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Congrès national de Belgique
Séance du mardi 28 juin 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

(page 342) (Présidence de M. Raikem, premier vice-président)

- Un public nombreux, attiré par la nouvelle du retour de la députation du congrès à Londres, se presse dans les diverses tribunes.

La séance est ouverte à une heure. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. Henri de Brouckere, secrétaire, lit le procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. d'Hanens-Peers annonce que la goutte l'empêche de se rendre aux séances du congrès.

- Pris pour notification. (M. B., 30 juin, et P. V.)


M. Cellier adresse des observations sur l'article 21 du projet de loi concernant les distilleries. (P. V.)

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner ce projet. (P. V.)


M. Xavier présente des observations sur les traitements et salaires des fonctionnaires publics.


M. de Peltier demande une augmentation de pension. (P. V.)


- Renvoi à la commission des pétitions. (P. V.)


Projet de décret annulant la réunion des états provinciaux en juillet 1831 et autorisant les députations des états à exercer leurs compétences

Projet de décret sur l'organisation provinciale

Présentation

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, présente 1 ° un projet de décret tendant à empêcher la réunion des états provinciaux qui devaient s'assembler le premier mardi de juillet ; 2° un projet de décret sur l'organisation provinciale. Après en avoir exposé les motifs, l'orateur fait observer que le dernier projet est fort long. Il demande si le congrès veut en entendre la lecture. (Non ! non ! l'impression !) (M. B., 30 juin.)

M. Claes (de Louvain) – J'en demande la lecture par respect pour la publicité. (M. B., 30 juin.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Il n'y a rien à l'ordre du jour ; je suis prêt à faire au congrès un rapport sur les négociations traitées à Londres ; mais, par respect pour les convenances, je pense que mon rapport doit être précédé de celui de la commission que vous avez nommée. Elle est dans ce moment occupée à rédiger le rapport, elle sera prête à le donner très peu de temps ; en attendant il convient comme l'a dit le préopinant, par respect pour la publicité, de donner lecture du projet. (M. B., 30 juin.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, donne lecture du projet de décret sur l'organisation provinciale. (M. B., 30 juin.)

- Des voix – L'impression ! l'impression ! (M. B., 30 juin.)

M. Alexandre Rodenbach – Je demande qu'un exemplaire du projet soit envoyé à chaque journal. (M. B., 30 juin.)

- Un des secrétaires – Cela se fait toujours. (M. B., 30 juin.)

- L'assemblée ordonne l'impression et la distribution des deux projets de décret présentés par M. le ministre de l'intérieur. (P. V.)

Interpellation relative au contrôle par le gouvernement des actes posés par une association caritative

Interpellation

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Je demande la permission d'adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur sur un acte sorti de ses bureaux, et qui me paraît fort inconstitutionnel. (M. B., 30 juin.)

M. le président – Vous avez la parole. (M. B., 30 juin.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Messieurs, vous savez qu'il existe à Bruxelles une association patriotique, que cette association a son règlement, ses jours de réunion, et que chacun de ses membres est astreint à une rétribution mensuelle. Que penseriez-vous qu'elle fît si (page 343) M. le ministre de l'intérieur lui enjoignait de lui communiquer son règlement, et de lui rendre dans le plus bref délai un compte sévère de ses recettes et de l'emploi de ses fonds ? Vous êtes persuadés, j'en suis certain, que l'association patriotique renverrait à M. le ministre sa lettre sous enveloppe pour toute réponse. (On rit.) L'association a bec et ongles pour se défendre (nouveau rire.), aussi le ministre ne s'attaque pas à elle ; mais que direz-vous quand vous saurez qu'il s'adresse à de pauvres filles dont toute la profession est la prière et le soin qu'elles prennent des pauvres ; et qu'il les somme de lui fournir les comptes du peu qu'elles possèdent et de l'usage qu'elles en font ? Vous aurez de la peine à le croire ; eh oui, messieurs, on s'adresse à de pauvres filles qui depuis trente ans sont vexées par tous les ministres qui se sont succédé, à des filles qui ignorent peut-être jusqu'à l’existence du congrès, qui ne connaissent du pouvoir que le ministre de l’intérieur, qu'elles se représentent sans doute comme un ogre créé pour leur tourment. (Hilarité générale et prolongée.) Ici, le ridicule cesse, messieurs, et fait place à l’indignation. Je vous le demande, messieurs, quel besoin M. le ministre a-t-il des règlements d'une maison de religieuses ? A quoi s'occupe-t-il pendant que la nation se prépare à la guerre ? à faire des collections de vies de saints (nouvelle hilarité), des vies de saint Remi, de saint François , de saint Augustin. (L'hilarité va croissant, M. le ministre de l'intérieur s'agite sur banc.) C'est pitoyable ! Mais ce qui n'est pas pitoyable, c'est de voir qu'au mépris de la constitution que vous avez proclamée, on vexe les Belges qui veulent jouir des libertés qu'elle consacre. J’en viens à l'interpellation que je voulais faire à M. le ministre.

Vous savez, messieurs, que le roi Guillaume avait permis à certaines associations de charité d’exister. Il ne les avait pas reconnues comme personnes civiles, mais il avait suspendu en leur faveur l'article du Code pénal qui défend de se réunir au nombre de plus de vingt personnes. Le ministre de l'intérieur du roi Guillaume exigeait que les règlements de ces associations lui fussent communiqués, ainsi que les comptes de la maison. Le ministre de l'intérieur d'aujourd'hui continue les errements du gouvernement hollandais. Il exige des sœurs noires et des sœurs grises (hilarité) ce qu'on exigeait d'elles avant la révolution. Voici sa circulaire aux gouverneurs des provinces :

« M. le gouverneur,

« L'article 20 de la constitution, qui reconnaît aux Belges le droit de s'associer, ne donne point aux associations qui seront formées en vertu de cette disposition, dans un but religieux, philosophique, industriel, etc., le droit d'acquérir et de transférer des biens, comme personnes civiles ; elle ne leur confère aucun privilège semblable, et laisse entière la législation préexistante à cet égard.

« Quant aux associations précédemment reconnues comme personnes civiles, elles restent soumises aux obligations que leur imposent les lois et règlements qui les instituent.

« Elles ne peuvent scinder les conditions de leur existence en cette qualité.

« L'arrêté du gouvernement provisoire, en date du 16 octobre dernier (Bull., n° 12) ne contient aucune disposition qui confère de plein droit aux associations, les droits réservés par la loi aux personnes civiles, ou dispense des obligations qui leur sont imposées les associations déjà existantes et auxquelles ces droits sont attribués. Cet arrêté n'est donc en rien contraire aux présentes instructions, que je vous prie, M. le gouverneur, de suivre exactement, relativement aux associations déjà établies ou qui se forment dans votre province.

