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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 31 mars 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 993) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

Il est donné lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Maertens et comp. demandent la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournay, moyennant la garantie par l'Etat d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur un capital d'environ 6,800,000 francs. »

« Les habitants de Mons, Tournay, Péruwelz, Antoing, Saint-Ghislain, Courtray, Menin, Ypres, Wervicq, Comines, Poperinghe et de plusieurs autres communes du Hainaut et de la Flandre occidentale demandent que cette concession soit accordée au sieur Maertens. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Louvain demande que la compagnie du Luxembourg soit obligée de faire passer par Wavre et Gembloux le chemin de fer de Bruxelles et de Namur. »

« Même demande du conseil communal et des habitants de Tourinne-Saint-Lambert. »

M. Landeloos. - Messieurs, cette pétition contenant diverses observations qui tendent à démontrer combien le nouveau tracé proposé par la compagnie du Luxembourg serait désavantageux aux relations existantes entre Louvain et les provinces de Namur et de Luxembourg, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres du conseil communal de Wibrin demandent la construction aux frais de l'Etat d'une route de Champion à Houffalize. »

« Même demande des membres des conseils communaux de Champion et d'Houffalize et du comice agricole de cette dernière ville. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de la Hulpe déclare adhérer à la pétition de la ville de Wavre relative au tracé du chemin de fer de Bruxelles à Namur. »

- Même renvoi.


« Par 11 messages en date du 29 mars, le sénat informe la chambre qu'il a pris en considération autant de demandes de naturalisation ordinaire. »

- Pris pour notification.


M. Ch. Rousselle, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de huit jours.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi interprétatif de l’article 22 de la loi du 27 avril 1820 sur la milice

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commis sion qui a été chargée d'examiner le projet de loi interprétant l'article 22 de la loi du 27 avril 1820 sur la milice.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il sera mis à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi allouant un crédit extraordinaire au budget du département de la guerre

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Jacques. - Lorsque j'ai présenté, l'année dernière, un projet de loi sur l'organisation de la force publique, mon principal but était d'arriver à la suppression du recrutement forcé, ou du moins d'alléger considérablement le fardeau écrasant que nos lois de milice font peser sur les familles pauvres.

En recherchant les moyens à employer pour atteindre ce grand résultat, je n'ai pas perdu de vue la nécessité de renforcer notre armée au lieu de l'affaiblir, d'améliorer le système de recrutement au lieu de le vicier. Je me suis donc bien gardé de chercher à remplacer les tirages de milice soit par l'enrôlement des mauvais sujets et des fainéants que l'on rencontre dans les diverses communes, soit par des engagements irréfléchis que l'on ferait souscrire par des jeunes gens honorables dans des moments d'ivresse ou d'égarement : ce que j'ai proposé, c'est d'attacher à la carrière militaire des avantages assez considérables, pour que chaque année des jeunes gens aptes et de bonne conduite, se présentant librement, colontairement, en nombre plus que suffisant, pour remplir les vides que l'âge, les infirmités, ou le dégoût du servies auraient produits dans les rangs de l'armée.

J'ai eu soin, d'ailleurs, de signaler, dans les développements du projet de loi, les diverses mesures qui y ont trouvé place, et qui sont de nature à fortifier l'armée au lieu de l'affaiblir. Parmi ces mesures, il en est deux qui se rattachent plus ou moins directement à la loi de crédit que nous discutons.

C'est d'abord la réunion sms les drapeaux pendant quelques semaines chaque année de tous les miliciens qui, après avoir reçu l'instruction militaire, sont renvoyés en congé dans leurs foyers.

C'est ensuite de tenir constamment à la disposition de notre cavalerie et de notre artillerie un nombre suffisant de chevaux bien dressés.

Je faisais remarquer à la chambre, le 7 juillet 1851, dans les développements de mon projet de loi, la nécessité d'introduire ces deux améliorations notables dans notre élat militaire, afin de remédier aux vices que j'y avais remarqués alors et que le département de la guerre a cherché depuis à faire disparaître.

Je pense qu'une assez forte partie du crédit sur lequel nous délibérons maintenant est destinée à faire face aux dépenses qui en sont résultées. Je pense aussi que le surplus de ce crédit est destiné à couvrir des besoins incontestables du matériel du génie et du matériel d'artillerie, besoins qui sont d'ailleurs tout à fait indépendants des améliorations qu'il est nécessaire d'introduire dans notre système de recrutement. Je suis donc disposé à voter le crédit qui est en discussion ; mais pour que je puisse émettre ce vote sans aucune répugnance, il est nécessaire que j'obtienne de M. le ministre de la guerre des réponses satisfaisantes aux deux questions que je crois devoir lui soumettre.

Ma première question, c'est de savoir si le gouvernement reste bien disposé à s'occuper sérieusement, et dans un délai rapproché, de l'examen des mesures à prendre pour rendre notre système de recrutement plus équitable ? Permettez-moi, messieurs, pour faire mieux ressortir l'urgence de s'occuper de cette matière, de vous présenter, en très peu de mots, une certaine comparaison des impôts en argent avec l'impôt en hommes. Si quelqu'un venait proposer de remplacer l'ensemble de nos lois fiscales par une loterie qui consisterait à répartir notre budget de recette de 121 millions de francs en 121 mille lots de 1,000 fr., et à faire acquitter ces lots de mille francs par les 121 mille familles que le sort désignerait parmi les 900,000 familles qui composent la Belgique, sans tenir compte des ressources que ces familles possèdent ni des avantages plus ou moins considérables qu'elles retirent des divers services publics, l'on ne manquerait pas de trouver un pareil procédé monstrueux, inique, révoltant, intolérable.

J'admets toutes ces qualifications, mais je me demande si elles ne sont pas également applicables à notre système de recrutement ? L'on ne peut pas évaluer à moins de mille francs le service que l'on exige d'un milicien désigné par le sort, et dès lors la levée annuelle de 10,000 hommes, telle qu'elle se pratique maintenant, ne ressemble-t-elle pas entièrement à une loterie qui aurait pour but de répartir 10,000 taxes de mille francs par la voie du sort pour les faire supporter par les 10 mille familles que le sort désigne parmi les 38 mille familles qui ont des garçons de 20 ans, sans tenir aucun compte des ressources que ces familles possèdent, ni de l'intérêt plus ou moins grand qu'elles ont au maintien d'une bonne armée ?

La deuxième question que je crois devoir poser, c'est de savoir si le gouvernement est bien décidé à ne consacrer aucune partie des fonds qui seront à sa disposition, soit sur le budget ordinaire, soit sur le crédit qui est en discussion, pour faire construire des casernes ou autres bâtiments militaires là où de pareilles constructions ne sont pas commandées par un bon système de défense nationale ?

Je pose cette question, messieurs, parce qu'il m'est revenu qu'une députation de l'une de nos petites villes s'est présentée dernièrement près de M. le ministre de la guerre pour solliciter la construction de nouvelles casernes, et qu'elle doit avoir reçu un accueil favorable. Or, comme il s'agissait de la ville d'Arlon, et que, dans mon opinion, les casernes qui existent déjà à Arlon sont plus que suffisantes pour la force qu'il convient d'y placer, si l'on ne tient compte que des besoins d'un bon système de défense pour le territoire de la Belgique, j'ai cru devoir demander quelques explications sur ce point, avant qu'il ne soit procédé au vote.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - J'aurai l'honneur de répondre à l'honorable représentant que la loi sur le recrutement a été soumise à un comité et que la commission a posé les bases de l'ensemble du travail.

Son rapport sur ce point me sera également remis sous peu et fera l'objel du travail que j'aurai l'honneur de soumettre aux autres membres du gouvernement et ensuite à la chambre. Quant aux casernes à construire à Arlon, une demande m'a effectivement été adressée par les membres du conseil communal de cette ville. Mais je leur ai fait observer les inconvénients qui résultaient de l'intervention du département de la guerre dans ces sortes d'affaires, parce que c'était prendre en quelque sorte un engagement de maintenir dans ces garnisons un nombre d'hommes quy les circonstances rendraient souvent impossible de maintenir constamment au complet.

(page 994) On ne fera des casernes que là où ce sera absolument indispensable. J'ai même conseillé de n'entreprendre aucune nouvelle construction de ce genre à Arlon.

