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Beernaert et son temps
CARTON DE WIART Henri - 1945

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Henri CARTON DE WIART, Beernaert et son temps (1945)

(Paru à Bruxelles, en 1945, chez La Renaissance du Livre)

Chapitre XII. Les Cabinets de Smet de Naeyer et Van den Peereboom, 1900-1907. Le triomphe de la représentation proportionnelle. L'évolution de la vie belge

(page 113) La retraite de M. de Burlet amena à la tête du gouvernement M. Paul de Smet de Naeyer, ministre des Finances. Celui-ci, député de Gand, appartenait à la gentry industrielle de la grande cité flamande. Il n'avait pas fait d'études supérieures et s'était voué assez tardivement à la vie publique. Mais d'une intelligence très éveillée, d'une activité inlassable, d'une parfaite distinction d'esprit et de manières, il avait pris bien vite une place importante au Parlement.

Les questions d'ordre matériel le sollicitaient beaucoup plus que les problèmes politiques proprement dits. En matière sociale, il était demeuré fidèle, ou peu s'en fallait, aux principes de l'école manchestérienne et par conséquent très peu enclin à une réglementation légale du travail. Léopold II, de plus en plus absorbé par ses plans d'expansion mondiale et par ses vastes projets d'outillage économique et d'urbanisme, devait trouver en ce premier ministre entreprenant et (page 114) prompt aux réalisations, un collaborateur selon son cœur, et l'existence de ce nouveau cabinet fut marquée par une série impressionnante de grands travaux d'utilité ou d'embellissement publics, notamment au littoral, à Anvers, à Namur et dans la ceinture de Bruxelles.

Au Parlement, les débats ne s'enfiévraient plus que par intermittences, lorsque les socialistes revenaient à la charge avec leur éternelle revendication du « pur et simple ». Au cours de longues séances, les problèmes d'ordre fiscal et économique y donnaient matière à de fréquentes et interminables passes d'armes, d'un tour presque académique, entre le premier ministre qui eût été un excellent orateur d'affaires sans la précipitation et la prolixité de sa parole, et ses contradicteurs habituels : M. Georges Lorand, député libéral progressiste, lui aussi très disert et volubile et M. Hector Denis, austère professeur ès sciences sociologiques, toujours encombré de graphiques et de statistiques et qui, par sa solennité doctorale, faisait figure de mage dans les rangs socialistes.

Si peu porté qu'il fût à s'écarter de ces questions pratiques, M. de Smet de Naeyer était trop perspicace pour ne pas reconnaître l'impossibilité de maintenir le système électoral majoritaire toujours en vigueur. Le parti catholique était à ce moment fort de 112 députés, tandis que le parti libéral se trouvait réduit à n'en compter qu'une douzaine, dont le plus notoire était Georges Lorand. Des élections législatives devaient avoir lieu au printemps de 1900 et on pouvait prévoir qu'elles accentueraient encore ce déclin inquiétant de la gauche libérale. Vraiment, la mariée était trop belle. Mais à quelle réforme se résoudre ?

On savait que le roi était personnellement acquis au système du scrutin uninominal, tel qu'il était pratiqué en Angleterre et en France. Avec Woeste, Schollaert et Helleputte, le plus grand nombre des droitiers appelaient de leurs vœux cette solution. D'autre part, Beernaert et la Jeune Droite insistaient, avec une ardeur renouvelée, pour l’adoption de la représentation (page 115) proportionnelle intégrale. Contre l'uninominal ils faisaient valoir objection des « mares stagnantes », c'est-à-dire le danger de substituer l'esprit de clocher à l'esprit national. Ils invoquaient aussi les difficultés pratiques d'un découpage du royaume en quelque 160 ou 170 circonscriptions. Ils redoutaient enfin un autre péril : le risque que, par l'application du scrutin uninominal, le pays tout entier ne fût scindé en un bloc catholique flamand et un bloc socialiste wallon qui opposeraient à la fois les unes aux autres des différences d'ordre social et racique ou linguistique.

Aux premiers jours de 1899, M. de Smet de Naeyer, donnant pour motif le désaccord qui persistait sur le problème électoral au sein du cabinet, envoya sa démission au roi, et celui-ci fit appel, pour le remplacer, à M. Van den Peereboom, ministre des Chemins de fer et ministre de la Guerre.