« Agréez, etc.

« Bruxelles, 16 avril 1831.

« Le ministre de l'intérieur, E. DE SAUVAGE. »

Je ne contesterais pas, reprend l'orateur, le système du ministre de l'intérieur si ces congrégations voulaient se constituer personnes civiles. Mais cela n'est pas ainsi, et il y a de sa part ou ignorance profonde de nos lois, ou volonté perverse. Ignorance profonde s'il ne sait pas que la loi n'a rien à demander aux associations qui ne sont pas constituées comme personnes civiles. Volonté perverse si, connaissant la loi, il emploie un emberlificotage administratif pour faire croire à de pauvres religieuses qu'elles sont personnes civiles ! (M. B., 30 juin, et 1er juill.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – J'ai le droit de m'étonner, messieurs, des reproches d'extrême ignorance ou de perversité qu'on m'adresse en me faisant une interpellation qui pouvait m'être adressée sans l'emploi de termes que je ne peux regarder que comme offensants. (M. B., 30 juin.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Si j'ai dit quelque chose d'injurieux, je le retire. (M. B., 30 juin.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur(page 344) Que vous retiriez ou non des qualifications injurieuses, je n'y répondrai pas ; je me contenterai de prouver que vous avez tort et dans la forme et au fond. L'honorable préopinant, messieurs, a mis la question où elle n'était pas. Je me souviens des instructions qu'il vient de lire, et je me félicite d'en avoir conservé le souvenir à travers une foule d'autres affaires administratives. La question qu'il s'agit de poser est de savoir si parce que la constitution a proclamé la liberté d'association, les congrégations religieuses doivent échapper à la surveillance du gouvernement. Il s'agit encore de savoir s'il sera permis à des corporations religieuses de posséder des biens sans que le gouvernement s'enquière de leur usage. Je ne conçois pas qu'une corporation possède des biens autrement que comme personne civile, et je nie que mes instructions aient été adressées à des corporations qui ne possédaient pas des biens. Eh bien, messieurs, dans cette hypothèse, je maintiens que j'aurais violé les lois existantes si je n'avais pas donné ces instructions. L'honorable préopinant s'est mépris étrangement. Qu'avez-vous dit dans la constitution ? Vous avez proclamé le droit d'association, qui est le droit de la nature elle-même. Mais avez-vous rétabli les corporations comme personnes civiles ? Non, mille fois non. L'ignorance n'est donc pas de mon côté. Selon moi, vous n'avez pas dérogé par la constitution ni le gouvernement provisoire par son décret du 20 octobre, au décret de l'Empire de 1809 qui a créé des corporations comme personnes civiles. Un contrat s'est formé en vertu de ce décret entre le gouvernement et les corporations possédant des biens ; et je dis aux corporations qui sont dans ce cas : Si vous possédez des biens, vous ne pouvez pas scinder les conditions de notre contrat et refuser de vous soumettre à la loi que vous vous êtes imposée. Voilà, messieurs, les raisons qui m'ont déterminé à donner les instructions dont on se plaint, .et je ne pense pas avoir mérité aucun des reproches qui m'ont été adressés. (M. B., 30 juin.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – M. le ministre a déplacé la question. Je ne demande pas que les corporations soient considérées comme personnes civiles ; au contraire, je dis que les corporations ne sont pas des personnes civiles et que ce n'est qu'un prétexte... (M. B., 30 juin.)

M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Ce n'est pas un prétexte ; je demande seulement si les corporations auxquelles je me suis adressé ont des biens. Si elles ont des biens, et je défie qui que ce soit de me dire en face qu'elles n'en ont pas, j'ai dû leur faire les demandes que j'ai faites. (M. B., 30 juin.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – M. le ministre demande si les corporations possèdent des biens. je le renvoie pour toute réponse à ses bureaux ; qu'il voie les comptes rendus de ces corporations, il y verra une colonne pour les biens et pour les revenus, et au-dessous des mots biens et revenus, il y verra zéro. Il y a une colonne intitulée : charités publiques ; à cette colonne il verra tant de florins. (M. B., 30 juin.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt – je dois relever une erreur échappée à M. le ministre. Il a dit que toute association qui possédait des biens était personne civile. Je conteste une pareille assertion. Pour être personne civile, il faut que la personne soit morte et que la société subsiste ; qu'au décès d'une des personnes appartenant à l'association, ses parents n'en héritent pas, mais la société. Des personnes peuvent s'associer et mettre leurs biens en commun sans être personnes civiles ; il suffit pour cela que les parents héritent des biens que le défunt avait mis dans la société. C'est ainsi que vous l'avez entendu lors de la discussion de la constitution. (E., 30 juin.)

Insuffisance des préparatifs militaires et état de la garde civique dans la province de Limbourg

M. Jaminé – Je demande la parole. Messieurs, si le ministre de la guerre était à la séance, je lui adresserais une interpellation importante ; mais comme je n'ai pas l'honneur de le voir ici, pour lui éviter la peine de faire le trajet de son hôtel jusqu'au palais National, je vais faire mon observation, que le bureau voudra bien lui transmettre. Il est incontestable, messieurs, qu'en cas de guerre, le Limbourg est de nos provinces plus exposée aux irruptions de l'ennemi. Sur toute la ligne il n’y a pas un soldat, et au centre de cette ligne cependant se trouvent six mille hommes de troupes ennemies : je veux parler de la garnison de Maestricht qui, je pourrais aisément le prouver, augmente de jour en jour. Cependant, l'enthousiasme révolutionnaire n'est pas éteint dans le Limbourg. Grâce aux administrateurs des districts, la garde civique est partout organisée ; le premier ban est entièrement habillé, et en cas de guerre, la patrie peut compter sur les braves qui le composent ; mais qu'on les arme, car jusqu’ici il y a à peine de quoi armer un bataillon.. On n’a envoyé à Hasselt et à Ruremonde que neuf cent mille fusils, on en a réclamé en vain un plus grand nombre ; le ministère a été sourd à ces réclamations. Si le Limbourg avait des moyens de publicité, je me tairais, parce que les plaintes consignées dans les papiers publics seraient arrivées (page 345) jusqu'au congrès, et auraient excité sa sollicitude. A défaut d'autres moyens de publicité, j'ai dû faire mon observation : j'espère que le ministre de la guerre en fera son profit. (M. B., 30 juin.)

