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Congrès national de Belgique
Séance du jeudi 30 juin 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

Traité des XVIII articles portant les préliminaires de paix

Formation du comité général

(page 360) Conformément à sa décision du 28 juin, l’assemblée s’est réunie en comité général.

(Ce qui suit est repris en note de bas de page de l’ouvrage d’E. HUYTTENS)

(page 360) La plupart des journaux ont rendu compte de ce comité ; la version la plus étendue se trouve dans l'Émancipation et le Journal des Flandres. Nous avons supprimé les réflexions évidemment malveillantes ou démenties par les discours publics, sans oser garantir l'entière exactitude du compte-rendu qui va suivre. Nous pensons cependant qu'on y retrouvera le fond des explications.

M. Nothomb, commissaire près la conférence de Londres, a ouvert le comité général ; il expose qu'à leur arrivée à Londres, les deux commissaires ont trouvé tout mal disposé ; l'idée qu'on pouvait mettre un terme à la révolution belge par un partage semblait s'accréditer, et trouvait des adhérents. Après cette révélation, qui a excité un mouvement d'incrédulité, M. Nothomb a abordé les négociations elles-mêmes ; il a annoncé que la conférence, en offrant de céder le Luxembourg moyennant une indemnité, n'avait entendu parler que d'une indemnité territoriale. Les commissaires se sont empressés de répondre qu'il ne pouvait s'agir que d'une indemnité pécuniaire.

Voici, dit-il, le système de la conférence : Il faut rendre à la Hollande ce qui lui appartenait ou ce qui lui eût appartenu avant la réunion en 1814, sinon c'est une guerre et une conquête, et non une révolution ; les membres de la conférence disent qu'ils se déshonoreraient s'ils laissaient envahir un État par un autre État ; la Hollande, en face de la révolution de 1830, doit se reconstituer comme elle l'était autrefois.

On a demandé nos objections ; nous avons répondu que nous ne pouvions pas rétrograder de quarante ans et revenir à 1790 ; qu'il fallait suivre la révolution de 1830.

On a fait remarquer aux commissaires qu'en ce qui concerne la rive gauche de l'Escaut, le traité de 1795 entre les républiques française et batave est res inter alios acta, que la Hollande n'a renoncé à la rive gauche que moyennant une indemnité territoriale qu'elle n'a jamais obtenue. Le traité de 1800 a commencé à être exécuté ; la France a cédé, à titre d'à-compte, quelques seigneuries, mais c'était une indemnité insuffisante.

Au sujet du Luxembourg, ou a fait remarquer aux commissaires que la Belgique recevait une compensation de la perte du Luxembourg par la principauté de Liége, qu’elle possède maintenant et qu'elle n'avait pas en 1790.

Au surplus, les commissaires s'étant tenus strictement renfermés dans leurs pouvoirs, il n'y a pas eu de note sur ces explications ; il n'y a eu non plus aucune réponse de la conférence.

Quant à l'avis du prince Léopold, M. Nothomb le fait connaître ainsi :

Le prince viendra quand le congrès aura adhéré aux préliminaires : il n'attendra pas l'acceptation de la Hollande ; quant au territoire, il y a deux genres de questions : une question belge-hollandaise, et une question belge-allemande, l'opinion du prince est encore qu'il faut pour le Luxembourg demeurer dans le statu quo, parce que le Luxembourg ayant appartenu, en 1790, à la Belgique, la réussite des négociations à cet égard est probable, et que d'ailleurs le voisinage de la France éloigne toute idée d'attaque.

Le prince fait remarquer que si on agite en même temps la question du Luxembourg et celle du Limbourg, alors on nous présentera l'échange ; si, au contraire, on traite du Limbourg séparément, on peut espérer l'obtenir en échange de Ravenstein et des enclaves.

Quant à la dette, la Hollande a le grand-livre ; elle est seule débitrice aux yeux des porteurs de titres ; par cette raison seule, il faudra bien qu'elle transige.

L'orateur termine en revenant sur le compte du prince Léopold, qui, suivant M. Nothomb, veut se dégager de la conférence, et il se considérera comme dégagé aussitôt que le congrès aura adhéré aux dix-huit articles.

