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« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR LA RÉVOLUTION BELGE »

 

Par Jean-Baptiste Nothomb

 

 

CHAPITRE VI. Bases de séparation, des 20 et 27 janvier 1831. - Adhésion du roi Guillaume. - Protestation du Congrès belge. - Résumé des actes de la Conférence.

 

(page 126) La Conférence avait, dans son protocole du 20 décembre, invité le gouvernement provisoire à envoyer à Londres, le plus tôt possible, des commissaires munis d'instructions et de pouvoirs assez amples pour être consultés et entendus sur tout ce qui pourrait faciliter l'adoption définitive des nouveaux arrangements. Ces commissaires furent MM. Van de Weyer et Hippolyte Vilain XIIII; le 4 janvier, ils remirent à la Conférence une note étendue et raisonnée sur le système de limites adopté par la Belgique; mais, ayant reconnu que ce système ne prévaudrait point, ils quittèrent Londres[1]

(page 127) Dans sa réunion du 20 janvier, la Conférence arrêta, comme arbitres, les bases de séparation entre la Belgique et la Hollande; dans le préambule de cet acte, elle exprima en ces termes les motifs de cette résolution:

« Étant parvenus au jour où doit se trouver complètement établie la cessation d'hostilités que les cinq puissances ont eu à cœur d'amener, les plénipotentiaires ont procédé à l'examen des questions qu'ils avaient à résoudre, pour réaliser l'objet de leur protocole du 20 décembre 1830, pour faire une utile application des principes fondamentaux auxquels cet acte a rattaché l'indépendance future de la Belgique et pour affermir ainsi la paix générale, dont le maintien constitue (page 128) le premier intérêt, comme il forme le premier vœu des puissances réunies en conférence à Londres. »

Nous croyons nécessaire de placer ici textuellement les six premiers articles, destinés à fixer les limites de la Belgique nouvelle.

« Art. 1er. Les limites de la Hollande comprennent tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des provinces-unies des Pays-Bas, en l'année 1790.

« Art. 2: La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas, dans les traités de l'année 1815, sauf le grand-duché de Luxembourg qui, possédé à un titre différent par les princes de la maison de Nassau, fait et continuera à faire partie de la Confédération germanique.

« Art. 3. Il est entendu que les dispositions des articles 108 jusqu' à117 inclusivement de l'acte générai du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliquées aux rivières et aux fleuves qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.

« Art. 4. Comme il résulterait néanmoins des bases posées dans les articles 1 er et 2 que la Hollande et la Belgique posséderaient des enclaves sur leurs territoires respectifs, il sera effectué, par les soins des cinq cours, tels échanges et arrangements entre les deux pays qui leur assureraient l'avantage réciproque d'une entière contiguïté de possessions et d'une libre communication entre les villes et fleuves compris dans leurs frontières.

(page 129) «  Art. 5. La Belgique, dans les limites telles qu'elles seront arrêtées et tracées conformément aux bases posées dans les articles 1èr; 2 et 4 du présent protocole[2], formera un État perpétuellement neutre. Les cinq puissances lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire dans les limites mentionnées ci-dessus.

«  Art. 6. Par une juste réciprocité, la Belgique sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres États et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure. »

La Conférence annonçait, dans l'article 7, qu'elle s'occuperait, dans le moindre délai, à arrêter les principes généraux des arrangements de finances, de commerce et autres qu'exigeait la séparation.

Elle remplit cette deuxième partie de sa tâche dans sa séance du 27 janvier, toutefois en ne rédigeant que de simples propositions; admettant un système de compensation, elle proposait à la Belgique de payer 16/31 des dettes du royaume prises en masse, sans égard à leur origine, et de participer au commerce colonial[3].

(page 130) Ce deuxième protocole se terminait par la conclusion suivante:

« Occupées à maintenir la paix générale, persuadées que leur accord en est la seule garantie et agissant avec un parfait désintéressement dans les affaires de la Belgique, les cinq puissances n’ont eu en vue que de lui assigner dans le système européen une place inoffensive, que de lui offrir une existence qui garantît à la fois son propre bonheur et la sécurité due aux autres États.