M. le président – Vous n'avez pas fait de proposition écrite, je n'ai rien à mettre aux voix. (M. B., 30 juin.)

M. Jaminé – C'est une simple observation que je fais. D'ailleurs les journaux rendront compte de ma réclamation, ainsi mon but se trouve atteint. (M. B., 30 juin.)

M. Charles Coppens – Je demande que M. le ministre de la guerre soit invité à se rendre le sein du congrès. J'ai plusieurs interpellations importantes à lui adresser. (M. B., 30 juin.)

- A Ce moment quelques membres de la députation envoyée à Londres entrent dans la salle. MM. de Gerlache, Van de Weyer, Destouvelles, le baron Osy, etc., serrent la main à plusieurs de leurs collègues. (M. B., 30 juin.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, je ne m'opposerai jamais comme député à ce que le congrès appelle dans son sein les ministres, pour leur faire les interpellations qu'il jugera convenables ; les ministres du régent s'empresseront toujours de déférer aux vœux de l'assemblée, et je ne pense pas que les ministres, quels qu'ils soient, aient montré si peu d'empressement d'assister à nos séances pour légitimer les observations amères qui viennent d'être faites en l’absence d'un ministre, qui devrait, pour assister toujours à nos séances, abandonner des travaux qui exigent tous ses moments. J'ajouterai en outre que si on a des interpellations à faire au ministre de la guerre, il serait imprudent de les faire en séance publique. (Rumeur.) S'il n'y avait que des Belges dans cette enceinte, je n'y verrais aucun inconvénient ; mais songez que chacune des paroles qui retentit dans cette enceinte est rapportée à La Haye ; or, convient-il de faire connaître par des interpellations indiscrètes nos ressources au roi de Hollande ? (M. B., 30 juin.)

M. Jottrand – Il les connaît mieux que vous. (M. B., 30 juin.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – S’il les connaît mieux que moi, ce n'est pas par l’indiscrétion du ministère. Du reste, si on veut tirer des interpellations au ministre de la guerre, qu'on le fasse avertir, mais je ne doute pas que le congrès ne trouve prudent de l'interroger en comité général. (M. B., 30 juin.)

M. Jaminé – Je ne sais pourquoi M. le ministre des affaires étrangères ou le député Lebeau a cru devoir faire sur mon interpellation au ministre de la guerre des observations qui, selon lui, sont amères. Je crois avoir suivi l'usage pratiqué jusqu'ici lorsqu'on a voulu faire des observations à un ministre. J'ai fait observer à celui de la guerre qu'il fallait des armes pour la garde civique, et ce n'est pas la première fois qu'une telle demande part du sein de cette assemblée. J'ai ajouté que la ligne de la Meuse était dégarnie, que le patriotisme des habitants du Limbourg n'en était pas refroidi. Ai-je dit pour cela quel était le fort et le faible de notre armée ? ai-je commis quelque imprudence ? Mais ce serait le ministre qui aurait été imprudent et non pas moi, en laissant dégarni le côté le plus vulnérable du pays. J'ai donc usé de mon droit en agissant comme je l'ai fait, et je me soumets du reste, à cet égard, au jugement de cette assemblée. (M. B., 30 juin.)

Traité des XVIII articles portant les préliminaires de paix

Rapport de la députation diplomatique du Congrès à Londres

M. le président – La parole est à M. de Gerlache. (Vif mouvement de curiosité, profond silence.) (M. B., 30 juin.)

M. de Gerlache, président de la députation du congrès à Londres – Messieurs, j'aurais désiré avoir quelques moments de loisir pour me recueillir, avant de vous faire mon rapport sur la haute mission dont vous nous avez chargés. Mais l'impatience bien naturelle que manifestent le congrès et le public nous détermine à vous faire immédiatement part des pièces dont nous sommes porteurs. Nous avons été reçus avant-hier seulement chez S. A. R. le prince de Saxe-Cobourg, entre neuf et dix heures du soir, à l'effet de lui présenter l'acte solennel du 4 du présent mois, qui l'appelle à régner sur la Belgique.

J'aurai l'honneur de vous donner lecture, d'abord de la réponse de Son Altesse Royale, qui accepte le trône aux termes qui vous seront communiqués par les organes du ministère chargés de négocier avec la conférence de Londres ; et 2° de la réponse du prince à une lettre de M. le régent. Nous avons cru devoir vous communiquer cette réponse, parce que Son Altesse Royale y annonce positivement l'intention de se rendre immédiatement en Belgique, dans le cas où les propositions de la conférence seraient acceptées par vous.

Quant à ces propositions elles-mêmes, comme elles n'ont été signées qu'avant-hier assez tard dans la soirée, à peine les membres de la députation ont-ils eu le temps d'en prendre connaissance. Je regrette l'absence forcée de quelques-uns de (page 346) nos collègues, qu'une extrême fatigue retient chez eux. Mais au jour que vous aurez fixé pour la discussion, chacun d'eux s'empressera de rassembler tous les renseignements qu'il aura pu recueillir pendant son séjour à Londres, et de vous le communiquer,

Vous voyez, messieurs, que si nous vous avons laissés jusqu'aujourd'hui dans une complète ignorance des résultats de notre mission, c'est que nous avons été nous-mêmes dans une grande ignorance et dans une extrême perplexité jusqu'au dernier moment. Les seuls faits dont nous ayons eu connaissance tout en arrivant, et que nous avons individuellement transmis à quelques-uns de nos collègues, c'est le désir du prince de se rendre au vœu des Belges ; le vif intérêt, la part personnelle qu'il prend à nos affaires ; les qualités aimables et estimables qui le distinguent ; cette haute capacité qui comprend les besoins d'un peuple ami de tous les genres de libertés : tous les membres de votre commission ont été unanimes sous ce rapport. Avant de vous donner connaissance de la réponse du prince, je vous demande la permission de vous répéter les paroles adressées par le président de la députation à Son Altesse Royale, au nom de ses collègues.

« Discours adressé à S. A. R. le prince Léopold de Saxe-Cobourg

« Monseigneur,

» La révolution belge est un fait accompli, ce fait a été reconnu par les grandes puissances, qui ont proclamé l'indépendance d'une nation réunie, contre sa volonté, à une nation étrangère. Les Belges, en se constituant, ont voulu fonder au dedans les libertés conquises au prix d'une lutte courageuse, et montrer à l'Europe, par le choix du souverain destiné à garantir leur existence politique, le vif désir de concourir à la conservation de la paix générale. Désormais, rendus à eux-mêmes, invinciblement attachés à leur patrie, au gouvernement qu'elle s'est donné, ils opposeront une barrière redoutable à quiconque attenterait à leurs droits, comme nation, et ils contribueront aussi au maintien de l'équilibre européen.

