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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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B. LA GENÈSE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

II. La réunion de l'Hôtel de Ville du 18 septembre et le premier gouvernement provisoire

 

(page 264) Le moment était venu de faire arriver De Potter dont nous avions fait notre drapeau. Avant mon départ, fixé au 18 au soir, Van de Weyer et moi convoquâmes à l'Hôtel de Ville une réunion des meilleurs patriotes pour aviser sur le parti à prendre et, en réalité, pour décider qu'on repousserait la force par la force si, contrairement aux conventions du 3 septembre, le prince Frédéric exécutait les menaces qui nous arrivaient de Hollande par notre correspondance, par tous les journaux hollandais et par les représentants du Nord aux Etats-Généraux

(page 265) Van de Weyer engagea très adroitement la discussion qui allait aboutir, lorsque Vleminckx et Nicolaï de retour de leur mission à La Haye, entrèrent ; ils nous dirent qu'ils n'avaient pu voir que deux ou trois députés qui étaient d'avis qu'il fallait mettre bas les armes, que notre résistance n'était plus qu'une question d'amour-propre qui entraînerait les plus grands désastres ; que si dans quinze jours nous ne nous étions pas résignés à attendre la décision des Etats-Généraux, nous y serions forcés par l'armée du prince Frédéric. C'est ce que m'avaient déjà fait savoir Barthélemy et De Brouckère ; Vleminckx et Nicolaï dirent que des troupes nombreuses entraient en Belgique pour nous écraser. Ce récit, qui exaspéra bien plus qu'il n'effraya l'assemblée, m'inspira des paroles énergiques, je fis un tableau saisissant des malheurs qui allaient fondre et pour longtemps sur la Belgique, si elle avait la lâcheté de se laisser vaincre avec ou sans résistance. « Vous serez et pour longtemps traités en pays de généralités, allez demander au Brabant septentrional les aménités qu'ils ont subies pendant de longues années. » Je fus appuyé par Van de Weyer et d'autres patriotes.

Pendant la discussion, je rédigeai le procès-verbal qui exprimait la résolution et l'engagement sur l'honneur de ne pas attaquer, mais de repousser la force par la force et de faire un appel à toute la Belgique qui ne manquerait pas de venir en masse défendre à Bruxelles, son honneur, ses libertés, son indépendance. « Non, nous ne serons pas écrasés ; l'histoire ne dira pas que 4,000,000 de Belges ont eu la lâcheté de subir le joug de 2,000,000 de Hollandais. »

Le procès-verbal fut adopté à l'unanimité et par acclamations enthousiastes. Vleminckx et Nicolaï prouvèrent, par leurs acclamations, qu'ils n'avaient été que les fidèles rapporteurs de la mission qui leur avait été confiée, mais qu'ils n'étaient nullement effrayés de ce qu'ils avaient vu et entendu pendant leur mission.

Ce procès-verbal doit être les mains de Van de Weyer qui le publiera sans doute. C'est un document précieux, plus précieux peut-être que celui du serment des Gueux ; puisqu'il a été voté et signé publiquement, en face de l'ennemi en armes et à la veille d'un combat inégal, contre une armée nombreuse, bien organisée, bien armée et soutenue par une artillerie formidable.

Après la séance, Van de Weyer et moi conduisîmes M. Félix de Mérode dans l'embrasure d'une des croisées du salon du dit Conseil où s'était tenue l'assemblée. Nous constituâmes un gouvernement (page 266) provisoire, à nous trois. Dans la prévision d'événements qui pouvaient nous séparer, il fut convenu que deux réunis signeraient pour trois, c'est-à-dire seraient autorisés à faire intervenir la signature de l'absent.

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