M. Van de Weyer, membre de la députation du congrès, dit que M. Nothomb a oublié d'insister sur le Luxembourg ; Son Altesse Royale a déclaré que sa ferme résolution était de maintenir la possession de cette province.

L'honorable membre raconte que le prince une fois arrivé en Belgique, aurait pour politique principale de se dégager (page 361) de l’influence de la conférence de Londres, et de suivre en tout les intérêts de la Belgique.

Le prince de Saxe-Cobourg, continue l'orateur, a dit que ses relations personnelles avec la France lui prouvent qu'il a les moyens de resserrer ses liens avec la France, et il a déclaré que s'il se croyait hostile à la France, il renoncerait à la couronne. J'ajouterai que jusqu'à présent la conférence reconnaissait que Liége ferait partie de la Belgique, mais qu’il n’était pas certain que, quant à la souveraineté de Maestricht, nous représentassions le prince de Liége.

L’orateur termine en disant qu'il ne parlera pas des qualités du prince, parce que souvent quand on l'approche on est accusé d'avoir été ébloui.

M. Isidore Fallon – Comment entend-on que Berg-op-Zoom pourrait nous appartenir ? Je demande une explication sur ce point.

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – J'ai presque la certitude que nos droits sont bien établis.

M. de Robaulx – Messieurs, je ne veux que faire une observation ; voyez comme on vient nous tromper. Quand nous demandons la rive gauche de l'Escaut, on nous répond : Le traité de 1795 a eu lieu entre les républiques française et batave, cela ne peut donner aucuns droits aux Belges, qui sont étrangers. Et voyez maintenant l'inconséquence ! on nous dit : Si vous laissez la rive gauche à la Hollande, celle-ci devra rendre ce qu'elle a reçu par le traité de 1800 en indemnité de la cession de 1795. Ces indemnités étaient les seigneureries de Ravenstein et de Berg-op-Zoom. Les Belges, continue-t-on, reprendront ces seigneuries. Or, je le demande, aurez-vous plus de droits en vertu du traité de 1800, où la Belgique n'était pas partie, qu'en vertu de celui de 1795 ?

Ne sera-ce pas res inter alios acta l N'est-ce pas se moquer de nous que de raisonner ainsi ? n'est-ce pas faire injure au bon sens de ceux à qui de pareils raisonnements sont adressés ?

M. le baron Beyts, tout en se réservant son opinion sur le fond, parce qu'il veut que la discussion l'éclaire, se plaint de la manière dont les affaires ont été traitées ; il prétend qu'elles n’ont pas été bien défendues ; il s'étend longuement sur l'interprétation des traités de 1795 et suivants pour établir nos droits à la possession de la Flandre zélandaise.

M. Henri de Brouckere demande s'il n'est pas vrai que la conférence de Londres savait que le prince de Liége avait des droits sur la souveraineté de Maestricht. Or, dit-il, la conférence, dans l'article 4 des nouvelles propositions, paraît l’ignorer ; il faut ou que sa mauvaise foi soit bien grande, ou son ignorance bien crasse.

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – La conférence peut bien ignorer l'histoire des localités ; c'est ainsi que Walter Scott, qui écrit si bien l'histoire et qui fait de si belles peintures, n'a pas craint d'avancer que Liége parlait le flamand.

M. Jottrand insiste sur les observations de M. Beyts, et signale le scandale des allégations tendantes à nous tromper, en nous faisant croire que nous pourrons obtenir des concessions qui sont purement imaginaires.

M. Alexandre Gendebien et d'autres membres demandent que la séance publique commence.

M. Van Meenen – Depuis deux heures nous sommes ici, sans avoir rien appris qui méritât la moindre attention ; je demande si les députés ont quelque chose à nous communiquer.

M. Devaux, commissaire près la conférence de Londres, s'attache à faire ressortir ce qu'il y a de nouveau et d'équitable dans le partage des dettes tel qu'il résulte des dix-huit articles ; il confirme les détails donnés par M. Nothomb sur les dispositions de la conférence.

L'honorable membre déclare que si l'on publie ce qui s'est passé dans le comité, cela doit être sous la responsabilité de ceux qui le feront. Il ne faut rien dire, ajoute-t-il, car la Hollande le saurait.