« C'est un rare et beau spectacle dans les fastes des peuples que l'accord de quatre millions d'hommes libres déférant spontanément la couronne à un prince né loin d'eux et qu'ils ne connaissaient que par ce que la renommée publiait de ses éminentes qualités. Votre Altesse Royale est digne de cet appel, digne de répondre à cette marque de confiance. Le bonheur de la Belgique, et peut-être la paix de l'Europe entière, sont actuellement dans ses mains ! Pour prix d'une noble résolution, prince, nous ne craignons pas de vous promettre de la gloire, les bénédictions d'un bon et loyal peuple, toujours attaché à ses chefs tant qu'ils ont respecté ses droits, et enfin une mémoire chère à la postérité la plus reculée. Ceux d'entre les Belges qui depuis quelque temps ont eu l'avantage d'approcher de la personne de Votre Altesse Royale, et d'apprécier les vues éclairées et la fermeté de son âme, ont pensé qu'un prince doué de facultés si hautes saurait franchir tous les obstacles, s'il en rencontrait, pour accomplir s'es grandes destinées !

« Au nom et d'après les ordres du congrès national, la députation belge a l'honneur de remettre à Votre Altesse Royale l'acte solennel du 4 du présent mois, qui l'appelle au trône de la Belgique. »

« DÉCRET D'ÉLECTION.

« AU NOM DU PEUPLE BELGE,

« Le congrès national

« Décrète :

« Art. 1er. S. A. R. Léopold-George-Chrétien-Frédéric, prince de Saxe-Cobourg, est proclamé roi des Belges, à la condition d'accepter la constitution telle qu'elle est décrétée par le congrès national.

« Art. 2. Il ne prend possession du trône qu’après avoir solennellement prêté, dans le sein du congrès, le serment suivant :

« Je jure d'observer la constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. »

« Charge le pouvoir exécutif de l'exécution du présent décret.

« Bruxelles, au palais de la Nation, 4 juin 1831.

« Le président du congrès national, E. C. DE GERLACHE,

« Les secrétaires, membres du congrès national,LIEDTS, NOTH0MB, Vicomte VILAIN XIIII, HENRI DE BROUCKERE. »

Réponse de S.A. R. le prince Léopold de Saxe-Cobourg

« Messieurs, je suis profondément sensible au vœu dont le congrès belge vous a constitués les interprètes.

(page 347) « Cette marque de confiance m'est d’autant flatteuse qu'elle n'avait pas été recherchée par moi.

« Les destinées humaines n’offrent pas de tâche plus noble et plus utile que celle d'être appelé à maintenir l'indépendance d'une nation, et à consolider ses libertés.

« Une mission d'aussi haute importance peut seule me décider à sortir d'une position indépendante, et à me séparer d'un pays auquel j'ai été attaché par les liens et les souvenirs les plus sacrés, et qui m'a donné tant de témoignages de sympathie.

« J’accepte donc, messieurs, l'offre que vous me faites, bien entendu que ce sera au congrès des représentants de la nation à adopter les mesures qui seules peuvent constituer le nouvel Etat, et par là lui assurer la reconnaissance des Etats européens.

« C’est n’est qu'ainsi que le congrès me donnera faculté de me dévouer tout entier à la Belgique, et de consacrer à son bien-être et à sa prospérité les relations que j'ai formées dans les pays dont l'amitié lui est essentielle, et de lui assurer, autant qu'il dépendra de mon concours, une existence indépendante et heureuse. »

Lettre de S.A. R. le prince de Saxe-Cobourg à M. le régent de la Belgique

« Monsieur le régent,

« C’est avec une sincère satisfaction que j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite, datée du 6 juin (L’ouvrage d’E HUYTTENS reprend en note de bas de page le contenu de cette lettre. Il n’est pas repris dans la présente version numérisée). Les circonstances qui ont retardé ma réponse vous sont trop bien connues pour avoir besoin d'une explication.

« Quel que soit le résultat des événements politiques relativement à moi-même, la confiance flatteuse que vous avez placée en moi m'a imposé le devoir de faire tous les efforts qu'il a été en mon pouvoir, pour contribuer à mener à une fin heureuse une négociation d'une si grande importance pour l'existence de la Belgique, et peut-être pour la paix de l'Europe. .

« La forme de mon acceptation ne me permettant pas d'entrer dans les détails, je dois ici ajouter quelques explications. Aussitôt que le congrès aura adopté les articles que la conférence de Londres lui propose, je considérerai les difficultés comme levées pour moi, et je pourrai me rendre immédiatement en Belgique.

« Actuellement, le congrès pourra d'un coup d'œil embrasser la position des affaires. Puisse sa décision compléter l'indépendance de sa patrie, et par là me fournir les moyens de contribuer à sa prospérité avec le dévouement le plus vrai.

« Monsieur le régent, veuillez agréer l'expression de mes sentiments distingués.

« Londres, le 26 juin 1831.

« LÉOPOLD. » (A. C.)

- Plusieurs voix – L'impression ! (M. B., 30 juin.)

(page 348) L'assemblée ordonne l'impression du rapport de M. de Gerlache, ainsi que des pièces qui l’accompagnent. (P. V.)

Rapport du ministre des affaires étrangères

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères, monte à la tribune (profond silence) – Messieurs, par votre décret du 2 juin courant, vous avez adopté les résolutions suivantes :

« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à ouvrir des négociations pour terminer toutes les questions territoriales au moyen de sacrifices pécuniaires, et à faire des offres formelles dans ce sens.

« Art. 3. L'arrangement qui pourra intervenir sur ces négociations sera soumis à la ratification du congrès ; et, dans tous les cas, il sera fait au plus tard le 30 juin un rapport sur l'état de ces négociations à l'assemblée, qui statuera immédiatement si elles doivent être continuées ou rompues. »

Le terme du 30 juin ainsi fixé ne m'a point paru exclure la faculté de vous présenter auparavant le rapport dont parle le décret ; et j'ai cru de mon devoir de n'apporter aucun retard à des communications que l'état du pays réclame si vivement.

