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Congrès
national de Belgique
Séance du
dimanche 10 avril 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Démission de deux membres
du congrès (Yve de Bavay, David)
3) Proposition concernant les
droits d’entrée sur le poisson. Rapport de la section centrale
4) Projet de décret
accordant au département de la guerre un crédit supplémentaire de 6 millions de
florins (A. Rodenbach, (rive
gauche de l’Escaut) Andries, de Robaulx, Ch. de Brouckere, Nothomb
(Luxembourg), A. Gendebien, Ch. de Brouckere, Nothomb)
5) Motion d’ordre relative
aux « los-renten » (Beyts, Jottrand, d’Elhoungne, Ch. de Brouckere)
6) Projet de décret relatif
à l’admission au service belge d’officiers supérieurs étrangers. Rapport de la
section centrale
7) Vérification des pouvoirs
d’un nouveau membre du congrès (de Bocarmé)
8) Projet de décret relatif
à l’admission au service belge d’officiers supérieurs étrangers (Demelin, Van de Weyer, de Robaulx, Jottrand, Lebeau, Van de Weyer, Devaux, de Robaulx, Nothomb, Destouvelles, Ch. Rogier, Jottrand, Destouvelles, Ch. de Brouckere, Destouvelles, Van Snick, de Robaulx, Devaux, H. de Brouckere, Van de Weyer, Demelin, Van Snick, A. Rodenbach, Lebeau, de Rouillé, Raikem, Ch. Rogier, Fleussu, Destouvelles)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 63) (Présidence de M. de Gerlache)
La séance
est ouverte à une heure. (P. V.)
M. le baron Joseph d’Hooghvorst – Je
demande la permission d'observer que dans la séance d'avant-hier j'ai été porté
au nombre des absents, tandis que j'étais présent. Je désire que mon
observation soit insérée au procès-verbal, et j’y tiens d'autant plus que
depuis l'ouverture du congrès je n'ai pas manqué une seule de ses séances. (C.,
12 avril.)
-
L'observation sera insérée au procès-verbal. (C., 12 avril.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. le vicomte de
Bousies de Rouveroy, qui demande un congé de quelques jours. (P. V.)
- Un congé
de huit jours lui est accordé. (P. V.)
M.
d’Hanis van Cannart s'excuse d'avoir été obligé de se rendre à Anvers pour une
affaire importante, et de ne pouvoir assister à la séance d'aujourd'hui : il
sera de retour dans un très bref délai. (C., 12 avril.)
(page 64) - Pris pour notification. (P. V.)
M. Destriveaux demande un
congé d'un mois, afin de continuer le cours de droit criminel qu'il enseigne à l'université
de Liége, et qui ne peut plus souffrir d'interruption. (E., 12 avril.)
- Ce congé est accordé. (P. V.)
M. Le marquis d’Yve de Bavay, devant s'absenter
de Bruxelles et ne voulant pas priver sa province d'un de ses représentants,
donne sa démission. (E., 12 avril.)
M. David se voit
forcé, par des raisons indépendantes de sa volonté, de donner sa démission.
(E., 12 avril.)
M. le président invite les commissions de vérification des pouvoirs
compétentes, à faire leur rapport sur l'élection des suppléants qui doivent
être appelés à remplacer M. le marquis d'Yve de Bavay et M. David. (P. V.)
PROPOSITION
CONCERNANT LES DROITS D'ENTREE SUR LE POISSON
M. Serruys fait le
rapport de la commission chargée d'examiner sa proposition concernant les
droits d'entrée sur le poisson provenant de pêche étrangère.
- L'assemblée en ordonne l'impression et la
distribution. (P. V.)
PROJET DE DECRET ACCORDANT AU DEPARTEMENT DE
M. François fait, au nom
de la section centrale, un rapport sur le projet de décret relatif au crédit
supplémentaire de 6,000,000 de florins, demandé pour le ministère de la guerre.
La section centrale a été unanime pour l'adoption du projet, (I., 12 avril., et
P. V.)
- L'assemblée décide de passer immédiatement à la discussion
du projet de décret. (I., 12 avril.)
« Article unique. - II est accordé au ministre de
la guerre un crédit supplémentaire de 6,000,000 de florins pour subvenir aux
besoins extraordinaires du second trimestre de 1831. » (A. C.)
