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« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR LA RÉVOLUTION BELGE » Première continuation

      

Par Jean-Baptiste Nothomb

 

Le siège d'Anvers en décembre 1832 termine l'ouvrage principal publié en mars 1833. Un appendice ajouté par l'auteur à la troisième édition du 20 septembre 1834 reprend les négociations et les conduit jusqu'à la convention du 21 mai 1833, qui a créé l'état transitoire auquel le traité définitif du 19 avril 1839 a mis un terme en amenant la reconnaissance de la Belgique par la Hollande et la clôture de la révolution aux yeux de l'Europe.

Dans le tome I, on renvoie quelquefois à cette continuation sous le titre d'appendice.

 

CHAPITRE PREMIER - Retraite de l'armée française; remercîments votés par les Chambres belges. - Maintien des mesures coercitives sur mer. - Négociations entre la Hollande, d'une part, la France et la Grande-Bretagne, de l'autre. - État de la navigation de l'Escaut; suspension des négociations; distinction importante: le fleuve libre en principe; actes de représailles contre la France, la Grande-Bretagne et la Belgique. - Reprise des négociations; principe d'un arrangement provisoire; note du 14 février 1833.

 

(page 11) La question de paix ou de guerre, objet des préoccupations européennes depuis 1830, était restée en suspens jusqu'à la fin de l'année 1832 ; résolue d'une manière abstraite par la raison politique, il lui manquait cette solution positive et réelle que le fait peut seul donner. La première intervention française en Belgique, (page 12) au mois d'août 1831, avait été trop rapide, trop spontanée pour pouvoir être considérée comme une épreuve décisive ; il fallait une deuxième intervention, mûrement méditée, hautement annoncée. L'effet moral du grand et audacieux événement qui a marqué la fin de l'année 1832, a donc été de faire pénétrer dans les esprits la conviction qu'il n'est ni dans les intentions ni dans les intérêts des gouvernements réputés hostiles à la cause révolutionnaire de se précipiter dans une guerre générale ; que si, depuis les événements de 1830, il. existe en Europe une lutte entre deux grands principes politiques, cette lutte peut être pacifique comme celle des deux grands principes religieux sortis des événements du XVIe siècle ; que la destruction du royaume-uni des Pays-Bas n'est, à côté du maintien de la paix: générale, qu'un objet secondaire ; que cet événement n'eût été de nature à troubler cette paix que s'il eût été impossible de le plier à une combinaison compatible avec le système politique de 1815.

La France avait donné une première preuve de son esprit pacifique en évacuant la Belgique au mois d'août 1831 ; elle en donna une seconde et plus complète par sa retraite après la prise de la citadelle d'Anvers ; en prolongeant le séjour de son armée en Belgique, le gouvernement français eût alarmé l'Europe et compromis son alliance avec l'Angleterre. Avant de s'approprier la Belgique en 1795, la France l'avait deux fois occupée, en la livrant à ses soldats et à ses proconsuls ; l'intervention de 1831 et celle de 1832 se rattachent à d'autres idées d'ordre public et de moralité politique, attestent, pour ainsi dire, une autre civilisation: (page 13) la Belgique reconnaissante a pu oublier d'anciens griefs que la gloire impériale n'avait point effacés.

Un membre de l'opposition proposa à la Chambre des représentants de voter des remercîments à l'armée française et d'abattre le lion élevé dans la plaine de Waterloo; cette deuxième partie de la proposition, espèce d'épigramme contre l'indépendance belge, fut écartée ; la première fut adoptée à l'unanimité par les deux Chambres, le 29 et le 30 décembre. Par une seconde proposition, émanée du Sénat, une épée d'honneur fut décernée au maréchal Gérard. En votant des remercîments à l'armée française, la Belgique s'est noblement acquittée envers la France ; elle aurait peut-être pu garder le silence, car la France en intervenant, la Belgique en subissant l'intervention, n'avaient fait que remplir leurs engagements. En acceptant les remercîments de la Belgique, la France lui a donné quittance des frais de l'expédition; ces sortes de dettes coûtent trop à l'amour-propre national pour qu'on les paie deux fois. L'Angleterre, qui continuait à concourir sur mer, d'une manière moins brillante et plus onéreuse, aux mesures coercitives, n'eut aucune part dans cet acte de gratitude.