M. Jacques. - Je me déclare entièrement satisfait de la réponse de M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les lois concernant la milice, et qui sont très compliquées, ont été soumises à l'examen d'une commission spéciale, présidée par un ancien président de la chambre, l'honorable M. Liedts. Cette commission a terminé son travail et me l'a envoyé depuis peu. J'aurai à me concerter avec M. le ministre pour arrêter le projet définitif.

M. Delfosse. - Messieurs, lorsqu'on a discuté récemment le projet de transfert au budget de la guerre pour l'exercice 1851, j'ai fait connaître en peu de mots les raisons pour lesquelles j'y donnais mon assentiment.

Les mêmes raisons, qu'il est inutile de répéter, m'engageront à voter pour le crédit extraordinaire de 4,700,000 fr. qui nous est demandé en ce moment.

Mais, comme je ne veux pas qu'on vienne ultérieurement (cela s'est déjà vu) m'opposer ce vote comme un précédent, je déclare me réserver expressément toute liberté pour l'examen en temps utile des questions relatives à notre établissement militaire.

Je n'aurai, dans l'examen de ces questions, d'autre mobile que l'intérêt de mon pays.

Jamais je n'ai fait ni ne ferai de l'armée une question de parti.

La preuve, c'esl qu'en 1843 j'ai repoussé, avec une grande partie de la droite, le budget du général de Liem, et plus tard, avec une grande partie de la gauche, le budget du général Chazal.

Pour l'armée, comme pour les autres services publics, je continuerai à ne puiser mes votes que dans les inspirations de ma conscience.

M. David. - Je voterai également le crédit de 4,700,000 fr. demandé pour le département de la guerre ; mais tout en faisant les mêmes réserves que l'honorable M. Delfosse.

- Plusieurs membres. - Nous faisons aussi les mêmes réserves.

- La discussion est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

La chambre passe au vote du texte du projet de loi, qui est ainsi conçu :

« Art. 1er. Il est accordé au département de la guerre un crédit de quatre millions sept cent mille francs (4,700,000 francs) pour des dépenses extraordinaires dudit département. Ce crédit sera couvert par la dette flottante, dont l'émission est autorisée par la loi du 20 août 1851 (Moniteur n°246). »

- Adopté.


« Art. 2. Le Roi déterminera par des arrêtés l'emploi de ce crédit, entre les divers articles du budget de la guerre pour l'exerciee 1852, selon les besoins réels du service. »

-Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi. Il est adopté à l'unanimité des 67 membres présents et sera transmis au sénat.

Ont voté le projet de loi : MM. Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), Debroux, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Meester, de Mérode (Félix), de Muelenaere, de Perceval, de Renesse, de Royer, Desoer, de Steenhaull, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, d'Hont, Dumon (Auguste), Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne. Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon et Verhaegen.

Projet de loi modifiant le régime du transit

Discussion générale

M. Coomans. - Messieurs, deux raisons principales m'empêchent d'adopter le projet de loi : d'abord, il rend définitives des dispositions qui n'étaient que temporaires et que nous avons intérêt avoir maintenir telles ; ensuite, il blesse la justice distribulive : il admet en libre transit à peu près tous les similaires des produits belges et n'excepte que deux ou trois industries qui semblent définitivement privilégiées en Belgique. Ainsi les fers et les houilles ne pourront pas transiter ou du moins seront repoussés par des droits prohibitifs.

C'est là une injustice, une de ces injustices économiques et douanières auxquelles on nous a habitués, mais je ne veux pas laisser passer une seule occasion sans protester contre ce système.

Il a été dit dans cette enceinte, on répète dans le rapport de la section centrale que nos traités avec l'Allemagne et avec la France empêchent le transit, font obstacle à ce que les fers et les houilles soient placés dans le droit commun.

Messieurs, c'est là une erreur. Nos traités ne nous empêchent pas de faire pour les fers et les houilles ce que nous faisons pour les autres produits similairts aux nôtres. Ni la lettre, ni l'esprit des traités ne font obstacle à cet égard.

Je prierai l’honorable rapporteur de la section centrale de me démentir par des citations.

Les puissances avec lesquelles nous avons des traités de ce genre n'auraient certainement pas lieu de se plaindre de l'admission en transit des fers et des charbons de terre, si nous prélevions un droit égal au droit différentiel dont nous jouissons en Allemagne et en France.

Je ne sais pas pourquoi on n'a pas recours à cette mesure, pourquoi l'on maintient des droits douze et treize fois plus élevés que les droits différentiels dont nous jouissons en Allemagne. Il y a donc dans le fait que je signale autre chose que le désir de ne pas compromettre nos relations avec les puissances voisines, il y a la détermination prise de privilégier les producteurs de fer et de houille, aux dépens des autres industries.

Je borne là pour le moment mes observations.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comme la chambre le sait, nous avons définitivement consacré, par notre législation, un régime très libéral en matière de transit.

Toutes les marchandises peuvent, à peu d'exceptions près, aujourd'hui, transiter librement. Or ces exceptions sont restreintes à la poudre à tirer, aux fers, aux fils et tissus de lin, à la houille, mais seulement, quant aux trois derniers objets, pour les expéditions vers la France,

Ainsi pour les houilles même, quoi qu'en dise l'honorable préopinant, le transit est libre, sauf pour la direction vers la France.

Pour la poudre à tirer, chacun comprend le motif de l'interdiction du transit.

Il n'y a là aucune question industrielle, ni internationale. Restent donc seulement les fers.

Pour les fers, vous avez, par deux traités, sur le marché de la France et sur celui de Zollverein un droit différentiel ; vous y êtes traités d'une manière exceptionnellement favorable.

L'honorable M. Coomans ne veut pas reconnaître qu'il y a dans ces stipulations et dans ce fait des raisons suffisantes pour ne pas admettre le libre transit des fers.

L'honorable membre paraît croire que cette interdiction, quant aux fers, est due à la pensée d'une protection industrielle. Son observation est sans valeur, si elle n'a pas cette signification-là. Mais il se trompe complètement. J'ai déjà eu l'honneur de le dire à la chambre, je ne fais aucune difficulté de reconnaître que le texte des traités ne serait pas un obstacle au libre transit des fers. Mais on avouera qu'une mesure de ce genre, mise en pratique, pourrait donner lieu à des réclamations, exciterait l'inquiétude des producteurs sur les marchés où vous avez un droit de faveur ; et, sans aucun avantage pour la Belgique, vous en souffririez un préjudice. Des réclamations ne manqueraient pas de s'élever. Je suis prêt à mettre sous les yeux de l'honorable membre des documents qui ne lui laisseraient aucun doute à cet égard. Nous avons de sérieuses raisons de croire qu'une mesure de ce genre ne serait pas prise sans susciter des plaintes.

Or, à quoi bon ? Il me semble que, quand on réclame des pays voisins un traitement exceptionnel, privilégié, il y a des motifs pour s'abstenir de tout acte, sans utilité pour le pays, qui provoquerait cependant des réclamations de leur part.

Mais, quant à la protection industrielle, que l'honorable membre fait intervenir ici fort mal à propos, elle n'est pour rien dans la question que nous discutons.

Jusqu'en 1850, une objection de ce genre de la part de l'honorable membre aurait pu avoir une certaine valeur. En effet, jusqu'à cette époque, le transit par les eaux intérieures de la Hollande était soumis à des entraves, à des formalités et à des péages élevés. Mais, depuis 1850, la Hollande a proclamé le libre transit : elle fait des efforts très grands pour attirer par chez elle le transit vers l'Allemagne.

Or, si les producteurs étrangers, les Anglais, par exemple, voulaient introduire des fers en Allemagne, par d'autres voies que celles qu'ils suivent maintenant, mais ils les introduiraient par les eaux intérieures de la Hollande. Ils iraient sur les marchés du Zollverein en payant le droit qui leur est spécialement attribué, et par conséquent ils y feraient la concurrence que l'honorable membre suppose que feraient les fers étrangers transitant par le territoire belge.

Il n'y a donc, pour les restrictions qui sont comprises dans le projet de loi, aucune autre raison que celle que je viens d'indiquer : Il faut éviter de provoquer des plaintes, lorsque l'intérêt du pays ne commande pas de s'exposer à devoir en discuter la valeur.

Voulez-vous une preuve des suscetlibilités qui existent en cette matière ? Je cite spécialement pour exemple les fils et les tissus de lin. L'honorable membre en voudrait le libre transit ; car il n'admettrait pas non plus d'exception pour cet objet. Or, le libre transit existe excepté en ce qui touche les introductions par la France.