« Elles n'hésitent pas à se reconnaître le droit de poser ces principes, et, sans préjuger d'autres questions graves, sans rien décider sur celle de la souveraineté de la Belgique, il leur appartient de déclarer qu'à leurs yeux, le souverain de ce pays doit nécessairement répondre aux principes d'existence du pays lui-même, satisfaire par sa position personnelle à la sûreté des États voisins, accepter à cet effet les arrangements consignés au présent protocole et se trouver à même d'en assurer aux Belges la paisible jouissance. »

Le 18 février, la Conférence reçut du plénipotentiaire (page 131) hollandais la déclaration que son maître adhérait pleinement aux bases de séparation résultant des protocoles du 20 et du 27 janvier[4].

Cette adhésion, pleine et entière, changeait complètement la position du roi Guillaume, et il importe d'en faire la remarque.

D'abord, ce prince rétractait par là sa protestation contre le principe de l'indépendance belge, les bases de séparation, d'après le préambule du protocole du 20 janvier, n'ayant d'autre but que de réaliser l'objet du protocole du 20 décembre.

En second lieu, il abdiquait implicitement la souveraineté sur la Belgique, le protocole du 27 janvier admettant, dans sa conclusion, la possibilité de l'avènement d'un nouveau souverain[5].

Le protocole du 20 janvier fut communiqué au Congrès belge dans la séance du 29 du même mois; la discussion relative au choix du chef de l'État, ouverte (page 132) depuis la veille, fut suspendue, et l'assemblée décida qu'il serait protesté contre la décision de la Conférence.

Dans la même séance, elle chargea une commission de lui présenter, dans le plus bref délai, un projet de protestation, en invitant le président, M. Surlet de Chokier, à désigner un membre dans la députation de chaque province. La commission fut composée de MM. Osy, pour la province d'Anvers; S. Van de Weyer, pour le Brabant; Devaux, pour la Flandre occidentale; H. Vilain XlIII, pour la Flandre orientale; A. Gendebien, pour le Hainaut; Lebeau, pour la province de Liége; Destouvelles, pour le Limbourg; Nothomb, pour le grand-duché de Luxembourg, et de Robaulx, pour la province de Namur.

Elle fit son rapport le lendemain; la protestation fut discutée le 1er février et adoptée par 163 voix contre 9[6], Cet acte, dicté par l'audace révolutionnaire, ne parvint pas à annuler le protocole du 20 janvier, mais il tint la Conférence en suspens durant six mois, il laissa aux esprits le temps d'étudier le protocole même et d'y découvrir les éléments d'une compensation territoriale qui, d'abord, n'était dans la pensée de personne.

La Conférence, après avoir pris acte de l'adhésion de la Hollande, porta son attention sur la protestation de la Belgique[7]; elle résolut d'exposer le système qu'elle (page 133) avait suivi et rédigea le protocole du 19 février, pièce d'une haute portée politique et que nous transcrivons en partie.

« Les plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie s'étant assemblés, ont porté leur attention sur les interprétations diverses données au protocole de la Conférence de Londres, en date du 20 décembre 1830,.et aux principaux actes dont il a été suivi. Les délibérations des plénipotentiaires les ont conduits à reconnaître unanimement qu'ils doivent à la position des cinq cours, comme à la cause de la paix générale, qui est leur propre cause et celle de la civilisation européenne, de rappeler ici le grand principe de droit public, dont les actes de la Conférence de Londres n'ont fait qu'offrir une application salutaire et constante.

« D'après ce principe d'un ordre supérieur, les traités ne perdent pas leur puissance, quels que soient les changements qui interviennent dans l'organisation intérieure des peuples. Pour juger de l'application que les cinq cours ont faite de ce même principe, pour' apprécier les déterminations qu'elles ont prises relativement (page 134) à la Belgique, il suffit de se reporter à l'année 1814.

« A cette époque, les provinces belges étaient occupées militairement par l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, et les droits que ces puissances exerçaient sur elles furent complétés par la renonciation de la France à la possession de ces mêmes provinces. Mais la renonciation de la France n'eut pas lieu au profit des puissances occupantes. Elle tint à une pensée d'un ordre plus élevé. Les puissances et la France elle-même, également désintéressées alors comme aujourd'hui dans leurs vues sur la Belgique, en gardèrent la disposition et non la souveraineté, dans la seule intention de faire concourir les provinces belges à l'établissement d'un juste équilibre en Europe et au maintien de la paix générale. Ce fut cette intention qui présida à leurs stipulations ultérieures; ce fut elle qui unit la Belgique à la Hollande; ce fut elle qui porta les puissances à assurer dès lors aux Belges le double bienfait d'institutions libres et d'un commerce fécond pour eux en richesse et en développement d'industrie.

