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DEFACQZ Eugène (1797-1871)

 

 

 

 

 

 

DEFACQZ Eugène, Marie, né en 1797 à Ath, décédé en 1871 à Bruxelles

Age en 1830 : 33 ans

Congressiste (1830-1831, Ath)

 

Biographie

Interventions au cours de la session 1830-1831 (Congrès national)

 

 

BIOGRAPHIE

 

(Extrait de : Ph. GODDING, Nouvelle biographie nationale de Belgique, t. 6, 2001, p. 106-111)

DEFACQZ, Eugène, Henri, Marie, premier président de la Cour de cassation (1867), né à Ath le 17 septembre 1797, décédé à Bruxelles le 31 décembre 1871.

Personnalité marquante dans les premières décennies de l'indépendance de la Belgique, Defacqz s'est distingué aussi bien comme membre du Congrès national, juriste et magistrat, historien du droit, que par son rôle dans la franc-maçonnerie et dans la politique libérale.

Il était le fils de Louis Defacqz et de Marie-­Joseph Thomeret. Son père, officier dans l'armée française depuis 1792, fut successive­ment commissaire du Directoire et notaire à Ath, maire de cette ville de 1805 à 1812. Eugène avait une sœur, Elisa, et trois frères: Victor, qui reprit l'étude paternelle, Ernest, juriste également, qui succéda comme notaire à Victor (décédé en 1830), et Frédéric.

Dès sa jeunesse, Eugène Defacqz fut fortement imprégné par son milieu jacobin. Ses études furent accomplies au collège d'Ath, puis à Dijon, auprès de son oncle Jean-Joseph Jacotot, célèbre par sa « méthode universelle d'éducation », qui enseignait à la Faculté le Droit et les mathématiques. Il termina ses études à la Faculté de Droit de Bruxelles par une licence obtenue le 22 avril 1817. Selon l'usage, sa « thèse », d'une douzaine de pages, portait sur le droit romain (De adimendis legatis), le Code civil (art. 2180) et le Code de procédure civile (art. 175).

Il entra au barreau de Bruxelles comme stagiaire de l'avocat Louis Joly plus tard avocat à la Cour de cassation. Il se distingua rapide­ment par sa science, la qualité de son argumentation, sa parole claire et élégante. Il semble avoir particulièrement frappé ses confrères par la modicité de ses honoraires. Il plaida surtout des affaires venant en appel des tribunaux du Hainaut : litiges concernant char­bonnages et carrières, ou résultant de situations nées sous l'Ancien Régime. Il approfondissait ainsi sa connaissance de l'ancien droit, qui devait plus tard nourrir son enseignement. D'après son confrère Jottrand, il plaidait aussi des affaires en néerlandais, chose exceptionnelle alors pour un hennuyer. Qu'il eût au moins une connaissance passive de cette langue se voit confirmé par les nombreuses citations de termes juridiques thiois dans son Ancien droit belgique. On possède de lui un mémoire en néerlandais, pour deux gardes forestiers de Buggenhout, acquittés en 1826 par un premier arrêt de la Cour d'assises d'Anvers (confirmé après une première cassation), en réponse à un nouveau pourvoi en cassation du ministère public. Etant donné la complexité de l'affaire, il est probable que Defacqz ait fait traduire ce mémoire ; mais celui-ci témoigne en tout cas de ses qualités de juriste. Bien que présenté déjà en 1827 en ordre utile pour être désigné (par le procureur général) comme membre du Conseil de discipline de l'Ordre, il fut écarté par ce magistrat et n'y fut nommé qu'en 1829. Il habitait alors rue de Ruysbroeck, à deux pas du Palais de Justice d'alors.

Son activité, avant 1830, ne se limitait pas au barreau. Dès 1820, il avait été initié dans la loge L’Espérance, dont il devint orateur en 1826; il y prit la parole en cette qualité en 1829, en présence du prince Guillaume d'Orange; il y fut surveillant en 1829. C'était le début d'une fidélité active dans la Maçonnerie, à laquelle avait appartenu son père et dont faisaient partie ses frères Ernest et Victor. En 1821, il fut nommé membre de la Commission des Hospices ; en 1829, lieutenant et membre du conseil de la garde bourgeoise (« Schutterij »). Rien dans sa conduite avant 1830 ne le fait apparaître comme un opposant au régime hollandais ; s'il a été écarté deux ans durant par le procureur général du Conseil de discipline de l'Ordre des avocats, c'est plus en raison de sa réputation d'indépendance, sans doute, que d'une opposition nette au régime.