M. Alexandre
Rodenbach – J'applaudis au projet du
gouvernement de mobiliser les gardes forestiers ; il me semble qu'on pourrait
également mobiliser les gardes champêtres (rires
et rumeurs) ; cela nous produirait de suite deux mille hommes. On pourrait
aussi faire marcher la moitié de la gendarmerie dont la totalité s'élève à onze
cent. Cette moitié pourrait être fort utile, tandis que l'autre moitié
suffirait pour le maintien de l'ordre en Belgique, surtout avec le secours du
deuxième et du troisième ban de la garde civique. (I., 12 avril.)
M.
l’abbé Andries – Messieurs,
je crois que le moment est venu d'appeler l'attention du ministère sur
Rappelez-vous, messieurs, que nos
couleurs nationales ont flotté dans toutes les villes du pays de Cadzand, à
l'Écluse, Ardenbourg, Yzendycke, Sas de Gand et à Hulst.
Il n'y avait qu'à Oostbourg qu'on
semblait faire quelque résistance, et cette résistance était provoquée par les
faibles moyens qu'on déployait pour l'occupation du pays, et par la lenteur
incroyable avec laquelle on s'en servait.
MM. Pontécoulant et Grégoire
arrivent chacun avec une proclamation et se croient tous deux chefs de
l'expédition. On marche sur Oostbourg, sans ordre et sans plan, avec une arrière-garde
composée de tous les pillards et vagabonds des villages voisins, attirés
par les paroles de Grégoire, qui avait promis de livrer Oostbourg au pillage. Quelques coups de canon ont suffi pour
dissiper cette troupe, et j'ose en féliciter ma
patrie car la victoire eût rempli le pays de désolation et de crimes.
Depuis lors, le drapeau national a
disparu. J’espère qu'il y sera replanté bientôt ; mais qu'on se rappelle bien que les habitants de la rive gauche de l’Escaut sont nos
frères, et que la justice et la politique exigent impérieusement que nos
troupes y entrent en amies et y observent une discipline très sévère. (Appuyé !
appuyé !) (I., 12 avril.)
M. de Robaulx – Hier M. le ministre nous a parlé
dans son rapport de 600,000 florins qui seraient
appliqués à l'organisation des volontaires. Je lui
demanderai si dans le crédit on devra spécialiser les 600,000 florins, de manière à ce que cette somme ne
puisse pas être dépassée. S’il en était
ainsi, comme je trouve la somme insuffisante, je
déclare que je voterais contre le projet. (I., 12 avril.)
M.
Charles de Brouckere, ministre des finances – J'ai dit hier que l'organisation des volontaires pourrait occasionner
dès l'abord une dépense de 600,000 florins, mais ce n'est pas à (page 65) dire
que
le ministre ne puisse affecter de plus fortes
sommes
à cette organisation. II n'y a sous ce
rapport aucune spécialité. Dans mon rapport, j'ai
parlé des dépenses que pourraient occasionner et l'organisation des
volontaires et la mobilisation du premier ban de la
garde civique. Nous avons trouvé qu'il
fallait actuellement une somme d'environ 5 millions et 100,000 florins, nous avons demandé 6 millions ; il restera donc 900,000 florins sans
emploi momentané, mais dont il est bon de pouvoir disposer pour les dépenses
imprévues. (I.,12 avril.)
M.
de Robaulx – Il suffit que cela ne donne pas lieu à un transfert d'une dépense à une autre, et que le
ministre de la guerre puisse disposer des 6,000,000
de
florins comme l'exigera le besoin du service. (I., 12 avril.)
M.
Nothomb regrette que le ministre de la guerre ne soit pas présent ; il lui aurait demandé des
explications sur l'arrêté qui a paru aujourd'hui dans
les journaux, et qui ordonne l'organisation de huit bataillons de volontaires. L'honorable membre est
étonné qu'on n'ait pas organisé un bataillon
dans le Luxembourg ; il demande des explications
sur la réserve faite à ce sujet dans l’arrêté.
(I., 12 avril.)
M.
Alexandre Gendebien demande s'il est bien nécessaire d'enrégimenter tous les gardes forestiers. Il trouve cette mesure dangereuse si elle est
générale ; à la bonne heure si l'on se contentait d'enrégimenter ceux du
Luxembourg. (I., 12 avril.)
M.
Charles de Brouckere, ministre des finances – Je vais répondre aux deux préopinants.
Si
on n'a pas songé à organiser dans le Luxembourg un corps de volontaires, c'est qu'il n'y a dans le Grand-Duché aucune localité propre à celte
organisation. Le Grand-Duché est d'ailleurs
le
point menacé, ce n'est pas là que l'organisation pourrait se faire
tranquillement. Nous avons mieux aimé faire
cette organisation à Namur, d'où, lorsque les circonstances l'exigeront, les volontaires seront bientôt rendus dans le Grand-Duché. Quant aux gardes forestiers, notre intention ne fut jamais d'en ordonner la levée en masse, mais
d'enrégimenter principalement ceux du Grand-Duché,
qui,
par la connaissance qu'ils ont des localités, pourront être d'une grande
utilité. (I., 12 avril.)