M. Jottrand – La Hollande en sait autant que nous. L'honorable membre fait observer en outre que la recommandation de M. Devaux a d'autant moins de sens, qu'aucune affaire ne peut se conclure sans être examinée et résolue par la Hollande.

M. Blargnies demande si, en exécution du décret du congrès, il a été ouvert des négociations pour terminer au moyen de sacrifices pécuniaires ?

M. Devaux, commissaire près la conférence de Londres, dit qu'il a été impossible de rien terminer sur ces bases. Seulement il y a eu de simples conversations avec quatre membres de la conférence pour les instruire de nos plaintes.

M. Cruts – D'après les propositions, Venloo retournerait à la Hollande et Maestricht peut-être aussi. Je demande s'il y a espoir de conserver Venloo à la Belgique.

M. Nothomb, commissaire près la conférence de Londres, prie le préopinant de lire les deux premiers articles des préliminaires.

M. Cruts fait remarquer que M. Nothomb, en parlant de compensations qui pouvaient être faites, a désigné Ravenstein et autres points devant nous appartenir ; que pourtant on ne nous promet, comme pouvant appartenir à la Belgique, que ce qui faisait, en 1815, le royaume des Pays-Bas ; que Ravenstein et autres cession faites par la France n'ont jamais appartenu au royaume des Pays-Bas ; qu'ainsi ce n'est pas sur ces objets que nous devons fonder des espérances. (Assentiment général.)

(Présidence de M. Raikem, premier vice-président)

(page 360) La séance publique est ouverte à deux heures. (M. B., 2 juill.)

Lecture du procès-verbal

Un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Projet de décret annulant la réunion des états provinciaux en juillet 1831 et autorisant les députations des états à exercer leurs compétences

Rapport de la section centrale

M. de Behr fait, au nom de la section centrale, un rapport sur le projet de décret, qui a pour but d'empêcher la réunion des états provinciaux le premier mardi de juillet. Il en propose (page 361) l’adoption, moyennant diverses modifications. (M. B., 2 juill.)

Discussion des articles

- Personne ne demandant la parole sur l'ensemble du projet de la section centrale, on passe immédiatement à la discussion de l'article premier, dont voici les termes :

Article premier

« Art. 1er. Il n'y aura pas d'assemblée des états provinciaux le premier mardi de juillet pour la session ordinaire de 1831.» (M. B., 2 juill., et P. V.)

- Cet article est adopté sans discussion. (P. V.)

Article 2

« Art. 2. Les affaires qui devaient être soumises à ces assemblées seront renvoyées au conseil provincial, qui les remplacera. » (P. V.)

M. Van Meenen propose un amendement tendant à supprimer les mots : qui les remplacera. (M. B., 2 juill.)

M. Van Snick – Cet article, il me semble, ne laisse rien à désirer quant à sa rédaction, et je m'oppose à la suppression proposée par (page 362) l'honorable M. Van Meenen. Quelle a été en effet la pensée qui a présidé à la rédaction de cet article ? C'est de faire remplacer l'assemblée des états par le conseil provincial ; il fallait bien le dire, sans cela on aurait pu croire que les affaires seraient soumises aux conseils provinciaux, qui seront organisés après la loi présentée par M. le ministre de l’intérieur, et qui n'est pas encore discutée. (M. B., 2 juill.)

M. Charles Rogier – Il est bien que les affaires soient renvoyées au conseil provincial à défaut de réunion de l'assemblée des états ; mais encore faut-il que le conseil provincial se réunisse avant la fin du mois de 1831, soit pour expédier les affaires urgentes, soit pour régler le budget de 1832. Il faudrait donc ajouter à l'article une disposition en ce sens. (M. B., 2 juill.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Je n'ai pas dit dans le décret que le conseil s'assemblerait avant la fin de l'année, parce que j'ai pensé qu'on aurait le temps de discuter et d'adopter la loi organique que j'ai présentée, et qu'en vertu de cette loi les états pourront s'assembler et vaquer aux affaires de la province. Cependant, et par précaution, j'appuierai l'adoption d'un amendement conçu dans le sens de l'observation de l'honorable préopinant. (M. B., 2 juill.)