 

Dès le 27 septembre 1830 cependant, le Gouvernement provisoire le désignait comme membre du comité de Justice chargé de la réor­ganisation de la magistrature. Parmi les premières nominations de magistrats figure la sienne propre, le 2 octobre, comme conseiller à la Cour supérieure de justice à Bruxelles, début d'une carrière de quarante ans dans la magistra­ture.

Le 3 novembre, il est élu au Congrès National l'un des trois représentants du district d’Ath. Il ne participa guère activement aux travaux de l’assemblée, sinon pour un petit nombre de questions purement juridiques : les seules commissions dont il fit partie sont celles qui devaient préparer un projet de décret sur la garde civique, la presse, le rétablissement du jury et le mode d'élection du chef de l'Etat. Il n’intervint pas dans les discussions sur la monarchie ou la république et ne soutint activement ni le duc de Nemours, ni le prince Léopold. Lors de la discussion de la Constitution, par contre, il s'éleva avec force contre l’interdiction de toute intervention du pouvoir civil dans les affaires d'un culte. Pour lui, il fallait au contraire que la « puissance temporelle » ait le contrôle de la « puissance spirituelle ». Cette prise de position rompait avec l'esprit d'union dans lequel les protagonistes catholiques et libéraux de la Révolution avaient œuvré jusqu’alors. Defacqz s’affirmait aussi de façon précoce comme l’un des chefs de file de la tendance anticléricale parmi les libéraux. Aux termes de longues discussions, son intervention aboutit au remplacement du principe général et absolu de la liberté des cultes par des applications particulières (articles 14 à 16). Il fut aussi de ceux qui prônaient la surveillance de l’enseignement par le pouvoir civil.

Defacqz prit également l’initiative d’introduire dans la Constitution le principe d’un cens électoral, soulignant que si l’élection devait être directe, il ne fallait pas que tout le peuple y participât. Son amendement fut admis par une grosse majorité de l’assemblée, bien que la section centrale eût laissé la fixation d’un cens à la loi électorale.

Lorsqu’au lendemain de l’élection du Régent, Gendebien devint en février 1831 ministre de la Justice, Defacqz exerça les fonctions de secrétaire général. Mais le ministre démissionna le 23 mars, et Defacqz en fit autant. Gendebien fonda alors l'Association Nationale dont la tendance était radicale, le but apparent celui de s'opposer à 1’influence grandissante des oran­gistes. Defacqz, qui s'était abstenu lors de l’élection du roi Léopold, en fut le trésorier. Les velléités républicaines de cette association furent mises en échec par l'avènement de Léopold Ier, et l’activité politique de Defacqz connut de ce fait un temps d'arrêt. Sa carrière de magistrat en fut aussi affectée : si le 13 octobre 1832 il était nommé avocat général à la Cour de cassation, il semble qu'au décès du procureur général Isidore Plaisant. le Roi lui-même ait mis obstacle à la nomination de Defacqz en cette qualité. Celui-ci se résigna à passer au siège : Il fut nommé conseiller à la Cour le 15 janvier 1837.

Conseiller communal depuis 1836, il devint en 1838 membre du conseil provincial : il présidait cette assemblée en 1847, lorsque la loi sur les incompatibilités le contraignit à démissionner. Il avait été élu colonel de la garde civique en 1832. Beaucoup plus important et significatif encore est le rôle qu’il joua dans la franc-maçonnerie et dan la formation du parti libéral.