Eh bien, il faudrait également faire disparaître dans votre système cette restriction. Or, en ce moment nous autorisons l'enlèvement temporaire de l'entrepôt à charge do réexportation des fils et tissus de lin : il n'en résulte ou ne peut en résulter assurément aucun inconvénient pour la France. Ne voyez-vous pas cependant les réclamations que soulève cette mesure ? N'entendez-vous pas la chambre de commerce de Lille prétendre que cela constitue (chose inouïe, chose insoutenable) une infraction à l'esprit de la convention avec la France.

(page 995) Je vous demande ce qui en serait du transit autorisé sans exception ! N'est-il pas à craindre que vous auriez un ensemble de réclamations auxquelles il vous serait difficile de résister ?

Ce serait donc sans aucune espèce d'intérêt pour le pays, sans motifs sérieux, que l'on décréterait la mesure qu'indique l'honorable membre.

M. Coomans. - Je prie l'honorable ministre de remarquer qu'il n'a pas répondu au plus fort de mes arguments, qui était la concession que je faisais d'un droit de transit égal au droit différentiel dont nous jouissons dans les pays où nous avons un traitement privilégié.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Veuillez me permettre de répondre à cet argument.

Ce moyen qu'indique l'honorable membre, n'est pas admissible sous un double rapport.

Percevoir un droit équivalent au droit différentiel qui nous est accordé sur les marchés étrangers, ne ferait nullement disparaître le grief. On en ferait naître un autre. On nous dirait : Mais de ce que vous percevez ce droit, il en résulte que nous ne le percevons pas. Vous percevez ce droit, c'est parfait, vous dirait la puissance voisine ; mais nous n'avons pas établi des droits à nos frontières et nous ne vous avons pas accordé un traitement privilégié pour que vous perceviez un droit que nous devons nous-mêmes percevoir.

Ce serait donc un nouveau grief.

Mais la question de l'introduction des produits étrangers n'en subsisterait pas moins. Les pays qui nous accordent des faveurs différentielles sont déterminés à le faire à raison de cerlaines circonstances, à raison de la valeur de nos produits. Se détermineraient-ils de la même manière et accorderaient-ils les mêmes avantages pour les marchandises d'un pays tiers ?

Certainement, vous n'en êtes pas juges ; c'est à eux à en décider. Les accorderaient-ils sans aucune espèce de compensation ? C'est encore à eux à se prononcer. C'est là sans doute ce que l'on vous répondrait soit de la part de la France, soit de la part du Zollverein.

M. Coomans. - Je ne comprends pas bien.

L'honorable ministre des finances croit évidemment qu'en admettant les fers, par exemple, en libre transit ou en ne les frappant que d'un droit égal au droit différentiel dont nous jouissons en Allemagne, nous ferions tort au trésor du Zollverein. Je ne vois pas cela. Le Zollverein n'accepterait pas pour cela un kilogramme de fer de plus par la frontière belge. Il ne recevrait rien de plus, parce que probablement ce n'est pas pour nous faire plaisir qu'il achète nos fers ; il les achète parce qu'il en a besoin. Je crois que cela est incontestable.

Le Zollverein continuerait à percevoir les droits qu'il perçoit aujourd'hui ; il n'encaisserait pas un sou de moins. Peu lui importe que nous recevions ou non les fers de la Grande-Bretagne.

Mais la vérité est que si quelqu'un devait souffrir de cette mesure, ce seraient nos producteurs de fer, c'est-à-dire que nous placerions en Allemagne d'autant moins de fer que les Anglais en introduiraient davantage ; c'est-à-dire encore que nous admettrions les Anglais au partage des faveurs que nous fait le Zollverein. Cela est vrai ; cela, je le comprends. Mais que le Zollverein eût quelques raisons de se plaindre d'une pareille mesure, je ne le conçois pas. Car je le répète, il n'encaisserait pas un sou de moins du chef de la douane.

Messieurs, l'honorable ministre des finances vient de dire que les Anglais ont la voie complètement libre par les Pays-Bas. Cela est vrai ; mais c'est un motif de plus pour que les Allemands n'aient pas à se plaindre du transport des fers par le territoire belge. Car ce qui ne passe pas chez nous, passe, de l'aveu de l'honorable ministre, par les eaux hollandaises.

Je ne vois qu'un intérêt qui s'oppose à l'admission de la juste mesure que je demande, c'est l'intérêt du producteur belge. Cet intérêt est à coup sûr respectable ; mais l'est-il assez pour que nous consacrions dans nos lois une exception illogique, inique, nuisible à notre trésor et à nos relations commerciales ?

Remarquez ensuite, messieurs, je vous prie, que les droits d'entrée sur les fers et les houilles sont dix, douze, treize fois plus élevés que les droits de faveur dont nous jouissons en Allemagne et en France. Tout ce que, à la rigueur, la France et le Zollverein pourraient nous demander, c'est que nous perçussions à nos frontières un droit égal au droit différentiel qu'ils nous accordent, ou même, si vous voulez, un droit double du droit différentiel qu'ils nous accordent ; et ils seraient bien déraisonnables, s'ils n'étaient pas satisfaits de cet état de choses, puisque les produits étrangers, les produits anglais, par exemple, auraient à supporter en plus les frais de transport, qui égalent deux et trois fois les droits différentiels dont nous jouissons en France et en Allemagne.

Je le demande encore une fois, pourquoi maintenez-vous des droits dix, douze et treize fois plus élevés que les droits différentiels dont nous jouissons chez nos voisins de l'est et du sud ? Voilà ce que je ne comprends pas et je persiste à dire qu'il y a plus qu'une anomalie dans cet état de choses, il y a un privilège odieux, injustifiable.

M. Mercier. - Messieurs, depuis longtemps nous avons adopté un régime libéral en matière de transit. Notre législation admet cependant des exceptions.

M. le ministre des finances en a cité quelques-unes, mais il ne les a pas toutes indiquées. La loi du 6 août 1849 qui a été proposée par le ministère actuel, consacre des exceptions au libre transit, en faveur de certains produits agricoles ; ainsi le droit est de 8 fr. par tête de gros bétails, de 4 sur les bouvillons et et taurillons, de 4 sur les chevaux et poulains.

D'après les traités conclus avec les Pays-Bas et l'Angleterre, ces droits sont abolis, mais ils ne le sont que momentanément.

Il me semble qu'il serait inopportun de voter une loi qui les supprime définitivement, car lorsque les traités viendront à expirer, s'il est de l'intérêt de la Belgique de ne pas rétablir ces droits, nous serons libres de prendre une mesure dans ce sens.

D'un autre côté, nous avons fait la concession du libre transit aux puissances avec lesquelles nous avons conclu des traités, nous l'avons fait en compensation d'avantages que nous avons obtenus de ces puissances ; si aujourd'hui nous introluisons le principe du libre transit dans nos lois, à l'expiration des traités nous n'aurons plus, sous ce rapport, de compensation à offrir.

Il me semble donc qu'il est de notre intérêt de ne pas introduire, comme mesure définitive et permanente dans notre législation, l'exemption de droits stipulée temporairement par les traités.

On dira peut-être que nous pourrions, au besoin, les rétablir, et c'est ce qu'on a dit, en effet, dans la section dont je faisais partie ; mais il est bien plus simple de maintenir l'état actuel des choses, que d'avoir à le rétablir plus tard, au risque d'entrer dans une guerre de tarifs. Aujourd'hui, il n'y a aucune espèce d'inconvénient à maintenir ces droits ; s'ils sont utiles, nous nous en servirons ; s'ils ne sont pas utiles, il sera temps de les supprimer à l'expiration des traités.

Voilà, messieurs, les considérations qui me font regarder, quant à moi, le projet de loi tout au moins comme inutile et inopportun et qui ne me permettront pas d'y donner mon assentiment.

M. Bruneau. - L'honorable M. Coomans a reproduit en séance les objections qu'il avait déjà présentées en section centrale et auxquelles le rapport a répondu en partie. Le système de l'honorable M. Coomans est celui-ci :

Pour les fers, le régime de l'Allemagne est de 7 1/-2 silbergros pour les fers belges et de 10 silbergros pour le droit commun ; M. Coomans veut que nous frappions les fers en transit d'un droit de 2 1/2 silbergros, de manière que pour entrer en Allemagne, ils devraient également supporter 10 silbergros.