M. de Muelenaere – Je m'opposerai à l'adoption de l'amendement de M. Van Meenen, qui, d'après les observations déjà présentées par un des préopinants, a sans doute senti l'erreur dans laquelle il est tombé. Le décret qui nous est proposé porte que l'assemblée ordinaire des états n'aura pas lieu pour cette année à l'époque fixée ; l'assemblée générale étant supprimée, il fallait bien dire que les conseils provinciaux conserveraient leur pouvoir et remplaceraient l'assemblée générale. Je voterai donc contre l'amendement. (M. B., 2 juill.)

M. le vicomte Desmanet de Biesme – Je m'oppose pour ma part à l'amendement de M. Rogier ; il est impossible de confier aux députations, telles qu'elles sont composées, le soin de régler des affaires des provinces, et surtout de voter un budget. Voulez-vous que trois ou quatre individus, car la plupart des députations ne sont pas plus nombreuses, votent des dépenses pour les routes, les canaux, et règlent tant d'autres affaires importantes ? Cela est impossible, et je n'y consentirai jamais. (M. B., 2 juill.)

M. le président – Voici comment est conçu l'amendement de M. Rogier :

« Si le conseil provincial ne peut être réuni avant le 1er novembre 1831, les affaires urgentes, et entre autres le budget de 1832, seront soumises à la députation permanente des états. » (M. B., 2 juill.)

M. Charles Rogier – Il ne s'agit pas, comme on voit dans mon amendement, d'attribuer toutes les affaires à la députation, mais seulement les affaires urgentes et qui ne peuvent souffrir de retard, par exemple le budget. Et je ne crois pas qu'il y ait un grand inconvénient, lorsque d’ailleurs c'est la nécessité qui le commande, à ce que la députation règle pour une seule fois le budget de la province. (M. B., 2 juill.)

M. le vicomte Desmanet de Biesme – Il me semble impossible qu'on donne à la députation un droit aussi exorbitant. (M. B., 2 juill.)

M. Charles Rogier – Je demande comment, sans cela, on réglera le budget de 1832. (M. B., 2 juill.)

M. de Robaulx – Je remarque, messieurs, que plus nous voulons développer notre loi fondamentale, et moins nous avançons dans notre marche constitutionnelle. Sous la loi fondamentale de 1815, nous avions des conseils provinciaux électifs, d'après un système vicieux sans doute, mais enfin ils étaient nommés par le peuple, au moins en partie. Au lieu de nous faire jouir des avantages de la loi fondamentale et sous prétexte de nous donner les droits consacrés par la constitution, on supprime l'assemblée générale des états et on veut donner tous les pouvoirs de cette assemblée à la députation. Ainsi nous allons avoir des députations de cinq ou six membres pour régler les affaires de toute une province. Il me semble, messieurs, qu'il valait mieux conserver les conseils tels qu'ils étaient en attendant la loi d'organisation. Que sont en effet les députations permanentes ? Elles sont composées de députés de l'assemblée ; vous supprimez l'assemblée et vous conservez la députation. Cela me semble tout à fait contradictoire. Je voterai donc contre l'article et contre tout le projet si pareille doctrine y était consacrée. (M. B., 2 juill.)

M. Van Snick combat aussi l'amendement de M. Rogier ; il fait observer que plusieurs députations ont été diminuées par la mort de quelques-uns de leurs membres. Dans le Hainaut, par exemple, deux députés sont morts, et il y aurait imprudence à confier aux membres restants la décision des affaires de la province. (M. B., 2 juill.)

M. Charles Rogier – Si on croit dangereux de confier les affaires urgentes à la députation, je restreindrai mon amendement au budget seul. (M. B., 2 juill.)

M. le baron Beyts(page 363) Je demande la parole pour m'opposer à l'amendement de M. Rogier, même avec la restriction qu'il vient d'y apporter. Nous sommes dans la nécessité de réorganiser les conseils provinciaux, une loi nous est proposée à cet effet, et je crains que tous ces amendements qui disent : «En attendant la réorganisation, les pouvoirs seront exercés par telle et telle autorité,» ne nous entraînent dans des délais interminables et ne favorisent la paresse, sous le prétexte que les choses marcheront tant bien que mal. Nous avons le projet ministériel, il a été présenté et renvoyé aux sections, rien n'autorise à penser que d'ici à la fin de l'année ce projet ne sera pas adopté et mis à exécution. On dit : « Mais il est composé de soixante articles.» Eh ! messieurs, commençons par aborder le premier, puis le deuxième, ainsi de suite, et nous arriverons au soixantième. (On rit.) Je m’oppose de toutes mes forces à l'amendement de M. Rogier, parce qu'avec ces provisoires nous n’arriverions jamais au définitif, et au lieu d'aller en avant dans notre marche constitutionnelle, nous aurions, comme l'a très bien dit M. de Robaulx, fait trois pas en arrière. (M. B., 2 juill.)