Les événements de 1830 avaient affaibli la loge L’Espérance, qui comptait plusieurs membres hollandais. C’est sans doute la lettre pastorale des évêques de Belgique de décembre 1837 contre la franc-maçonnerie qui incita Defacqz à fonder à Bruxelles Les Amis du Progrès dont il devint Vénérable. Il ne semble pas avoir pris une part active à la fondation du Grand Orient de Belgique en 1833. Le Grand-Maître, le baron de Stassart, s’était montré inactif devant les attaques du clergé et la division des loges au sujet du maintien ou non de l’article 135 des statuts qui interdisaient les discussions politiques et religieuses durant les réunions. Il fut remplacé en 1842 par Defacqz. Nommé à vie, selon les statuts, celui-ci ne voulut accepter qu’un mandat de trois ans. Modéré par tempérament et fidèle aux traditions, il veilla au maintien de l’article 135 et s’employa à restaurer la discipline. Malgré son désir de se retirer, il fut réélu en 1845 et 1848. Mais les tensions au sujet de l’article 135 entre autres le firent renoncer à ces fonctions en 1852. En raison sans doute de l’abrogation de cette disposition en 1854, la loge à laquelle appartenait Defacqz quitta l’obédience du Grand-Orient; après fusion avec une autre loge bruxel­loise, elle devint en 1855 Les Vrais Amis de l'Union et du Progrès Réunis. Comme Grand-­Maître, Defacqz avait pris position en 1845, par la publication d'une lettre ouverte, contre les paroles du ministre de l'Intérieur, Jean-Baptiste Nothomb, qui voyait dans la franc-maçonnerie « un instrument puissant et dangereux » et accusait Defacqz d'avoir favorisé l'agitation en Suisse lors d'un voyage en 1844. Cette longue lettre eut un grand retentissement.

Les attaques catholiques contre la franc­-maçonnerie accentuèrent l'anticléricalisme des libéraux. Les trois principales loges bruxelloises (Les Amis Philanthropes, Les Amis du Progrès et Les Vrais Amis de l'Union) furent à l'origine, en 1841, de la Société de l'Alliance, association électorale dont Defacqz fut élu président. A cette époque, il collabore étroitement avec Théodore Verhaegen. Le mouvement aboutit au Congrès libéral de 1846. C'est également Defacqz qui fut amené à le présider, en raison à la fois de son autorité morale pouvant s'imposer aux tendances conservatrice et radicale du parti, et de l'indépendance dont il jouissait en tant que conseiller à la Cour de cassation. Mais l'union de ces deux tendances ne dura guère ; en novembre 1846, les conservateurs (Verhaegen et ses partisans) quittèrent l'Alliance. Defacqz leur adressa une lettre ouverte prenant la défense des radicaux, mais il s'efforça par la suite de garder un juste milieu entre les deux ailes du parti, sans succès, s'attirant des critiques de part et d'autre. Sa position propre était celle d'un réformiste modéré, prêt à améliorer la société à condition que l'autorité de sa propre classe sociale ne fût pas mise en cause, comme l'écrit Els Witte. Il donna sa démission de président de l'Alliance en 1848 et ce fut la fin de son activité politique.

La réaction de la maçonnerie au raidissement de la position de l'Eglise à son égard ne s'était pas limitée au plan politique ; elle fut à l'origine de la fondation en 1834 de l'Université libre de Bruxelles, dont Defacqz fut cofondateur et administrateur. Ce fut aussi l'occasion pour lui de mettre à profit la profonde connaissance qu'il avait acquise de l'ancien droit pour y donner, de 1834 jusqu'à sa suppression en 1849, un cours de droit coutumier ; la théorie des sources de la législation depuis les lois romaines jusqu'à l'époque actuelle, le droit coutumier et la législation transitoire figurent parmi les matières prévues par la loi du 27 septembre 1835 pour le doctorat en droit. Le cours se limitait au « droit civil » des Pays-Bas méridionaux, « depuis qu'il a commencé à prendre une forme par la rédaction des coutumes » au XVIe siècle. De par sa nature, ce cours ne réunit plus qu'un auditoire restreint lorsqu'il cessa d'être obligatoire : le premier président de la Cour de cassation Guillaume de Longé déclara l'avoir suivi, lui troisième ; un même nombre d'étudiants (j'en étais) suivaient, un siècle plus tard, à la même université, le cours d'histoire du droit... Defacqz publia en 1846 une première partie de l'Ancien droit belgique, comprenant les institutions judiciaires et les sources du droit ; une deuxième livraison parut en 1852, consacrée aux personnes. En 1873, son exécuteur testamentaire, l'avocat Adolphe Honincks, en fit une réédition avec des corrections et additions de la main de Defacqz et publia un second volume consacré aux biens, complété par un Aperçu de la féodalité et un texte sur la « paix à partie », ainsi que par un Précis de l'histoire du droit coutumier et des questions transitoires sous forme de questions et réponses. Defacqz n'avait rien laissé sur les autres parties du droit civil : obligations, régimes matrimoniaux, successions ; dans un avis figurant dans la deuxième livraison, il mentionne que la « compilation » qu'il livre à la presse est, jusqu'au titre III du livre III, le « développement libre » du cours qu'il avait donné en 1834 et 1835, à l'exclusion donc des contrats, des hypothèques et de la prescription. Mais un de ses élèves, Jacques Britz, soumit au concours de l'Académie en 1845 un Code de l'ancien droit belgique, qui fut publié en 1847 ; il complète l'oeuvre de Defacqz mais sans atteindre le niveau de celle-ci. Defacqz fut fort dépité de cette publication, qui lui coupait l'herbe sous le pied, et accusa Britz - à tort - de plagiat.