Dès que les gouvernements de France et de la Grande-Bretagne eurent reçu la nouvelle de la reddition de la citadelle d'Anvers et du refus du cabinet de Haye d'évacuer les forts de Lillo .et de Liefkenshoek, ils résolurent d’ouvrir une négociation avec la Hollande, en y associant secrètement le cabinet belge et en maintenant le blocus maritime. Un premier projet (page 14) de convention, daté de Londres, 30 décembre, fut remis, le 2 janvier, à La Haye, au baron Verstolck van Soelen, par les chargés d'affaires de France et d'Angleterre. L'on avait craint que, le roi Guillaume ne refusât de se prêter à des négociations ouvertes avec la France et l'Angleterre seulement, ou du moins qu'il ne demandât, avant tout, la levée des mesures coercitives; l'acquiescement du cabinet de La Haye à l'ouverture immédiate d'une négociation était donc déjà un succès. M. le baron Verstolck van Soelen présenta un contreprojet, sous la date du 9 janvier, en annonçant que des instructions ultérieures seraient transmises au baron van Zuylen van Nyevelt à Londres. Les négociations commencées à La Haye furent donc continuées à Londres, et bientôt suspendues ; il est nécessaire de nous arrêter à cet incident, qui a jeté un grand jour sur une question importante.

Par un arrêté, daté du 16 novembre 1832 et publié le 17, le gouvernement hollandais avait prescrit des mesures de représailles contre la France et la Grande-Bretagne ; cet arrêté était ainsi conçu:

« Considérant que les gouvernements de France et de la Grande-Bretagne ont mis embargo sur les navires et cargaisons appartenant à des Néerlandais, et se trouvant dans les ports de ces royaumes, ou qui pourraient y entrer encore;...

« Art. 1er. Tous les navires français et anglais qui se trouvent encore actuellement sur notre territoire auront à le quitter, au plus tard, trois jours après l'avis qui, à cet effet, par suite d'u présent arrêté, en sera donné aux capitaines de ces navires;

(page 15) « Art. :2. Tous les navires naviguant sous le pavillon des deux nations citées dans l'article 1er, et qui pourraient arriver de la mer sur le territoire néerlandais, seront renvoyés et ne seront pas admis avant que les navires sous pavillon néerlandais ne puissent, comme auparavant, entrer librement dans les ports d'Angleterre et de France. »

Cet arrêté, appliqué à l'Escaut, n'interdisait la navigation de ce fleuve qu'aux navires anglais et français; par la force des choses, les opérations du siège la rendirent totalement impossible. Après la reddition de la citadelle, le fleuve se trouva de nouveau accessible ; le 4. janvier, un brick autrichien sortit du port d'Anvers; arrivé à la hauteur de Lillo, il fut arrêté et contraint de retourner à Anvers; le 11 février, un autre navire autrichien, se rendant à Anvers, fut arrêté à Flessingue et obligé de donner caution du paiement des droits. Ces deux faits furent successivement dénoncés par le gouvernement belge aux deux puissances exécutrices. Le plénipotentiaire hollandais, M. van Zuylen van Nyevelt, allégua, dans une conférence du 16 janvier, qu'il n'était pas à même de donner des explications. Le prince de Talleyrand et lord Palmerston déclarèrent qu'ils ne pouvaient poursuivre les négociations avant de savoir si la navigation de l'Escaut était libre et sans entraves. Le 28 janvier, le plénipotentiaire hollandais fournit les explications demandées, en communiquant au prince de Talleyrand et à lord Palmerston une dépêche du baron Verstolck van Soelen, du 25; dans cette dépêche, lé ministre hollandais commence par établir que l'ouverture de l'Escaut en janvier 1831 a été subordonnée (page 16) à là cessation complète des hostilités, suivant le protocole n° 9; puis, il poursuit en ces termes:

« Lorsqu'au mois de novembre 1832, la France et la Grande-Bretagne eurent abandonné le principe établi par le protocole du 9 janvier 1831 comme condition de la liberté de l'Escaut, que de toute part on s'abstiendrait d'hostilités, et nonobstant les actes de la Conférence de Londres, eurent pris et mis à exécution en pleine paix des mesures hostiles contre la navigation marchande de la Hollande et contre les troupes des Pays-Bas occupant la citadelle d'Anvers et ses dépendances, le gouvernement néerlandais limita les représailles au renvoi de ses ports, dans un terme indiqué, des bâtiments anglais et français, et à la non-admission de ceux qui' auraient encore l'intention de s'y rendre.

« Ces circonstances toutefois ne pouvaient manquer d'influer sur la navigation de l'Escaut, et il n'échappa pas aux cabinets de Londres et de Paris combien ce résultat était inévitable. En effet, les bâtiments anglais et français reçurent à Anvers et sur l'Escaut, comme à Amsterdam et à Rotterdam, l'injonction des consuls respectifs de mettre sans délai à la voile, et, dès le 7 novembre 1832 , l'ordre fut donné par le Custom house de Londres de ne pas permettre la sortie des bâtiments anglais destinés pour les ports de la Hollande ou pour Anvers. Mais si la navigation de l'Escaut se trouva temporairement interrompue pour les bâtiments de la France et de la Grande-Bretagne, elle demeura libre pour les autres pavillons, même postérieurement à l'arrivée de l'armée française sous les murs de la citadelle d'Anvers. Ce fut seulement après que cette armée eut mis (page 17) obstacle aux communications sur l'Escaut et eut repoussé le pavillon néerlandais, qui jusqu'ici avait entretenu une libre communication avec l'Escaut supérieur, qu'on se vit obligé d'adopter des dispositions analogues sur l'Escaut inférieur, qui interrompirent la navigation en général, résultat uniquement causé par les positions militaires et par les circonstances qui précédèrent, accompagnèrent et suivirent le siège de la citadelle d'Anvers...

« Quelque fondée que soit dès lors la cour de La Haye, qui n'a nullement provoqué ces complications inattendues, et qui aujourd'hui se voit de vive force dépossédée de ses principales garanties sur l'Escaut supérieur, à ne pas permettre pour le présent la navigation de l'Escaut, elle n'usera point à cet égard de toute l'étendue de ses droits expressément réservés dans sa déclaration du 25 janvier 1831, et cherchera à les concilier avec l'intérêt de la navigation et du commerce.

« A cet effet, elle ne s'opposera pas à la libre navigation de l'Escaut, autant et aussi longtemps que le permettront la sûreté et la défense de la Hollande ; mais comme le Roi, en se déterminant, en janvier 1831, à demeurer pour le moment spectateur de cette navigation, ne pouvait prévoir que le système de conciliation constamment suivi par la Hollande n'aurait pas encore amené un arrangement deux ans après, et que Sa Majesté ne saurait, en opposition aux intérêts de la Hollande, garder plus longtemps à cet égard une attitude passive, elle se réserve et a l'intention d'user très incessamment de son droit, reconnu par la Conférence elle-même dans son neuvième protocole du 9 janvier1831.