M.
Nothomb – Le gouvernement aurait pu, ce me semble, caserner les volontaires qui auraient été organisés dans le Luxembourg, dans l'abbaye de Saint-Hubert ; cette abbaye appartient au domaine, et elle est située à vingt lieues de
Luxembourg. J'indique ce local à M. le ministre de la guerre, comme tout à fait
propre à cet usage. (I., 12 avril.)
M. Charles Rogier
– On a organisé déjà un bataillon à Arlon. (J. B., 12 avril.)
M. Alexandre Gendebien
demande
que M. le ministre veuille bien prendre en considération les observations
faites par M. Nothomb. (E., 12 avril.)
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion
générale est close. (E.,12 avril.)
On vote par appel nominal sur l'article unique du
projet ; il est adopté à l'unanimité de 105 voix. (P. V.)
M. le baron Beyts – Messieurs, nous
venons de voter de quoi faire la guerre à nos ennemis ; c'est très-bien, mais
cela ne suffit pas. Il faudrait encore prendre garde de ne pas nous laisser
couper les vivres par lui, ni lui donner les moyens de faire la guerre à nos
dépens. Or, c'est ce que nous faisons, grâce à l'émission des los-renten, sur
lesquels M. d'Elhoungne appela, il y a quelque temps, l'attention du congrès.
Si on avait pris alors les mesures nécessaires contre la négociation de ces
obligations, il n'y en aurait pas aujourd'hui le quart de ce qu'il y a en
Belgique. Les Hollandais les font échanger chez nous ; ils peuvent, à l'aide de
nouvelles émissions, se procurer des sommes énormes, 100 millions peut-être, et
nous faire la guerre avec notre argent : c'est ce qu'il faudrait empêcher.
Déjà, sur la proposition de M. d'Elhoungne, une commission fut nommée pour
examiner ce qu'il convenait de faire ; je demande que cette commission fasse
son rapport le plus tôt possible, et que le congrès ne se sépare pas sans avoir
pris des mesures pour faire cesser cet abus. (I., 12 avril.)
M.
Jottrand – J'étais membre de la commission nommée sur la
proposition de M. d'Elhoungne, la veille précisément du jour où fut prorogé le
congrès. Aujourd'hui il serait impossible de réunir la commission, car de tous
les membres qui eu faisaient partie, il ne reste que M. d'Elhoungne et moi ;
MM. Seron, Le Grelle et Osy sont absents. (I., 12 avril.)
M. d’Elhoungne – Quand je
fis ma proposition, je sentais que le succès de la mesure dépendait de la
célérité qu'on mettrait à l'adopter. Maintenant je pense que le mal est
consommé, et que toutes les mesures que l'on pourrait prendre seraient
inutiles. (C., 12 avril.)
(page 66) M. Charles de Brouckere,
ministre des finances – Une commission ayant été nommée, je
désire qu'elle soit complétée, et j'espère lui prouver que la mesure, si mesure
il y a à prendre, sera tout aussi efficace qu'elle aurait pu l'être dès le
principe. (Marques de satisfaction.) (J., 12 avril.)
- La commission est invitée à faire son rapport le plus tôt
possible ; elle est complétée par la désignation de MM. Meeûs et le baron
Beyts, en remplacement de MM. Le Grelle et le baron Osy. M. Seron en
reste membre ; il doit être de retour demain. (I., 12 avril.. et P. V.)
PROJET
DE DECRET RELATIF A L'ADMISSION AU SERVICE BELGE D'OFFICIERS SUPERIEURS ETRANGERS
M. Jottrand fait un rapport
sur le projet de décret proposé par M. Nothomb et d'autres députés et relatif à
l'admission d'officiers supérieurs étrangers dans l'armée belge.
M. le président – Discutera-t-on le projet de suite ? (Oui ! oui ! L'impression
! l'impression !) (J. B.. 12 avril.)
- Le congrès décide que la discussion sera ouverte
immédiatement. (I., 12 avril.)
M. Van de Weyer – Il est impossible de discuter ce projet en l'absence de M. le
ministre de la guerre ; je demande qu'il lui soit envoyé un message pour qu'il
se rende au sein du congrès. (Appuyé.) (I., 12 avril.)
M. le président – On va l'envoyer chercher.
(J. B.. 12 avril.)