Mais, messieurs, indépendamment des motifs qui ont été donnés par M. le ministre des finances et dans le rapport de la section centrale, je dirai à l'honorable M. Coomans : De deux choses l'une, ou la marchandise sera accompagnée d'un certificat d'origine ou elle ne le sera pas ; si elle est accompagnée d'un certificat d'origine, elle payera le droit ordinaire de 10 silbergros et elle payera en outre en Belgique 2 1/2 silbergros ; alors les fers anglais ne prendront pas la voie de la Belgique, ils iront par la Hollande, où ils n'auront aucun droit de transit à payer. Ou bien ces fers ne seront pas accompagnés d'un certificat d'origine et ils seront importés en Allemagne comme fers belges et alors il est évident que la mesure aurait pour effet de violer sinon la lettre au moins l'esprit du traité, qui a bien voulu accorder une faveur aux fers belges, mais non pas aux fers anglais qui viendraient comme fers belges.

Il n'est pas indifférent à l'Allemagne de traiter directement avec l'Angleterre ou bien de nous voir, en quelque sorte, traiter pour son compte et recevoir 2 1/2 silbergros qui devraient rentrer au trésor des Etats allemands.

Messieurs, l'exception du transit des fers anglais n'est pas un avantage pour les producteurs belges, car si les fers anglais peuvent entrer en Allemagne en payant en Belgique 2 1/2 silbergros, ils peuvent y entrer aujourd'hui par la Hollande sans aucun droit ; les conditions de transport sont égales et les droits seraient plus élevés, et en tout cas égaux s'il y avait ici un droit de 2 1/2 silbergros.

M. Vilain XIIII. - Messieurs, d'après ce que vient de nous expliquer l'honorable M. Bruneau, je ne comprends pas les raisons que peut avoir M. le ministre des finances pour s'opposer au transit des fers anglais. L'honorable M. Bruneau vient de dire que les fers anglais, transitant par la Belgique et arrivant à la frontière prussienne devraient payer 10 silbergros comme s'ils arrivaient par les eaux intérieures hollandaises.

M. Bruneau. - Lorsqu'ils auraient un certificat d'origine.

M. Vilain XIIII. - Sans doute ! Le gouvernement belge peut très bien ne pas admettre les fers anglais en transit sans certificat d'origine. Dès lors quelles raisons pourrait avoir le Zollverein pour s'opposer à l'entrée des fers anglais par la frontière belge plutôt qu'à leur entrée par les eaux intérieures de la Hollande ? Je ne le comprends pas du tout.

D'un autre côté, en défendant le transit des fers anglais par la Belgique, nous les repoussons tous vers les eaux intérieures de la Hollande et nous privons par là le port d’Anvers d'un fret très considérable, en même temps que nous privons le chemin de fer d'un transport pondéreux et avantageux.

C'est une perte sèche que nous imposons à la Belgique, et cela, je le crois, en faveur des fers belges. Mais si, comme l'expliquait tout à l’heure l'honorable M. Bruneau, les fers belges n'ont aucun intérêt à ce qu'on s'oppose au transit des fers anglais par la Belgique, alors j'avoue que je ne comprends plus rien à l'argumentation de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'argumentation que j'ai faite tout à l'heure me paraît extrêmement facile à comprendre. Il (page 996) s’agit de savoir si, oui ou non, à tort ou à raison, vous vous exposé à soulever des griefs contre vous, si vous preniez uns pareille mesure ? Je n'examine pas si l’on aurait tort ou si l'on aurait raison ; je demande si ces griefs seraient vraisemblablement articulés.

M. Vilain XIIII. - Je n'en sais rien.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et moi j'ai des raisons de le craindre.

M. Coomans. - Pourquoi ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sont les producteurs étrangers qui vous le diront.

S'ils s'inquiètent des traités faits avec la Belgique ; s'ils ont réussi, en Allemagne, à faire réduire les avantages dont nous jouissons, ils s’agiteront davantage et ils prétendront que les faveurs qu'on nous accorde doivent être retirées. Quel motif la Belgique aurait-elle de courir au-devant de ces griefs ?

M. Coomans. - Le transit des fers donnerait une excellente recette au chemin de fer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Parce que vous partez de cette supposition qu'il y aurait transit. (Interruption.)

M. Coomans. - Vous affirmez qu'il n'y aurait pas de transit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'affirme ni ne nie ; je n’ai rien dit à ce sujet. Mais pour entrer dans votre idée, je pose ce dilemme : ou l'on ne transiterait pas, dans ce cas la mesure serait sans objet et il n'y aurait point de recette ; ou l'on transiterait, et alors les plaintes se feraient jour. Le seul effet de la mesure serait de soulever des récriminations.

Voilà le motif de mon opposition.

M. Vilain XIIII. - Est-pour la France que vous parlez ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me suis déjà expliqué sur -ce point,

On insiste sur une mesure qui soulèverait inévitablement des critiques contre nous et qui est sans aucune espèce d'intérêt pour le pays.

J'ai dit que la loi de 1849, indépendamment de quelques prohibitions, frappait de certains droits le transit par le pays. Nos traités avec la Hollande et avec l'Angleterre ont fait disparaître, à peu de chose près, ces droits ou ces prohibitions. L'honorable M. Mercier est d'avis que nous devrions, en toute hypothèse, maintenir le tarif, parce que les traités sont temporaires, et que notre législation servirait encore ultérieurement comme moyen de concession. Je suis très peu touché de ces raisons. Je ne crois pas que l'on doive beaucoup user de cette ressource de mettre des entraves au libre commerce sous prétexte de s'en faire un moyen de négociations ultérieures.

Si vous y avez quelque intérêt, lorsque l'on aura retiré la faveur que vous croyez être en droit de réclamer, vous stipulerez pour la douane aussi bien que pour le transit le droit qui vous conviendra. Mais je ne crois pas que ce soit un motif pour maintenir une législation qui pendant longtemps serait sans aucune espèce d'application.

M. Mercier. - J'avais déjà prévu l'objection que vient de nous présenter l'honorable ministre des finances. Vous aurez, quand vous le voudrez, dit-il, les moyens de négociations dont vous parlez. Mais si nous avons dès à présent ce moyen, pourquoi nous en dessaisir, sans utilité ?

Ce que veut M. le ministre existe à peu près dans le traité avec la Hollande et avec l'Angleterre.

Maintenant nous sommes en possession d'une arme pour nos négociations futures, pourquoi l'abandonner sans utilité immédiate ?

M. le ministre pense qu'on ne se serait pas servi de ce moyen pour obtenir des avantages dans les négociations ; mais je déclare, au contraire, que le libre transit du bétail, par exemple, que nous avons refusé dans le temps, était sollicité très vivement.

Je ne veux pas exagérer l'importance de ces mesures ; mais elles ont leur valeur. Pourquoi les négliger ? Si nous acceptons le projet de loi, nous donnons aux pays qui ont traité avec nous un motif de plus pour dénoncer les traités à leur expiration, un motif de moins de les maintenir ou en négocier de nouveaux.

Si au moment même de l'expiration de nos traités nous allons introduire dans la législation, en vue de les renouveler ou d'en négocier d'autres, des droits antérieurement supprimés, cette manière d'agir ne produira que de fâcheux effets ; on nous objectera que nous n'avions aucun intérêt à les rétablir puisque nous les avions écartés de notre législation générale. Laissons donc subsister ce qui existe, sauf à voir ce qu'exigera l'intérêt du pays quand les traités viendront à cesser leurs effets.

C'est à tort, du reste, que M. le ministre allègue que ces traités doivent avoir une longue durée ; le plus important, celui qui a été conclu avec les Pays-Bas, peut, si je ne me trompe, être dénoncé dans deux ans.

Ce délai n'est pas bien long, je le répète, il est de notre intérêt bien entendu de maintenir la législation existante ; en agissant autrement, les mesures qne nous prendrions auraient un caractère d'hostilité ; elles seraient le commencement d'oue guerre de tarif et provoqueraient des représailles qui porteraient de graves préjudices à notre commerce et à notre industrie.

M. Roussel. - Messieurs, je partage la manière de voir exprimée par l'honorable M. Mercier. J'avais énoncé la même idée dans le sein de ma section. Les réponses faites à cet égard dans le rapport de la section centrale ne m'ont point semblé concluantes.

Après les explications qui nous ont été données par M. le ministre des finances, le projet ne pourrait échapper au reproche d'inutilité et les lois inutiles énervent les lois nécessaires.