M. Alexandre Rodenbach – Je m'oppose d’autant plus à l'amendement de M. Rogier, que nous avons sur le bureau un projet présenté par le ministre de l'intérieur. Si ce projet n'est pas trouvé bon, il en présentera un autre, puis un autre, trois, quatre, cinq et six s'il le faut, jusqu'à ce que nous en ayons adopté un. (Hilarité générale.) (M. B., 2 juill.)

M. Doreye – Je m'oppose aussi à l'amendement proposé. La députation permanente n'est qu’une émanation du conseil provincial ; elle en est pour ainsi dire la quintessence. Comment, si vous refusez votre confiance à l'assemblée des états, l’accorderiez-vous à la députation ? cela est impossible. Les affaires en éprouveront du retard, dit-on ? ce sera un motif de hâter la discussion du projet organique qui nous a été présenté. Le budget provincial n'est pas peu de chose, messieurs ; il est pour les provinces d'un intérêt aussi majeur que le budget du gouvernement l'est pour l'État, et je ne crois pas que les provinces fussent contentes d’abandonner le règlement du budget à la députation. (M. B., 2 juill.)

M. le comte Duval de Beaulieu – Je partage entièrement l'opinion du préopinant et celle de M. de Robaulx ; je crois comme eux qu'il y aurait inconvénient à accorder à la députation les pouvoirs de l'assemblée. Il y a un autre inconvénient : les assemblées des états étaient électives, il est vrai, mais le choix de la députation était soumis à quelques influences, qui n'existent plus aujourd'hui, à la vérité, mais qui peuvent être devenues permanentes par l'habitude. Il me semble que l'article 137 de la constitution, qui porte : « La loi fondamentale du 24 août 1815 est abolie, ainsi que les statuts provinciaux et locaux. Cependant les autorités provinciales et locales conservent leurs attributions jusqu'à ce que la loi y ait autrement pourvu ; » il me semble, dis-je, que cet article pourrait être simplement mis à exécution, en déclarant que le tiers sortant des états restera jusqu'à ce que la loi organique ait pourvu au remplacement des états provinciaux. (M. B., 2 juill.)

M. le baron d’Huart propose de rédiger l'article 2 en ces termes :

« Les affaires qui devraient être soumises à ces assemblées, seront renvoyées avant le 1er novembre prochain au conseil provincial, qui les remplacera pour cette époque. » (A.)

M. Charles Rogier – En proposant mon amendement, je n'ai pas entendu retarder l'adoption de la loi organique. J'ai voulu seulement parer au cas où elle ne serait pas rendue avant la fin de l'année. On nous dit : Elle le sera. Qui nous le prouve ? En France on a attendu vainement pendant seize ans la loi départementale. (M. B., 2 juill.)

M. de Robaulx – Raison de plus pour que nous n'allions pas confier pendant quatorze ou quinze ans, si la loi n'était pas rendue, l'administration des provinces à cinq ou six députés suspects. (M. B., 2 juill.)

M. Fleussu combat la proposition de M. Duval de Beaulieu, comme tendante à maintenir des mandats qui expirent cette année. Ces mandats sont émanés du peuple, et l'honorable membre ne pense pas que le congrès ait le droit de les proroger. (M. B., 2 juill.)

M. De Lehaye – Dans la Flandre orientale il n'y a pas de députation élue par les états provinciaux. On a établi sous la même dénomination un conseil élu par le gouvernement provisoire et n'ayant par conséquent pas reçu son mandat de la province. (J. B., 2 juill.)

