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Note d’intention
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Congrès
national de Belgique
Séance du
lundi 31 janvier 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Motion d’ordre relative
au projet de protestation contre le protocole de la conférence de Londres du 20
janvier 1831 (Van Meenen, Barthélemy, Van Snick, d’Ansembourg, Jottrand, Nothomb, Van Meenen, H. de Brouckere, Van de Weyer, Destouvelles, Jottrand, Van Snick, de Robaulx, Forgeur, Destouvelles, de Robaulx, Van Meenen, Forgeur, Nothomb)
3) Question relative au
choix du chef de l’Etat (Van Snick, Ch. Le Hon, Jottrand, Ch. Le Hon, Forgeur, A. Gendebien, Van de Weyer, Jottrand, Osy, Devaux, Nothomb, de Baillet, L. Zoude, Lardinois, de Stassart)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie,
1844, tome 2)
(page 337) (Présidence de M. le baron Surlet de
Chokier)
La séance
est ouverte à onze heures. (P. V.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ;
il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
La veuve
J. B. Heus, propriétaire de forges à Ways-lez-Genpape, présente des observations concernant les
droits d'entrée sur les fers.
L'administration
de la commune d'Ogy sollicite l'exécution de la route
de Lessines à Renaix.
Les
régences communales de Morialmé et de Fraire-Fairoul prient le congrès de rejeter toute demande
en concession d'extraire du minerai de fer d'alluvion.
La dame
Thérèse de Mil, à Betecom, demande la grâce de son
fils J. F. Van Goethem, condamné, en 1815, aux
travaux forcés à perpétuité. (U. B., 2 fév. et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
le président – Hier, au commencement de la séance, j'ai cru devoir rappeler aux
tribunes les dispositions de l'article 40 de notre règlement. Elles ont répondu
à mon attente en se conduisant d'une manière exemplaire. Aujourd'hui, c'est
pour les féliciter de leur honorable conduite que je leur adresse ces paroles
et pour les engager à continuer à mériter l'approbation, non seulement de
cette assemblée, mais aussi celle de la nation entière.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU PROJET DE
PROTESTATION CONTRE LE PROTOCOLE DE
M.
le président – L'ordre du jour est la discussion du projet de protestation contre le
protocole de la conférence de Londres du 20 janvier.
M.
Barthélemy a la parole. (U. B. et J. F., 2 fév.)
M. Van
Meenen – Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, n'est-il pas convenable et même nécessaire d'ajourner cette
discussion jusqu'après l'élection du chef de l'État ? L'acte qu'on (page 338) nous propose est de la plus
haute importance, il n'y a qu'un instant qu'il vient de nous être distribué,
nous n'en avons pu prendre qu'une connaissance fort imparfaite, et néanmoins
l'examen de la proposition exige de la réflexion et de la maturité. (V. P., 2 fév.)
M. le président – Mais on avait décidé hier qu'on
s'occuperait aujourd'hui de cette discussion ? (C., 2 fév.)
L'assemblée – Non, non. (C.,
2 fév.)
M. Barthélemy – Mais nous n'avons rien décidé encore en
décidant que nous protesterions contre le protocole. Il faut que la
protestation soit faite. Cet acte peut seul rassurer les populations
alarmées du Luxembourg et du Limbourg. Avant de nommer un roi, il faut bien
déterminer les positions de
M. Van Snick – Je pense qu'il serait sage d'ajourner cette discussion, conformément à la
demande de M. Van Maanen (explosion bruyante)... je
veux dire M. Van Meenen (l'orateur se tourne vers l'honorable membre et
semble s'excuser de cette méprise). Je demande qu'on procède immédiatement
à la discussion sur l'élection du chef de l'État. (J. F., 2 fév.)
M.
Barthélemy – Vous allez donc nommer un chef qui ne saura pas s'il est en guerre ou non
avec les puissances étrangères ? (Rire général.) (J. F., 2 fév.)
M. le comte d’Ansembourg se prononce pour la discussion
immédiate ; s'il en est autrement, les députés des provinces détachées de
M.
Jottrand – L'honorable M. d'Ansembourg était sans doute absent de cette enceinte,
lorsque hier plusieurs honorables collègues, entre autres MM. Félix de Mérode
et Van de Weyer, ont démontré jusqu'à l'évidence que le mandat des députés du
Luxembourg et du Limbourg ne dépendait pas du congrès ni d'un protocole des
cinq puissances. S'il avait été présent, il ne serait pas revenu sur une chose
jugée par toute l'assemblée. D'ailleurs, le congrès a protesté contre le
protocole ; il ne s'agit plus que de rédiger cette protestation, et nous
pouvons remettre ce travail après le choix du chef de l'État.
M.
Barthélemy est fort inquiet de savoir comment nous pourrons élire un roi sans
savoir où sont nos frontières ; mais le décret du congrès du 18 novembre a
déclaré que ces frontières comprenaient le Limbourg, le Luxembourg, la rive
gauche de l'Escaut. Le roi que nous élirons sera le roi de tous les Belges
déclarés indépendants par ce décret du 18 novembre. Les protestations contre
tous les protocoles du monde n'ajouteront ni n'ôteront rien à la force de ce
décret. (C., 2 fév.)
M. Nothomb – Je m'étonne qu'on remette en question
ce qui a été décidé avant-hier. Tous les arguments qu'on vient de vous
présenter pour ou contre vous sont connus ; vous les avez appréciés et vous
avez résolu de protester solennellement. On vous dit que le fait de la présence
des députés limbourgeois et luxembourgeois était une protestation ; vous avez
déjà fait justice de ce raisonnement en décidant que cette protestation ne
suffisait pas. L'acte que vous rédigerez aura des conséquences très graves ;
il rompra probablement les négociations ; les agents diplomatiques seront rappelés,
vous enjoindrez au gouvernement provisoire de ne plus déléguer de commissaires
à Londres. Si vous gardez le silence, on dira peut-être que vous reculez
devant l'exécution de votre décision dans quelques jours, vous recevrez
peut-être un protocole qui jugera en dernier ressort la question des dettes et
des colonies. Le projet de protestation est sans doute imparfait ; vous
l'amenderez, vous l'affaiblirez ou le renforcerez. Vous le compléterez. Je ne
m'oppose pas à un ajournement, mais j'insiste pour que la protestation soit
faite avant l'élection. (C., 2 fév.)
M. Van Meenen – On a dit qu'il
faut protester par un acte contre le protocole ; eh ! mais, cet acte existe,
car le projet de protestation est déjà rédigé. Il s'agit seulement de savoir
dans quelle forme cet acte sera notifié aux cabinets étrangers. (C., 2 fév.)
M. Henri de Brouckere – Je ne partage pas l'opinion de mon
honorable collègue, M. d'Ansembourg ; la question du Limbourg et celle du
Luxembourg ne peuvent être décidées par la conférence de Londres ; de quel
droit, en effet, nous enlèverait-elle telles ou telles provinces, telles ou
telles villes, telles ou telles communes ? La protestation existe dans notre
présence au congrès ; je suis député, ceux qui ont eu le droit de m'envoyer ont
protesté. Je suis ici, et j'y resterai en toute sûreté de conscience. (E., 2
fév.)
M. Van de Weyer – Je ferai
remarquer à l'assemblée que le principe de la protestation est arrêté et que
les termes seuls manquent. Ne poussons pas les conséquences trop loin, car, en
raisonnant ainsi par analogie, nous pourrions dire qu'il faut différer
l'élection du chef de l'État jusqu'à ce que nos limites soient définitivement
fixées ; la conférence de Londres pourrait se servir de ce (page 339) prétexte pour retarder notre
choix. L'orateur est surpris de ce qu'on a demandé que les commissaires de
Londres fussent rappelés. Cet ordre avait été donné par le comité diplomatique
dans le cas où la conférence de Londres voudrait par ses négociations
compromettre notre indépendance. (Aux voix ! aux voix ! La
clôture ! la clôture !) (V. P.. et C., 2 fév.) .
M.
Destouvelles demande la parole contre la clôture. Il dit que si on procède à
l'élection du roi avant de statuer sur la protestation, lui, en sa qualité de
député du Limbourg, se retirera. (C., 2 fév.)
M.
Jottrand – Si des députés du Limbourg ou du Luxembourg quittaient cette enceinte,
ils rendraient à leurs compatriotes le mauvais service de reconnaître
directement l'intervention des puissances. Je suppose qu'aucun d'eux n'a pu
être envoyé avec un pareil mandat. Me permettrez-vous maintenant de constater
un simple fait ? M. Sébastiani nous écrivait, il y a
quelques jours, que nous nous pressions beaucoup trop pour élire notre roi. Il
est notoire que plusieurs de nos honorables collègues partagent sous ce
rapport l'avis de M. Sébastiani. C'est, comme je
viens de le dire, un fait que je constate ; on ne m'accusera pas, j'espère,
d'incriminer les intentions. (C., 2 fév.)
M. Van Snick s'étonne
d'entendre dire par un avocat que les déclarations des puissances étrangères
emportent la révocation du mandat des représentants. L'honorable membre vote
pour la clôture. (J. F., 2 fév.)
M. de Robaulx – Je pense que..... (J. F., 2 fév.)
M. Deleeuw – Je demande la
parole pour une motion d'ordre. (J. F., 2 fév.)
M.
de Robaulx – Il me semble qu'avant de faire une motion d'ordre, il faudrait savoir au
moins ce que va dire l'orateur qui a la parole. Qui sait si ce n'est pas pour
la clôture que je vais parler ? En tout cas, j'ai le droit d'être entendu et
je parlerai... Messieurs, la question qui vous est soumise est de la plus
haute importance ; il s'agit de repousser une humiliante intervention ; pour un
tel acte, il n'y a pas un instant à perdre. (J. F., 2 fév.)
M.
Forgeur – J'ai
trois observations à faire. Il faut protester avant l'élection. Si vous
procédez autrement, vous vous exposez à un grand inconvénient. Vous avez
résolu de protester, vous examinerez de nouveau la question du Luxembourg ; eh
bien, je suppose qu'après une nouvelle discussion, vous rétractiez votre
premier décret ; votre décision sur le chef de l'État serait nulle, les députés
luxembourgeois étant reconnus sans qualité. Hier comme aujourd'hui, c'est M.
Jottrand qui a soulevé une discussion oiseuse ; je le soupçonne d'être
complice de M. Sébastiani ; c'est ma deuxième
observation (hilarité). Enfin il faut exécuter votre décision
d'avant-hier. (C., 2 fév.)
M.