« L'union de la Belgique avec la Hollande se brisa. Des communications officielles ne tardèrent pas à convaincre les cinq cours que les moyens primitivement destinés à la maintenir ne pourraient plus ni la rétablir pour le moment, ni la conserver par la suite; et que, désormais, au lieu de confondre les affections et le bonheur de deux peuples, elle ne mettrait en présence que des passions et des haines, elle ne ferait jaillir de leur choc que la guerre avec tous ses désastres. Il n'appartenait (page 135) pas aux puissances de juger des causes qui venaient de rompre les liens qu'elles avaient formés. Mais quand elles voyaient ces liens rompus, il leur appartenait d'atteindre encore l'objet qu'elles s'étaient proposé en les formant. Il leur appartenait d'assurer, à la faveur de combinaisons nouvelles, cette tranquillité de l'Europe, dont l'union de la Belgique avec la Hollande avait constitué une des bases. Les puissances y étaient impérieusement appelées. Elles avaient le droit et les événements leur imposaient le devoir d'empêcher que les provinces belges, devenues indépendantes, ne portassent atteinte à la sécurité générale et à l'équilibre européen.

« Un tel devoir rendait inutile tout concours étranger. Pour agir ensemble, les puissances n'avaient qu'à consulter les traités, qu'à mesurer l'étendue des dangers que leur inaction ou leur désaccord aurait fait naître. Les démarches des cinq cours à l'effet d'amener la cessation de la lutte entre la Hollande et la Belgique, et leur ferme résolution de mettre fin à toute mesure qui, de part ou d'autre, aurait eu un caractère hostile, furent les premières conséquences de l'identité de leurs opinions sur la valeur et les principes des transactions solennelles qui les lient.

« L'effusion du sang s’arrêta; la Hollande, la Belgique et même les Etats voisins leur sont également redevables de ce bienfait.

« La seconde application des mêmes principes eut lieu dans le protocole du 20 décembre 1830.

« A l'exposé des motifs qui déterminent les cinq cours, cet acte associa la réserve des devoirs dont la Belgique resterait chargée envers l'Europe, tout en (page 136) voyant s'accomplir ses vœux de séparation et d'indépendance.

« Chaque nation a ses droits particuliers; mais l'Europe aussi a son droit: c'est l'ordre social qui le lui a donné.

« Les traités qui régissent l'Europe, la Belgique, devenue indépendante, les trouvait faits et en vigueur; elle devait donc les respecter et ne pouvait pas les enfreindre. En les respectant, elle se conciliait avec l'intérêt et le repos de la grande communauté des États européens; en les enfreignant, elle eût amené la confusion et la guerre. Les puissances seules pouvaient prévenir ce malheur et, puisqu'elles le pouvaient, elles le devaient; elles devaient faire prévaloir la salutaire maxime que les événements qui font naître en Europe un État nouveau ne lui donnent pas plus le droit d'altérer le système général dans lequel il entre, que les changements survenus dans la condition d'un État ancien ne l'autorisent à se croire délié de ses engagements antérieurs. - Maxime de tous les peuples civilisés; - maxime qui se rattache au principe même d'après lequel les États survivent à leurs gouvernements et les obligations imprescriptibles des traités à ceux qui les contractent; - maxime, enfin, qu'on n'oublierait pas sans faire rétrograder la civilisation, dont la morale et la foi publique sont heureusement et les premières conséquences et les premières garanties.

« Le protocole du 20 décembre fut l'expression de ces vérités; il statua que la Conférence s'occuperait de discuter et de concerter les nouveaux arrangements les plus propres à combiner l'indépendance future de la (page 137) Belgique avec les stipulations, des traités ~ avec les intérêts et la sécurité des autres Etats ~ et avec la conservation de l’équilibre européen.

« Les puissances venaient d'indiquer ainsi le but auquel elles devaient marcher. Elles y marchèrent, fortes de la pureté de leurs intentions et de leur impartialité, Tandis que, d'un côté, par leur protocole du 18 janvier, elles repoussaient des prétentions qui seront toujours inadmissibles, de l'autre, elles pesaient avec le soin le plus scrupuleux toutes les opinions qui étaient mutuellement émises, tous les titres qui étaient réciproquement invoqués. De cette discussion approfondie des diverses communications faites par les plénipotentiaires que S. M. le roi des Pays-Bas et par les commissaires belges, résulta le protocole définitif du 20 janvier 1831.