(page 18) « Ledit système sera également appliqué aux bâtiments de commerce anglais et français, ou appartenant aux ports de la Belgique, dans la supposition qu'il soit mis un terme aux mesures adoptées par la France et la Grande-Bretagne contre la navigation des Pays-Bas, et que les militaires et marins, néerlandais retenus en France soient renvoyés avec armes, bagages, etc. S'il en était autrement, la Hollande serait dans le cas de maintenir également, par rapport à l'Escaut, les dispositions de l'arrêté royal du 16 novembre 1832, officiellement publié et ordonnant le renvoi des bâtiments anglais et français qui arriveraient de la mer sur le territoire néerlandais. »

Le prince de Talleyrand et lord Palmerston prirent acte de ces explications en déclarant, dans un procès-verbal du 30 janvier, qu'il résultait de la dépêche du 55 janvier « que le principe de la liberté de la navigation de l'Escaut était maintenu, que l'application de ce principe n'éprouvait qu'une exception momentanée par suite de l'arrêté du 16 novembre 1832 ; qu'en conséquence les négociations seraient reprises. »

JI résulte de ces faits que le gouvernement hollandais ne se crut pas le droit de fermer l'Escaut ; que les mesures prises à l'égard de la navigation de ce fleuve n'étaient que des actes de représailles dirigés seulement contre la France, la Grande-Bretagne et la Belgique ; que le fleuve restait libre et dans le droit commun par rapport aux autres nations.

Le principe d'un arrangement provisoire entre la Belgique et la Hollande ne se développa que successivement et ne fut définitivement admis comme base des (page 19) négociations qu'après plusieurs essais tentés dans divers sens.

Le projet de convention présenté par les gouvernements anglais et français, sous la date du 30 décembre 1833, stipulait l'évacuation territoriale, la liberté de la Meuse, avec application des tarifs de Mayence ; celle de l'Escaut, avec exemption provisoire de tout droit ; celle des routes vers l'Allemagne à travers le Limbourg, avec paiement des droits de barrière seulement ; enfin, le désarmement réciproque.

Le contre-projet hollandais du 9 janvier admettait l'évacuation territoriale; il exigeait un droit de navigation sur l'Escaut, payable à Flessingue ou à Bath, sans visite ni formalité de douane quelconque; un droit de transit sur les routes vers l'Allemagne; le paiement annuel de la quote-part de la dette fixée annuellement à 8,400,000 florins.

Deux projets et deux contre-projets furent encore échangés le 1e, le 3 et le 5 février; enfin, lord Palmerston et le prince de Talleyrand exposèrent le système d'un arrangement provisoire, dans une note du 14 février, à la rédaction de laquelle le cabinet belge ne fut point étranger, et où l'on trouve jusqu'à des expressions empruntées aux discours prononcés par M. Goblet, le 21 et le 23 novembre 1832.

Dans cette pièce, le ministre anglais et l'ambassadeur français reviennent d'abord sur leur premier projet du 30 décembre 1832 :

« Il est évident que les Belges ne pouvaient accepter aucun arrangement provisoire qui ne leur donnât pas la jouissance immédiate de la navigation de la Meuse (page 20) et qui ne leur assurât pas, jusqu'à la conclusion d'un traité définitif, la continuation de la navigation de l'Escaut, telle qu'ils en jouissaient depuis le mois de janvier 1831.

« En retour de ces conditions, les gouvernements de France et de la Grande-Bretagne offraient la cessation immédiate de l'embargo mis sur les vaisseaux hollandais et le renvoi des troupes hollandaises maintenant retenues en France.

« La convention préliminaire, proposée le 2 janvier, était fondée sur le principe que l'échange réciproque des territoires eût lieu immédiatement entre les deux parties, et on proposait en conséquence l'évacuation par les Hollandais des forts de Lillo et de Liefkenshoek, et celle du Limbourg hollandais, et de la partie allemande du Luxembourg par les Belges. Les résultats nécessaires de cette évacuation réciproque devaient être une amnistie accordée aux habitants des districts évacués, et, pour les Belges, la jouissance immédiate du libre usage des routes commerciales au travers du Limbourg, qui leur a été garantie par les cinq puissances, comme une condition de l'arrangement par lequel la rive droite de la Meuse et la souveraineté entière de Maestricht étaient assurées à S. M. le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg. »

On voit à quelles conditions l'évacuation territoriale devait avoir lieu, conditions conformes aux promesses faites par le ministère belge dans les débats de l'adresse de novembre 1832, et à la note de la Conférence de Londres du 11 juin 1832.