Destouvelles proteste contre les inductions qu'il prétend que M. Jottrand a voulu
tirer des paroles qu'il a prononcées en faveur de l'ajournement. Il ne prend,
dit-il, ses inspirations ni chez les diplomates ni chez les journalistes. (C.,
2 fév.)
M. de Robaulx – Le protocole déclare formellement que
le Luxembourg est au roi des Pays-Bas. (Non ! non !) Si le congrès le
reconnaît, par la suite on attaquera son choix par tous les moyens possibles.
(J. B.. 2 fév.)
M. Van Meenen – Si le Luxembourg
est un jour détaché de
M. Forgeur appuie la demande de M. Destouvelles,
(Aux voix ! aux voix !) (C., 2 fév.)
M. Gelders –
Je demande l'appel nominal. (Oh ! oh ! oh !) (C., 2 fév.)
M.
Nothomb – Je
demande la parole pour un fait personnel. M. Van de Weyer n'a pas saisi ma pensée
; je n'ai pas dit que nos commissaires seraient rappelés ; ils sont de retour
; j'ai dit que la protestation aura cette conséquence que le gouvernement
n'enverra plus de commissaires à Londres, et rappellera les deux secrétaires
de légation. Personne n'a répondu à M. Forgeur. Je répéterai encore qu'il ne
s'agit pas de la position des députés du Limbourg et du Luxembourg seulement :
il faut calmer les populations, prévenir le refus de l'impôt. Le peuple demande
un acte patent. (C., 2 fév.)
M.
le président – Je vais mettre aux voix si la discussion sur le projet de protestation
aura lieu avant l'élection du chef de l'État. (C., 2 fév.)
- Une
première épreuve est douteuse. (C., 2 fév.)
M. Gelders – J'ai demandé
l'appel nominal. Deux membres m'appuient. (C., 2 fév.)
M.
Forgeur – Laissez
d'abord voter par assis et levé, et s'il y a doute on passera à l'appel
nominal. (C., 2 fév.)
M. le président met aux voix une seconde fois la
question de savoir si la discussion est ajournée. (C., 2 fév.)
- La
discussion est ajournée ; elle aura lieu avant la décision de la question du
chef de l'État. (P. V.)
(page 340) On met aux voix la question
de savoir à quand la discussion. L'assemblée décide que cette discussion aura
lieu demain à l'ouverture de la séance. (P. V.)
M. Van
Snick – Messieurs, nous voici donc au temps
fixé par vous pour l'élection du chef de l'État ; époque solennelle que la
nation attendait avec impatience, et qu'elle-même a marquée comme le terme de
sa révolution.
Chargé par
mes concitoyens de la haute et redoutable mission de coopérer par mon vote à
cet acte important de la souveraineté nationale, le premier dont nos annales
transmettront le souvenir à nos neveux, j'ai porté dans un recueillement
religieux mes regards autour de moi, et j'ai vu avec une douleur véritable que
Franchissant
alors à regret nos frontières, mes yeux distinguèrent parmi les candidats, dans
une contrée de
Bientôt
je me suis dit : Voilà le chef que
Messieurs,
j'ai indiqué, et déjà, avant moi, vous avez nommé le prince Auguste de Leuchtenberg.
Mais,
dit-on, le fils d'un roi puissant se présente, qui offre bien d'autres
garanties de bonheur et de stabilité.
D'abord je
cherche partout ce candidat royal et ne le trouve nulle part ; tout ce que j'en
sais, c'est que celui dont la volonté représente aujourd'hui la sienne, s'est
engagé sur l'honneur à renoncer à toute candidature et pour lui et pour sa
famille : en second lieu ce candidat est mineur, et pour mon compte, je ne
prendrai pas sur moi de doter
C'est
comme l'ont reconnu eux-mêmes les partisans achetés du duc de Nemours,
lorsqu'il a été un moment question de la candidature du prince Othon, la
continuation de ce provisoire dont la nation est si lasse, et dont elle veut
sortir à tout prix.
Pour
mon compte encore, je ne puis vouloir du fils de ce puissant monarque pour chef
de
Aussi,
messieurs, d'honorables partisans du duc de Nemours ont-ils déjà parlé des
sages conseils, et de la prudence du père, comme devant servir de règle et de
guide à la régence future.
N'est-ce
pas là la perte de notre nationalité, n'est-ce pas là l'anéantissement de cette
indépendance que nous avons proclamée si haut, et que nous étions, naguère, si
fiers d'avoir conquise après tant de siècles d'une triste sujétion ?
Mais ce
puissant monarque lui-même a déclaré à la face de l'univers « qu'il
n'accepterait la couronne de
Il
est, ne l'oublions pas, du nombre des rois qui se sont exclus mutuellement.
A peine
monté sur le trône, honnête homme avant tout, pense-t-on que Louis-Philippe
soit disposé à fausser sitôt sa parole ?
De son
côté, l'Angleterre vous a fait savoir que la seule élection du duc de Nemours
était pour elle une déclaration de guerre.
La guerre
! ne doit-il pas suffire de ce mot, qui rappelle à la pensée le saccagement,
l'incendie des villes, la dévastation des campagnes, la mort moissonnant en
masse et avant le temps des populations entières ? ce mot, dis-je, ne doit-il
pas suffire pour arrêter sur le bord de l'urne, le bulletin de ceux d'entre
nous qui l'y déposent avec la certitude de le voir devenir bientôt la torche
fatale qui va embraser le continent européen !
Qu'ils
prennent sur eux, si leur conscience le leur permet, de répondre du sang et des
larmes des nations ; mais qu'ils n'espèrent point associer à leurs votes les
vrais, les sincères amis de l'humanité.
Quant aux
autres puissances, remarquons-le bien, ce qu'elles ont toujours désiré, ce
qu'elles désirent le plus constamment encore, c'est de ne nous voir Français
ni directement ni indirectement, si je puis parler ainsi.
Rappelons-nous-le
souvent : c'est depuis que nous avons proclamé notre indépendance, c'est (page 341) depuis qu'à plusieurs
reprises la voûte de cette enceinte a retenti du bruit de ces protestations : Nous
voulons être, rester, et n'être rien que Belges, qu'elles ont pris envers
nous une attitude moins hostile.
Élire le
duc de Nemours, c'est, à mon avis, donner un démenti exprès et formel à ces
protestations : aux yeux des puissances, c'est vous réunir à
Messieurs,
lorsque, pour écarter la candidature du duc de Nemours, nous avons dit que
Louis-Philippe persistait dans sa résolution de refuser la couronne de
Vous me
permettrez, messieurs, de ne pas croire à la vérité de cette assertion. En nous
transmettant ses volontés, Louis-Philippe a parlé et comme père et comme roi ;
et si les ministres peuvent quelque chose sur la détermination du roi, ils ne
pourront rien sur celle du père ; mais jusqu'au moment de ce changement de
ministère, que devient votre élection ? que devient votre roi ? Contradiction
étonnante ! on veut, assure-t-on, l'indépendance de
Voilà,
messieurs, comment les partisans du duc de Nemours entendent l'indépendance de
Mais ces
ministres que vous aurez rendus les arbitres de votre sort, quand ils auront eu
la bonté de vous donner un roi, ne demanderont-ils rien pour le prix de ce
bienfait ? Votre charte étant toute libérale et presque républicaine, ne leur
ferait-elle pas craindre de la voir enviée par
Ainsi,
messieurs, l'élection du duc de Nemours, si elle n'amenait nécessairement la
guerre, aurait dans tous les cas pour résultat de mettre en doute, et à chaque
instant, la durée et la stabilité de votre constitution.
D'un autre
côté, quel ministre, actuel ou futur, oserait dire à Louis-Philippe :
« Sire, vous avez pris envers les puissances, comme celles-ci l'ont pris
envers vous, l'engagement de ne prétendre au trône de
La
nomination et l'acceptation du duc de Nemours, il le sait comme vous le savez,
est le signal d'une guerre générale.
Les
protestations contre toute tentative d'agrandissement, faites par
Louis-Philippe à son avènement, se verraient démenties presque aussitôt que
faites : et les premières appréhensions des souverains de l'Europe, reprenant
le dessus dans leurs esprits, leur commanderaient une nouvelle coalition.
« Rien
ne reste assuré avec lui, dirait-on, dans le conseil des rois. Aujourd'hui,
malgré la foi jurée, il aspire à la domination de
Qu'on ne
me vante pas les innombrables bataillons, sous les pas desquels retentit déjà
au loin le sol belliqueux de
Napoléon y
a perdu son sceptre et son épée ; qui de nous osera dire que Louis-Philippe
trouvera à y affermir sa couronne ?
Victorieuse,
Vaincue,
nous subissons avec elle la loi du vainqueur. Le règne des restaurations recommence
; l'exil, les prisons, les fers sont tout prêts, et nous les premiers, nous
qu'un seul sentiment, l'amour de notre patrie et des libertés publiques, a
animés, nous n'aurons qu'à aller nous chercher au loin des terres étrangères où
nous puissions en liberté pleurer les malheurs d'une patrie toujours chère, et
qu'il n'aurait tenu qu'à nous de sauver.
Messieurs,
est-ce bien pour cette accablante et cruelle alternative que nous avons fait
notre révolution ? est-ce pour arriver à ce résultat que le sang a coulé dans
toutes nos villes ? Ombres de Jenneval et de Mérode,
et vous tous qui, jeunes encore, avez fait si héroïquement au cri de l'indépendance
le sacrifice de votre existence à la patrie, est-ce là ce que vous attendiez de
nous ? est-ce là ce que nous avons promis sur vos tombeaux ?
Messieurs,
j'ai tâché autant qu'il a été en moi de vous montrer les conséquences
désastreuses et inévitables de l'élection du duc de Nemours. Voyons si
l'élection du duc de Leuchtenberg ne présente rien qui approche de ces dangers.
Par ce
choix nous restons Belges, et comme .nous le voulions tous autrefois, nous
ne sommes rien que Belges. Nous avons une existence à nous ; d'accord
jusqu'au bout avec nous-mêmes, nous ratifions aux yeux de l'Europe, et de la
manière la plus irrévocable, la proclamation de notre indépendance sans
être hostiles à
On objecte
: « L'élection de Leuchtenberg est une déclaration de guerre à
On
ajoute : « Votre roi ne sera point reconnu par
Je
l'avoue, messieurs, j'aurais autant de peine à m'expliquer ce refus qu'à
deviner le mode de rédaction du manifeste dont j'ai parlé.
Quoi !