En exécution du décret précité, j'ai proposé à M. le régent l'arrêté dont la teneur suit :

« AU NOM DU PEUPLE BELGE,

« Nous baron Surlet de Chokier, régent de la Belgique ;

« Sur le rapport du ministre des affaires étrangères ;

« Le conseil des ministres entendu ;

« Vu l'article 2 du décret du congrès national du 2 juin 1831 ainsi conçu : « Le gouvernement est autorisé à ouvrir des négociations pour terminer toutes les contestations territoriales au moyen de sacrifices pécuniaires, et à faire des offres formelles en ce sens, »

« Avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Sont nommés commissaires près de la conférence de Londres : MM. Paul Devaux, membre du congrès national et du conseil des ministres, et Nothomb, membre du congrès national et secrétaire général du ministère des affaires étrangères.

« Art. 2. Le ministre des affaires étrangères est chargé de l'exécution, etc.

« Bruxelles, le 4 juin 1831.

« E. SURLET DE CHOKIER.

« Par le régent :

« Le ministre des affaires étrangères, LEBEAU. »

Les pouvoirs suivants ont été donnés à MM. les commissaires :

« Bruxelles, le 5 juin 1831.

« Messieurs,

« Le congrès national, par un décret solennel, a élu comme roi des Belges S. A. R. le prince de Saxe-Cobourg.

« Une députation choisie par l'assemblée constituante et législative s'est rendue à Londres pour offrir au prince la couronne que lui décerne l’immense majorité des représentants du peuple, interprètes fidèles de l'opinion publique et des vœux de la nation.

« L'article 2 du décret, en date du 2 juin, autorise le gouvernement à ouvrir des négociations pour terminer, par des sacrifices pécuniaires, toutes les contestations territoriales qui existent entre la Belgique et la Hollande, et pour faire des offres formelles en ce sens.

« Les cinq grandes puissances de l'Europe représentées par Vos Excellences, réunies à Londres, n'ont cessé d'interposer leurs bons offices, depuis le mois de novembre, pour que la révolution belge se terminât sans une nouvelle effusion de sang, au moyen d'une médiation amicale et bienveillante. La conférence a ouvert des voies pacifiques où les Belges espèrent que bientôt ils ne rencontreront plus d'obstacles ; c'est encore par vous, messieurs, que seront communiquées aux deux parties belligérantes les propositions qui peuvent amener la conclusion d'un traité définitif.

« M. le régent de la Belgique a donc arrêté, le 4 de ce mois, que M. Paul Devaux, membre du congrès national et du conseil des ministres, et M. Nothomb, membre du congrès national et secrétaire général du ministère des affaires étrangères, (page 349) sont nommés commissaires près de la conférence de Londres, en exécution du décret porté par le congrès national, sous la date du 2 juin.

« J'ai l'honneur, messieurs, de vous donner connaissance officielle de cet arrêté du chef de l’Etat, et de vous inviter à vouloir bien donner une entière créance à tout ce que vous diront MM. Devaux et Nothomb, dans la limite de l'autorisation contenue en ce décret du congrès national. Ils feront toutes offres de sacrifices pécuniaires pour obtenir ou conserver la paisible possession des parties contestées du territoire qui doit composer le royaume de la Belgique, aux termes de la constitution décrétée le 7 février dernier ; et ils sont autorisés à conclure, sauf ratification, si la partie intéressée accepte leurs offres.

« Je prie Vos Excellences d'agréer l'assurance de ma haute considération.

« Le ministre des affaires étrangères,LEBEAU. »

« A LL. EE. MM. les ambassadeurs et ministres d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, réunis en conférence à Londres.»

Les commissaires ont eu différents rapports, tant avec le ministre des affaires étrangères de la Grande-Bretagne, qu'avec plusieurs membres de la conférence.

Le 26 juin, les commissaires ont reçu la lettre suivante :

« A MM. Devaux et Nothomb, etc.

« Ministère des affaires étrangères, 26 juin 1831.

« Messieurs,

« J'ai l'honneur, d'après le désir de la conférence, de vous transmettre une lettre adressée par la conférence à M. Lebeau, en réponse à la communication de M. Lebeau à la conférence, communication que vous avez remise entre mes mains il y a peu de jours.

« J’ai l'honneur d'être, messieurs, votre très obéissant et humble serviteur,

« PALMERSTON. »

Ils ont accusé réception de cette lettre dans les termes suivants :

« Londres, 26 juin 1831.

« Milord,

« Nous avons l'honneur de vous accuser réception de la lettre cachetée que vous avez bien voulu nous transmettre de la part de la conférence. Nous aurons soin, à notre arrivée en Belgique, de la remettre à M. le ministre des affaires étrangères, à qui elle est adressée.

« Agréez, milord, l'assurance de la haute considération avec laquelle nous avons l'honneur d'être vos très humbles serviteurs,

« P. DEVAUX. NOTHOMB.»

A cette lettre était joint un paquet cacheté à mon adresse, contenant les deux pièces dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture :

« Monsieur,

« Nous avons eu l'honneur de recevoir la lettre, en date du 5 juin, que MM. Devaux et Nothomb nous ont remise de votre part, et nous croyons devoir vous adresser en réponse les articles ci-joints que la conférence de Londres vient d'arrêter, pour être communiqués aux deux parties intéressées. .

« La conférence considérera ces articles comme non avenus, si le congrès belge les rejette en tout ou en partie.

« Agréez, monsieur, l'assurance de notre considération très distinguée.

« Londres, 26 juin 1831.

« ESTERHAZY. WESSENBERG., TALLEYRAND, PALMERSTON, BULOW, MATUSZEWIC. »

Texte du traité des XVIII articles

« La conférence, animée du désir de concilier les difficultés qui arrêtent encore la conclusion des affaires de la Belgique, a pensé que les articles suivants, qui formeraient les préliminaires d'un traité de paix, pourraient conduire à ce but. Elle a résolu en conséquence de les proposer aux deux parties.

» Art. 1er. Les limites de la Hollande comprendront tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas, en l'année 1790.

« Art. 2. La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas dans les traités de 1815.

» Art. 3. Les cinq puissances emploieront leurs bons offices pour que le statu quo dans le duché de Luxembourg soit maintenu pendant le cours de la négociation séparée, que le souverain de la (page 350) Belgique ouvrira avec le roi des Pays-Bas et avec la confédération germanique, au sujet dudit Grand-Duché ; négociation distincte de la question des limites entre la Hollande et la Belgique.

« Il est entendu que la forteresse de Luxembourg conservera les libres communications avec l'Allemagne.

« Art. 4. S'il est constaté que la république des Provinces-Unies des Pays-Bas n'exerçait pas exclusivement la souveraineté dans la ville de Maestricht en 1790, il sera avisé par les deux parties aux moyens de s'entendre à cet égard sur un arrangement convenable.