Dans le monde politique de ce temps, le nouveau premier ministre semblait, à plus d'un point de vue, un anachronisme vivant. Son existence était celle d'un ascète. Sa physionomie et sa démarche, celles d'un bedeau. Lorsqu'il passait dans les rues, se rendant à quelque office religieux, vêtu d'un vieux macfarlane, ou qu'au Palais de la Nation, il prenait place à son banc, la tête inclinée et la main droite posée sur la poitrine en une sorte de « mea culpa » permanent, quelle cible de choix pour les revuistes et les caricaturistes ! Au demeurant, nul ne pouvait contester la sincérité de ses convictions, non plus que son désintéressement et son application à sa tâche. Dans le débat, sa compétence et sa courtoisie se nuançaient souvent d'un humour narquois qui n'appartenait qu'à lui.

Comme le problème électoral restait ouvert et que sa solution ne pouvait plus être différée, M. Van den Peereboom imagina, pour en finir, de déposer un projet de loi qui établissait la représentation proportionnelle dans les sept grands arrondissements du pays, tandis que le scrutin de liste majoritaire resterait en (page 116) vigueur dans les vingt-cinq arrondissements moyens qui comprenaient de six à deux députés et dans les neuf petits arrondissements à régime uninominal.

Cette formule d'expédient, dont le caractère hybride éclatait à première vue, devait provoquer une âpre résistance de la part des deux gauches qui n'y virent qu'un audacieux coup de parti. Ce fut plus qu'une résistance ; ce fut un véritable hourvari. A l'agitation et aux bagarres de la rue, scandées par un chant populaire : « O Van den Peereboom ! » inspiré d'une marche funèbre composée naguère pour les obsèques de la Malibran, répondirent l'obstruction et les séances tapageuses au Palais de la Nation. Ainsi houspillé par l'opposition, peu soutenu par ses amis politiques dont la plupart avaient vainement cherché à le dissuader de présenter ce qu'il se figurait être « un moyen terme », M. Van den Peereboom demeurait imperturbable devant tout ce tumulte.

Beernaert était à ce moment retenu à La Haye par les travaux de la première Conférence de la Paix. Rappelé à Bruxelles, il ne put que conseiller au roi de ne pas encourager le cabinet dans son illusion de faire aboutir une réforme aussi mal engagée. Comprenant un peu tard son erreur, M. Van den Peereboom proposa lui- même, le 4 juillet, le renvoi de tous les projets de réforme électorale à une commission de vingt-cinq membres. C'était l'enterrement de sa formule. C'était aussi le signal de sa retraite ministérielle, qu'il opéra modestement, comme il faisait toute chose, pour se confiner à peu près désormais dans ses dévotions et sa passion des antiquités médiévales.

On vit alors M. de Smet de Naeyer réapparaître à la tête du gouvernement. Très habilement secondé par M. Van den Heuvel, professeur justement réputé de l'Université de Louvain qu'il avait embarqué dans son équipe avec le portefeuille de la Justice, il saisit aussitôt les Chambres d'un projet qui instituait la représentation proportionnelle intégrale. Cette fois, en dépit de quelques intransigeants dont Woeste dirigeait la résistance, la réforme fut adoptée et les (page 117) élections du 27 mai 1900 qui eurent lieu dans tout le pays d'après ce nouveau système électoral, assurèrent aux libéraux 33 élus pour la Chambre. Ils arrivaient ainsi à parité de sièges avec les socialistes, tandis que le parti catholique, malgré les sacrifices qu'il avait dû subir, disposait d'une majorité de 20 voix sur les deux autres groupes réunis.

Ce triomphe de la représentation proportionnelle parachevait l'œuvre révisionniste que Beernaert avait entreprise. Il constituait pour lui une véritable revanche. A la faveur d'une représentation plus exacte de l'opinion publique, la vie parlementaire allait se poursuivre dans une atmosphère plus respirable.