Louis-Philippe, dernièrement élu roi des Français, a cru avoir le droit de se
faire reconnaître par les souverains de l'Europe, et aujourd'hui il ne se
ferait pas à lui-même un devoir de reconnaître celui qui va régner chez nous au
même titre ? Il avouerait que le droit qu'il invoquait n'en était pas un : il
avouerait que l'élection populaire ne légitime pas les rois ? Convenons-en, ce
serait là la plus étrange des contradictions : ce serait de la part de
Louis-Philippe conspirer contre sa propre dynastie, et autoriser les rois de
l'Europe à voir dans Henri V le véritable, le légitime roi de France.
Rappelez-vous
que le cabinet français a aussi déclaré autrefois qu'il ne reconnaîtrait point
un prince indigène (et certes cette combinaison n'avait rien qui tînt du
bonapartisme).
Rappelez-vous
que, depuis un mois, ce même cabinet a pris le soin de se donner à lui-même
vingt démentis successifs, et vous demeurerez convaincus avec moi que si ce
cabinet n'approuve pas dès aujourd'hui notre choix, c'est qu'il croit ne pouvoir
pas se permettre dans le moment actuel l'initiative d'une reconnaissance
quelconque.
En donnant
son approbation à notre insurrection,
Elle
invoque aujourd'hui le principe de la non-intervention en faveur des Polonais
: serait-ce pour tout à l'heure ôter aux Polonais, par des protestations, la
liberté du choix de leur chef ? Non, messieurs, ne faisons point au
gouvernement de Louis-Philippe l'injure de le croire capable de pareilles
absurdités, de pareilles injustices.
« Nous
n'aurons plus l'appui de
Cet
appui ne nous manquera jamais : la sympathie qui existe entre ces deux peuples,
l'identité de la cause qu'ils défendent l'un et l'autre nous le garantissent à
jamais.
« Mais
l'intérêt du commerce et de l'industrie commande l'élection du duc de
Nemours. »
Je tiens
autant que qui que ce soit à la prospérité de ces deux sources fécondes des
richesses publiques, quiconque les verrait avec indifférence taries dans son
pays serait à mes yeux coupable de lèse-nation.
Mais les peuples comme les individus, ont besoin les uns des autres, et
cela suffit pour me rassurer sur la nature de nos relations commerciales à
venir avec
« Le
commerce souffre, il faut y porter un prompt remède. »
Mais ce
n'est point l'élection du duc de Nemours qui sera ce remède, le mal est ailleurs
: il est le (page 342) résultat
nécessaire de la commotion européenne. Le commerce souffre en France comme ici,
et tant que l'agitation n'aura pas cessé, cet état de souffrance durera : les
embarras de la première maison de banque de
Ce ne sont
d'ailleurs, comme on l'a prouvé, ni les alliances, ni les affections de famille
qui dictent les traités de commerce ; les Français ne sont pas moins jaloux que
nous des avantages que peuvent procurer des traités ; et, soit que nous ayons
pour roi, ou Nemours, ou Leuchtenberg, nous n'aurons jamais de traités que ceux
qui seront basés sur une juste et équitable réciprocité de bénéfices.
« Le
roi de France repoussera toute relation commerciale. »
L'opinion
publique, cette souveraine exigeante et irrésistible des gouvernements
constitutionnels, les lui commandera : qu'ai-je dit, messieurs ? la haute
raison de Louis-Philippe ne me permet pas de douter qu'il ne prévienne ces
avertissements ; un moyeu, pour le dire en passant, de préparer l'établissement
de ces relations avec
« Nous
ne trouverons plus en France la même sympathie. »
Autre
erreur : le prince de Leuchtenberg a laissé en France, par son père et son
aïeul, l'un des compagnons d'armes de Lafayette en Amérique, les plus chers et
les plus glorieux souvenirs. Sa présence parmi nous ne saurait manquer de nous
concilier la bienveillance des Français. C'est un de leurs frères que nous
prenons pour roi ; c'est la nation tout entière que nous honorons par notre
choix.
Je dirai
plus : les véritables libéraux, les véritables amis des peuples, en France comme
ailleurs, applaudiront bien plus vivement à une élection qui nous assurera une
indépendance complète et absolue, qu'à celle qui ne pourrait promettre à
Finalement
on nous dit : «
Je ne sais
s'il existe encore des bonapartistes dans le sens qu'on attachait autrefois à
ce mot ; ce que je sais, c'est qu'il n'est donné à personne d'aller ranimer les
cendres que recouvre la pierre de Sainte-Hélène ; c'est là qu'était le
prestige. L'idole a disparu, et je reconnais plus d'adorateurs quand le dieu
n'existe plus.
Ce que je
sais encore, c'est que notre pays était peuplé, pour ainsi dire, et de
bonapartistes et de républicains en 1815 et 1816, et que les uns ni les autres
n'ont le moins du monde ébranlé le trône, d'ailleurs fort chancelant, de Louis
XVIII, et qu'il est difficile de croire que ce qui n'a point effrayé Louis
XVIII dût épouvanter le roi citoyen.
Mais ce
qui, plus que tout le reste, prouve que le bonapartisme n'est plus qu'un fantôme
impuissant, même aux yeux de Louis-Philippe, c'est que lui-même recompose
ses armées des illustres débris des phalanges napoléoniennes ; c'est que lui-même
en confie le commandement aux généraux, aux maréchaux de l'Empire, à tous ces
grands dignitaires enfin qui tous se sont abreuvés à la coupe enivrante que
leur présentait Bonaparte.
Au
surplus, pour ce qui concerne la famille de Bonaparte, le congrès, quoi qu'il
dût coûter aux mœurs hospitalières de la nation, pourrait, comme l'a insinué
l'honorable M. Lebeau, prendre temporairement une grande mesure législative
propre à rassurer les puissances, et surtout
Pour
moi, je vois dans la question du Limbourg, du Luxembourg et d'Anvers une affaire
d'honneur à vider à nous seuls avec
Enfin on
nous dit que, le lendemain de l'élection du duc de Leuchtenberg, l'Escaut se
trouvera refermé.
La
fermeture de l'Escaut est une question européenne. L'élection, quelle qu'elle
doive être, n'y sera pour rien, si ce n'est peut-être celle du duc de Nemours,
qui, comme vous le reconnaissez tous, est le signal certain d'une guerre
générale.
.
Messieurs, je me résume et déclare que, par amour pour mon pays, pour que le
Belge ait enfin une patrie, pour préserver
(page 344) M. Charles Le Hon – Messieurs, je ne partage en aucune
façon l'opinion que vient d'émettre le préopinant, et pourtant j'aime
l'indépendance de mon pays et j'attache un grand prix à la paix de l'Europe.
On peut voir les choses autrement que lui et vouloir cependant choisir le chef
le plus digne et le plus capable de garantir nos intérêts.
Indépendance,
nationalité, telle est ma devise. Mais je ne la veux pas seulement dans les
mots, je la veux dans les choses. Quelles en sont les conditions ? territoire,
institutions, alliances politiques, relations commerciales. Quel chef nous
assurera la plus grande somme de ces conditions ? Voilà la vraie question.
Mais avant
de parler des candidats, voyons dans quelle situation le système de
En 1815
une ligue est formée contre
En 1831
Napoléon n'est plus ; il est remplacé par le colosse de
Si je
jette les yeux sur l'Angleterre, je la vois, à l'intérieur, occupée des
troubles de l'Irlande, et intéressée à tout faire pour maintenir le contrat
d'union ; je la vois occupée de sa réforme parlementaire, besoin impérieux
auquel elle est contrainte de céder ; je la vois pressée par le besoin des
économies devant une dette énorme et des charges accablantes, suite de la guerre,
malaise que viendra augmenter l'octroi des Indes qui expire en
Si je
considère
Examinez
maintenant la situation de
Au milieu
de ces circonstances de l'Europe, l'alliance naturelle de
« Le
ministre, dit ce dernier, nous a parlé de la neutralité européenne comme d'une
vaste conception qui commence à se réaliser. Si, en effet, cette neutralité
européenne a quelque réalité ; si M. le ministre du roi veut, par son
intervention pacifique, raisonnable, généreuse, faire comprendre le royaume de
Pologne, indépendant aux termes du traité de Vienne, le faire comprendre,
dis-je, dans la neutralité européenne, je le déclare, il méritera une
palme : tous les Français la lui donneront. Certes, s'il y a quelques
reproches à faire sur la conduite passée de ce ministre, ils seront effacés par
un si beau succès. »
Tel est,
messieurs, l'état présent des choses.
Dans cet
état de choses, quelle est la position de
Remarquez,
messieurs, que si la guerre a lieu, elle deviendra bientôt guerre de réaction
contre l'humiliante oppression de 1815.
La
couronne de
Voilà sous
quelles considérations je suis venu à préférer ce choix dans ses rapports
politiques.
Le
protocole du 20 janvier démontre à
Abordons
maintenant les objections. On fait d'abord celle-ci : Si le duc de Nemours est
nommé, la guerre est immédiate et générale ; si le cabinet anglais ne la
déclarait pas, la nation l'y forcerait. J'ai déjà dit la situation intérieure
de l'Angleterre et de l'Irlande ; j'ajoute qu'un ministre whig, c'est-à-dire
libéral, ne peut subsister qu'autant qu'il donne au pays de grandes économies
et la réforme parlementaire : car l'opinion publique se prononce hautement,
dans
L'Angleterre
et
La
neutralité de
Un orateur
nous a dit hier : Si l'on accepte la couronne en France, c'est que le parti de
la guerre l'aura emporté dans le cabinet. Mais, messieurs, c'est décider la
question par la question. Il faudrait avoir prouvé d'abord que la guerre sera
(page 346) immédiate, et des raisons
puissantes me semblent contester.
Vous aurez
la guerre, ajoute-t-on, pour le choix même non accepté du duc de Nemours, parce
qu'il résultera de ce choix que l'opinion française prédomine dans la nation.
Absurdité étrange ! Pourquoi protester contre le protocole du 20 janvier,
quand vous supposez aux jouissances, à l'Angleterre, le droit ou l'intention de
combattre en 1831 une opinion à coups de fusil ? Cela passait déjà pour absurde
avant la révolution de juillet.
On insiste
cependant, et l'on répète : Votre choix, accepté ou non, amènera immédiatement
la guerre. Quelle est votre autorité contre les raisons que j'oppose ? Le dire
d'un commissaire anglais. Mais quand on vous produit la déclaration précise,
unanime et officielle du ministère français, qui voit un acte d'hostilité
envers
En
définitive, assure-t-on,
Alors nous
aurions d'abord une guerre sourde, et bientôt une guerre ouverte. C'est
précisément à ceux qui donnent à
Je vais
plus loin. Lors même que
Le duc de
Nemours, a-t-on dit, ne serait en Belgique qu'un Belge de plus.