En second lieu le projet me paraît inopportun ; quel est le résultat qu'il produirait ? De généraliser les faveurs accordées à certaines puissances par des traités conclus après de laborieuses négociations.

Je n'ai pas besoin de dire combien le terrain de la diplomatie commerciale se rétrécit pour nous ; vous le savez par les traités que nous avons dû accepter récemment. Il s'en suit que nous ne pouvons nous dessaisir de la plus petite arme utile à des négociations futures. Nous en priver sans intérêt et gratuitement, c'est aller trop loin dans un but simplement théorique. Aussi voterai-je contre le projet qui me paraît, inutile et, dans tous les cas, inopportun.

M. Loos. -Je ne partage pas l'opinion qui vient d'être émise par les préopinants. Je crois qu'il est de l'intérêt du pays de favoriser le transit de toute espèce de marchandises ; celles destinées à l'embarquement permettent le complément de cargaisons, tandis que de leur transport par le pays il résulte d'autres avantages. Je ne comprends pas pourquoi on a maintenu un droit de 8 francs sur les draps ; cette industrie est très avancée en Belgique, et soutient la concurrence sur tous les marchés du monde. Je ne vois pas pourquoi on peut vouloir en entraver le transit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas du tout.

M. Loos. - Il y a un droit de 8 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Par le chemin de fer le transit est libre.

M. Loos. - Pour ne pas payer ce droit, ils doivent être expédiés par chemin de fer.

D'après les traités avec l'Allemagne, la Hollande et l'Angleterre, on peut faire transiter vers ce pays les draps de Sedan ; mais d'après les termes de la loi qui nous est soumise, je ne pense pas qu'il soit possible que cette opération se fasse pour les pays transatlantiques, car il n'y a pas de chemin de fer aboutissant à notre frontière vers Sedan.

On entrave donc inutilement le transit. Je crois que l'industrie de Verviers se soucie fort peu du droit de 8 fr. dont, pour la protéger, on persiste à frapper le transit des draps.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les draps et autres tissus similaires de laine sont libres au transit par chemin de fer. Il ne faut pas s'occuper des cas exceptionnels ; le seul transit véritable a lieu par chemin de fer. Le transit est donc libre.

M. Loos. - Je ne pense pas qu'il y ait de chemin de fer de Sedan aboutissant à la frontière belge ; il faudrait faire un très long parcours pour arriver à un chemin de fer français en communication avec la Belgique. Il y a, au reste, cette anomalie que vous autorisez le drap de Sedan à transiter vers les pays transatlantiques et vers le Nord en s'embarquant en Hollande, et vous ne lui permettez pas de venir à Anvers. Je prie M. le ministre de nous dire pourquoi on maintient le droit de 8 fr. pour le transit des draps et casimirs. Je l'ai demandé déjà en section, et personne n'a pu m'en donner la raison.

M. Manilius. - Avant la clôture des débats, je tiens à déclarer que je ne pourrai pas voter pour le projet de loi ; les objections présentées par M. Mercier sont pour moi des raisons pour ne pas donner un vote favorable. Quand nous négocions pour accorder des exceptions par des traités, nous ne faisons pas bon acte en les généralisant ? car dès que les traités viendront à être résiliés, nos droits n'existeront plus, et il est toujours bon d'en avoir pour traiter.

J'ai une seconde raison pour ne pas voter la loi, c'est l'exception quant au transit du fer ; je n'ai pas bien compris les motifs donnés par le gouvernement.

Il a dit qu'il serait défavorable de laisser transiter le fer, je n'ai pas saisi la raison que M. le ministre a cherché à expliquer. Les fers anglais peuvent transiter par la Hollande, et le transit de la Hollande c'est ce que nous avons toujours jalousé, car notre chemin de fer, toutes les discussions l'attestent, n'a été établi que dans l'espoir d'enlever le transit à la Hollande ; notre chemin de fer dans le principe était commercial, rien que commercial. M. Rogier, quand il l'a proposé, ne songeait pas à le généraliser ; le but était de rattacher l'Escaut au Rhin, pour enlever à la Hollande le transit vers l'Allemagne.

Dès lors est-on en droit de dire que les fers qui peuvent aller en Allemagne par la Hollande ne doivent pas pouvoir y aller par la Belgique ? Pourquoi ne pas laisser passer une marchandise aussi pondéreuse par votre chemin de fer ? C'est un fret que vous obtiendriez.

Je le répète, les raisons présentées par M. Mercier, l'utilité d'avoir des (page 997) compensations à offrir, le danger de n'en pas avoir en cas de résiliauoa des traités, me feront voter contre le projet,

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis étonné d'entendre dire que le projet est inutile. J'étais, au contraire, obligé de le présenter. Vous avez voté une loi, le 3 mars 1851, qui m'autorisait à prendre ces mesures par arrêté royal saur à les soumettre aux chambres. J'étais donc obligé de présenter un projet de loi. Si vous rejetez celui qui vous est soumis, qu en résultera-t-il ? Rien ou à peu près rien.

L'honorable M. Mercier, appuyé par l'honorable M. Roussel, voudrait que les modifications fussent temporaires, qu'on adoptât un tarif général qui reprît force et vigueur après l'expiration des traités. Ces honorables membres peuvent déposer des propositions. Mais de leurs observations ils ne peuvent conclure contre la loi.

L'honorable M. Manilius ne veut pas admettre les raisons que je donne pour les fers ; mais les admet-il pour les fils et tissus de lin ?

M. Manilius. - Oui, par exception !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, c'est la même chose pour les fers. Il ne faut pas donner matière à des réclamations, de la part des producteurs de la France ou du Zollverein. Voilà le seul motif de cette disposition.

Je persiste à demander que le projet de loi soit voté, tel qu'il a été présenté par le gouvernement.

M. Coomans. - Il y a un an, et même, je crois, davantage, lorsque je me plaignais du traitement privilégié fait aux fers, plusieurs honorables membres de la gauche et entre autres M. le ministre des finances nrïnterrompirent en me disant : « Présntez un projet de loi. L’opposition ne viendra pas de notre part. » Il s’agissait alors de la libre entrée des fers. J’ai présenté ce projet d eloi. Nous verrons quelles en seront les conséquences.

Mais je rappelle ce fait pour demander à M. le ministre des finances si, dans le cours des négociations avec le Zollverein, il a fait pressentir l'opinion de nos voisins, relativement à la mesure que j'ai demandée depuis longtemps.

Si M. le ministre des finances, comme je le pense, veut sérieusement réaliser ses doctrines et faire disparaître de son plan de législation des prohibitions qui y font tache, il aura dû demander aux représentants du Zollverein s'ils s'opposaient au transit et à l'entrée des fers. Il a dû faire cette demande au Zollverein. Je le prierai de nous dire quelle a été la réponse.

Un mot sur le bétail. Je prie la chambre d'être bien attentive à ceci : c'est que la question du transit du bétail n'est pas seulement agricole, qu'elle est aussi industrielle. Les industriels ont peut-être plus d'intérêt que les agriculteurs à se réserver cette arme-là ; car nous savons par expérience que c'est aux dépens de l'agriculture qu'ils sont parvenus, dans le traité avec la Hollande, à ménager un traitement privilégié pour quelques-uns de leurs fabricats.

Si vous abandonnez cette arme-là, vous nuisez non seulement aux producteurs de bétail, mais aussi à celles de nos industries qui ont l'habitude de se ménager, à nos frais, un traitement privilégié.

M. Roussel. - Messieurs, nous faisons des lois pour être utiles au pays, à son commerce, à son industrie. Le seul moyen de résoudre la question du transit d'une manière convenable, c'est, tout en admettant toutes les conséquences des traités aujourd'hui existants, de réserver les mêmes avantages aux puissances avec lesquelles nous contracterons de nouveau ; en un mot, c'est de conserver l'état actuel des choses, quant à notre politique commerciale intérieure dans tous les points où elle peut nous servir à faire ou à renouveler des traités.

M. le ministre des finances a-t-il fourni quelque raison déterminante qui doive faire modifier le régime de transit ? Non !

Il s'agit uniquement de satisfaire à un désir de liberté complète dans les relations commerciales. Cette liberté, vous l'aurez si vous devez l'avoir. Mais le commerce belge n'est pas complètement indépendant ; son régime dépend en partie du régime adopté pour le commerce de vos voisins.