M. Le Bègue est appelé à
faire rapport sur la proposition présentée par M. Gendebien, dans une séance
précédente. Il déclare que la commission n'est pas prête. (E., 12 avril.)
M. Fleussu, rapporteur
de la commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et
suppléants élus par la province de Hainaut, propose l'admission de M. le comte
Gustave de Bocarmé en remplacement de M. le marquis d'Yve de Bavay, député .démissionnaire
du district de Soignies. (I., 12 avril.)
-
Cette admission est prononcée. (P. V.)
La discussion est ouverte sur le projet de décret concernant les
officiers étrangers, modifié par la section centrale. (E., 12 avril.)
M. Demelin – Il faut prendre garde, en
adoptant le projet qui vous est présenté de ne pas blesser l'amour-propre, et
de ne pas exciter la jalousie des officiers supérieurs de notre armée. Il me
semble que la section centrale a donné trop de latitude au gouvernement, et
qu’il suffirait de l'autoriser à choisir un général en chef qui eût un nom
européen, lequel pourrait être accompagné de son aide de camp. (I., 12 avril.)
M. Van de Weyer – J'ai demandé la parole pour rappeler que j'ai témoigné le
désir de ne discuter le projet qu'en présence de M .le ministre de la guerre.
Nous devons savoir s'il a été consulté sur ce projet. Nous devons savoir de sa
bouche si, sur vingt-quatre généraux que nous avons en Belgique, il n'en est
aucun capable de commander en chef. (Murmures.) Messieurs, il ne faut
pas confier légèrement à un chef étranger le commandement de notre armée. (Nouveaux
murmures.) Un seul
fait historique suffira pour prouver le
danger. Notre première révolution a été sans effet, parce que nous fûmes trahis
par deux généraux étrangers qui commandaient notre armée. (C., 12 avril.)
M.
de Robaulx – Je demande la parole. (I., 12 avril.)
M. le président –
D'autres
l'ont demandée avant vous. (1., 12 avril.)
M. de Robaulx – On nous
prête d'autres intentions que celles que nous avons. (Bruit.) (I., 12
avril.)
M.
Jottrand, rapporteur – L'opinion de la section
centrale n'a pas été comprise. Je ne pense pas que son intention ni celle du
congrès soit de forcer le gouvernement à employer des généraux étrangers, mais
je pense qu'on a voulu qu'il eût la faculté de le faire s'il le juge
convenable. Lorsque le gouvernement croira devoir user de cette faculté, il
consultera le ministre de la guerre ; ce sera sans doute sur le rapport de
ce ministre que la mesure sera prise ; tout cela vous prouve que les
explications du ministre de la guerre en ce moment sont complètement inutiles. (C.,
M. Van de
Weyer – Mais en discutant le projet,
nous préjugerons la question. (I.,12 avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je ne prétends pas contester à la chambre le droit
d'appeler un ministre dans son sein et de lui adresser des interpellations, mais
je déclare d’avance que si j'étais ministre de la guerre et que je fusse
consulté sur le projet, je ne répondrais (page
67) pas. (Mouvement.) Eh quoi ! lorsque des soupçons ont plané sur divers officiers généraux de notre armée,
lorsque la police est sur la trace de ramifications d'un complot de trahison
dont l'existence ne peut être
révoquée en doute, vous voulez qu'il descende
de
la tribune, de la bouche du ministre de
la guerre lui-même, des paroles qui peuvent jeter
la
désorganisation dans l'armée ? Voilà, messieurs, une inconséquence que je ne
conçois pas, et je conjure le congrès, si M. le ministre de la guerre vient et qu'il lui soit fait des interpellations, de lui
défendre de répondre. (I., 12 avril.)
M. Van de Weyer – M. le ministre des affaires
étrangères,
avant de s'élever avec tant de véhémence contre mes interpellations, aurait dû attendre de les connaître. (I., 12 avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Vous les avez énoncées.
(I., 12 avril.)
M. Van de Weyer – J'aurais demandé à M. le ministre de la guerre, s'il eût été
présent, s'il y avait lieu
de discuter sur un pareil projet, et
je crois qu'il aurait pu répondre à cette question sans danger. Du reste, on se rappellera que, lorsque on a voulu adresser à ce ministre des questions dangereuses, c'est précisément moi qui me suis
opposé à ce qu'il y répondît. Eh bien, je pense
aujourd'hui
qu'il n'y a aucun danger à lui demander son avis. (I., 12 avril.)
M.