On vous a
dit, et on vous l'a dit de manière à vous le faire remarquer, que ce serait
s'humilier encore devant
Mais,
dit-on, l'élection du duc de Nemours n'est que la prolongation du provisoire.
Une minorité nous obligera à nommer une régence ; nouveaux embarras pour le
choix d'un régent. Messieurs, le prince a seize ans et demi, il est doué de
moyens précoces, dit-on ; rien n'empêche dé le déclarer majeur. Les annales de
notre histoire en offrent deux (page 347)
exemples. Dans une assemblée des états généraux, tenue à Bruxelles au mois de
décembre 1514, ils insistèrent vivement pour que l'archiduc Charles, depuis
empereur sous le nom de Charles-Quint, entrât en possession de la souveraineté
des Pays-Bas, qui lui était dévolue par le décès du roi d'Espagne Philippe le
Beau, son père, Charles n'étant pas encore, à cette époque, âgé de quinze ans.
Maximilien,
aïeul et tuteur de Charles, consentit à la demande des états généraux ;
Charles fut reconnu souverain des Pays-Bas, par les mêmes états, dans une
assemblée solennelle tenue au mois de janvier 1515, et la même année il se fit
inaugurer dans les différentes provinces. L'inauguration était le serment que
prêtait le souverain de régner selon les chartes et les lois du pays.
L'archiduc
Philippe le Beau, dont je viens de parler, avait été aussi, à la demande des
états généraux, reçu souverain des Pays-Bas, à l'âge de seize ans. II était né
en 1478, et fut inauguré en 1494.
Dans tous
les cas, avec le duc de Nemours, un an de régence suffirait. Qu'est-ce qu'une
minorité pareille ? est-ce bien sérieusement qu'on a osé la comparer à la
minorité du prince Othon ? Mais, messieurs, un prince majeur isolé en Belgique,
sans appui naturel, ne serait qu'un roseau pour soutenir un autre roseau. La
nation et son chef, tous deux jeunes, sentent le besoin d'un soutien ; il leur
manque encore, surtout si
Voici,
messieurs, la différence énorme qui existe entre les deux hypothèses.
Voyons
maintenant ce qu'on dit en faveur du duc de Leuchtenberg. Ici je dois, avant de
parler des avantages où des inconvénients de ce choix, répondre à une première
considération que l'on a fait sonner bien haut, je veux dire la popularité
prétendue de sa candidature. On a dit que puisque, malgré l'éloignement du
gouvernement provisoire et les mesures de la police, il avait, en peu de
jours, trouvé tant de partisans, il fallait bien reconnaître qu'il serait l'élu
du peuple. J'avoue, messieurs, que le duc de Leuchtenberg mérite assez les
honneurs de la popularité pour m'étonner qu'on l'ait mis en contraste avec les
actes d'une autorité inférieure. Le duc de Leuchtenberg trouvera toujours de la
sympathie en Belgique, en France, en Italie, en Europe. On n'a pas encore
oublié, on n'oubliera jamais la gloire française, et le prince Eugène est un
des monuments de cette belle gloire. Le fils du prince Eugène n'a rencontré, il
ne pouvait rencontrer aucun obstacle en Belgique ; il devait y trouver de
nombreux partisans. Mais ceux qui accusent le gouvernement de lui être contraire,
ignorent-ils les moyens employés pour augmenter cette popularité ?
Je n'ai
pas l'habitude de rien cacher à la tribune, et je dirai ce que je sais. J'ai
eu avant-hier entre les mains une lettre écrite au duc de Bassano ; cette
lettre est originale, et il y est dit que, le 12 janvier, des envoyés belges
sont arrivés à Munich. (Je ne savais pas que des envoyés fussent partis pour
Munich ; ce n'est certainement ni le gouvernement ni le comité diplomatique qui
les a envoyés.) Et huit jours après, ce jeune prince reçoit une ovation au
théâtre de cette ville, et son portrait est colporté dans toutes les rues. Je
ne savais pas cependant qu'il eût été question du choix de ce prince au
congrès, et j'avoue qu'en voyant cette ovation, les trépignements des tribunes,
on a été autorisé à penser que tout cela se faisait par ordre du gouvernement,
et cette circonstance a fait que ce nom a été d'autant mieux accueilli par le
peuple. Je vous laisse à tirer les conséquences de ces faits ; qu'on ne vienne
donc pas nous dire qu'il excite au plus haut point la sympathie de la nation.
Du reste, la lettre dont je viens de parler ne se borne pas à dire que des
envoyés belges sont allés à Munich le 12 janvier ; le duc de Leuchtenberg dit
encore que toute acceptation de sa part serait subordonnée à l'agrément de
Louis-Philippe ; l'intérêt même de
Mais, dit-on,
il n'est question à la tribune française que de la réunion de
Vous me
pardonnerez cette digression, messieurs ; je reviens à mon sujet.
Avec le
duc de Leuchtenberg, a-t-on dit, point de guerre ou seulement guerre possible,
il sera reconnu des puissances, de
Mais,
d'ailleurs, à cette opinion verbale d'un homme qui ne vous a pas parlé au nom
de son gouvernement, j'oppose la déclaration formelle, écrite, officielle de
l'opinion unanime du cabinet français, qui voit dans l'élection de ce prince un
acte d'hostilité. Quand des ministres responsables tiennent ce langage, il y a
au moins franchise. Mais, dit-on, c'est un ministère expirant que le ministère
français. Hier encore le bruit circulait que la chambre avait improuvé
hautement sa politique ; les journaux devaient en porter la nouvelle. Eh
bien, les journaux sont arrivés, qu'avons-nous vu ? C'est qu'à la fin de la
discussion tout le monde s'est trouvé d'accord, et que la clôture a été
prononcée à une immense majorité sans qu'on ait demandé au ministère la communication
d'aucune pièce. Si ce ministère est prêt à tomber, je le trouve encore bien
fort.
Avec ce
prince nous aurons l'appui de quatre grandes puissances, barrière reconstituée
contre
On a fait
un raisonnement plus singulier.
On dit
encore, pour faire ressortir tout l'avantage de ce choix, que le duc de
Leuchtenberg n'est pas Anglais aux yeux de
Si nous
sommes ici de par le peuple, proclamons celui que le peuple demande par un
plus grand nombre de pétitions. J'ai entendu un orateur tenir ce langage.
L'armée, a-t-on dit aussi, demande le duc de Leuchtenberg pour chef. Messieurs,
de tels moyens sont trop faciles pour être puissants. On invoque le vœu du
peuple, celui de l'armée ! Mais le peuple, mais l'armée, où sont-ils ? où est
leur organe légal ? (Mouvement.) Les murmures que j'ai entendus partir
des tribunes, est-ce le vœu du peuple ? La pétition de quelques officiers,
est-ce le vœu de l'armée ? Messieurs, l'armée est dans le peuple et le peuple
est ici. (Nouveau mouvement.)
Le duc de
Nemours n'acceptera pas, ou sa réponse se fera attendre longtemps ; et le
provisoire continuera, a-t-on dit. Le duc de Leuchtenberg, oh ! celui-là
acceptera à coup sûr ! on dit même qu'il sera ici peu de jours après sa
nomination. Le duc de Nemours n'acceptera pas, parce que le roi des Français ne
voudra pas se rétracter. Louis-Philippe est un honnête homme, il tiendra ce
qu'il a avancé. Messieurs, c'est parce que Louis-Philippe est un honnête homme
que je me fie à lui, et que j'espère en la réponse qu'il nous fera. Laissons à
Louis-Philippe le soin de remplir sa tâche ; il est capable de la remplir
noblement, et n'a pas besoin de nos leçons. Laissons-lui donc sa tâche, et
faisons la nôtre. Or, je dis que lors même que nous serions encore refusés,
nous aurions un avantage immense à avoir fait cette offre, parce que nous
aurions fait acte de nationalité et d'indépendance en persistant ; et si
Mais vous
n'avez pas cette incertitude avec le duc de Leuchtenberg ? Non, car je suis
certain qu'il n'acceptera pas. La lettre du duc de Bassano ne me laisse aucun
doute à cet égard, et elle est datée du 25 janvier. On peut dire que, depuis,
le prince aurait pu changer d'idée. De suppositions, on n'en est pas avare
quand on veut écarter un fait ; mais des suppositions ne suffisent pas. Si
cette lettre existe, et je l'ai vue, j'oppose un fait à des suppositions. Dans
tous les cas, remarquez ceci : si le refus n'est pas certain, au moins l'acceptation
est douteuse. Qu'arrivera-t-il s'il refuse ? Examinez notre position envers
Je me
résume, messieurs.
On a parlé
du fils d'un grand guerrier, d'un grand homme ; car Eugène est resté pur au
milieu des souillures de l'Empire. Sans doute son fils est digne d'une
couronne. Mais, après avoir réparti tant de popularité à la candidature du duc
de Leuchtenberg, sans établir de comparaison entre eux, on me permettra de
replacer à sa hauteur le fils du premier roi citoyen qui se soit assis sur le
premier trône de l'Europe ; le fils de celui que quinze ans d'opposition, placé
qu'il était sur les marches du trône, ont rendu plus populaire qu'aucun prince
ne le fut jamais. On me permettra de dire que le prince qui a été témoin de la
chute de Charles X, le prince qui a vu l'avènement de son père, qui l'a suivi
à la chambre des (page 350) députés,
qui a entendu son serment à la constitution, qui a reçu dans les lycées de
Paris ; comme les enfants d'un simple citoyen, une éducation libérale et
constitutionnelle ; que ce prince, dis-je, qui n'a pas cueilli de lauriers,
mais qui vient à nous l'olivier de la paix à la main, fera plus pour nous que
le fils d'un grand capitaine. Il nous faut un prince, en effet, qui ait' puisé
dans des traditions de famille les principes d'un libéralisme franc et pur :
garantie la plus sûre de notre indépendance et du maintien de notre liberté,
sans lesquelles il n'est pas de bonheur pour les peuples. J'ai dit. (U. B., 2
fév.)
M.
Jottrand – Je demande la parole pour un fait personnel. Vous ne pouvez me la refuser
quand on vient de parler d'injure et de calomnie, à propos de ce que j'ai dit hier.
Vous ne pouvez me forcer à attendre mon tour de parole ; vous ne pouvez
permettre qu'un membre de cette assemblée reste sans se défendre pendant plus
de deux jours peut-être, sous le poids d'imputations aussi graves que celles
qui viennent d'être proférées contre moi.