« Il était à prévoir que la première ardeur d’une indépendance naissante tendrait à franchir les justes bornes des traités et des obligations qui en dérivent. Les cinq cours ne pouvaient néanmoins admettre en faveur des Belges le droit de faire des conquêtes sur la Hollande ni sur d'autres États. Mais, obligées de résoudre des questions de territoire essentiellement en rapport avec leurs propres conventions et leurs propres intérêts, les cinq cours ne consacrèrent, à l'égard de la Belgique, que les maximes dont elles s'étaient fait à elles-mêmes une loi rigoureuse. Assurément, elles ne sortaient ni des bornes de la justice et de l'équité, ni des règles d'une saine politique, lorsqu'en adoptant impartialement les limites qui séparaient la Belgique de la Hollande avant leur réunion, elles ne refusaient aux (page 138) Belges que le pouvoir d'envahir: ce pouvoir, elles l'ont rejeté, parce qu'elles le considèrent comme subversif de la paix et de l'ordre social.

« Les puissances avaient encore à délibérer sur d'autres questions qui se rattachaient à leurs traités et qui ne pouvaient, par conséquent, être soumises à des décisions nouvelles sans leur concours direct.

« D'après le protocole du 20 décembre, les instructions et les pleins pouvoirs demandés pour les commissaires belges qui seraient envoyés à Londres devaient embrasser tous les objets de la négociation. Cependant, les commissaires arrivèrent sans autorité suffisante et, sur plusieurs points importants, sans informations; et les circonstances n'admettaient point de retard.

« Les puissances, par le protocole du 27 janvier, ne firent néanmoins, d'une part, qu'énumérer les charges inhérentes soit au territoire belge, soit au territoire hollandais, et se bornèrent à proposer de l'autre, des arrangements fondés sur une réciprocité de concessions; sur les moyens de conserver à la Belgique les marchés qui ont le plus contribué à sa richesse et sur la notoriété même des budgets publics du royaume des Pays-Bas.

« Dans ces arrangements, la médiation des puissances sera toujours requise; car, sans elle, ni les parties intéressées ne parviendraient à s'entendre, ni les stipulations auxquelles les cinq cours ont pris, en 1814 et 1815, une part immédiate, ne pourraient se modifier.

« L'adhésion de S. M. le roi des Pays-Bas aux protocoles du :20 et du 27 janvier 1831 a répondu aux soins de la Conférence de Londres. Le nouveau mode d'existence (page 140) de la Belgique et sa neutralité reçurent ainsi une sanction dont ils ne pouvaient se passer. »

Les actes de la Conférence de Londres présentent, à la fin de février 1831, un ensemble qui est habilement résumé dans le protocole du 19 de ce mois[8] : après avoir déclaré le royaume des Pays-Bas dissous, la Conférence arrête le principe et les conditions de l'indépendance de la Belgique; la Hollande souscrit au principe et aux conditions de cette indépendance le 18 février. On a cherché depuis à obscurcir cette première période des négociations[9].



[1] Les plénipotentiaires hollandais remirent également, sous la date du 6 janvier 1831, des propositions à la Conférence, propositions qualifiées par eux-mêmes de bases de séparation. Une analyse succincte de ce document, qui a été publiée pour la première fois dans la deuxième partie du recueil des pièces diplomatiques communiquées au Parlement britannique en 1833, ne sera pas sans intérêt.

Ces propositions étaient divisées en trois parties:

A. Territoire. B. Partage de la dette. C. Navigation des colonies.

Relativement au territoire de la Hollande, les plénipotentiaires hollandais ne proposaient les limites de 1790 qu'avec un système de désenclavement qui eût assuré à la Hollande la province de Limbourg, à l'exception de Tongres et de l'arrondissement de Hasselt.

Par le protocole du 20 janvier, la Conférence se borna à poser le principe du post-liminiurn de 1790, en ajournant tout désenclavèrent.