M. le président – Voici les termes de l'amendement de M. Duval :

« Les états provinciaux, tels qu'ils étaient composés en 1830, se réuniront à l'époque déterminée par la loi fondamentale de 1815, conformément à l'article 137 de la constitution. A cet effet, le tiers qui devait être remplacé cette année continuera provisoirement d'en faire partie. » (M. B.. 2 juill., et A.)

M. Dubus - (page 364) La question préalable ! Il ne me sera pas difficile de la justifier. L'article proposé par M. Duval est directement contraire à ce que l'assemblée a décidé en adoptant l'article premier. (M. B., 2 juill.)

- On entend sur la question préalable, M. le comte Duval de Beaulieu, M. François Lehon, M. Deleeuw, M. Le Bègue, M. le baron Beyts, M. le vicomte Desmanet de Biesme, et M. François ; tous ces honorables membres, à l'exception du premier, appuient la question préalable. (M. B., 2 juill.)

- La question préalable est mise aux voix et adoptée. (P. V.)

On met ensuite successivement aux voix les amendements de MM. Van Meenen et le baron d'Huart ; ils sont rejetés. (P. V.)

L'article 2 est adopté. (P. V.)

La disposition additionnelle proposée par M. Charles Rogier est rejetée. (P. V.)

Article 3

« Art. 3. Les députations permanentes des états et les autorités qui, dans quelques provinces, remplacent ces mêmes députations, resteront composées comme elles le sont actuellement, et continueront leurs fonctions jusqu'à leur remplacement par les conseils provinciaux.» (P. V.)

M. le vicomte Desmanet de Biesme – S'il manquait des membres à la députation permanente, le gouvernement devrait-il assembler les états et faire nommer d'autres députés ? L'article n'en dit rien. (J. B., 2 juill.)

M. Jaminé – Un seul membre de la province de Limbourg s'est rendu à Hasselt. Le gouvernement a dû remplacer les autres, le fera-t-il encore ? (J. B., 2 juill.)

M. Charles Rogier – Parmi les membres actuels, il en est dont le mandat expire au 1er juillet. L'article demande explication. (J. B., 2 juill.)

M. Frison – Depuis une heure, nous discutons sur le projet du ministre et il n'a pas demandé une seule fois la parole. (J. B., 2 juill.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Je croyais avoir suffisamment motivé le projet. On doute que le pouvoir constituant puisse continuer certains pouvoirs, il le peut certainement et vous l'avez reconnu en adoptant les articles 1 et 2. On a allégué l'article 87 de la constitution qui abolit les statuts provinciaux et locaux ; vous ne les continuez que pour un temps aussi court que vous le voulez ; au bout de peu de séances, vous pourrez terminer le décret sur l’organisation provinciale. (J. B., 2 juill.)

- L'article 3 est adopté tel qu'il a été proposé par la section centrale. (P. V.)

Article 4 et considérants

« Art. 4. Le présent décret sera obligatoire le deuxième jour après celui de sa date. » (P. V.)

Cet article est adopté ainsi que les considérants qui sont conçus en ces termes :

« Vu l'article 137 de la constitution qui abolit la loi fondamentale du 24 août 1815, ainsi que les statuts provinciaux et locaux, et conserve néanmoins aux autorités provinciales et locales leurs attributions jusqu'à ce que la loi y ait autrement pourvu ;

« Considérant que les assemblées des états provinciaux, par la sortie du tiers de leurs membres qui doit avoir lieu cette année aux termes de l'article 11 du règlement pour la formation desdits états, se trouveront nécessairement incomplètes, les élections pour le renouvellement de ce tiers n'ayant pu avoir lieu en vertu de règlements abolis. » (P. V.)

Vote sur l’ensemble du projet

On passe au vote par appel nominal sur l’ensemble du décret.

147 membres répondent à l'appel

130 votent pour.

17 votent contre.

En conséquence le décret est adopté. (P. V.)

Ont voté contre : MM. Jacques, le vicomte Desmanet de Biesme, François Lehon, Wannaar, Allard, Beaucarne, Helias d'Huddeghem, Dumont, Seron, Frison, Van der Looy, le baron Frédéric de Sécus, de Robaulx, de Labeville, le comte Duval de Beaulieu, Destriveaux, Picquet. (M. B., 2 juill.)

- La séance est levée à cinq heures. (P. V.)