(page 21) Les deux plénipotentiaires discutent ensuite le contreprojet hollandais du 9 janvier:

« Ce contre-projet était inadmissible pour ce qu'il contenait, et il présentait des objections décisives pour ce qu'il ne contenait pas.

« Il demandait que le gouvernement néerlandais fût autorisé à lever un droit de tonnage sur l'Escaut sans entrer dans aucune des obligations dépendantes de ce droit, telles que celles qui ont rapport au balisage et au pilotage sur cette rivière, et qui doivent être inséparablement liées à la perception du droit; et il demandait même que ce droit fût payé à Flessingue ou à Bath, demande qui était sujette à de fortes objections, puisqu'elle entraînait des détentions et des retards prolongés pour les bâtiments naviguant sur l'Escaut.

« Il demandait encore un droit de transit sur les routes au travers du Limbourg, quoique les cinq puissances aient garanti à la Belgique l'usage de ces routes pour l'utilité du commerce, et sans autre droit qu'un péage pour leur réparation et leur entretien.

« Il demandait, enfin, que les gouvernements de France et de la Grande-Bretagne s'engageassent à ce que la Belgique payât annuellement, jusqu'à la conclusion d'un traité définitif avec la Hollande, la somme de 8,400,000 florins, par paiements semestriels, pour sa part des intérêts de la dette commune du ci-devant royaume-uni des Pays-Bas.

« Mais cette charge considérable annuelle a été assignée à la Belgique par le traité du 15 novembre 1831, comme partie d'un arrangement général et final par lequel différents avantages commerciaux devaient lui (page 22) être assurés et par lequel le Roi grand-duc devait accéder formellement à la délimitation territoriale et reconnaître le souverain de la Belgique.

« Il est donc évidemment impossible que la Belgique prenne sur elle le paiement d'une partie quelconque de cette charge annuelle, avant qu'elle ne soit mise en jouissance de tous les avantages commerciaux qu'un traité définitif doit lui assurer et avant que ses limites territoriales et son souverain ne soient formellement reconnus par le Roi grand-duc. »

« Mais si la stipulation en question était inadmissible pour les raisons ci-dessus mentionnées, elle ne l'était pas moins comme indiquant l'intention de la part du gouvernement néerlandais de remettre à une époque indéfiniment reculée la conclusion d'un traité définitif; car, si ce gouvernement avait eu la moindre disposition à arriver à un prompt accord sur les deux ou trois points qui restaient encore à régler, pourquoi une convention préliminaire devait-elle prévoir des paiements annuels à faire pendant la négociation de ce traité, tandis même que le premier terme n'aurait été dû qu'en juin ou juillet prochain? Or, il n'est pas douteux que longtemps avant cette époque un traité définitif pourrait être signé, si le gouvernement néerlandais avait un désir réel de terminer la négociation. Une proposition telle que celle qu'il a faite indique donc clairement, de la part de ce gouvernement, le désir de s'assurer, par une convention préliminaire, des avantages qui puissent le mettre en position d'empêcher ou de retarder, jusqu'à une époque indéfinie, la conclusion d'un traité définitif. »

Les plénipotentiaires, après avoir rendu compte d'une (page 23) nouvelle tentative faite pour arriver à un arrangement définitif, s'expriment en ces termes sur le dernier projet, présenté le 3 février:

« Les conventions préliminaires que les soussignés avaient jusqu'ici proposées étaient basées sur l'évacuation réciproque de territoires de part et d'autre.

« Les soussignés résolurent alors de faire une autre tentative d'arrangement, en proposant une nouvelle convention préliminaire, qui aurait pour principe de laisser les deux parties, jusqu'à la conclusion d'un traité définitif, en possession des territoires qu'elles occupent respectivement en ce moment...