Avant d'adhérer au protocole du 20 janvier, les plénipotentiaires hollandais, par une note du 12 février, insistèrent de nouveau sur le désenclavement et émirent, pour la première fois, l'opinion que la Hollande devait avoir une part dans les huit cantons réunis au royaume des Pays-Bas par le deuxième traité de Paris du 20 novembre 1815. (Papers relative to the affairs of Belgium, B. 1re partie, n° 8 et 10.) Relativement au partage de la dette et à la navigation des colonies, les plénipotentiaires hollandais proposèrent le système de compensation consacré par le protocole du 27 janvier.

Il est à remarquer que, nonobstant la note du 12 lévrier, les plénipotentiaires hollandais adhérèrent purement et simplement, le 18, aux bases de séparation arrêtées par la Conférence.

Les instructions données à lord Ponsonby par lord Palmerston, au nom de la Conférence, sous la date du 1er décembre 1830, se trouvent dans le deuxième volume du recueil Papers relative to the affairs of Belgium, B. 2e partie, n° 4. Le ministre anglais regarde le principe de la séparation absolue de la Belgique d'avec la Hollande comme non susceptible de longues discussions; et dans l'hypothèse de l'admission de ce principe, il recherche quelles doivent être les limites des deux pays; il attribue à la Hollande le status quo de 1790 et à la Belgique le reste du royaume des Pays-Bas, en considérant le grand-duché de Luxembourg comme un État à part: délimitation adoptée par le protocole du 20 janvier 1831 et contraire aux propositions des plénipotentiaires hollandais, du 6 janvier.

(Note de la 3e édition.)

[2] L'article 5 suppose que les limites définitives de la Belgique seront arrêtées et tracées conformément aux bases posées dans les articles 1 et 2 ; l'article 4 veut qu'i! soit effectué un échange par les soins des cinq cours: ces deux articles donnent aux bases de séparation le caractère de préliminaires de paix et renferment le germe d'un nouvel arbitrage.

[3] L'auteur de l'ouvrage: la Belgique et la révolution de juillet, p.121, M. CH.-L. DE BÉCOURT, commet une grave erreur en supposant que la deuxième partie des bases de séparation, relative au partage des dettes, n'a reçu le caractère de proposition qu'à la suite des observations faites par la France, sous la date du 17 mars 1831. Le même écrivain dit, p. 183, que l'article 2 des bases de séparation assurait implicitement à la Belgique la province de Liége, le duché de Bouillon et les dix cantons français; mais, dans le récit qu'il fait de la négociation des dix-huit articles, il n'admet pas l'opinion des commissaires belges sur les enclaves du Brabant hollandais. Les bases de séparation assignaient seulement à la Hollande ce que l'ancienne république avait possédé en 1790; tout ce qui était en dehors du status quo de 1790 devait revenir à la Belgique, et sous ce rapport, les enclaves du Brabant non possédées par la Hollande en 1790 étaient dans la même position que les dix cantons détachés de la France en 1811 : faire une distinction, c'était sortir du principe fondamental des bases de séparation.

Nous ajouterons que l'assertion de l'auteur français est trop absolue quant au duché de Bouillon, et nous renvoyons à la note du chap. VI du premier appendice. (Note de la 4" édition.)

[4] Protocole du 18 février 1831, n° 18.

[5] La possibilité de l'avènement d'un nouveau souverain en Belgique résultait également des protocoles du 1er et du 7 février, n° 14 et 15, relatifs à l'exclusion de certains princes, protocoles contre lesquels le roi Guillaume n'a point protesté. (Note de la 3e édition.)

M. WHITE, The belgic revolution, 1. II, p. 111, traduction française, 1. II, p. 238, semble croire que l'auteur va trop loin en soutenant que le roi, Guillaume, par son adhésion, sans réserve quelconque, aux bases de séparation, abdiquait implicitement; l'auteur ne va pas plus loin que le cabinet russe dans le précis des négociations du 27 février 1832, document d'un si grand intérêt historique et qui est passé sous silence par l'écrivain anglais.

En juin 1831, le prince de Talleyrand disait, avec une haute prévoyance de l'avenir, à l'un des commissaires belges, l'auteur même de l'Essai:

« Croyez-moi; le roi Guillaume nous a rendu un grand service en acceptant les bases de séparation; son refus nous eût bien embarrassés. » (Note de la 4° édition.)

