question ne se présente pas ainsi. Il s'agit de savoir si la jurisprudence admet comme fêtes légales les fêtes religieuses. Car l'honorable membre reconnaîtra que, quelle que soit son opinion et quelle que soit la mienne à propos des fêtes religieuses, si la jurisprudence les maintient, nous ne pouvons procéder que par voie législative.

Eh bien, je dis à l'honorable membre : Lors même que votre opinion et la mienne, qui est conforme à la vôtre, seraient fondées, est-ce le moment de faire une disposition sur les fêtes légales ? Je ne le pense pas. Si nous avons raison, nous ne pouvons restreindre les dispositions de la Constitution à la seule matière des protêts, nous devons les étendre à toutes les autres significations.

En conséquence, nous réservons toutes les opinions. Nous disons que l'on pourra permettre aux notaires et aux huissiers de déroger aux dispositions de l'article 1037 du code de procédure civile ; nous ne disons rien des fêtes légales.

M. Guilleryµ. - Vous dites à l'article 10 : « Le protêt faute de payement doit être fait au plus tard le second jour après celui de l'échéance. Si ce jour est un jour férié, le protêt est fait le jour suivant. »

Eh bien, qu'est-ce qu'un jour férié ? Est-ce le samedi, où est-ce le dimanche ?

MjBµ. - Les tribunaux décideront. Mais l'honorable membre me concédera que ce n'est pas le moment de discuter la question et de la trancher.

M. Guilleryµ. - Si l'on veut réserver la question, je ne m'y oppose pas. Mais la loi ne la laisse pas entière. Elle dit si ce jour est un jour férié ; elle reconnaît donc qu'il y a des jours fériés.

Je demande à M. le ministre de la justice et à M. le rapporteur de me dire si par jour férié on entend le samedi ou le dimanche.

MjBµ. - Mais il y a d'autres fêtes que les fêtes religieuses, qui sont des jours fériés. Ainsi, sous la législation française, le 15 août était un jour férié. Cela a été supprimé depuis la séparation de la Belgique et de la France ; mais je ne sais pas s'il n'y a pas d'autres jours qui sont fériés. Ainsi le 1er janvier est-il ou n'est-il pas un jour férié ?

M. Dupont, rapporteurµ. - J'ajouterai un mot : c'est que, tout en partageant l'opinion de l'honorable M. Guillery et de M. le ministre de la justice, je crois que la disposition que nous discutons doit être maintenue ; parce que, s'il est libre à tout le monde de faire des exploits le dimanche en vertu des articles 14 et 15 de la Constitution, on doit aussi, en fait, (page 21) respecter les opinions religieuses et accorder un délai d'un jour à cause de la difficulté pratique d'instrumenter les jours de fête ; de sorte que si notre opinion, quant à l'abrogation des fêtes légales, passait dans la loi, la disposition de notre article 10 devrait toujours être maintenue dans l'intérêt même de la liberté de conscience.

Il ne s'agit pas ici d'annuler un acte fait un jour de fête, mais d'accorder un délai pour ne pas obliger les personnes qui y répugnent à faire un protêt un jour férié légal. .

- L'aride est mis aux voix et adopté.

M. de Rongéµ. - Il arrive souvent, messieurs, dans les affaires commerciales qu'un débiteur propose de payer une partie de la traite, soit parce qu'il n'a pas en caisse les fonds nécessaires pour payer la totalité, soit parce qu'il n'est pas d'accord avec le créancier ; certains huissiers acceptent quelquefois l'à-compte ainsi offert et font le protêt pour le reste, mais la plupart refusent l'à-compte. Je crois qu'on pourrait dire qu'ils doivent accepter l'à-compte.

MjBµ. - Messieurs, cette question se rattache au titre de la Lettre de change ; il s'agit de savoir si le débiteur peut se libérer par partie et si l'huissier auquel on offre un à-compte est obligé de le recevoir et ne peut faire le protêt que pour le surplus de la dette.

Cette question est beaucoup plus grave que l'honorable membre ne le suppose. (Interruption.) L'honorable membre semble la préjuger dans le sens de l'obligation pour l'huissier d'accepter l'à-compte ; le système contraire peut se défendre par de très bons arguments.

Ce point pourra, du reste, être examiné lorsque nous discuterons la matière de la lettre de change.

Article 11

« Art. 11. Toute disposition contraire à la présente loi est abrogée. »

- Adopté.

Second vote et vote sur l’ensemble

La Chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.

Les amendements introduits dans le projet sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.

Ce sont :

MM. Jamar, Jonet, Jouret, Landeloos, Liénart, Lippens, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Mulle de Terschueren, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Schmitz, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Visart, Vleminckx, Watteeu, Wouters, Allard, Bara, Beke, Bieswal, Broustin, Bruneau, Carlier, Castilhon, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Clercq, De Fré, Eugène de Kerckhove, Delcour, de Macar, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, Dewandre, Dumortier, Dupont, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Hayez, Hymans, Jacobs et Dolez.

- Plusieurs voix. - A mardi !

MpMoreauµ. - Il y a une proposition d'ajournement à mardi. Je consulte la Chambre.

- La Chambre décide qu'elle s'ajourne à mardi.

La séance est levée à 4 heures et demie.