« Art. 5. Comme il résulterait des bases posées dans les articles 1 et 2 que la Hollande et la Belgique posséderaient des enclaves sur leurs territoires respectifs, il sera fait à l'amiable entre la Hollande et la Belgique les échanges qui pourraient être jugés d'une convenance réciproque.

« Art. 6. L'évacuation réciproque des territoires, villes et places, aura lieu indépendamment des arrangements relatifs aux échanges.

« Art. 7. Il est entendu que les dispositions des articles 108 jusqu'à 117 inclusivement de l'acte général du congrès de Vienne, relatifs à la libre navigation des fleuves et rivières navigables seront appliquées aux fleuves et aux rivières qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.

« La mise à exécution de ces dispositions sera réglée dans le plus bref délai possible.

« La participation de la Belgique à la navigation du Rhin par les eaux intérieures, entre ce fleuve et l'Escaut, formera l'objet d'une négociation séparée entre les parties intéressées, à laquelle les cinq puissances prêteront leurs bons offices.

« L'usage des canaux de Gand à Terneuze et de Zuid Willems'Vaart, construits pendant l'existence du royaume des Pays-Bas, sera commun aux habitants des deux pays ; il sera arrêté un règlement sur cet objet.

« L'écoulement des eaux des Flandres sera réglé de la manière la plus convenable, afin de prévenir les inondations.

« Art. 8. En exécution des articles 1 et 2, qui précèdent, des commissaires démarcateurs hollandais et belges, se réuniront, dans le plus bref délai possible, en la ville de Maestricht, et procéderont à la démarcation des limites qui doivent séparer la Hollande et la Belgique, conformément aux principes établis à cet effet dans les articles 1 et 2.

« Ces mêmes commissaires s'occuperont des échanges à faire par les pouvoirs compétents des deux pays par suite de l'article 5.

« Art. 9. La Belgique, dans ses limites telles qu'elles seront tracées conformément aux principes posés dans les présents préliminaires, formera un État perpétuellement neutre. Les puissances, sans vouloir s'immiscer dans le régime intérieur de la Belgique ; lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire, dans les limites mentionnées au présent article.

« Art. 10. Par une juste réciprocité, la Belgique sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres États, et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure, en conservant toujours le droit de se défendre contre toute agression étrangère.

« Art. 11. Le port d'Anvers, conformément à l'article 15 du traité de Paris du 30 mai 1814, continuera d'être uniquement un port de commerce.

« Art. 12. Le partage des dettes aura lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité des dettes qui originairement pesait, avant la réunion, sur les divers territoires dont ils se composent, et à diviser, dans une juste proportion, celles qui ont été contractées en commun.

« Art. 13. Des commissaires liquidateurs nommés de part et d'autre se réuniront immédiatement ; le premier objet de leur réunion sera de fixer la quote-part que la Belgique aura à payer provisoirement ; et sauf liquidation, pour le service d'une portion des intérêts des dettes mentionnées dans l'article précédent.

« Art. 14. Les prisonniers de guerre seront renvoyés de part et d'autre quinze jours après l’adoption de ces articles.

« Art. 15. Les séquestres mis sur les biens particuliers dans les deux pays seront immédiatement levés.

« Art. 16. Aucun habitant des villes, place, territoires, réciproquement évacués, ne sera recherché ni inquiété pour sa conduite politique passée.

« Art. 17. Les cinq puissances se réservent de prêter leurs bons offices lorsqu'ils seront réclamés par les parties intéressées.

« Art.18. Ces articles, réciproquement adoptés, seront convertis en traité définitif.

« Signé, ESTERHAZY, TALLEYRAND, PALMERSTON, BULOW, MATUSZEWIC.

« Pour copie conforme :

« PALMERSTON. »

Les commissaires ont eu aussi des rapports fréquents avec le prince ; les détails de ces rapports trouveront leur place dans un comité général, que le congrès jugera sans doute nécessaire de fixer à un bref délai.

- M. le ministre descend de la tribune. Une longue agitation succède à son rapport.) (M. B., 30 juin, et A. C.

- Des voix – L'impression ! l'impression ! (M. B., 30 juin.)

Proposition de former le comité général

M. Alexandre Gendebien – Je demande l’impression très prochaine des articles de la conférence sur lesquels surtout doit porter notre discussion. (M. B., 30 juin.)

M. Brabant – Je demande qu'on imprime en même temps les articles du congrès de Vienne auxquels les articles de la conférence se rapportent (M. B., 30 juin.)

- L’impression du rapport et des pièces est ordonnée. (P. V.)

M. le président – Veut-on faire le comité général à midi ? (M. B., 30 juin.)

- Plusieurs voix – A demain ! à demain ! (M. B., 30 juin.)

M. de Robaulx – Je déclare protester contre toute proposition de nous réunir en comité général. Les communications à faire touchent de trop près les plus chers intérêts de la patrie, pour que nous devions craindre de les entendre en séance publique ; et, pour ma part, je déclare ne pas vouloir accepter la responsabilité d'une décision qui amènerait un comité secret. (Appuyé ! Bravos dans les tribunes publiques.) (E., 30 juin.)

M. Seron, M. Jottrand, M. l’abbé Dehaerne, M. Helias d’Huddeghem et M. Eugène de Smet protestent aussi contre la proposition d'un comité général. (E., 30 juin.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Il s’agit, en ce moment, non de juger de l'utilité du comité secret, mais de poser deux questions : Y aura-t-il comité secret ? Quand aura-t-il lieu ? Pour la date, je me permettrai seulement de faire une observation. {Plusieurs voix : Le comité de suite ; d'autres voix : Pour demain.) Mon observation porte sur ce point que plusieurs de nos collègues étant absents, précisément parce qu'ils ne s’attendent à un rapport que pour le 30, et que, sans doute, ils ont fixé leur retour pour cette époque, il convient de fixer à jeudi, 30 juin, le comité général. (E., 30 juin.)

M. Alexandre Gendebien – Je m'oppose aussi au comité général, parce qu'aux termes où les négociations en sont arrivées, il ne s'agit plus de communications mystérieuses ; il faut que la public puisse savoir d'après quelles indications nous émettrons nos votes. (E., 30 juin.)

M. Destouvelles, membre de la députation du congrès – Les communications qui doivent vous être faites sont de telle nature, que le comité général est nécessaire. D'ailleurs, si après le comité général, le congrès estime que les communications sont telles qu'elles puissent être rendues publiques sans danger, il peut ordonner que la séance soit rendue publique. Si le comité secret n'a pas lieu, le congrès peut être privé de communications intéressantes. (J. B., 30 juin.)