Déclinant, dès l'ouverture de la session extraordinaire, le 18 juillet 1900, le renouvellement de son mandat présidentiel, il reprit alors sa place sur les bancs de la majorité et, à partir de ce moment, pour son activité politique, qui demeurait grande en dépit de ses soixante-dix ans sonnés, une période curieuse et parfois pathétique, où l'indépendance de son esprit le mit plus d'une fois en opposition avec le programme du gouvernement et les vues personnelles du Roi.


Peut-être le souvenir déplaisant qu'il avait gardé des séances tumultueuses provoquées par le projet Van den Peereboom n'était-il pas étranger à sa résolution de rentrer dans le rang. En tout cas, les charges de la présidence, dont il se libérait ainsi, et la réserve que cette fonction lui avait naturellement imposée, en l'écartant des polémiques au jour le jour, ne semblaient pas avoir pesé d'un poids trop lourd sur ses robustes épaules. Sans être aveuglé par les honneurs que lui valaient à la fois sa situation officielle et sa renommée, il n'était pas insensible aux satisfactions d'amour-propre. Le roi continuait à lui témoigner beaucoup d'égards, et si leurs rapports n'avaient plus le même caractère de collaboration intime qu'au cours du long ministère de 1884 à 1894, ils avaient gardé un ton cordial que relevait parfois l'esprit caustique (page 118) qui leur était naturel à l'un comme à l'autre. Au cours d'une cérémonie à laquelle ils assistaient et où les discours toujours pompeux succédaient aux discours, Léopold II montrant du doigt Beernaert, qui souriait complaisamment, dit à mi-voix à son entourage : « Voici le plus grand sceptique de mon royaume. » - « Sire, réplique Beernaert sur un ton de grande déférence, je ne me permettrais pas de prendre le pas sur Votre Majesté. »

L'activité parlementaire de Beernaert se doubla à partir de 1900, et jusqu'à la fin de sa vie, de tout le zèle qu'il apportait à servir, dans les ordres les plus divers, tous les grands intérêts de la Nation. Son concours moral et souvent pécuniaire était acquis à maintes œuvres d'humanité et de bienfaisance, de science et de culture artistique. C’est ainsi qu'il ne cessa de s'intéresser à l'Université de Louvain, dans laquelle il voyait « la plus belle fleur que la liberté de l'enseignement eût fait éclore en Belgique. »

D’autre part, il marquait le plus vif intérêt à la construction des habitations ouvrières et à l'amélioration du logement populaire. Il présidait « la Ligue du Coin de terre » qui mit à la disposition des travailleurs les plus modestes des jardins à cultiver. Toute initiative qui pouvait favoriser l'accession à la petite propriété était assurée de ses sympathies, et il rappelait volontiers deux maximes anglaises : l'une, c'est que, pour rendre les hommes conservateurs, il faut leur donner quelque chose à conserver. L'autre, c'est que l'homme à qui on donne un jardin en location en fait un rocher, tandis qu'il transforme en jardin le rocher qu'il acquiert en propriété. En même temps qu'il acceptait, sur la proposition d'Edmond Picard, la présidence de la Fédération des Avocats, il exerçait, de façon très vigilante, la présidence de « la Commission des Musées des Beaux-Arts. »

Le goût des choses d'art était inné en lui. Pour le mouvement littéraire, il éprouvait un moindre attrait. Sa culture et son éloquence ne s'alimentait guère aux sources de l'imagination et de la poésie. Toutefois, dans ce domaine (page 119) non plus, il n'était pas fermé au sens et au goût de la Beauté, et le prix académique qu'il fonda suffirait à en donner la preuve.

Un autre aspect de sa personnalité contribuait aussi à son rayonnement : c'était son extrême sociabilité et l'agrément qu'il prenait à là vie mondaine. Son esprit de finesse y faisait merveille et l'on en pourrait citer des traits nombreux. Un jour, dans ses salons, au moment de présenter un écrivain célèbre à un astronome connu, il s'aperçoit que ses deux invités se connaissent. Alors se ravisant avec le plus spirituel à-propos : « C'est juste, dit-il à l'astronome. Vous connaissez toutes les étoiles. »

