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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DU 19 AVRIL 1839 par A. DE RIDDER (1920)

      

INTRODUCTION

 

(page 11) Pour que le lecteur puisse bien comprendre, sans devoir recourir à d'autres ouvrages, les négociations qui aboutirent au traité de 1839, il sera utile que nous résumions en quelques lignes les événements qui marquèrent le plus notre existence internationale depuis le 15 novembre 1831, date de la signature des XXIV articles, jusqu'au moment où, en. mars 1838, se rouvrirent les délibérations de la Conférence de Londres.

En. 1832, après que les cinq grandes Puissances et la Belgique eurent échangé les ratifications des XXIV articles, le cabinet de Bruxel1es essaya en vain d'ouvrir des pourparlers directs avec la Hollande pour amener l'exécution du traité du 15 novembre. Sur le refus du roi Guillaume de se prêter à la négociation, Léopold 1er réclama l'intervention de la Conférence qui s'était engagée, en cas de résistance par la Belgique ou par la Hollande, à amener elle-même l'acceptation par la partie récalcitrante des XXIV articles considérés comme contenant les décisions finales et irrévocables de l'Europe, Mais la Prusse, la Russie et l'Autriche, infidèles à leurs engagements, sans les dénier toutefois, ne purent se résigner à les exécuter. Elles laissèrent la France et l'Angleterre mettre l'embargo sur les navires néerlandais qui se trouvaient dans leurs ports, les flottes de ces deux nations bloquer les ports hollandais et les armées de Louis-Philippe s'emparer de la forteresse d'Anvers après un siège de vingt-trois jours.

Contrainte de céder dans une certaine mesure à la pression ainsi exercée sur elle, la Hollande consentit à signer, le 21 mai 1833, avec la France et l'Angleterre, une convention qui réglait provisoirement ses relations avec la Belgique et laissait cette dernière, provisoirement aussi, en possession de tout le Limbourg et de tout le Luxembourg.

(page 12) D'après l'article 5 de cette convention, la Conférence de Londres devait s'occuper immédiatement de négocier, entre les gouvernements belge et néerlandais un traité définitif. Le 15 juillet 1833, les travaux commencèrent, mais ils furent interrompus le 15 novembre, le cabinet de La Haye ne se prêtant pas de bonne foi aux tentatives faites pour arriver à une solution.

Des résultats avaient cependant été obtenus: on était tombé d'accord sur divers points. La Conférence avait pris pour base de ses travaux le traité du 15 novembre 1831 et l'on avait admis à nouveau sans modifications essentielles les articles 1, 2, 4 et 6 relatifs au territoire; l'article 7 qui consacrait l'indépendance et la neutralité de la Belgique; l'article 8 réglant l'écoulement des eaux des Flandres; l'article 10 destiné à déterminer l'usage des canaux qui traversent la Hollande et la Belgique; l'article 15 qui décidait qu'Anvers ne serait qu'un port de commerce; l'article 16 consacré à la propriété des ouvrages d'utilité publique ou particulière; l'article 17 relatif aux séquestres; les articles 18, 19, 20, 21, 22 et 23 concernant la. situation des sujets des deux pays, les pensions, les traitements d'attente et le cautionnements; l'article 24 qui stipulait l'époque de l'évacuation réciproque.

On avait réservé l'article 3 en vertu duquel une indemnité (page 13) territoriale devait être donnée dans le Limbourg au roi de Hollande, en compensation des cessions exigées de lui dans le Luxembourg, et l'article 5 qui imposait au monarque une entente avec la Diète et les agnats de sa maison, sur le point de savoir si la partie du Limbourg qui lui était destinée serait incorporée à la Hollande ou à la Confédération. Le désir du cabinet de La Haye était de réunir la rive droite de la Meuse aux Pays-Bas. Dans ce but, il avait demandé la suppression des articles 3 et 5 ainsi que des expressions de l'article 2 qui se rapportaient à cette question. Il voulait éviter que le traité contînt rien qui pût faire obstacle à la réalisation de son désir. Le gouvernement belge avait acquiescé à cette suppression à la condition, acceptée par la Hollande, que le roi-grand-duc produirait, avant la signature du traité, le consentement de la Diète et des agnats de la maison de Nassau à la cession d'une partie du Luxembourg à la Belgique, et à l'incorporation au territoire néerlandais de la partie du Limbourg accordée au roi Guillaume.

La Conférence discuta aussi, mais sans arriver à une décision, les articles 9, 11, 12, 13 et 14 qui traitaient de la navigation des fleuves et rivières, des routes et autres moyens de communication, des arrangements financiers.