M. Van Snick – Il ne s'agit pas de savoir maintenant quels seront nos votes, dont aucun de nous n'entend décliner la responsabilité ; mais seulement d'entendre des communications qui pourront peut-être jeter quelques lumières sur la discussion qui devra avoir lieu publiquement ; discussion à la suite de laquelle nous ferons aussi connaître publiquement nos votes. (E.. 30 juin.)

M. de Robaulx – Je pose en fait que ce n'est pas au moyen d'un comité général que nous arriverons à la décision que le pays réclame ; et d'ailleurs nous avons pour nous l'expérience : nous savons où nous ont conduits non seulement les comités secrets ; mais encore les réunions tenues hors de cette enceinte. Nous, députés, nous avons été leurrés, et, par un malheur plus grand encore, la nation peut être victime de ce leurre. On nous a fait, dans des circonstances que vous vous rappellerez tous, des communications officieuses, des semi-révélations ; et que s'en est-il suivi ? que des insinuations ont été faites, et que le mécanisme des votes travaillé dans les comités généraux n'ont pas toujours été connus. Et d'ailleurs, des députés ont été par nous envoyés à Londres, ils ne sont que l'émanation du congrès, qui, lui-même, représente la volonté nationale. La nation a donc le droit de connaître les communications que notre députation peut avoir à nous faire, et comme certainement elle n'aura pas agi contrairement aux intérêts du pays, elle n'a pas de raison pour redouter la publicité des détails qu'elle a sans doute à nous offrir, surtout lorsqu'ils sont inhérents à une décision qui importe au plus haut degré la cause de la patrie. (E., 30 juin.)

M. Destouvelles, membre de la députation du congrès – J'espère que personne dans cette assemblée ne nous supposera l'intention de leurrer le congrès, et je pense que cette expression est échappée à la vivacité d'un collègue que j'estime.

(page 352) Nous avons rempli de notre mieux la mission que vous nous avez confiée, et notre intention n'est pas de nous écarter de la ligne d'honneur que nous nous sommes tracée.

De quoi est-il question ? d'un comité secret. Le règlement l'autorise. Aux termes de l'article 14 de ce règlement, il suffit que vingt membres le demandent pour qu'on ne puisse le refuser. Toute la question est donc de savoir s'il y a vingt membres. Dans ce cas la décision est prise. L'assemblée décidera ensuite si son intention est que la séance soit rendue publique sur le même sujet qui aura occupé le comité secret.

En agissant ainsi, ce ne sera pas leurrer l'assemblée, ce sera exécuter le règlement.

Songez, messieurs, que certaines communications peuvent être de nature à ne pas permettre la publicité. Sans doute, chacun de nous est prêt à prendre la responsabilité de son vote ; mais l'exécution de l'article 14 du règlement n'exclut pas cette responsabilité.

Je persiste dans ma demande d'un comité secret, que je désire voir fixé à jeudi. (E., 30 juin.)

M. Jottrand – Je me fais cette demande de savoir s'il y aura dans l'assemblée vingt membres qui demanderont un comité secret. Quel sera le but d'une pareille réunion ? de nous donner quelques détails, quelques renseignements particuliers, je pourrais presque dire d'intérieur sur le prince Léopold ou sur des personnages diplomatiques qu'on aura vus à Londres. Tout cela est inutile.

L'expérience des huit mois passés ne nous a que trop prouvé que les actes officiels sont les seuls à consulter, les seuls qui restent, les seuls conséquents avec eux-mêmes, et que ne viennent jamais détruire aucunes pièces officieuses.

Cela posé, il y aurait danger à nous obliger de ne pas tout dire dans la discussion publique. Il y aurait danger qu'une majorité qu'on peut former, liât dans un vote secret la minorité de manière à l'empêcher d'émettre solennellement les motifs de son vote.

J'adjure les vingt membres qui pourraient se lever pour le comité secret, je les adjure, par égard pour la minorité, de renoncer à ce projet. (E., 30 juin.)

M. Van de Weyer, membre de la députation du congrès – J'ai donné des garanties de mon amour pour la publicité, mais je pense que la nature des communications que nous pouvons faire nous impose la loi de demander le secret.

Si ce que nous avons à dire était tout à fait officiel, à l'instant même nous monterions à la tribune, et nous n'aurions pas de raison pour retarder la publicité.

Mais nous avons pu recueillir des choses qui sont de nature à jeter quelques lumières sur votre délibération. En ce moment nous sommes seuls juges du degré de mystère dont elles doivent être enveloppées. Quand vous les connaîtrez, vous resterez maîtres de les tenir secrètes ou de les rendre publiques. (E., 30 juin.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je sais qu'il y a toujours de l'impopularité attachée à la demande du secret, cependant je ferai remarquer que ces réunions particulières sont facilement admises en Angleterre et en France (Dénégation.) C'est sur l'Angleterre que je m’appuie surtout.

Messieurs, il y a des intérêts étrangers que notre discussion pourrait avertir ; il y a telle clause sur le sens de laquelle, dans une assemblée secrète, nous pourrons insister, faire voir la ressource que nous en pourrons tirer ; et sans aucun doute il y aurait inconvénient à donner connaissance de ces motifs à un cabinet dont on demande l'acquiescement aux mêmes dispositions.

Je regarde, comme vous le voyez, au-delà de la frontière.

Par ces motifs, j'appuie la demande d'un comité général. (E., 30 juin.)

M. Van Meenen – Je conçois un comité secret, j'en admets même la nécessité dans cette circonstance. Mais je n'admets pas qu'on puisse imposer la loi de conserver le secret ; chacun doit rester libre de communiquer ce qu'il peut avoir entendu dans un comité secret. (E., 30 juin.)

M. de Robaulx – Vous vous rappelez ici, messieurs, que dans toutes les circonstances je me suis élevé contre cette manie de comités secrets ; et quelquefois peut-être vous en ai-je préservés. Vous vous rappelez que j'ai déclaré que la majorité pourrait prendre des décisions et les faire exécuter, mais qu'elle n'aurait jamais la puissance de m'imposer un secret contre ma volonté.