Tenterai-je de pénétrer plus avant dans la familiarité de son existence ? Naturellement courtois et serviable, il aimait la vie de société, ayant pour le seconder une compagne en tous points accomplie. Incomparable maîtresse de maison et d'une bonté foncière, Madame Beernaert l'aidait à exercer une large et charmante hospitalité, qui confondait, dans des réunions assez neuves pour ce temps où le cloisonnement social demeurait rigoureux dans les usages belges, des personnes d'opinions et de conditions très diverses, des artistes et des magistrats, des financiers et des savants, des officiers et des industriels, des diplomates, des hommes politiques et des gens du monde. Qu'il aimât toute sa vie à recevoir, jugeant d'ailleurs qu'entre la bonne table et le bon gouvernement il y a plus d'un rapport secret, je n'en veux pour preuve qu'un trait assez piquant relevé dans ses Souvenirs par Charles Benoist : « Bien des années après que j'eus été présenté à M. Beernaert, premier ministre, écrit Charles Benoist, je le retrouvai octogénaire à demi retiré (mais à demi seulement) de la vie politique. Il voulut me conduire à sa maison de campagne de Boitsfort, tout près de Bruxelles, en me promenant à travers la magnifique forêt de Soignes et par les belles avenues que Léopold II, incomparable « urbaniste » avant le mot, a imaginées et animées pour orner les accès ou les issues de sa capitale. Auguste Beernaert (page 120) avait réuni, à mon intention, afin que je pusse profiter de leur entretien, ses successeurs à la présidence du Conseil et à la présidence de la Chambre, quelques ministres, quelques chefs de parti. Quand il eut fait à ses hôtes les honneurs de son jardin, en rentrant il disparut et resta assez longtemps absent, si bien que je ne pus cacher mon étonnement un peu inquiet. Mme Beernaert s'en aperçut : « Ne craignez rien, me rassura-t-elle : il est allé à la cave choisir ses vins, c'est un soin qu'il ne consent à laisser à personne. » La collection fut de choix, en effet, et soutint brillamment la réputation du goût et de la libéralité belges, auxquels il n'y eut jamais à adresser que le reproche d'être trop riches et trop généreux. Je ne devais plus revoir Auguste Beernaert. Il est demeuré dans ma mémoire tel que je l'avais connu en son âge mûr : droit, robuste, franc comme un chêne, vieillard sans avoir vieilli, de corps et d'esprit toujours jeune, toujours identique à lui-même sans avoir changé d'une ligne ou d'un mouvement aux approches de l’éternité. »

Un de ses collaborateurs nous le montre à son tour dans ses réceptions mondaines : « d'une courtoisie extrême avec tous, d'une galanterie charmante à l'égard des femmes, un peu taquin, allant de l’un à l'autre de ses hôtes, interrogeant chacun sur les affaires qui l'intéressaient, contant une anecdote, ne manquant jamais un mot d'esprit, voire un calembour, cherchant à établir une atmosphère de cordialité entre ses convives qui souvent s'ignoraient. » C’est au même biographe que je veux emprunter ces quelques lignes où sa méthode de travail est également bien décrite : Il travaillait partout et à toute heure, presque toujours la plume ou le crayon à la main. A l'heure du repas, il se passait souvent une scène amusante. Beernaert, après avoir encombré de ses dossiers et de ses notes son cabinet de travail et son antichambre, envahissait la salle à manger et installait sur la table tous ses papiers. L'heure du repas approchant, 'le maître d'hôtel venait jeter des regards inquiets sur la table (page 121) qu'il devait dresser. Après quelques pourparlers avec l'assiégeant, Beernaert consentait à évacuer l’une ou l'autre de ses positions avancées. Lentement, non sans retour offensif, il reculait devant l'invasion des cristaux et des argenteries et finissait par être acculé dans un dernier secteur de défense jusqu'à ce que l'arrivée de Mme Beernaert décidât la prise de la place. A peine le repas fini, la même scène se reproduisait, mais en sens contraire : les papiers mis en déroute reparaissaient bientôt et prenaient une rapide et éclatante revanche. »

Une telle organisation d'existence, qui ne connaissait d'autre loisir que quelques voyages à l'étranger et d'autre sport que quelques intervalles de vie au grand air, déroute un peu nos conceptions d'aujourd'hui. Pour « vieux jeu » qu'elle paraisse, elle n'empêcha point Beernaert de demeurer toujours un homme de progrès, le progrès n'étant d'ailleurs pour lui que l'ordre en mouvement.