Les négociations furent suspendues lorsque la Conférence apprit que le roi grand-duc n'avait tenté, d'aucune manière, d'obtenir l'assentiment de la Diète germanique et des agnats de la maison de Nassau à la. cession dont il vient d'être question. Son abstention en cette matière prouvait le peu de désir qu'il avait de voir les négociations aboutir (« Récit secret de la négociation hollando-belge depuis le 16 juillet 1833 jusqu'au 15 novembre de la même année »,  dans « l' Histoire parlementaire du traité de paix du 19 avril 1839 entre la Belgique et la Hollande », tome I, pp. 13 et suiv.)

La Conférence se sépara le 15 novembre 1833. Trois ans après, le roi Guillaume fit près de la Diète et des agnats la démarche à laquelle il s'était engagé. Il n'obtint pas ce qu'il demandait de la Confédération. Celle-ci lui répondit par la décision suivante datée du 18 août 1836 :

« 1° S.M. le roi des Pays-Bas, grand duc de Luxembourg, sera informée, par l'intermédiaire de sa légation, que la Confédération germanique ne peut donner son assentiment à la cession d'une partie du grand duché de Luxembourg, sans indemnité territoriale, mais qu'elle est disposée, en ayant égard à la déclaration produite par rapport aux agnats de la maison de Nassau, à donner son consentement à la cession de la partie du grand duché de Luxembourg mentionnée dans l'article 2 de l'acte de séparation du 15 octobre 1831, contre une indemnité territoriale, moyennant les portions de territoire désignées dans l'article 4 dudit acte, sous la condition que l'obligation soit imposée au gouvernement belge de ne point (page 14) établir de fortifications dans la partie du grand duché de Luxembourg qui lui sera cédée, et qui, dès lors, se sépare des liens fédératifs de l'Allemagne et, nommément, de ne jamais fortifier la ville d'Arlon.

« L'arrangement ultérieur et la fixation de l'indemnité territoriale à allouer à la Confédération dans le Limbourg sont réservés, en conformité de la stipulation exprimée dans l'article 3 de l'acte de séparation, à une négociation spéciale entre la Confédération et S. M. le roi des Pays-Bas et la Confédération y partira du principe que le territoire à réunir à celui de la Confédération, entièrement sur le même pied, en remplacement de la partie à céder du grand duché de Luxembourg, s'il ne peut pas former une compensation équivalente en étendue et en population, devra cependant répondre, autant que possible, aux intérêts de la Confédération sous le rapport de la continuité de la ligne de défense. »

Le ministre de Hollande à Londres porta cette décision à la connaissance de lord Palmerston, en lui demandant de réunir la Conférence pour la lui communiquer. Mais le ministre britannique, malgré l'appui accordé à cette demande par plusieurs plénipotentiaires, refusa d'y donner suite.

« Le soussigné, dit-il dans une note adressée au représentant du roi Guillaume, regrette d'informer M. Dedel qu'il n'est pas en son pouvoir, dans les circonstances actuelles, de leur (aux plénipotentiaires) communiquer cette note.

« Les réunions de la Conférence ont été suspendues jusqu'à ce que les plénipotentiaires néerlandais soient mis à même de déclarer de deux choses l'une : ou que S.M. néerlandaise a obtenu l'assentiment de la Diète et du duc de Nassau à l'arrangement territorial proposé par le gouvernement néerlandais en 1833, et ensuite duquel tout le district du Limbourg serait incorporé à la Hollande, ou que S.M. n'ayant pu obtenir ce consentement, était prête à accéder à l'arrangement territorial contenu dans les XXIV articles, et à autoriser ses plénipotentiaires à signer les sept premiers de ces articles qui ont rapport à l'arrangement territorial.

« La note, adressée par M. Dedel aux plénipotentiaires des cinq cours, déclare bien que S. M. néerlandaise n'a pas réussi à obtenir l'assentiment de la Diète et du duc de Nassau à l'arrangement territorial proposé par S. M. Néerlandaise en 1833; mais la note ne dit pas si, dans le cas que les conférences soient reprises, les plénipotentiaires seraient autorisés et prêts à accéder aux sept premiers des XXIV articles, et ainsi à donner l'assentiment de S.M. néerlandaise à l'arrangement territorial des cinq puissances. »

M. Dedel crut devoir insister, mais il ne parvint pas à modifier la décision de lord Palmerston. Les choses restèrent en cet état jusqu'au 14 mars 1838.