Tel qu'il a été publié, le traité de Defacqz reste une mine de renseignements (ses références sont soigneusement indiquées), qui conserve une grande valeur car elle est basée sur une riche documentation : l'inventaire après décès dont il sera question plus loin, dresse un catalogue des 504 volumes de sa bibliothèque, entièrement consacrée à l'ancien droit, qu'il légua à la Cour de cassation. Mais il n'était pas historien et n'avait pas utilisé les travaux des historiens du droit, surtout allemands, parus dans la première moitié du siècle. L'évolution du droit prend peu de place dans un ouvrage axé sur l'état du droit antérieur au Code civil de 1804, dont le plan gouverne son exposé. Dans ce même esprit, il avait déjà publié en 1840 des Coutumes de la Belgique mises en rapport avec les articles du Code civil qui renvoient aux règlements et usages locaux (sans nom d'auteur). En outre, comme l'a déjà relevé en 1874 son collègue à l'Université libre de Bruxelles, Alphonse Rivier, « il voit et juge en homme de la première moitié du siècle». Pour lui, la société au Moyen Age est « livrée au désordre, plongée dans l'igno­rance, abrutie sous le double joug de la féodalité et de la superstition » (Précis de l'histoire du droit coutumier, p. 19). Il inclut les juges féodaux et ecclésiastiques parmi les juges d'ex­ception « parce que je considère comme exceptionnel tout régime qui n'a pas pour base l'exacte égalité des membres d'une même nation ». Ses préjugés anticléricaux se font constamment jour : la profession des gens d'Eglise était habilement organisée dans des vues politiques ... rattachée hors de la nation à un pouvoir qui se prétendait sans égal sur la terre » ; les gens d'Eglise se croyaient au-dessus des lois communes ».

Outre son Ancien droit Belgique, dont il publia des extraits, principalement dans la Belgique Judiciaire, et des études recueillies dans le second volume de cet ouvrage, Defacqz est l'auteur de Recherches sur les anciens impôts et spécialement sur les tailles réelles, d'une Notice sur l'ancienne vénalité des offices en Belgique, et De quelques partages forcés des fruits de la terre dans l'ancien droit belgique. Il avait continué à suivre de près les rapports entre l'Eglise et l'Etat ; c'est ainsi qu'il publia en 1868 De l'opération césarienne, article dans lequel il faisait des suggestions au clergé pour éviter d'en passer par-là en vue de baptiser un enfant en péril de mort avant sa naissance...

Après 1848, Defacqz se consacra entièrement à sa tâche de magistrat. Déjà lorsqu'il était avocat général, il avait pris un nombre considé­rable de conclusions, presque toujours suivies par la Cour, mais dont toute trace écrite avait disparu à sa mort. Dans un discours prononcé à la Cour de cassation le 9 avril 1872, le procureur général Charles Faider, parent et ami très proche de Defacqz, évoque la tâche considérable de fonder une jurisprudence toute neuve, notamment sur bien des problèmes que soule­vaient les nouvelles institutions de la Belgique. On connaît mieux son action au siège, par les très nombreux rapports qu'il fit comme conseiller : Faider consacre une page entière de son discours à évoquer les problèmes importants sur lesquels il fixa la jurisprudence de la Cour. Il souligne son impartialité, même dans des domaines concernant le clergé.

Defacqz fut élu correspondant en 1856 et membre effectif en 1866 de l'Académie royale de Belgique; il fut directeur de la Classe des Lettres en 1870.