Dans votre dernier comité encore, quand je tenais à peu près ce même langage, que m'a-t-on répondu ? que m'a répondu surtout M. Lebeau, que j'interpelle formellement ici ? Que si je ne voulais pas promettre de garder un secret absolu, il ne ferait pas au congrès les communications importantes dont il était maître ; communications qui se sont trouvées n'être que des futilités. Mais peu importe. Vous avez alors décidé, contrairement à l'opinion qu'émet aujourd'hui M. Van Meenen, vous avez décidé que le secret serait gardé ; et vous (page 355) êtes parvenus à mettre ainsi un éteignoir sur ma pensée. Et qu'est-il arrivé ? Une députation qui était allée à Londres pour préparer l'élection, nous a fait des quasi-révélations ; elle nous a raconté des conversations ; et ensuite, lié par ma promesse, je n’ai pas osé réfuter à la tribune publique les futilités, je dirai presque les niaiseries dont aujourd’hui nous sommes dupes ; et malheureusement non pas nous seulement, mais le pays avec nous (Adhésion et applaudissements.)

Je crains qu'aujourd'hui il n'en soit de même, et qu’une fois engagé dans le comité secret, on ne prétende encore me faire une loi du silence. Quel est le but de ce comité secret ? ne vous y trompez pas, c’est de nous habituer à ces pièces qu'on vient de nous lire, et que je ne peux qualifier autrement que comme résumé de tous les protocoles que nous a envoyés la conférence. (Adhésion très prononcée.)

Je me résume : puisque quelques-uns d'entre désirent un comité général, je ne m'y opposerai pas, si on l'entend comme vient de le faire M. Van Meenen, c'est-à-dire si chacun reste maître de ce qu'il aura appris. Mais autrement je proteste contre de toutes mes forces. (E., 30 juin.)

M. Jottrand – La publicité ainsi que l'appel nominal ont été ordonnés dans un but utile. Ce but est que le vote ne puisse pas être accompagné de restrictions. Si vous ne voulez pas annuler complètement cette intention, il faut que dès à présent et en même temps qu'on décidera le comité secret, il faut, dis-je, qu'on décide que la minorité ne sera pas obligée au secret. (E., 30 juin.)

M. Van Snick déclare que, tout en demandant le comité secret, il considère les membres de la minorité parfaitement libres de communiquer tout ce qu'ils y apprendront. (E., 30 juin.)

M. le président demande si vingt membres veulent faire inscrire leurs noms pour le comité secret. (E., 30 juin.)

M. Claes (de Louvain), le baron Joseph d’Hooghvorst, Van Hoobrouck de Mooreghem, Marcq, Trentesaux, Picquet, le baron de Sécus (père), le marquis de Rodes, Gustave de Jonghe, Destouvelles, le baron de Leuze, le comte Werner de Mérode, Fransman, Delwarde, de Nef, Le Bon, Van Meenen, Thienpont, Domis et l'abbé Boucqueau de Villeraie, se font inscrire pour le comité général ; il est décidé qu'il aura lieu. (P. V.)

M. de Robaulx demande qu'il ait lieu demain. (E., 30 juin.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères désire que ce ne soit qu'après-demain 30. Il se fonde sur ce que plusieurs membres du congrès ne seraient à Bruxelles que pour ce jour-là. (E., 30 juin.)

M. A. Gendebien – Nous sommes aujourd'hui cent quarante. Demain nous serons cent quatre-vingts ; et comme il ne s'agit que de recevoir des communications officieuses, nous saurons bien les transmettre aux quinze ou vingt de nos collègues qui n'arriveraient que le jour suivant. (E., 30 juin.)

M. de Gerlache, président de la députation du congrès – Il faut bien nous donner le temps d'examiner les pièces importantes que nous vous rapportons. Remarquez que nous n'avons pu en prendre qu'une lecture rapide à La Haye (on rit)... je veux dire à Londres. Et ce n'est pas trop de prendre quarante-huit heures. (E., 30 juin.)

M. de Brouckere – On vient de nous dire que l'objet est grave, et qu'il faut prendre le temps de méditer et de se préparer ; mais on devrait réfléchir qu'en comité il n'y a pas de discussion. Quant à moi, j'écouterai et ne dirai pas un mot. Et effectivement notre rôle devra être de recevoir des communications, de prêter l'oreille, et rien de plus. Et cela est si vrai, que nous pourrions y procéder de suite, si ce n'était la fatigue de ces messieurs. Il ne peut être question de discussion qu'en séance publique. (E., 30 juin.)

M. de Gerlache insiste pour le renvoi jusqu'à après-demain. (E., 30 juin.)

M. Van Meenen accède au délai. (E., 30 juin.)

M. Gendebien prend de nouveau la parole pour s'y opposer. On fait valoir, dit-il, l'absence de deux ou trois membres de la députation, mais à coup sûr ils n'ont rien à apprendre de leurs compagnons de voyage. Et s'ils ont quelque chose à nous dire, quoique je n'attache aucune valeur à ces communications officieuses, ils pourront bien nous le dire après-demain.

J'insiste donc pour que le comité secret ait lieu demain. (E., 30 juin.)

M. le président consulte l'assemblée.

- L'épreuve est douteuse. (M. B., 30 juin.)

- Plusieurs voix – L'appel nominal ! (M. B., 30 juin.)

- On procède à l'appel nominal.

142 membres y prennent part.

77 se prononcent pour que le comité général ait lieu jeudi.

65 pour qu'il ait lieu mercredi.

En conséquence il est fixé à jeudi. (P. V.)

Ont voté pour que le comité général ait lieu demain mercredi : MM. Watlet, Le Bègue, Liedts, Joos, Eugène de Smet, Jaminé, Ooms, Jean Goethals, le baron d'Huart, Dams, Teuwens, Alexandre Rodenbach, Jacques, Vergauwen-Goethals, Defacqz, Charles Coppens, Drèze, Pirson, Verwilghen, (page 354), Demelin, de Labeville, de Roo, Bischoff, Cauvin, Isidore Fallon, le chevalier de Theux de Meylandt, de Robaulx, Geudens, Camille de Smet, Roeser, Blargnies, Thonus, Jottrand, l'abbé Van de Kerckhove, l'abbé Dehaerne, Du Bois, Masbourg, Charles de Brouckere, Henri de Brouckere, d'Elhoungne, Claes (de Louvain), Helias d'Huddeghem, Du Bus, Jean-Baptiste Gendebien, Delwarde, Beaucarne, de Tiecken de Terhove, Rosseeuw, Marlet, Brabant, Vander Belen, Fleussu, Claes (d'Anvers), Speelman-Rooman, Van Snick, Alexandre Gendebien, Maclagan, Louis Coppens, le baron de Sécus (père), Seron, Picquet, le comte de Robiano, de Nef, Meeûs, Bredart. (M. B., 30 juin.)

M. Charles de Brouckere demande que la discussion publique sur l'état des négociations ait lieu vendredi. (P. V.)

- Cette proposition est adoptée. (P. V.)

La séance est levée à cinq heures. (P. V.)