Hier vous
avez donné la parole pour un fait personnel à un honorable membre que je
n'avais pas attaqué directement, que je n'avais pas inculpé dans son honneur ;
je réclame la même justice que vous lui avez accordée.
On nie que
des offres de réunion de
« De
sanglantes hostilités continuaient entre les Hollandais et les Belges : les
grandes puissances ont offert leur médiation, elle a été accueillie avec
empressement, avec reconnaissance par
« Après ce premier bienfait dont ils étaient surtout
redevables à
« Les
Belges ont manifesté d'autres vœux : à peine entrés en possession de leur
indépendance, ils ont insinué qu'ils ne pouvaient la conserver ; qu'ils
désiraient leur réunion à
Voilà,
messieurs, les paroles de M. Sébastiani. Or, ces
Belges qui ont demandé la reconnaissance, qui ont demandé la libre navigation
de l'Escaut, c'étaient les envoyés du gouvernement chargés par le gouvernement
de traiter de ces mesures. Ce sont les mêmes qui ont insinué le désir d'une
réunion, car le ministre dit : Se sont présentés de nouveau. D'ailleurs,
messieurs, ces Belges ont insinué, dit le ministre. On n'insinue pas de
loin ; c'était à Paris même que ces insinuations devaient avoir lieu.
Le
préopinant m'accuse de calomnie sous prétexte que je ne rapporte pas de pièces
à l'appui de mes accusations. Eh ! messieurs, ai-je pu être en tiers dans les
conversations qui ont été tenues dans le cabinet des ministres de France ?
ai-je pu avoir connaissance des pièces authentiques ou autres qui sont
relatives à ces pourparlers ? Il est commode pour mes adversaires de se
retrancher dans le système du code pénal de Bonaparte qui exige aussi la
reproduction des pièces authentiques à l'appui même des faits les plus
notoires, les plus évidents, sous peine de les voir déclarer calomnieux.
Ils me
reprochent, ces adversaires, d'avoir excité à cette tribune un débat sur des
faits graves. Ils m'accusent du mal que mes attaques peuvent faire à de fort
honnêtes gens devant l'Europe qui, disent-ils, nous écoute. Mais la défense
n'est-elle pas de droit dans cette assemblée ? Que ceux que j'attaque se
défendent. L'Europe sera juge du camp, et juge sans partialité. Seulement,
j'avertis ceux que la chose concerne que l'Europe ne demandera pas la
production de pièces authentiques pour former son jugement.
M. Sébastiani a parlé, j'ai cité ses paroles, qu'on les
apprécie et qu'on les explique. (U. B., 2 fév.)
M.
Charles Le Hon – Messieurs, vous avez entendu ma réponse et celle de
l'honorable membre. Je n'ai rien à ajouter, vous êtes les meilleurs juges
entre nous deux. Je dirai seulement que je n'ai pas l'habitude de me retrancher
derrière des actes authentiques, et que je n'ai pas invoqué l'article du Code
pénal dont parle M. Jottrand. Quant au mot calomnie, j'ai appelé inconcevable
facilité d'injures et étrange légèreté de calomnie l'assurance (page 351) avec laquelle on a posé des
faits, au lieu d'interroger sur ces faits. Quant au journal que le préopinant
a cité, je lis : « Les Belges ont manifesté d'autres vœux ; ils ont insinué
qu'ils désiraient leur réunion à
Voilà
ce qu'a dit M. Sébastiani : il faut avoir singulièrement
l'envie de trouver le gouvernement coupable pour l'accuser d'être désigné par
ce passage. Ce sont des Belges, vous dit-on, qui parlaient au nom de quelques
citoyens. Or, quel est le gouvernement ou le comité diplomatique qui parlerait
au nom de quelques citoyens ? Il parlerait au nom de tous. Votre réfutation
est dans le journal. (U. B., 2 fév.)
M.
Forgeur – Il
est urgent de venir à la question, car ceux qui nous accusaient de malveillance,
en prétendant que nous voulions retarder la discussion, sont aussi ceux qui
élèvent des questions personnelles ; l'honorable M. Jottrand vous l'a dit,
ceux qui reculent sont les complices de M. Sébastiani.
(E., 2 fév.)
M.
Alexandre Gendebien – J'invite la nation tout entière à lire le passage cité par M.
Jottrand, et chacun acquerra la conviction que la légation n'a rien proposé
qui eût rapport à la réunion. J'étais membre de la légation ; j'affirme, comme
je l'ai fait hier, que jamais offre semblable n'a été faite : je m'abstiens de
répondre aux autres imputations du préopinant. (U. B., 2 fév.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Je demande la parole pour un fait
personnel, je ne dirai que deux mots.
Messieurs,
lorsque dans une assemblée publique on fait retentir des paroles, soit contre
un gouvernement étranger, soit contre les ministres de ce gouvernement, alors
je reconnais à tous les députés le droit d'interpeller officiellement, au sein
de l'assemblée, soit les membres du comité diplomatique, soit le ministre
responsable, et de leur demander des explications : cet usage est parlementaire.
Si donc M. Jottrand avait conçu des soupçons contre le comité, il devait
provoquer des explications officielles et positives, et faire au comité
diplomatique des demandes catégoriques auxquelles nous aurions répondu. Eh
bien ! quoique cette explication n'ait pas été provoquée et qu'on ait préféré
jeter en avant des paroles que je veux bien m'abstenir de qualifier, comme
président du comité diplomatique, je dirai que jamais le comité, dans les
instructions données à ses agents, n'a contrevenu ni aux décrets de l'assemblée
nationale en général, ni spécialement à celui qui a consacré l'indépendance de
M. Jottrand – Eh bien, nous verrons si ces pièces
nous donneront une explication assez satisfaisante pour interpréter, je ne
dirai plus les paroles de M. Sébastiani, mais le
passage suivant de la lettre, adressée le 11 janvier, par M. Bresson à M. de
Celles : « J'ajouterai, M. le comte, que S. M. ayant, à plusieurs reprises,
manifesté l'intention de ne consentir, ni à la réunion de
M. le baron Osy
– Messieurs, je ne comptais
pas prendre la parole dans cette discussion grave, dont doit dépendre le sort
de
Je ne
parlerai pas du mérite des deux princes, mais je ne considérerai que notre sort
futur sous le rapport du commerce, de l'industrie et de l'agriculture, et les
conséquences probables de la paix ou de la guerre.
Suivons
avec attention la marche du cabinet français depuis qu'il est question de nous
occuper du choix du chef de l'État. Il a commencé à nous déclarer formellement
que le roi des Français ne nous accorderait pas son fils, et qu'il ne reconnaîtrait
pas le duc de Leuchtenberg, s'il était appelé au trône de
Lorsqu'il
a vu que le duc de Leuchtenberg avait beaucoup de chances d'être élu, on nous a
fait entendre, cela depuis peu de jours, que maintenant on nous accorderait le
duc de Nemours ; et, quoique les premiers orateurs qui portent ce prince nous
aient dit qu'ils prévoyaient la guerre, depuis que le cabinet de France a parlé
plus favorablement, (page 352) on
paraît moins craindre ce fléau. Pour moi, messieurs, je crois que
Pour moi,
je ne doute pas que l'acceptation du trône pour le duc de Nemours sera un
signal de guerre, car les puissances ne pourront pas consentir à voir
accroître ainsi la puissance de
Je dois
donc d'autant plus croire à une guerre générale et immédiate, qu'il
paraît<certain que les cinq grandes puissances se sont engagées à n'accorder
réciproquement aucun membre de leur famille pour régner sur les Belges.
Ainsi, si
Les
immenses trésors que le commerce et l'industrie belge ont en mer sont attendus
de toutes les parties du monde, et leur prise qui serait inévitable ferait la
ruine de tous nos commerçants et industriels ; cette perte dépasserait de
beaucoup celles déjà faites depuis la révolution et surtout à Anvers.
Outre la
perte de toute notre flotte marchande avec ses riches cargaisons (car ne vous
faites pas illusion que les flottes françaises pourront nous protéger ; elles
auront déjà assez à faire pour protéger leur commerce et leurs colonies), nous
serions donc sur mer sans aucun appui, et seulement en cas de succès nous
serions protégés sur terre, et en cas de revers notre sort sera, comme on nous
l'a très bien dit, de nous voir partagés, et nous n'aurions joui que très peu
de temps de notre indépendance, et encore après avoir été ruinés et avoir dû
contribuer à une guerre très coûteuse.
Rappelons-nous
tous les maux que nous avons dû souffrir pendant vingt années de réunion à
Je reconnais
donc tout à fait les chances de guerre ; mais si elle n'avait pas lieu, pour le
moment, quels avantages commerciaux aurions-nous avec un prince français ?
Nos
houilles, pour lesquelles nous avons besoin d'un si grand débouché en Hollande,
ne seront pas favorisées au détriment des houilles anglaises ; et les députés
du Hainaut et de Liége vous diront que nous ne pourrons pas lutter contre les
Anglais, si nous ne sommes pas favorisés. Ce que je vous dis des houilles
s'applique aussi à nos fers, à nos fabrications de cotons et à tant d'autres
objets, dont nous ne trouverons presque plus de débouchés.
Pour ce
qui regarde les colonies hollandaises, source de grande prospérité depuis
quinze ans, et surtout depuis les dix dernières années, pour nos tissus de
cotons, draps et tant d'autres objets d'industrie et d'agriculture, nous n'y
serons admis que comme les Anglais, et nous savons que, même avec un droit
protecteur de 25 à 50 p. 100, nous avions de la peine à lutter contre eux ; et
que sera-ce quand nous n'aurons plus d'avantages sur nos rivaux en industrie ?
Voyez la
belle flotte marchande construite depuis dix ans à Anvers, et qui fait
l'admiration de tous ceux qui viennent visiter notre beau port ; n'ayant plus
les avantages aux Indes, exclus des colonies françaises, n'ayant plus
l'occasion de les affecter à la société de commerce, que deviendra un
établissement tout à fait hollandais ? Nous ne pourrons plus l'utiliser et nous
la verrons pourrir dans nos beaux bassins déserts, ou vendre aux (page 353) Hollandais ; et avant peu
vous n'aurez plus de flotte marchande, que nous avons eu tant de peine à
construire, ce qui n'a pu se faire que par les grands avantages commerciaux que
nous avions et que nous avons perdus.