Après avoir évoqué la carrière de Defacqz, qui parvint à son sommet par sa nomination, le 20 septembre 1867, comme premier président à la Cour de cassation, tentons de cerner de plus près l'homme qu'il était. Et d'abord, son milieu de vie. Grâce aux archives notariales, et surtout à l'inventaire après décès, nous savons que ce célibataire possédait depuis 1837 un hôtel de maître à Bruxelles, 57 boulevard de Waterloo, comprenant trois étages, une écurie et une remise. Il y vivait avec une gouvernante et la fille naturelle de celle-ci. L'établissement des Carmes (en face de sa demeure) lui inspira en 1865 un article spirituel mais incisif dans la Belgique judiciaire, signé « Un voisin du clocher des Carmes », dans lequel il se plaignait des sonneries incessantes des cloches. Nous connaissons la composition de sa cave, à la bouteille près ; à ce propos, Faider nous dit qu'il était tout sauf mondain, mais qu'il aimait accueillir des amis « autour d'une table modeste ». C'était un homme aisé : il laissait à son décès pour 60.000 francs de titres, ainsi que des immeubles. Parmi ceux-ci, une maison de campagne qu'il avait fait construire à Ixelles, près de l'actuelle rue de l'Arbre Bénit. Mais il léguait à sa Loge 2.000 francs pour des œuvres de charité et le même montant aux écoles gardiennes de la Ville, « pour contribuer à l'ins­truction des enfants pauvres ». Il ne laissait pas de papiers personnels.

Quant à la personnalité de Defacqz, tous les témoignages, même ceux de ses adversaires s'accordent à louer son activité inlassable, son calme et sa sérénité, sa modestie, son esprit d'ordre, son impartialité en tant que magistrat. Il était mû par un idéal élevé. Sa parole et ses écrits étaient élégants et clairs. L'éducation qu'il avait reçue avait exacerbé l'anticléricalisme qui reste le trait le plus marquant de sa vie publique. Ses pires ennemis étaient les Jésuites, en qui il voyait, dans sa lettre à Nothomb de 1845, des hommes « turbulents, ambitieux, avides de richesses, ennemis de toute émancipation de la pensée, corrupteurs effrontés de la morale, et compromettant par leurs excès jusqu'à la religion même », et dont « l'espionnage... était un des moyens que la fin justifie ».

Les dernières années de sa vie furent marquées par la maladie ; avec courage, il tint à vaquer à ses occupations professionnelles jusqu'au mois de novembre 1871 ; il mourut le 31 décembre. Selon sa volonté, son corps fut inhumé « sans aucune espèce de cérémonie reli­gieuse, militaire ou maçonnique » et « sans aucune oraison funèbre ou autre discours ». La présence à ses funérailles du ministre (catho­lique) de la Justice, de Lantsheere, suscita une polémique entre deux journaux catholiques, le Bien Public et le Journal de Bruxelles, celui-ci trouvant cette présence normale, contrairement au premier.

Faider fait allusion à des adversaires de Defacqz qui « ont insulté sa mémoire et attaqué sa vie privée ». Le Bien Public lui imputait une « haine profonde et furieuse du christianisme ». Un vicaire de l'église du Sablon, l'abbé Renard, dans une lettre adressée au Journal de Bruxelles, s'inscrivit en faux contre cette accusation, faisant valoir entre autres le don généreux que Defacqz faisait chaque année au curé de cette paroisse pour habiller les enfants pauvres admis à la première communion, et le fait qu'il avait adopté une enfant « aujourd'hui sa légataire universelle », dont il avait confié l'éducation aux Sœurs de Notre-Dame ; le Bien Public commenta cette révélation innocente comme on peut l'imaginer. Les archives notariales confir­ment que Defacqz désigna la fille naturelle de sa gouvernante comme sa légataire universelle. Dans son testament du 9 septembre 1871, il s'exprime à son sujet comme suit: « ma famille connaît les motifs de mon affection pour cet enfant qui m'est devenu cher, par les soins que j'ai pris de lui depuis son enfance et par la manière dont il y a répondu, aimable enfant dont l'heureux caractère et les douces qualités ont animé ma solitude et charmé ma vieillesse ». Et on est heureux pour cet homme grave qu'il ait connu cette joie dans sa vie.

Iconographie: On possède quatre bustes de Defacqz : d'Auguste Van den Kerckhove, qui fut refusé par l'Académie et entra dans les collections de l'Eta t; de Maurice Mathelin, à l'Académie royale de Belgique; de Charles Van Oemberg, à la Cour de cassation; du même en terre cuite, au CPAS de Bruxelles. Une statue lui a été élevée par souscription publique à Ath, due à Adolphe Fassin (actuellement au Centre admi­nistratif communal d'Ath). Quatre portraits dont les deux premiers ne sont connus que par des reproduc­tions (voir ci-dessous, notices de E. Witte dans Industrie, et Feuillets d'information : en Vénérable de la loge Les Amis du Progrès (1840), anonyme ; en Grand Maître; en premier président de la Cour de cassation (portrait en pied), de Louis Maeterlinck à l'hôtel de ville d'Ath ; gravure de Joseph Demannez, dans l'Annuaire de l'Académie royale de Belgique de 1873.