Devaux – Les termes dans lesquels la question a été posée par le
préopinant sont les mêmes que ceux
dans lesquels il l'avait énoncée d'abord
; tout le monde sent qu'il serait impossible
d'y répondre sans danger. D'un autre côté le ministre
ne
pourrait donner son avis sur l'opportunité ou
l'inopportunité
du projet sans empiéter sur les
prérogatives de l'assemblée. (I., 12 avril.)
M. de Robaulx – Messieurs,
comme signataire de la proposition,
je crois devoir expliquer dans quelle intention
elle a été faite. Dans ce moment, nous membres du
congrès, nous ne connaissons pas assez le personnel
de l'armée, pour savoir s'il y a dans son
sein un général capable de commander en chef.
Voyant la guerre imminente, nous avons pensé qu'il
serait peut-être utile d'appeler à commander nos troupes, un talent supérieur, un général qui eût un nom européen ; on sent de quelle influence pourrait être, soit sur l'armée, soit sur l'ennemi, une grande renommée, militaire : or, en effet, la constitution ne laissant pas au gouvernement le droit de prendre un général à l'étranger, nous avons pensé qu'il fallait lui aplanir cette difficulté. Certes, cette mesure peut être utile, et l'armée belge elle-même applaudirait, j'en suis certain, au choix d'un général qui eût acquis une haute réputation dans les armées et à l'école
de Napoléon. Notre intention n'a donc pas été de contester à nos généraux leurs
talents militaires, mais de donner au gouvernement le moyen de faire la guerre
avec succès. (Adhésions nombreuses.) (I., 12 avril.)
M.
Nothomb – Nous avons voulu accorder au gouvernement une faculté
dont il usera s'il le trouve convenable. Nous le laisserons juge de l'opportunité
de la mesure, et maître de l'exécuter ; nous n'avons eu d'autre intention que
d'aplanir les difficultés que présentait la constitution. Si l'article 6 de la
constitution eût été obligatoire en septembre dernier, le gouvernement
provisoire, dont M. Van de Weyer a été membre, n'eût pas pu confier de
commandement à Van Halen, à Mellinet, à Niellon. (I., 12 avril.)
M.
Destouvelles – La question qu'on se propose d'adresser à M. le
ministre de la guerre est non seulement délicate, mais encore d'une nature
telle, qu'il ne pourrait y répondre sans blesser les convenances. On ne veut
pas forcer le gouvernement à prendre un général étranger, mais seulement
l'autoriser à choisir une ou plusieurs illustrations militaires, si l'intérêt
du pays le commande. Si l'autorisation est accordée, quand le moment sera venu,
le gouvernement l'examinera en conseil, et il en usera s'il le trouve
convenable. Mais ce n'est pas en congrès que nous devons examiner les capacités
militaires, et c'est ce qui arriverait si on faisait au ministre la question
qu'on a énoncée. Je le répète, il ne pourrait répondre sans blesser les
convenances et sans manquer, en quelque sorte, à ce qu'il doit à ses frères
d'armes. Je m'oppose donc à toute interpellation. (Voix nombreuses : Appuyé ! appuyé !) (I. 12
avril.)
M.
Charles Rogier – Je ne m'oppose pas ce que M.
le ministre de la guerre soit entendu ; mais je ne crois pas que nous ayons
besoin de le consulter pour apprécier l'opportunité du projet. Nous avons
besoin d'un commandant en chef, je le dis sans hésiter, et j'en ai pour garant
le suffrage de plusieurs officiers généraux de notre armée, qui ne rougiraient
certainement pas de servir sous un ancien compagnon d'armes, et qui se
verraient au contraire avec plaisir conduire à la victoire par un homme d'une
grande réputation militaire, pris dans les rangs de l'armée française, et même
de l'armée anglaise.
- L'orateur entre dans la discussion du fond. (I., 12 avril.)
M. le président fait observer à M. Rogier qu'il ne s'agit maintenant que de
savoir si le (page 68) ministre de
la guerre sera entendu. Il annonce au surplus qu'on n'a pas trouvé le ministre
chez lui. (I., 12 avril.)
- Le congrès décide qu'il sera passé
outre à la discussion. (I., 12 avril.)
M. Charles Rogier
présente un amendement pour que le gouvernement soit autorisé à enrôler
des officiers étrangers d'artillerie d'un rang inférieur, dont le congrès pourrait
limiter le nombre. Il demande aussi qu'un sort soit alloué à ces officiers, et
qu'ils puissent compter sur la conservation de leurs grades après la paix, en
se faisant naturaliser Belges. (C., 12 avril.)
M.