« Par ce plan, Lillo et Liefkenshoek devaient rester provisoirement entre les mains des Hollandais; pendant que Venloo, le Limbourg hollandais et Je Luxembourg allemand devaient continuer à être occupés par les Belges; et comme l'évacuation réciproque était retardée, les stipulations pour les routes du Limbourg et pour une amnistie dans les districts évacués étaient réservées pour le traité définitif.

« L'établissement d'un armistice formel entre les deux parties et la reconnaissance de la neutralité de la Belgique par la Hollande étaient proposés comme des sûretés suffisantes pour la paix, sans aucune autre stipulation spéciale pour des réductions d'armée de part et d'autre. On réclamait comme indispensables l'ouverture immédiate de la Meuse et le maintien de la libre navigation de l'Escaut, telle qu'elle existait au commencement du mois de novembre dernier ; la France et la Grande-Bretagne offraient de lever l'embargo et de renvoyer les troupes hollandaises dans leur pays ; et, (page 24) en outre, les parties contractantes devaient s'engager à s'occuper immédiatement de l'établissement d'un arrangement définitif entre la Hollande et la Belgique. »

Les plénipotentiaires terminent par l'examen du contre-projet présenté par M. van Zuylen van Nyevelt le 5 février ; cette partie de la note contient une explication importante:

« Les soussignés, y est-il dit, ont de fortes raisons de croire qu'aucuns droits n'ont été légalement levés, ni aucunes visites de bâtiments légalement faites sur l'Escaut dans l'année 1814, avant l'union de la Belgique et de la Hollande. » C'était rectifier un passage du protocole n° 9, du 9 janvier 1830, qui suppose l'existence d'un droit sur l'Escaut en 1814, immédiatement avant la réunion de la Belgique à la Hollande.

Le plénipotentiaire hollandais répondit il la note du 14 février par un mémoire très étendu, portant la date du 26. Dans cette réponse, il essaye de justifier les contre-projets successivement présentés au nom du cabinet de La Haye, et s'élève avec force contre le principe qui subordonnerait la levée des mesures coercitives à des concessions en faveur de la Belgique; ces mesures, dit-il, n'ont pu conférer des droits.

« Les derniers mois de l'année 1832 virent introduire sous le nom de mesures coercitives l'exercice d'une police dans les rapports des nations entre elles, et mettre en pratique envers la Hollande un système d'hostilités ouvertes en pleine paix, inconnu jusqu'ici, sapant la base de l'indépendance des peuples, bouleversant le premier principe fondamental du droit des gens et y substituant la suprématie du plus fort. Nonobstant ce phénomène politique, le gouvernement des Pays-Bas, (page 25) contre lequel l'atteinte portée à la société européenne était plus spécialement dirigée, n'abandonna point le langage de sa modération habituelle, il préféra de vouer à l'oubli cette funeste page de l'histoire. Voici comment il s'exprima: « Quant à la levée de l'embargo, le Roi attache trop de prix aux relations amicales avec la France et la Grande-Bretagne pour que Sa Majesté n'éprouve point le déplaisir qu'il ne demeure de cet acte aucune trace dans un des articles de la convention. L'on propose en. conséquence de s'entendre immédiatement sur la levée de l'embargo, sur la révocation des .ordres donnés pour arrêter les bâtiments des Pays-Bas, et sur le renvoi avec armes, bagages, etc., des militaires hollandais qui se trouvent en ce moment retenus en France. »

« De son côté, la cour de La Haye aurait révoqué les mesures de rétorsion adoptées contre la navigation de la France et de la Grande-Bretagne; mais l'abnégation du cabinet néerlandais n'alla pas jusqu'à reconnaître les procédés illégitimes adoptés contre lui conféraient à leurs auteurs le droit d'en mettre la révocation dans la balance, à l'effet d'imposer de nouveaux sacrifices à la Hollande. »

Le mémoire du 26 février est le dernier acte signé par le baron van Zuylen van Nyevelt comme plénipotentiaire à Londres; quelque temps après, il fut remplacé en cette qualité par M. Salomon Dedel.