En présence de telles nécessités, si l'on veut conserver à notre avenir commercial toutes ses chances, il est indispensable de maintenir l'étal actuel des choses, sauf à le modifier suivant les circonstances.

M. le ministre des finances nous dit : « J'ai dû vous présenter ce projet de loi. Que résulterait-il du rejet ? » Je réponds : Quant à nous, nous n'avons qu'à examiner l'utilité, l'opportunité et la convenance des projets de lois qui nous sont présentés. Le reste concerne M. le ministre des finances qui s'en acquittera bien. S'il y a des dispositions nouvelles à proposer, il les proposera. Mais, en définitive, il nous est impossible d'adopter le projet de loi en discussion présenté par M. le ministre des finances, et j'esiime qu'il eût mieux valu s'abstenir de le présenter.

M. de Muelenaere. - Je partage complètement l'opinion émise par l'honorable M. Mercier : les stipulations des traités doivent être loyalement exécutées. Mais je ne vois aucun avantage à généraliser la mesure relative au transit. Je ne vois surtout aucun avantage à rendre définitive et permanente une mesure qui, d'après les traités, n'est que temporaire. Je pense que, pour l'exécution des traités, nous n'avons pas besain d'uue loi nouvelle.

En effet, les traités ont reçu la consécration de la loi ; toutes les stipulations qui s’y trouvent peuvent être exécutées par le gouvernement.

Si l'on croît une loi indispensable pour régler l'état actuel des choses (ce que pour ma part je regarde comme superflu), je demanderai que, par un amendement, il soit dit d'une manière express que le transit, en exemption de droits, n'aura lieu que conformément aux traités existants et seulement pendant la durée de ces actes internationaux.

Je le répète, si M. le ministre des finances croit une loi nécessaire, je déposerai un amendement en ce sens sur le bureau de la chambre.

M. Bruneau, rapporteur. - Messieurs, les honorables membres qui combattent le projet de loi comme inutile, qui soutiennent qu'il serait préférable de réserver pour des traités les stipulations particulières que ce projet renferme, semblent perdre complètement de vue l'existence de la loi générale de 1849. Ils perdent de vue que cette loi générale consacre le principe de la liberté du transit. La loi a stipulé le libre transit pour toutes les marchandises, sauf quelques articles qui sont exceptés ; et ces objets exceptés sont précisément ceux qui rentrent dans le projet actuel.

Ainsi, bien loin que le projet blesse la justice distributive, comme le disait l'honorable M. Coomans, c'est au contraire pour rentrer dans la justice distributive que le projet a été présenté, puisqu'il a pour but de mettre dans le régime commun les objets qui y sont compris.

Je le répète, on perd complètement de vue que la loi de 1849 établit la liberté générale pour le transit et qu'il n'y a que quelques exceptions. Ces exceptions, on les a fait disparaître par les traités. On ne conserve d'exception que pour quelques marchandises, et c'est encore en vertu des traités. On conserve une exception pour les houilles vers certaines directions, et pour les fils et les tissus de lin, parce que les traités ne permettent pas d'admettre le libre transit pour ces marchandises. Mais pour les autres objets, on aura le libre transit tel qu'il a été déjà admis par la loi générale de 1849.

Les objets qui sont compris dans le projet de loi sont déjà compris dans les traités avec la Hollande et avec le Zollverein, qui admettent le libre transit de ces marchandises. Ce n'est que vers les autres pays quel le transit est prohibé. Je ne vois pas d'intérêt à maintenir cette prohibition et à faire une exception pour ces marchandises, tandis que les autres fabricants sont admis au libre transit.

Je demande pour ces objets comme pour les autres la liberté du transit comme une source de revenus pour nos chemins de fer.

M. Osy. - On a fait valoir deux observations contre le projet de loi. On a demandé en premier lieu le libre transit du fer, et ensuite ont a fait observer qu'il serait utile de n'accorder le libre transit pour les ? objets compris dans le projet de loi que pendant la durée des traité* existants.

En ce qui concerne les fers, je vous avoue que je ne conçois pas comment on peut persister à en demander le libre transit. Il est certain qde l'Angleterre ne pourrait en profiter ; comme on l'a très bien dit, le Zollverein nous accordant une faveur de droits, nous ne pourrions admettre les fers anglais qu'avec un certificat d'origine. Car il est certain que si l'on savait en Allemagne que nous les admettons au libre transît pour les faire recevoir en Allemagne aux droits réduits, nous recevrions de vires réclamations de la part du Zollverein.

Je ne puis donc partager l'opinion de ceux qui demandent le libre transit du fer.

Mais l'observation que vous a faite l'honorable M. Mercier m'a fortement frappé. Rappelez-vous, messieurs, ce qui s'est passé. En 1844, lors de la discussion de la loi des droits différentiels, l'honorable M. Nothomb vous a proposé une réduction de droits

Lorsque en 1846, nous avons voulu faire un traité avec la Hollande, celle-ci n'a voulu nous accorder aucune compensation pour la faveur que nous lui avions faite par une loi générale. L'honorable M. Mercier, qui a été chargé de négocier le traité de 1846, vous dira que la Hollande n'a voulu accorder aucune compensation pour ces 7,000,000 de kilog. de café admis au droit réduit ; elle a dit que c'était un droit acquis.

Eh bien, en faisant la loi qu'on nous demande, il est certain que lorsque, dans trois ou quatre ans, le traité avec la Hollande expirera, on viendra vous dire encore : Vous avez une loi générale qui accorde le libre transit, nous n'avons à tenir aucun compte de ce que vous nous accordez le libre transit du bétail, du poisson, du sel et autres objets.

Les traités avec la Hollande et le Zollverein étant votés, le gouvernement est obligé de prendre un arrêté royal pour déclarer qu'aussi longtemps que ces traités seront en vigueur, tels objets seront admis au libre transit. Mais il faut que nous ne soyons liés que pendant la durée de ces traités.

Je ne puis donc voter le projet de loi qui nous est soumis. Je ne m'oppose pas au libre transit des objets compris dans le projet de loi ; mais je dis qu'il suffit d'un arrêté royal décrétant qu'aussi longtemps que les traités avec les Pays-Bas et le Zollverein seront en vigueur, ces objets seront admis au libre transit.

De cette manière, lorsque les traités seront expirés, vous ne serez pas liés par une loi générale et vous pourrez de nouveau demander des concessions à la Hollande et au Zollverein.

Je crois donc que le gouvernement agirait sagement en retirant ce (page 998) projet de loi. Lorsque les traites seront expirés, si vous ne pouvez les renouveler, ce sera alors le temps de proposer un projet de loi sur le transit. C'est sous ce rapport que je repousse le projet de loi non comme inutile, puisque une mesure équivalente est nécessaire en vertu des traités, mais comme dangereux pour le moment où nous aurons à renouveler ces traités. Ne nous désarmons pas. Nous avons déjà assez peu de concessions à faire à nos voisins pour ne pas les réduire encore.

M. T’Kint de Naeyer. - Je ne comprends pas non plus la nécessité d'une loi générale sur le transit.

La question du transit est réglée avec les divers pays qui nous avoisinent.

Nous avons des traités avec l'Angleterre, les Pays-Bas, le Zollverein et la France.

Ces traités ont reçu force de loi ; il n'est pas nécessaire de leur donner une consécration nouvelle.

L'expérience nous apprendra ce qu'il conviendra de faire lorsque les traités expireront. En attendant il me semble préférable de ne pas se lier définitivement. Les concessions qui auront été accordées à tout le monde ne pourront plus figurer dans le programme de nos négociations diplomatiques. Il y a des inconvénients sérieux à proclamer d'une manière absolue la liberté du transit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois vraiment qu'on n'a pas saisi complètement l'objet du projet de loi, qu'on ne s'est pas même donné la peine de lire attentivement l'exposé des motifs pour se convaincre de l'utilité des dispositions que nous proposons.

Nos traités de commerce suppriment pour le transit par le chemin de fer les droits et les prohibitions qu'avait encore consacré en petit nombre la loi du 6 août 1849. On ne maintient que quelques exceptions pour la poudre et les fers, et pour les expéditions vers la France des tissus de lin et des houilles.

Nous avons fait remarquer qu'aussi longtemps que le régime du transit était réglé en Hollande d'une manière assez restrictive, nous pouvions avoir un certain intérêt à grever aussi de quelques droits le transit par la Belgique. Mais la loi de 1850 ayant donné de plus grandes facilités au transit par la Hollande, notre intérêt consiste à faire tout ce que nous pouvons pour attirer le transit chez nous.