Jottrand, rapporteur – Puisque la discussion
générale est ouverte sur le projet de décret, je crois qu'il est bon de
profiter de l'occasion qui nous est offerte d'expliquer à ceux de nos
concitoyens qui servent la patrie dans les rangs de notre armée, comment nous,
qui les représentons avec tout le pays dans cette assemblée, nous comprenons le
décret que nous nous proposons de voter.
D'abord, il ne nous est pas prouvé que le gouvernement aura
besoin d'user de la faculté que nous voulons lui accorder. Peut-être,
dans la guerre toute patriotique, toute nationale que la politique injuste de
nos voisins semble vouloir nous forcer à soutenir, peut-être verrons-nous
sortir des rangs de notre armée des Skrzynecki, des Dwernicki. Notre cause est
aussi belle que celle des Polonais ; notre nation a le même enthousiasme que ce
peuple qui vient de cueillir les plus glorieuses palmes sur les plus beaux
champs de bataille, les champs de bataille ouverts pour la défense de
l'indépendance nationale.
Mais si, par suite de la déplorable position d'ilotes
politiques dans laquelle le sort et les iniques traités de 1815 nous ont tenus
si longtemps ; si par suite de cet exécrable machiavélisme employé par le
gouvernement hollandais, et qui lui faisait exclure les Belges des hauts emplois
militaires dans l'armée des Pays-Bas, nos frères qui composent aujourd'hui
notre jeune armée sentaient eux-mêmes la nécessité d'admettre dans leurs rangs
des officiers expérimentés appelés de chez nos voisins, que les soldats belges
ne se croient pas humiliés de celte nécessité.
En d'autres temps (et ces temps reviendront encore si notre
indépendance se consolide), les Belges prêtaient aussi des généraux illustres
aux autres nations.
Aux Français qui songeraient à faire sonner trop haut leur
supériorité militaire, à laquelle il pourrait se faire que nous eussions
recours, nos braves officiers pourraient répondre qu'il fut un temps où le Belge d'Egmont battait leurs phalanges à
Gravelines, à Saint-Quentin, à la tête des Espagnols. Ils pourraient rappeler
encore le nom de ce brave sire de Lannoy auquel François 1er rendit son épée à
Pavie. Et sans remonter si haut dans notre histoire, nos soldats ne
pourront-ils pas rappeler les noms illustres des Mercy, des Tilly, des Beaulieu, des Clairfayt, pour prouver que la
position particulière où
Oui, nous le répétons afin qu'on le retienne chez nous et
dans toute l'Europe, si
M.
Destouvelles – Je crois qu'il serait nécessaire d'expliquer le motif
pour lequel on donne une plus grande latitude à l'autorisation. Je propose le
considérant suivant :
« Attendu que la plupart des officiers d'artillerie
nommés sous l'ancien gouvernement appartenaient aux provinces septentrionales,
et que cette arme exige de longues études et des connaissances qui ne peuvent
s'acquérir que dans les écoles. » (J. B., 12 avril.)
M.
Charles de Brouckere, ministre des finances, s'oppose à
la rédaction de l'amendement de M. Destouvelles, qui permettrait de croire que,
s'il n'y a pas assez d'officiers d'artillerie dans l'armée belge, c'est pour
cause d'incapacité. L’orateur explique que s'il manque des officiers dans cette
arme, c'est parce que, sous le gouvernement du roi Guillaume, les Hollandais
seuls étaient admis à l'école militaire. Sur cent Belges qui se présentaient,
à peine en recevait-on trois ou quatre,
et
les examinateurs sont convenus qu'ils avaient leurs ordres à cet égard. Du
reste, toutes les fois que des Belges étaient admis, ils obtenaient les premiers
numéros dans l'école. (I., 12 avril.)
M. Alexandre Gendebien ajoute que,
ne connaissant pas la langue hollandaise, presque tous les Belges étaient
privés d'entrer dans l’artillerie. (I., 12 avril.)
M.
Henri de Brouckere se prononce pour la rédaction
primitive du projet. (J. B., 12 avril.)
M. Charles de Brouckere,
ministre des finances – Nous avions assez d'officiers dans
l'arme (page 69) du génie ; mais,
dégoûtés des traitements qu'ils essuyaient dans l'armée hollandaise, ils ont
donné leur démission et se sont mis dans les ponts et chaussées. Celte
administration vient d'être jointe au génie. Les cadres des officiers du génie
sont complets, et il y a assez d'aspirants pour quatre ans. La seule arme où il
manque des officiers, c'est l'artillerie. (J. B., 12 avril.)
M.
Destouvelles renonce à son amendement. (I., 12 avril.)