Principales notices biographiques: Ch. Faider, Notice sur Henri-Eugène-Marie Defacqz, dans Annuaire de l'Académie royale de Belgique, vol. 39, Bruxelles, 1873, p. 227-240 (reproduit dans E. Defacqz, Ancien droit Belgique, II, p. V-XV). - Pasicrisie, 1872, I, p. I-XII). - L. Hymans (Echo du Parlement, 2 janvier 1872). - L. Jottrand (Belgique Judiciaire, 1872, col. 81-89, 113-120). - Ch. Potvin (Revue de Belgique, 10 (1872), p. 118-130). - I. Eyerman (Bulletin du Grand Orient dé Belgique 1876-77, 1877, p. 173­181). - E. Witte (Industrie, 11 novembre 1971, p. 689-693) et Nationaal Biografisch Woordenbook, VI, 1974, col. 215-220. - -' Feuillets d'information du Grand Orient de Belgique, 1985/2, p. 13-17. - J.-B. Rapaille, Eugène Defacqz, magistrat, homme politique, grand maître national du Grand-Orient de Belgique, s.d. [1982], brochure dactylographiée (un exemplaire au Centre de documentation du Grand-­Orient de Belgique).

Sur la carrière de Defacqz, voir aussi: O. Rivier, Le président Defacqz et l'ancien droit Belgique, dans Revue historique de droit français et étranger; 1874, p. 465-473. - Th. Juste, Les fondateurs de la monarchie belge. Eugène Defacqz et Joseph Forgeur; membres du Congrès National, Bruxelles, 1878. - L. Vanderkindere, L'Université de Bruxelles, 1834-1884, Bruxelles, 1884. - F. Clément, Histoire de la Franc-Maçonnerie Belge au XIXe siècle, Bruxelles, 1949. - M. de Schampheleire, Histoire de la franc-maçonnerie belge depuis 1830, (1830-1914), Bruxelles 1987. - Ph: Godding, Peut­on parler d'un droit privé «belge» avant 1830, dans Bulletin de la Classe des Lettres, Académie royale de Belgique, 5< série, 1. 70, 1984, p. 262-281. - J.-P. Ducastelle, Statuomanie athoise: l'érection de la statue d'Eugène Defacqz à Ath (1880), dans Annales du Cercle royal d'histoire et d'archéo­logie d'Ath et de la région et Musées athois, t. 55, -1997, p. 223-278.

Philippe Godding

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1830-1831 (Congrès national)

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre du Congrès  (10/11/1830)

(01) Forme du gouvernement de la Belgique (22/11/1830)

(02) Mode de publication des actes du congrès national (27/11/1830)

(03) Question du sénat (14/12/1830)

(04) Constitution. Liberté des cultes, de leur exercice public et liberté des opinions (21/12/1830)

(05) Constitution. Indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux (22/12/1830)

(06) Pétition relative au financement du culte (04/01/1831)

(07) Constitution. Cens électoral (06/01/1831)

(08) Constitution. Convocation, réunion et dissolution des chambres (14/01/1831)

(09) Garde civique (18/01/1831)

(10) Constitution. Abolition de la mort civile (21/01/1831)

(11) Résultat de la mission des com­missaires délégués du gouvernement provisoire près la conférence de Londres (28/01/1831)

(12) Loi électorale (21/02/1831)

(13) Lieutenance générale du royaume ou régence (22/02/1831, 23/02/1831)

(14) Procédure en cassation de­vant la cour supérieure de Liége (04/03/1831)

(15) Procédure de naturalisation (08/04/1831)

(16) Déclaration de guerre à faire au roi de Hollande (12/04/1831)

(17) Question du chef de l’Etat (Léopold de Saxe-Cobourg) et propositions annexes (01/06/1831)

(18) Proposition ayant pour objet d’empêcher la reprise immédiate des hostilités (15/06/1831)

(19) Préliminaires de paix (les dix-huit articles) (02/07/1831)

(20) Crédits pour les dépenses de l’Etat pendant le troisième trimestre de 1831 (20/07/1831)