A un âge où beaucoup s’installent dans le passé, il demeurait non seulement attentif au mouvement des idées et des mœurs, mais il continuait à y exercer activement son rôle. Cette période d'évolution, dont 1900 marque à peu près la charnière, pourrait prendre pour elle le mot bien connu de Talleyrand : « Qui n'a pas vécu dans les années de 1789 ne sait pas ce que c’est que le plaisir de vivre. » Un torrent d'inventions et de découvertes merveilleuses a transformé la vie matérielle, réduit les distances et favorisé le goût des voyages. Le Belge a définitivement rompu avec « cette mentalité casanière, bornée au cercle étroit de ses localités propres, cette absence de curiosité, cette ignorance de l'étranger » que dénonçait jadis l'abbé de Pradt. Le pays s'enrichit. Il exporte ses produits dans le monde entier et investit au loin ses capitaux. Les contributions sont modérées. Les droits d'entrée aussi. L'alimentation est à bon marché. Habitudes, traditions, souvenirs, croulent, par pans entiers, avec (page 121) les vieux quartiers. La coupe des vêtements, le style des maisons et du mobilier se modifient.

Tandis que la vie mondaine est animée et brillante, que les saisons de Spa et d'Ostende, les concours hippiques, les bals et les cotillons attisent l'élégance, le luxe et le plaisir, la fièvre des affaires atteint tous les milieux sociaux. L'espèce des rentiers ou des gens oisifs disparaît à peu près. « Que faites-vous, Monsieur ? disait Léopold II à un jeune homme de l'aristocratie qui lui était présenté. - Rien, Sire. Cela doit bien vous fatiguer, Monsieur. »

Dans les sciences, les lettres et les arts, les influences étrangères s'infiltrent. Pasteur a révolutionné la bactériologie, Bergson nous instruit de sa philosophie et Barrès de son nationalisme, Nietzsche a ses fervents, Ibsen et Wagner sont à la mode tout comme William Morris, et les préraphaélites anglais tout comme les arts d'Extrême-Orient. L'histoire met en ligne des noms comme ceux de Kurth et de Pirenne. La science, ceux de Gramme, de Van Beneden, de Mercier, de Waxweiler. Dans la musique, Gevaert, Peter Benoît, César Franck, Tinel font honneur à notre école. La sculpture belge peut s'enorgueillir de maîtres tels que Constantin Meunier, Dillens, Devigne, Vinçotte, Lagae et Victor Rousseau ; la peinture belge d'une magnifique pléiade où, parmi bien d'autres, s'illustrent Emile Wauters, Verwée, Courtens, Jakob Smits, Léon Frédéric, Laermans. Après l'Art libre, après l'Essor, après les XX, c'est l'heure de la Libre Esthétique.

La soif du nouveau se traduit par des recherches et des excentricités dont les décadents et les « fins de siècle sont les épigones. Dans les lettres, l'impétueuse équipe de la Jeune Belgique et la phalange de « Van nu en straks » avaient été les premières à bousculer le conformisme d'une littérature somnolente et sans éclat. A leur suite, le Coq rouge et Durendal pour les lettres françaises, le Belfort pour les lettres flamandes, se lancent à l'assaut et la gloire de Verhaeren, de Maeterlinck, de Guido Gezelle, monte à l'horizon. Merveilleux animateur, Edmond Picard encourage et excite toutes les (page 123) entreprises d'avant-garde. En amassant des biens, le Belge moyen s'intéresse de plus près aux arts. Des industriels et des financiers tels que Léon Somzée et Valère Mabille, Ernest Solvay et Edouard Empain, font figure de mécènes.

Mais hélas ! le progrès moral n'est pas à la hauteur de cette prospérité des affaires et des arts. L'humanité demeure aux prises avec des misères accrues et des plaintes amères. Beernaert revient souvent sur ce contraste dont il s'émeut et contre lequel il veut réagir. Il n'a pas tort.

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