M. Van Snick – Ne pas limiter l'autorisation à un certain nombre
d'individualités, c'est agir contre l'article 6 de
la constitution ; car les cas particuliers
dont il parle, doivent s'entendre d'individualités. (J. B., 12 avril.)
M. de Robaulx – S'il en est
ainsi, ni l'un ni l'autre projet n'est admissible. Nous avons pensé que par cas
particuliers, il fallait entendre des circonstances telles que celle où
nous nous trouvons. (J. B., 12 avril.)
M.
Devaux soutient la constitutionnalité du décret. Il démontre que
les expressions qui se trouvent dans l'article 6 de la constitution : « Sauf
les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers,
» suffisent pour autoriser le congrès à adopter le décret qu'on lui propose :
l'honorable membre soutient que, par les mots
cas particuliers, il ne faut pas entendre des cas individuels, mais des
circonstances particulières. Or,
M. Henri de Brouckere persiste à
donner la préférence au projet de loi primitif sur celui de la section
centrale. (E., 12 avril.)
M. Van de Weyer – Je viens ajouter quelques
observations
à celles qui vous ont été présentées par M. Van Snick, pour vous prouver
l'inconstitutionnalité du projet. (I., 12 avril.)
M. Van Snick – Mais j'ai soutenu le contraire. (Hilarité générale.) (I., 12
avril.)
M. Van
de Weyer – J'avais donc mal compris.
Quoi qu'il en soit, je soutiens que le projet est inconstitutionnel, et les
partisans du système contraire sont obligés de changer les termes de l'article
6 pour le soutenir, et traduire les mots cas particuliers par les mots
circonstances particulières. Il est évident que l'article 6 n'a eu en
vue que des cas individuels, et c'est une mesure générale qu'on vous propose
d'adopter. On parle toujours de renommées militaires qu'il faut pouvoir
recueillir ; mais, messieurs, attendez donc qu'il s'en présente (murmures) ,
alors vous trouverez dans la constitution l'autorisation de faire pour ces
renommées ce que vous devrez. Pour moi, comme Belge, comme citoyen, je
m'opposerai de toutes mes forces à l'adoption d'un projet qui viole la
constitution. (I., 12 avril.)
M. Demelin reproduit sa
demande tendant à n'autoriser le gouvernement qu'à choisir un général en chef.
(I., 12 avril.)
M. Van Snick reproduit les arguments qu'il a déjà fait valoir en faveur du
projet, pour prouver à M. Van de Weyer qu'il s'était trompé en prétendant qu'il
avait attaqué le projet. (I.,12 avril.)
M.
Alexandre Rodenbach – Les braves volontaires belges,
ennemis de l'oppression et enthousiastes de la gloire, ont reçu le baptême du
feu dans les glorieuses journées de Bruxelles, de Walhem, Berchem, Lierre et
Anvers. Les valeureux chefs qui les ont conduits à la victoire ne sont pas en
assez grand nombre, attendu que notre armée dépassera bientôt cent mille
hommes. Pour une armée aussi forte, il faut un général en chef qui, par de
grands talents militaires, ait acquis une réputation européenne. Il n'est pas
moins urgent d'avoir quelques officiers d'artillerie. L'injustice de notre
ex-gouvernement est cause de ce que nous manquons d'officiers dans cette arme,
qui dans la stratégie moderne aide puissamment à la victoire. (J. F., 12
avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Messieurs, il ne faut rien moins que la persistance de
M. Van de Weyer pour que je prenne la parole, et pour me permettre d'abuser de la
patience de l'assemblée. L'honorable membre veut absolument que les mots circonstances
particulières signifient autre chose que cas particuliers. Pour ma
part, je lui serais très obligé de m'en marquer la différence. Selon moi, ces
expressions sont synonymes, et pour y voir une différence, il faudrait qu'au
lieu du mot particulier on eût dit personnel. Lorsque
l'article 6 de la constitution a été discuté, l'objection a
été faite, et on a cité pour y répondre, non pas des individus, mais des
catégories, et on a fait sentir tout le ridicule qu'il y aurait à demander une
loi pour placer un maître d'anglais, un maître d'espagnol ou d'italien. On
veut, pour que vous autorisiez le gouvernement (page 70) à nommer un général
étranger, que ce général se présente ; mais on ne songe pas que le choix de ce
général peut être l'objet d'une négociation secrète, et qu'il pourrait y avoir
danger de la discuter publiquement. Mais maintenant je suppose qu'un
généralissime succombe, faudra-t-il assembler aussitôt le congrès et attendre
la lenteur de ses délibérations pour lui donner un remplaçant ? Voilà cependant
à quelle absurdité nous conduirait une orthodoxie dont je suis édifié, mais que
je ne saurais partager (on rit). Songez, messieurs, qu'il ne s'agit pas
aujourd'hui de faire une guerre d'équilibre, une guerre d'intérêts commerciaux
; il s'agit d'une guerre de principes, et si nous avons besoin d'un grand
général, lorsqu'un ami de la liberté se présentera, acceptons-le, qu'il vienne
de ]a France, de l'Angleterre, ou de l'Allemagne, s'il peut en venir de ce
pays-là. (On rit.) Ne nous montrons pas si difficiles. Sachons nous
plier aux circonstances. Eh ! messieurs, lorsque les Américains combattaient
pour leur liberté, ont-ils repoussé de leurs rangs l'illustre Lafayette ?