Il y a dix
ans que nous n'avions pas une seule compagnie d'assurance dans ce pays pour les
risques maritimes, et maintenant nous comptons à Anvers au moins douze
compagnies, ayant un capital au moins de vingt millions de florins. En cas de
guerre vous les verrez toutes ruinées, les unes après les autres, par la prise
de nos navires et des navires français, sur lesquels nous assurions beaucoup ;
et en cas de paix, sans commerce, vous les verrez liquider ; et voilà encore de
ces établissements qui ne se forment qu'avec beaucoup de peine, et'
non-seulement par le secours du commerce, mais même des particuliers, car parcourez
la liste des actionnaires, et vous y trouverez qu'une infinité de rentiers de
Bruxelles, des Flandres, et de Liége, y ont pris une grande part.
Parlons
aussi maintenant de l'agriculture : déjà on se plaint que la guerre que nous
avons eu à soutenir contre
Comparez
cela à la prospérité de nos propriétaires qui ont cependant plutôt baissé que
haussé les baux de leurs terres depuis quinze ans. Je puis dire la prospérité ;
car encore, du temps des Français, voyez combien de grandes propriétés dans ce
pays étaient grevées. A Anvers seul, il y avait au delà de trente levées, et
depuis la paix elles ont toutes été remboursées, soit par leurs propriétaires
ou par les nouveaux acquéreurs ; et de toutes ces levées il n'en reste plus que
deux ou trois qui se remboursent ou s'amortissent annuellement. En cas de
guerre, vous verrez les étrangers quitter notre belle patrie et les calamités
de la guerre forceront bientôt d'avoir recours à de nouvelles levées d'argent.
Pour ce
qui est de notre industrie, soyez persuadés que tous nos premiers fabricants
abandonneront leurs établissements, tant à Gand qu'à Verviers, et porteront
leurs capitaux et leur industrie en Hollande et en Prusse, même en cas de
paix, n'ayant pas de débouchés, comme je crois vous l'avoir prouvé ; et avant
peu, ils auront regagné les frais de premier établissement, surtout en
Hollande.
Les
négociants étrangers qui sont venus en si grand nombre s'établir à Anvers, nous
quitteront sans retard ; ils s'apprêtent déjà à partir, et iront s'établir à
Rotterdam et Dordrecht : Ils nous avaient amené par leurs capitaux et industrie
des affaires si considérables, que pendant les huit premiers mois de l'année 1830,
nous avons importé à Anvers près d'un tiers de plus de marchandises que
Rotterdam et Amsterdam réunies, pendant toute l'année, y compris les cargaisons
destinées pour Anvers.
Avant peu
d'années, Anvers aurait repris parmi les villes commerçantes le rang qu'elle
avait au seizième siècle, et repris à
Mais
malheureusement nous n'en avons pas joui longtemps, et
Cela vous
explique pourquoi à Anvers, au mois de septembre, on a cru devoir, dans son
intérêt, réclamer contre la séparation. Cependant cette mesure leur a été imputée
à crime.
Les
négociants étrangers seront suivis de près par nos premières maisons belges ;
déjà l'un de nos premiers armateurs, qui seul a trente navires, qui faisaient. le commerce des Indes, et dont il y en a qui ont fait le
tour du monde, a déjà pris des moyens de mettre ses navires sous des noms hollandais.
Par ces
raisons, même avec la chance de paix, que je ne puis partager, dans l'intérêt
de
Je suis
très persuadé que
Voyez la
somme de 1,500,000 fl., votée au dernier budget pour venir au secours de la
classe ouvrière et des villes et communes dont les revenus ne suffisent plus
pour entretenir la classe indigente. Cette somme, votée pour six mois, sera
absorbée avant le 1e avril, et si, comme je n'en doute pas, cette même misère
continue, il faudra des millions pour nourrir cette classe intéressante, qui
perdra avec la misère le goût du travail, vertu si éminente des Belges ; car
avouons tous que c'est admirable que, depuis cinq mois que tout est dans la
plus grande stagnation, ce brave peuple souffre avec tant de résignation et de
calme. Mais, quand nos ateliers continueront à être fermés ainsi que nos ports,
pourrons-nous payer assez de contributions pour soulager une classe
respectable, qui ne demande pas l'aumône, mais de l'ouvrage ?
Soyez
persuadés que le choix du duc de Leuchtenberg sera également mal vu des autres
puissances ; qu'on ne fera rien pour nous favoriser, dans l'attente que notre
élu se retirera, voyant qu'il ne peut faire le bonheur des Belges ; l'enthousiasme
qui règne maintenant ne sera pas de longue durée.
Ayant donc
écarté par toutes ces raisons les deux candidats qui paraissent avoir le plus
de chances, et auxquels, en conscience, je ne pourrai donner ma voix, j'ai
mûrement réfléchi à qui je donnerai mon suffrage.
Je vous avouerai
franchement que votre décret d'exclusion me fait cependant regretter de ne pouvoir
vous faire part d'une combinaison qui nous aurait rendu le bonheur et la
prospérité ; mais puisque vous croyez ne pouvoir en revenir, j'ai pensé que je
devrai donner ma voix à un prince qui serait agréable à toutes les puissances,
qui éviterait la guerre générale, et qui ne donnerait pas d'ombrage ni de
crainte à nos voisins, les Français et les Hollandais, qui traiteront alors
avec nous, et par reconnaissance, sur un pied avantageux, pour voir renaître
une partie de la prospérité du commerce et de l'industrie, sans laquelle notre
belle et riche patrie sera avant peu livrée à toutes les horreurs de la guerre,
de la misère, ou de la guerre civile, suite inévitable de tous nos maux.
Je compte
donc donner ma voix au prince Charles de Bavière, frère de S. M. le roi de Bavière.
Ce prince
sera sûrement agréable à toute l'Europe, et, vivant déjà dans un pays qui a
fait de grands pas dans la civilisation et la liberté, nous fera espérer qu'il
sera l'ami de nos institutions, et saura de suite prendre, d'une main ferme, le
timon de nos affaires, qui ont si grandement besoin de sortir du provisoire.
Je crois,
messieurs, vous avoir dit toutes mes raisons pourquoi je ne pourrai voter pour
les deux concurrents qui paraissent avoir le plus de chances, et je crois vous
avoir parlé avec la plus grande franchise sur tous les points, même les plus
délicats ; et ainsi, si d'ici à la clôture des débats nous n'avons pas de
nouvelles communications officielles, je vous déclare avec la même sincérité
que, ne pouvant me résoudre à donner ma voix à des princes que j'estime
beaucoup d'après tout ce que l'on nous en a dit, je devrai même m'abstenir de
voter s'il y avait un troisième tour de scrutin entre les ducs de Nemours et de
Leuchtenberg. Mais ma conviction qu'avec eux la force des événements nous
amènerait tous les maux, ne peut, me décider d'appeler un de ces princes sur le
trône de
M.
Devaux – La
question, messieurs, dont l'examen vous occupe est déjà bien avancée ; l'attention
du congrès est épuisée, je me bornerai donc à développer brièvement les motifs
de mon vote, qui sera favorable au duc de Leuchtenberg.
Mon
intention a été d'abord de voter pour un roi indigène. A défaut de ce prince,
j'avais tourné mes regards vers Saxe-Cobourg ; ces choix sont-ils encore
possibles aujourd'hui ? Non, deux candidats se partagent les suffrages du
congrès. En appuyant la candidature de l'un des deux, je ne parle point pour un
candidat de mon choix. Mes paroles seront donc exemptes d'aigreur et d'animosité.
Le duc de
Leuchtenberg est l'un des candidats qu'on nous propose. Il est environné de
grands et de nobles souvenirs ; il satisfait à la sympathie de quelques classes
de la nation ; il offre des garanties pour l'indépendance de
A
l'intérieur, ce prince nous délivrera des embarras d'une régence ; il est
majeur, il est en état de régner par lui-même ; il fera cesser immédiatement
le provisoire.
(page 355) Examinons maintenant la
question sous le rapport de l'extérieur. L'élection du duc de Nemours, disent
les partisans de ce prince, ne troublera point la paix ; celle du duc de
Leuchtenberg amènera nécessairement la guerre.
Mais qui
donc nous déclarera la guerre ?
Je conçois
que
Ce que je
dis de
On a
communiqué à cette assemblée une lettre de M. Sébastiani
où il est dit que si nous choisissons le duc de Leuchtenberg, le cabinet
français ne nous reconnaîtra pas. Je le crois bien ; le cabinet Sébastiani ne pouvait parler autrement. La question du
choix d'un prince est pour lui une question d'existence. Si Leuchtenberg est
choisi, le ministère Sébastiani tombe ; il ne pourra
jamais réaliser ses menaces en présence de la nation française.
Si
nous choisissons le duc de Leuchtenberg,
Mais la
guerre, dit-on, est un fléau aussi redoutable que l'anarchie. Messieurs, si la
guerre éclate avec le duc de Leuchtenberg, ce que je ne crois nullement, elle
sera immédiate, et préviendra la guerre civile, qui, selon moi, est pire que la
guerre étrangère. Avec le duc de Nemours, au contraire, nous avons la guerre
civile d'abord (car les hésitations de
On fait
courir le bruit que le duc de Leuchtenberg n'accepterait pas le trône de
J'avoue,
messieurs, que ces bruits m'inspirent beaucoup de défiance contre la lettre de
M. de Bassano, qui est assez sujet à se laisser tromper. En tout cas je crois
qu'il faut ne pas ajouter plus de foi aux uns qu'aux autres.
Ce ne serait
probablement que pour prévenir la guerre que le duc de Leuchtenberg
n'accepterait pas ; mais, avec ce prince, je ne conçois pas la possibilité
d'une guerre. Ce prince maintiendra l'équilibre, il maintiendra notre
indépendance, et ainsi disparaîtra la cause principale de la guerre.
Pourquoi,
d'ailleurs, la guerre serait-elle plus imminente avec le duc de Leuchtenberg
qu'avant la révolution ? La position des divers cabinets, l'un à l'égard de
l'autre, restera absolument la même.
Avec le
duc de Nemours, la guerre est probable. Le duc de Nemours sera considéré, par
l'Angleterre, comme donnant à
Dans la
supposition que la guerre éclate, savez-vous bien quels en seront les résultats
?
Les
puissances se rangeront du côté de nos ennemis ; l'Escaut nous sera fermé ;
une escadre anglaise tiendra le port d'Anvers bloqué et débarquera sur nos
côtes une armée formidable. Ainsi
Le ministre
Grey, le plus pur et le plus libéral que l'Angleterre ait jamais eu, tombera ;
Wellington, qui représente le parti belliqueux, reparaîtra, et avec lui, le
génie du despotisme et de l'oppression.