La loi du 6 août 1849 avait déjà décrété le libre transit des marchandises réexpédiées des entrepôts libres par l'Escaut et par les eaux intérieures de Hollande. Ainsi les prohibitions qui subsistaient en vertu de la loi de 1849 ne s'appliquaient, en réalité, qu'au chemin de fer, de manière que les voies fluviales étaient favorisées aux dépens du chemin de fer. C'est précisément ce que nous avons voulu faire disparaître et par les traités et par le projet de loi.

Nous ne voulons pas que cet état de choses subsiste ; cela est purement et simplement au détriment du chemin de fer et je l'ai dit dans l'exposé des motifs, sans qu'il y ait eu ou qu'il puisse y avoir la moindre objection à cet égard.

Les exceptions qui restent, en très petit nombre, ont été maintenues par les considérations que j'ai fait valoir, et à ce sujet j'ai à répondre quant aux fers, à l'interpellation de l'honorable M. Coomans. Je m'étonne qu'il l'ait encore reproduite.

Il veut savoir si, le transit des fers étant admis, on se plaindrait en Allemagne. J'ai eu l'houneur de dire à l'honorable membre que j'avais de fortes raisons de croire que les plaintes ne manqueraient pas d'arriver ; que, soit de ce côté, soit d'un autre, elles se produiraient ; que je consentais à en mettre la preuve sous les yeux de l'honorable membre.

Que veut-il de plus ? S'il veut soulever des difficultés internationales, et si la chambre veut entrer dans cette voie, libre à elle ; mais voilà notre déclaration, et la prudence nous commande de la faire.

Que l'on veuille bien, maintenant, jeter un coup d'oeil sur le projet de loi. On dirait qu'il s'agit d'une affaire de la plus haute importance. (Interruption.) Il s'agit de l'affaire la plus minime. Voyons, lisons le projet de loi :

« Article unique. Sont admises en transit, en exemption de droits, les marchandises suivantes :

« Ie Sans distinction de voies :

« Chevaux et poulains. »

Est-ce que là il y a une objection à faire ? Evidemment non.

« 2° Par la voie indiquée au n°1, littera a, de l'article 6 de la loi du 6 août 1849 :

« Bestiaux : bœufs, taureaux, vaches, bouvillons, taurillons et génisses. »

Nous avons discuté cette question lorsque nous avons examiné le traité hollandais. Qu'est-il résulté des discussions auxquelles on s'est livré ? Que du moment où l'on avait un droit tel que celui qui est fixé par la législation douanière pour l'entrée du bétail en Belgique, la question du transit est sans aucune espèce d'intérêt. Cela a été démontré très clairement.

Il a été établi que plutôt que de remplir les formalités relatives au transit, on acquitte le droit pour l'entrée en Belgique, parce que, de cette manière, l'importateur est dans une position beaucoup plus favorable, en ce qu'il peut offrir sop bétail et sur le marché belge et sur le marché étranger.

Le droit de transit est donc ici tout à fait indifférent. La loi qui domine ici, c'est la loi de douane. Or, que je sache, personne ne demande qu'on change la législation sur l'entrée da bétail, et aussi longtemps qu'elle subsistera, la question du transit est indifférente, absolument sans valeur. On se préoccupe ici d'un objet qui est sans aucune espace d'importance : fixez ce que vous voulez pour le transit, établissez tous les droits, toutes les restrictions possibles, on entrera en acquittant le droit de douane.

Maintenant, d'après le 3° du même article sont libres par chemin de fer :

« Gibier ;

« Pierres : ardoises ;

« Poissons de mer similaires de ceux de la pêche nationale ;

« Sel brut ou raffiné, eau de mer et saumure ;

« Sucre raffiné, sirops et mélasse. »

Je demande quel intérêt belge est vraiment engagé dans cette question ? A qui peut nuire le transit ? On ajoute une restriction :

« Toutefois, le transit du sel brut, du sel raffiné et du sucre raffiné ne peut avoir lieu en quantité inférieure à 4 mille kil. pour chaque espèce de marchandise et pour autant qu'elle soit contenue dans des colis fermés et que le transport en soit opéré au moyen de waggons à panneaux cadenassés par les employés des douanes. »

Enfin l'on accorde le libre transit des charbons de terre par le chemin de fer, excepté par les bureaux situés sur la frontière limitrophe de la France.

Voilà toute la loi.

Si maintenant vous faites une réserve pour rendre la mesure temporaire, cette réserve ne s'appliquera en réalité qu'au poisson de mer.

M. Osy. - Au bétail.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Au bétail point ; je viens de le démontrer : c'est la loi de douane qui est régulatrice en cette matière. Vous aurez beau frapper le transit ; si vous avez un droit d'entrée qui fait préférer la déclaration en consommation à la déclaration en transit.

M. Visart. - L'agriculture n'admet pas cela, elle trouve que le transit lui porte préjudice.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais personne ne peut soutenir le contraire de ce que je viens d'énoncer.

C'est de toute impossibilité. On ne pas soutenir que des droits de transit ou la prohibition du transit amélioreraient la situation de l'agriculture alors que notre droit de douane est tel qu'on aime mieux l'acquitter que se soumettre aux formalités du transit.

C'est donc le droit de douane que vous devez modifier, là vous croyez qu'une modification est nécessaire.

Aussi longtemps que votre législation, qui n'est pas temporaire, subsistera, il est évident qu'il n'y a aucun intérêt à établir des droits pour le transit du bétail.

M. Mercier. - M. le ministre veut bien supposer que nous n'avons pas lu l'exposé des motifs du projet de loi ; il s'est donné la peine d'en lire quelques passages. Qu'il me permette de m'inscrire en faux contre une pareille supposition. C'est précisément parce que je l'ai lu et étudié que j'ai présenté mes observations à la chambre. Sans attacher une immense importance au projet, je soutiens qu'il en a une bien réelle. Des exemptions de droits de transit sont stipulées en faveur de puissances avec lesquelles nous avons conclu des traités ; elles n'ont de durée que jusqu'à l'expiration de ces traités ; les puissances avec lesquelles nous avons contracté n'ont pas jugé qu'il fût inutile pour elles d'obtenir le libre transit ; qu'elles n'eussent aucun intérêt à ne pas payer de droit et à faire ainsi une concurrence plus facile à notre bétail sur le marché étranger ; l'agriculture belge ne l'a pas cru non plus. Mais y eût-il doute à cet égard, pourquoi trancher la question aujourd'hui ?

Pourquoi nous désarmer ? Pourquoi abandonner des moyens de négociation qui nous ont servi et qui peuvent nous servir encore ? Le projet de loi reçoit son exécution presque entière pendant la durée des traités ; pourquoi aller plus loin ? A leur expiration, nous examinerons ce qu'exigera l'intérêt du pays.

J'ai une observation à faire maintenant pour rectifier une erreur dans laquelle se trouvent quelques-uns de mes honorables collègues qui pensent que M. le ministre des finances a prétendu qu'une loi était nécessaire pour l'exécution des traités ; il n'en est rien, M. le ministre a dit seulement qu'il ne pouvait se dispenser de présenter à l'approbation de la chambre le projet qui nous est soumis ; ce qui est vrai, puisqu'un arrêté consacrant ces dispositions a été pris le 2 février dernier en vertu de la loi du 3 mars 1851, loi qui exige que les mesures douanières introduites par le gouvernement soient présentées à la sanction des chambres.

M. Visart. - Messieurs, je ne puis admettre ni les explications de M. le ministre des finances, ni les complications qu'il nous présente pour faire accepter son système. Il est certain que le libre transit du bétail,, mieux que la manœuvre qu'elle pourrait y substituer, doit rendre facile pour la Hollande la concurrence qu'elle nous fait sur les marches français ; le marchand qui payerait les droits pour faire traverser la Belgique à son troupeau ne rentrerait pas dans tous ses frais ; il pourrait en détailler une partie en route, mais alors la taxe en serait acquise au trésor ; et, dans tous les cas, la rivalité envers nos éleveurs sur les marchés du département du Nord en serait réduite, le plus souvent, quant au nombre et toujours quant à la question de temps.