ont-ils repoussé les Rochambeau, les Ségur et tant d'autres noms illustres ?
Lorsque Byron, lorsque Fabvier se sont présentés aux Grecs, le sénat de
M. de Rouillé – Je ne puis penser que notre brave armée soit réduite à l'humiliante
situation de devoir chercher à l'étranger des officiers supérieurs (ce qui
s'entend de tous grades au-dessus du capitaine) ; je me demande d'où nous vient
cette défiance dans les talents militaires des nôtres ? L'armée, telle qu'elle
est maintenant composée, est certes bien en état de faire la guerre avec succès
aux Hollandais ; je ne vois donc pas la nécessité d'admettre à présent dans ses
rangs des officiers anglais, prussiens, ou français, qui pourraient appartenir
à une nation avec laquelle nous serions en guerre plus tard ; si cette guerre
doit éclater entre les grandes puissances, alors, mais seulement alors, celle
de ces puissances dont nous serons alliés et avec laquelle nous combattrons,
nous donnera des généraux pour diriger les grandes opérations militaires ; mais
avant cette époque, je pense que nos soldats, qui se glorifient avec raison du
nom de Belge qu'ils veulent conserver, ne verraient pas sans un vif sentiment
de déplaisir des officiers étrangers venir les commander.
Cette mesure me semble inutile, dangereuse, ouvrant la
porte à l'intrigue étrangère, pouvant nuire à la
discipline ; elle blesse justement l'orgueil national. Je voterai contre. (J.
B., 12 avril.)
M.
Raikem – Il me semble que les mots cas particuliers
doivent s'entendre ici des grades et du nombre d'officiers à admettre ;
mais appeler généralement les
étrangers à tous les emplois supérieurs dans l'armée, ce n'est pas un cas
particulier, c'est une généralité. (J. B., 12 avril.)
- La discussion générale est close. (E., 12 avril.)
Considérants
M. le président donne lecture des considérants ; en voici les termes :
« Vu l'article 6 de la constitution ainsi conçu
: « Les Belges sont égaux
devant la loi, seuls il» sont admissibles aux emplois civils et militaires,
sauf les exceptions qui peuvent être
établies par une loi pour des cas particuliers
;
« Attendu que dans les graves circonstances où se trouve
M. Charles Rogier
propose une modification. (E., 12 avril.)
- Elle est rejetée. (E., 12 avril.)
Les
considérants sont adoptés. (P. V.)
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à employer jusqu'à
la paix des officiers supérieurs étrangers, et à leur confier des commandants,
dans l'armée belge, autant que les besoins de la guerre l'exigent et que
leurs talents les recommandent. » (E., 12 avril., et P. V.)
M. Fleussu tient à
connaître les individus auxquels le gouvernement destine les grades supérieurs.
En adoptant l'article 6 de la constitution, le congrès n'a pas voulu laisser au
gouvernement la possibilité d'introduire dans les emplois les étrangers que bon
lui semblerait. Le projet lui paraît inconstitutionnel ; il votera contre. (E., 12
avril.)
M. Destouvelles –
Je demande que le projet soit renvoyé à la section centrale pour qu'elle présente une
nouvelle rédaction, après s'être concertée avec le ministre de la guerre.
L'honorable membre, développant sa pensée, exprime le désir
qu'on fasse en sorte de concilier la nouvelle rédaction avec les termes de la
constitution. (E., 12 avril., et A.)
- Cette proposition est mise aux voix ; l'épreuve et la
contre-épreuve sont douteuses ; on procède à l’appel nominal : 102 membres
répondent à l’appel ; 61 votent pour, 41 contre ; en conséquence, la
proposition de M. Destouvelles est adoptée.
La séance est levée à quatre heures. (P. V.)