Si
Vous
rassurerez encore les cabinets étrangers ; vous les porterez peut-être à vous
faire des concessions utiles. Les provinces de Limbourg et de Luxembourg,
qu'ils tiennent en réserve pour le prince d'Orange, de crainte que
Soyons
donc indépendants, neutres, pour qu'on nous rende forts. Ne choisissons
donc pas le duc de Nemours ; car évidemment le choix de ce prince violerait le
système de neutralité, que les puissances cherchent à établir. C'est ce que les
Français ont senti eux-mêmes. Je n'en veux pour preuve que le discours prononcé
par M. Barthe, dans une des précédentes séances de la chambre des députés.
Il est une
chose, messieurs, qu'il ne faut point perdre de vue, c'est que la rivalité des
puissances entre elles fait notre force. Gardons-nous donc de nous allier
exclusivement à l'une d'elles, car si son appui venait à nous manquer, nous
serions perdus. En élevant au trône le duc de Nemours, nous nous allions à
En
choisissant le duc de Leuchtenberg nous ne commettrons pas une semblable faute,
faute qui nous conduirait inévitablement à la guerre.
M. Charles
de Brouckere nous a dit que M. Ponsonby nous menaçait de la misère si nous
élisions le duc de Leuchtenberg. C'est-à-dire du moins qu'on ne nous menace pas
de la guerre. Pour moi, je ne crois pas à la réalisation de la prophétie de M.
Ponsonby ; car, lors de la discussion sur la question de l'indépendance, M.
Charles de Brouckere nous a prouvé que, sous les rapports des intérêts
commerciaux,
On a dit que le duc de Leuchtenberg ne serait qu'un homme de
plus en Belgique ; certes sa nomination ne cicatrisera pas toutes nos plaies ;
mais du moins, toutes les nuances d'opinion, résultats du provisoire,
disparaîtront ; la confiance renaîtra, car il y aura quelque chose de
définitif, de stable, autour duquel les intérêts aiment à se rallier ; elle
renaîtra en France comme en Belgique, et les hommes qui, à Paris, poussent à
la guerre ne seront plus écoutés.
La
nomination du duc de Nemours, messieurs, n'est qu'une transition à la réunion
complète. A cet égard, il ne semble pas y avoir le moindre doute en France.
Dans les discussions qui viennent d'avoir lieu à la chambre des députés, à
peine a-t-on dit quelques mots, en passant, du duc de Nemours.
Messieurs,
si nous voulons conserver l'estime et la sympathie de
Messieurs,
voulez-vous savoir de quel ton on traiterait en France
« Je
ne pense pas, a dit M. Dupin, qu'il s'agisse d'annexer à
Ah !
messieurs, ne soyons une source d'embarras pour personne ; ne nous ravalons
pas à être une misérable petite Navarre ; restons, restons la belle, la noble
Belgique. Depuis longtemps le mot de patrie ne résonnait qu'imparfaitement dans
nos cœurs. Depuis des siècles, nous n'avons fait que passer d'un joug à l'autre
; tour à tour, Espagnols, Autrichiens, Français, Hollandais, depuis quatre mois
seulement, nous sommes Belges et nous avons retrouvé une patrie ! et depuis
quatre mois, messieurs, la patrie nous a fait faire des miracles. Ce sentiment
commun, auteur d'espérances communes, qui lie entre eux des bommes de mêmes
mœurs et de même caractère, a grandi le peuple tout entier, comme par
enchantement. Est-ce trop, après des siècles, de ce peu de jours de véritable
indépendance ? Faut-il déjà étouffer dans nos cœurs le foyer de tant de nobles
pensées et de généreux sentiments ? Cette patrie que nous avons ressaisie au
prix du sang belge, faut-il déjà l'humilier aux pieds d'une puissance
étrangère ? Pour moi, messieurs, la plus dure et la plus douloureuse nécessité
pourrait seule m'amener à un si grand sacrifice. (Ce discours est accueilli
par de nombreux bravos.). (C., 2 fév.)
M.
Nothomb – L'honorable
préopinant, et d'autres orateurs que nous avons entendus hier ont prétendu que
le choix du duc de Nemours détruirait notre nationalité, et entraînerait la
perte définitive des provinces ou parties de provinces qu'on nous conteste, et
notamment du Luxembourg.
Je pense,
au contraire, que s'il existe un moyen de sauver notre nationalité, c'est dans
l'élection du duc de Nemours qu'il faut le chercher ; que s'il est un moyen de
préserver
Et moi
aussi, messieurs, je suis partisan de l'indépendance nationale, j'apprécie tout
ce qu'il y a dans les mots d'indépendance et de patrie, je repousse la réunion
à
Nous ne
pouvons nous le dissimuler, messieurs,
De part et
d'autre, ce désir est une erreur ; c'est même un crime, si vous voulez ; mais
ce sont des faits devenus pour nous et
La
conquête de
Voilà
l'opinion dominante en France. Parcourez la capitale et les départements,
entrez dans les palais et les chaumières, partout on vous dira : Nous sommes
victimes d'une spoliation,
Le général
Lafayette, en s'en référant aux opinions de MM. Lamarque et Mauguin, dit : « Une autre vérité non moins évidente,
malgré ce qui a été dit sur le respect dû aux traités existants, c'est que de
même que notre dernière révolution de juillet a, de droit, annulé certains
articles de la charte octroyée, de même aussi elle a, nécessairement, annulé
certains de ces traités, de ces articles du congrès de Vienne de 1815 ; ceux, par exemple, qui assuraient le
trône de France à Louis XVIII et à sa famille, et unissaient
Tous les
députés, un industriel excepté, et dont je parlerai tout à l'heure, partagent
cette fatale opinion ; M. Dupin, M. Sébastiani
lui-même ne leur opposent qu'une fin de non-recevoir :
Si de
Nous qui
sommes partisans de l'indépendance nationale, nous avons donc deux tendances à
combattre : la tendance de
On dit que
la réunion sera funeste à l'industrie en Belgique et en France. Je le crois,
j'en suis convaincu avec M. Cunin-Gridaine et avec un
de nos compatriotes de Liége, qui a traité cette question dans nos journaux.
Mais cette démonstration, quelque évidente qu'elle soit, n'arrêtera personne
: ce n'est pas un obstacle réel.
Il était
également prouvé que la déchéance des Bourbons serait fatale à l'industrie
française, que la séparation de
De même la
réunion de
Appelés à
fixer le sort de
Le choix
du duc de Nemours me semble atteindre ce double but ; le choix du duc de
Leuchtenberg ne ferait qu'augmenter, dans certaines provinces belges, le désir
de la réunion, et n'éteindrait pas en France l'esprit de conquête.
En
choisissant le duc de Nemours pour roi des Belges, vous élevez entre les
Français et vous une barrière de délicatesse qui nous servira mieux que le
système de l'équilibre européen et notre ligne de forteresses. Louis-Philippe
ne consentira jamais à détrôner son fils, son successeur à détrôner son frère.
Les idées de conquête s'évanouiront, l'amour-propre sera satisfait, car pour
Si vous
choisissez le duc de Leuchtenberg, la dynastie d'Orléans, à laquelle le choix
sera hostile, et vous l'avouez, entretiendra les idées de conquête, et les
réalisera d'accord avec le peuple, dès que les circonstances le permettront.
Je vais
plus loin. Je suppose que notre révolution de septembre n'ait pas eu lieu ; eh
bien, sans vous et malgré vous,
Je suppose
qu'une contre-révolution appelle au trône le prince d'Orange et que la nation
belge l'agrée ; eh bien,
Je ne
veux pas d'un prince indigène, ce choix ne serait pas une garantie contre
La discussion
récente de la chambre des députés de France démontre, à l'évidence, que
Messieurs,
notre position est bien singulière : si d'un côté
Un
honorable orateur, M. Jottrand, a dit que, quel que soit le roi des Belges,
Dans
l'intérêt de la patrie commune, et de la province à laquelle j'appartiens, je
voterai pour le duc de Nemours. (U. B., 2 fév.)
M.
le comte de Baillet – Messieurs, dans ce moment solennel, où nous allons être appelés
à émettre un vote qui paraît devoir exercer une si grande influence sur
l'avenir de notre patrie, qu'il me soit permis de rappeler à votre souvenir
les paroles que prononçait à cette tribune M. le président du comité
diplomatique, dans le rapport écrit du 26 décembre dernier : « Le gouvernement
provisoire, et le comité diplomatique, peuvent et doivent se mettre en mesure
d'éclairer la détermination du congrès, qui saura, par le choix du chef de
l'État, concilier tout à la fois les intérêts de l'Europe avec les intérêts, la
dignité et l'indépendance de
« Reconnaître
notre indépendance et intervenir dans la question du chef de l'État, serait
contradictoire, » nous disait-on le 26 décembre. Un mois ne s'était pas écoulé
et des communications officielles nous apprenaient que
Voici un
extrait du protocole de la conférence du 20 janvier 1831, signé par les
plénipotentiaires des cinq grandes puissances : « Les plénipotentiaires sont
unanimement d'avis que les cinq puissances devaient à leur intérêt bien
compris, à la tranquillité de l'Europe, etc., une manifestation solennelle, une
preuve éclatante de la ferme détermination où elles sont, de ne chercher dans
les arrangements relatifs à
Quant au
duc de Leuchtenberg, je ne vous dirai pas qu'il serait possible, peut-être,
d'en appeler du gouvernement de Louis-Philippe à Louis-Philippe mieux informé.
Je désire concilier tous les intérêts, et je me rallierai à toute combinaison
qui pourrait surgir dans cette assemblée et qui ne compromettra pas l'avenir de
ma patrie. Le prince Jean de Saxe, le prince Charles de Bavière, un prince
autrichien, si l'éloignement de l'Autriche ne faisait regarder cette élection
comme un avantage isolé, obtiendraient mon suffrage. Cette dernière maison
fut toujours populaire en Belgique, et ce n'est pas chez nous qu'elle réveille
l'idée du pouvoir absolu, puisque pendant trois siècles consécutifs elle
maintint les libertés de nos pères. Si nous étions destinés à essuyer encore de
nouveaux refus et de nouvelles humiliations, si les cinq puissances, en
prononçant tour à tour de nouvelles exclusions, rendaient tout choix
quelconque (page 362) impossible, ne
prenons conseil que de nous-mêmes, choisissons un prince indigène, ou bien changeons
la forme du gouvernement que nous avons adoptée, et proclamons la république
avec un président à terme et des ministres responsables. Étranger à tous les
partis, n'ayant jamais recherché ni le pouvoir ni ses facultés, je n'ai en vue
que le salut de mon pays, et je n'aurai pas à me reprocher d'avoir dit :
Périsse
M. Zoude (de Saint-Hubert) – Messieurs, devant Dieu, à la face de la nation, je proteste de la pureté
de mes intentions.