[6] Les opposants étaient MM. de Foere, Bosmans, Jottrand, Dubus, Domis, LegreIle, C. Wannaer, Viron et Allard.

[7] De leur côté, les plénipotentiaires des Pays-Bas avaient adressé à la Conférence, sous la date du 12 février, une note pour protester contre le titre ler de la constitution belge, intitulé: Du territoire et de ses divisions. (Papers relative to the affairs of Belgium, B. 1er partie, n° 10, p. 22.) La protestation ne porte que sur les dispositions en vertu desquelles le Limbourg en entier et le grand-duché de Luxembourg sont considérés comme partie intégrante du nouveau royaume de Belgique, et non sur le principe de l'indépendance belge et de l'exclusion de la maison d'Orange. (Note de la 3e édition.)

La protestation du Congrès belge fut envoyée par lettre close à la Conférence de Londres, mais le texte n'en a pas été inséré au recueil officiel des protocoles, circonstance qui a fait, à tort, supposer à l'auteur de l'ouvrage: La Belgique et la révolution de juillet, p. 190, M. DE BÉCOURT, que la protestation même n'avait point été transmise à la Conférence.(Note de la 4e édition.)

 

[8] Nous croyons savoir que, quant aux idées, le protocole justificatif du 19 février appartient au plénipotentiaire prussien, baron de Bulow, mort à Berlin, le 6 février 1846, après avoir été ministre des affaires étrangères, et, quant à la forme, au plénipotentiaire russe, comte Matuscewic, renommé par son talent de rédaction. (Note de la 4" édition)

[9] Dans tous les actes qui ont suivi l'adhésion aux bases de séparation, jusqu'à l'avènement du prince Léopold, le cabinet de La Haye a considéré, au moins par son silence, les protestations du 22 décembre 1830 et du 4 janvier 1831 comme non avenues, et la question dynastique comme résolue.

Dans la protestation du 21 juillet 1831 contre les dix-huit articles, le gouvernement hollandais émit, pour la première fois, l'opinion que les bases de séparation avaient laissé intacte la question de souveraineté, opinion reproduite depuis, à la suite du rejet des vingt-quatre articles.

Le roi Guillaume ayant, à l'appui de sa dénégation, sollicité l'influence personnelle de l'empereur de Russie, le comte de Nesselrode rétablit les faits dans un mémoire très étendu, daté de Saint-Pétersbourg, 27 février 1832. Ce document, qui renferme la pensée du cabinet russe, a été imprimé pour la première fois dans le recueil anglais: Papers relative to the affairs of Belgium, B. 2" partie, n° 80, p. 62.

II serait fastidieux d'énumérer toutes les notes par lesquelles le cabinet de La Haye a renouvelé cette dénégation; nous nous bornerons à l'extrait Suivant du mémoire du 30 janvier 1832 : « Par sa note du 22 décembre 1830, l'ambassadeur des Pays-Bas protesta contre le protocole du 20 de ce mois, en tant que, soit par ses dispositions, soit par ses expressions, cet acte portait atteinte aux droits du roi... Cette protestation fut suivie d'une déclaration faite au nom de Sa Majesté à la Conférence. Elle contenait les réserves nécessaires, et c'est à la faveur de ces réserves que Sa Majesté fit exprimer son désir de voir régler la séparation entre la Hollande et la Belgique d'une manière équitable. L'annexe A du 12e protocole se trouva destinée à réaliser ce désir. Nonobstant les motifs qui s'opposaient à l'accession, le roi accéda au dit acte; mais jamais le gouvernement ne dévia de ses principes, et son office du 12 juillet 1831 en offre une preuve bien convaincante dans l'observation que l'annexe A du12e protocole a laissé intacte la question de la souveraineté, et dans la déclaration qu'en supposant que le roi pût consentir à ce que cette importante solution fût mise dans la balance de l'arrangement entre la Hollande et la Belgique, la Hollande ne saurait s'y prêter sans de justes compensations. Si la marche de la négociation éprouva plus tard une aberration sensible, la cour dès Pays-Bas s'appliqua constamment à la maintenir dans la voie adoptée. »

Nous croyons avoir prouvé à l'évidence que le roi Guillaume s'est désisté des protestations faites, le 22 décembre 1830 et le 4 janvier 1831, contre les principes de l'indépendance belge, et que les bases de séparation n'ont point laissé intacte la question dynastique. (Note de la 3e édition.)