(page 999) Par le transit, au contraire, le bétail, libéré de tous les frais accidentels, au profit de la Belgique, arrive en quelques heures de la Hollande à Lille, par exemple, où il y a un grand foyer de consommation, il y rencontre la production similaire de la Belgique, de la contrée dite le Furnes-ambacht surtout ; cela se fait au profit des consommateurs français, mais au détriment des producteurs belges. C'est pourquoi je dis que notre agriculture souffrirait par l'adoption du projet qui nous est soumis, qui donnerait une consécration plus stable et plus large que celle accordée par le traité avec les Pays-Bas, que je n'ai pas voulu sanctionner par un vote approbatif, comme je déclare ne pouvoir approuver la loi dont il s'agit aujourd'hui.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Visart oublie de répondre à cette objection que je lui ai faite, que, par suite du droit d'entrée, tel qu'il est fixé, les importateurs préféraient, avant le traité, acquitter le droit plutôt que de se soumettre aux formalités du transit. Cela est très simple. Il faut, lorsqu'on veut transiter, faire une déclaration, consigner les droits, s'assujettir à l'obligation de parcourir le territoire dans un délai déterminé, obtenir ensuite la restitution des droits qui ont été consignés, après avoir fait décharger le document. Or, dans cette hypothèse, le droit étant peu élevé, ne grevant pas le prix du bétail d'une valeur supérieure à 2 ou 3 p. c, les importateurs aimaient mieux, je le répète, acquitter le droit que de se soumettre aux formalités. Voilà ce qui se passait avant le traité. Donc rien n'est changé, en réalité, depuis que l'on a accordé la liberté du transit. Les faits sont là pour le prouver.

Qu'est-ce qu'on a importé en transit avant le traité ? C'est insignifiant : 181 têtes de bétail ; le reste a été importé, en acquittant les droits même lorsque l'on transitait. Ce n'est donc pas le traité avec la Hollande qui a introduit sous ce rapport une innovation dont l'agriculture pourrait avoir à se plaindre, mais c'est la loi même qui fixe le droit d'entrée sur le bétail : c'est un point important à constater.

M. Visart. - Je conçois, messieurs, que, dans des circonstances exceptionnelles données, il puisse y avoir eu un mouvement de bétail restreint ; le commerce est sujet à des fluctuations, des accidents contraires favorisent ou contrarient les spéculations ; dans cette dernière hypothèse, le transit a pu être réduit à 181 têtes, comme vient de le dire l'honorable ministre des finances, comme il doit s'augmenter dans la première ; cela est variable selon les années ; je redis donc que la manœuvre signalée nous est moins nuisible qu'un transit rendu trop facile, lequel rend la concurrence plus prompte et plus difficile à soutenir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On n'a importé en transit que 181 têtes de bétail.

M. Visart. - Oui, dans une circonstance donnée ; mais à une autre époque, vous aurez peut-être à constater le passage de six cents, de deux mille têtes de gros bétail. Le commerce a ses intermittences provoquées par mille influences diverses.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai demandé uniquement la parole pour expliquer pourquoi les Hollandais préfèrent payer le droit à se soumettre aux formalités relatives au transit ; c'est qu'ils essayent d'abord de vendre leur bétail en Belgique ; ils le présentent sur le marché de Bruxelles, et s'ils ne peuvent s'en défaire avantageusement à Bruxelles, ils vont jusqu'à Courtray ; s'ils ne trouvent pas à le vendre assez cher dans cette ville, ils se décident alors à se rendre sur le marché de Lille.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. Rodenbach reconnaît donc que l'on aime mieux acquitter les droits actuels que de se soumettre aux formalités relatives au transit. Cela suffit pour prouver que le libre transit ne présente ici aucun inconvénient.

M. Osy. - Messieurs, j'avais espéré qu'après les observations parties de tous les bancs de cette chambre, le gouvernement aurait déclaré retirer la loi. Je suis persuadé que la loi est tout à fait inutile.

La Hollande a toujours exigé le libre transit des chevaux, du bétail, du sel, du poisson et d'autres objets encore. Eh bien ! nous avons trouvé convenable, lorsque nous avons voté les traités, d'accorder le libre transit à la Hollande. Mais, messieurs, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, quand nous renouvellerons en 1856 le traité avec la Hollande, nous ne pourrons pas faire valoir ce que nous lui avons accordé, de manière que je déclare que je ne veux accorder le transit que jusqu'à l'expiration des traités. Le gouvernement pouvant, par arrêté royal, en vertu des traités, admettre tel objet en libre transit jusqu'à l'expiration des traités, il est inutile pour nous de voter maintenant le projet en discussion. Je ne veux pas me désarmer vis-à-vis de la Hollande, et c'est pour cela seul que je voterai contre la loi qui, je le répète, est inutile et peut devenir dangereuse par la suite.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique du projet

La chambre passe au texte du projet de loi qui est ainsi conçu :

« Article unique. Sont admises en transit, en exemption de droits, les marchandises suivantes

« 1° Sans distinction de voies :

« Chevaux et poulains ;

2° Par la voie indiquée au n°1, littera a, de l'article 6 de la loi du 6 août 1849 :

« Bestiaux : bœufs, taureaux, vaches, bouvîllons, taunllons et génisses ;

« 3° Par la voie indiquée an n° 1, littera a et b, du même article :

« Gibier ;

« Pierres : ardoises ;

« Poissons de mer similaires de ceux de la pêche nationale ;

« Sel brut ou raffiné, eau de mer et saumure ;

« Sucre raffiné, sirops et mélasse.

« Toutefois, le transit du sel brut, du sel raffiné et du sucre raffiné ne peut avoir lieu en quantité inférieure à 4,000 kilogrammes pour chaque espèce de marchandise et pour autant qu'elle soit contenue dans des colis fermés et que le transport en soit opéré au moyen de waggons à panneaux cadenassés par les employés des douanes ;

4° Par la voie indiquée au n°1, litteras a et b de l'article 6 de la même loi, en entrant par mer et en sortant par les bureaux qui ne sont pas situés sur la frontière limitrophe de la France :

« Charbons de terre. »

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'article unique du projet de loi.

72 membres prennent part au vote.

42 répondent non.

29 répondent oui.

1 (M. Devaux) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.

M. le président. - M. Devaux est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Devaux. - Je me suis abstenu parce que, n'ayant pu assister à la discussion, je n'étais pas au fait des objections qui ont été présentées.

Ont répondu non : MM. Osy, Peers, Rodenbach, Roussel (Adolphe), T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Boulez, Clep, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), Debroux, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Renesse, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, d'Hont, Faignart, Jacques, Landeloos, Lelièvre, Malou, Manilius, Mercier et Moxhon.

Ont répondu oui : MM. Pierre, Pirmez, Rogier, Tesch, Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Allard, Bruneau, Cans, David, Delescluse, Deliége, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Desoer, Destriveaux, Frère-Orban, Jouret, Lange, Le Hon, Lesoinne, Loos, Mascart, Moreau, Orts et Delfosse.

Projet de loi relatif aux brevets d’invention

Motion d'ordre

M. Mercier. - Ce projet est très important ; nous ne sommes pas préparés pour l'aborder en ce moment. Je demande l'ajournement à à demain.

M. Osy. - Je ferai observer que vous avez mis à l'ordre du jour de demain le projet de loi concernant le régime douanier.

- La chambre renvoie la discussion du projet de loi relatif aux brevets d'invention après celle du projet de loi concernant le régime douanier.

M. Vermeire. - Je vois une erreur d'impression qui a été commise, dans le rapport sur le projet de loi sur les brevets d'invention. On a omis de reproduire dans l'article 4 du projet de la commission, le dernier paragrapjhe du projet du gouvernement ainsi conçu : « Les tribunaux connaîtront des affaires relatives aux brevets, comme d'affaires sommaires et urgentes. »

Pièces adressées à la chambre

Situation des écoles de réformes de Ruysselede

Projet de loi relatif au personnel des tribunaux de Tournay et de Charleroi

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la situation des écoles de réforme de Ruysselede et un projet de loi qui proroge les lois des 15 octobre 1837 et 27 mai 1838, relatives à la suppression des places créées près des tribunaux de première instance de Tournay et de Charleroy.

Je demanderai que le projet de loi soit renvoyé à la section centrale qui a examiné le budget de la justice.

- Il est donné acte à M. le ministre des dépôts qu'il vient d'indiquer.

Le rapport sera imprimé et distribué.

Le projet de loi sera imprimé et distribué, et renvoyé à l'examen de la section centrale du budget de la justice comme commission spéciale.

- La séance est levée à 3 heures et demie.