Comme
tous mes collègues, je déposerai un vote consciencieux sur l'autel de ma
patrie.
Tous,
nous ne formons qu'un vœu, celui d'assurer le bonheur de nos concitoyens ;
réunis dans ce but, objet constant de nos efforts, nous différons dans les
moyens de l'atteindre.
Les uns
voient le salut de l'État dans le choix du prince de Nemours qui nous
couvrirait de l'égide de
D'autres
voient dans Nemours le signal de la guerre avec l'étranger, ou bien la guerre
intestine.
La
guerre avec l'étranger, si Nemours accepte, et il est difficile de se faire illusion
à cet égard.
La guerre
intestine, si Nemours refuse, parce qu'alors nous serons entraînés dans des
lenteurs qui donneraient aux divers partis le temps, et l'occasion de s'agiter
de nouveau, et le corps politique, épuisé par les secousses, tombera dans le
marasme.
Et qui
voudra ramasser cette couronne que
Mais
il est des candidats moins dédaigneux. On pourra donc présenter une nouvelle
combinaison ; il est un prince à Naples, a dit M. Bresson.
Mon front
se couvre de rougeur.
0 ma
patrie ! avez-vous donc mérité ce comble d'humiliation ? Ne vous êtes-vous
relevée glorieuse un instant que pour vous voir traîner tout à coup, j'ai
presque dit sous le joug d'un Napolitain ? Et voilà cependant la planche
probable de salut qui vous sera offerte, si Nemours refuse.
Vous
repousserez, messieurs, une combinaison aussi flétrissante.
Mais,
si vous choisissez Leuchtenberg, vous aurez la guerre. - Je n'en crois rien.
Les
puissances verront dans ce choix votre volonté immuable de rester indépendants
de
Avec
Mais
Messieurs,
à une époque mémorable, mais beaucoup moins solennelle, un conseil amical vous
fut suggéré ; il était l'effet d'une bienveillance toute particulière, il
n'était dicté que par le vif intérêt que
Quel
accueil fîtes-vous à ce conseil ? Il souleva vos cœurs d'indignation ; vous n'y
vîtes qu'une intervention déguisée sous le manteau de l'amitié ; et une
résolution qui, dans d'autres circonstances, aurait pu et peut-être aurait dû
subir l'épreuve (page 363) d'une
longue discussion, fut votée presque d'enthousiasme.
Vous
n'admettrez pas aujourd'hui ce que vous avez alors rejeté avec fierté.
Vous repousserez cette intervention qui vient
vous dicter des lois dans cette enceinte.
Vous repousserez un langage qui sera désavoué par
Non,
messieurs, vous n'aurez pas la guerre avec
Vous ne
craindrez pas les menaces d'un ministère antinational, vous qui naguère braviez
les rois, parce que derrière eux se trouvent les peuples qui sympathisent avec
nous.
Eh bien,
messieurs, fort de la sympathie du peuple français, plein d'effroi pour la
guerre étrangère ou intestine qui suivra immédiatement ]a nomination de Nemours
; plein d'espérance dans la sécurité que le choix de Leuchtenberg inspirera aux
puissances, je voterai en sa faveur. (C., supp., 2 fév.)
M. Lardinois – Messieurs, la grande
tâche que nous ont imposée nos commettants sera bientôt remplie. Notre mandat
expirera dans quelques jours ; nous allons nommer le chef de l'État.
Cependant
le contrat qui doit lier notre futur souverain à son peuple, n'est pas encore
terminé. Vous avez voulu auparavant faire cesser l'anxiété publique, provoquée
par une diplomatie trompeuse et perfide. Votre intention fut aussi de sortir
d'un état provisoire qui fatigue tout le monde.
Nous ne
devons pas nous dissimuler l'immense gravité de notre situation : l'Europe est
en convulsion ; et
C'est donc
nous, messieurs, qui sommes appelés à prononcer sur le sort de l'État ; nous
que la révolution est venue arracher presque tous à nos paisibles occupations
et à notre obscurité ! nous qui ambitionnons le bien-être de notre pays, et
dont la félicité ne peut se voir qu'à travers un avenir effrayant ; nous qui
allons peut-être plonger la nation dans l'abîme, si nous sommes assez aveugles
pour ne pas recourir à la main puissante qui seule peut nous sauver !
Indépendance,
honneur, patrie, sont les nobles sentiments invoqués par cette auguste
assemblée ; mais craignons de nous abandonner trop exclusivement au prestige de
ces mots sacrés : en d'antres temps et d'autres lieux, on a vu souvent qu'ils
servaient pour cacher des vues ambitieuses et sordides.
J'explique
l'indépendance, par liberté d'action et de volonté. L'amour de la patrie se
rencontre dans celui qui préfère l'intérêt public au sien propre. C'est une
vertu politique qui est peu pratiquée dans les sociétés modernes.
Messieurs,
un orateur distingué a déclaré que les intérêts moraux devaient exercer une
suprématie sur les intérêts matériels. Je conteste la vérité de ce principe,
et j'en repousse surtout l'application dans la circonstance actuelle.
L'art
social consiste bien à assurer les intérêts moraux ; mais ses fins tendent
évidemment à assurer la prospérité matérielle ; l'un et l'autre marchent sur
la même ligne. Tous les gouvernements reconnaissent aujourd'hui que
l'agriculture, le commerce et l'industrie font la force et la richesse de la
nation ; ils ne doivent avoir plus qu'un but, celui de les favoriser par tous
les moyens possibles.
C'est en
suivant ce grand principe que les Anglais sont devenus les facteurs de
l'univers. Aussi les intérêts politiques de l'Angleterre ont toujours cédé aux
intérêts de son commerce, et les lois n'y ont qu'une influence indirecte,
accidentelle.
Par ces
considérations, vous me permettrez, messieurs, de vous entretenir un instant
des intérêts matériels : on semble trop les oublier dans la question qui nous
occupe, et cependant c'est la première difficulté du problème que nous avons à
résoudre. Mais avant d'entreprendre ce chapitre, je dois une brève réponse à
des attaques du dehors, et qui ont été renouvelées plusieurs fois à cette
tribune.
Le commerce de Verviers a toujours pensé, depuis
notre révolution, qu'une union intime avec
Ils payent
un droit d'entrée et sur la valeur : A Naples, de 80 pour cent ; États de
Rome, 30 pour cent ; Portugal, 60 pour cent ; Espagne, 53 pour cent ; Danemarck, 50 pour cent ; Piémont, 27 pour cent ;
Angleterre, 15 pour cent ; Prusse, 17 pour cent.
C'est
ainsi, messieurs, que l'industrie manufacturière, qui donne du travail à un
peuple d'ouvriers, est traitée. Maintenant, sans toucher encore la question
politique, jugez si les industriels de Verviers, de Liége, de Namur, de Mons,
de Charleroy, etc., etc., qui perdent tout ou partie de leurs débouchés, par
la séparation de
Une guerre
de vingt-cinq ans avait rompu nos relations commerciales ; il a fallu leur
donner une tout autre direction et s'identifier avec des besoins nouveaux.
Nous étions arrivés, avec bien de tâtonnements et de sacrifices, à reconstruire
notre commerce et notre industrie sur des bases solides. Le commerce maritime
était plein de vie, et l'industrie agricole et manufacturière avaient redoublé
d'activité. Enfin notre état commercial était florissant, il ne nous manquait
que le bonheur politique. La révolution a tout renversé, et nous voilà occupés
à rebâtir un nouvel édifice.
Vous avez
établi l'égalité des droits politiques ; c'est chose acquise. Vous devez à
présent chercher à pourvoir aux besoins matériels, et c'est par le choix du
chef de l'État que vous pouvez y parvenir. Voyons un peu si les intérêts
matériels sont à dédaigner.
J'estime
que le capital de l'agriculture peut être évalué à cinq milliards de francs. Ce
capital forme la première richesse de la nation, mais il n'a de valeur qu'en
raison des produits qu'il procure. Sans liberté, pas de production, pas de
prospérité ; mais sans production, pas d'indépendance, pas de richesse ni de
force.
Le produit
annuel de notre agriculture s'élève approximativement à 600 millions ; celui de
l'industrie manufacturière, à 350 millions. La consommation intérieure
absorbe la majeure partie de ces produits, et le commerce s'empare de
l'excédant pour en faire un trafic d'échange.
Réfléchissez
un instant, messieurs, que plus de la moitié de la population tire ses moyens
d'existence de ces produits, résultat du travail. Calculez, s'il est possible,
l'étendue des transactions et les ramifications infinies auxquelles ils
donnent lieu. Vous verrez alors si les intérêts matériels ne forment pas la
richesse et la force des États.
D'après ce
qui précède, vous vous figurez bien que nous produisons plus que nous ne
consommons. Il faut donc exporter notre excès, et j'estime qu'en produits
naturels et industriels notre exportation annuelle devrait être de 150 millions
de francs.
Mais pour
exporter il faut des débouchés, et celui de
Je ne
pousserai pas plus loin ces calculs ; j'espère que ces chiffres suffiront pour
frapper vos esprits et pour détourner ceux qui sont portés à choisir le duc de
Leuchtenberg pour roi de
Vous
n'êtes pas de ces économistes avortons, nés des circonstances, qui débitent
avec un sang-froid imperturbable les plus grandes hérésies commerciales, parce
qu'ils veulent faire prévaloir leurs théories sur l'évidence des faits. Tel
vous dit par exemple que plus la détresse sera grande, plus les produits
baisseront de valeur, et plus la consommation augmentera. Il résulte conséquemment
de ce principe que vous ne devez pas vous occuper des intérêts du producteur,
et qu'il est à peu près indifférent d'ouvrir des relations extérieures. Mais
alors, sans profits, l'industrie s'arrêtera. Moins de travail, moins de
produits, et je ne sais pas si on pourra contenter l'ouvrier inactif, en lui
disant qu'il doit prendre patience, et se nourrir de doctrines jusqu'à ce
qu'il puisse se procurer du pain par son travail.
Je le
répète, nous avons besoin d'exporter des (page
365) produits pour une valeur de 100 millions de francs environ ; sans cela
le commerce et l'agriculture, qui sont les nourrices de l'État, sont menacés
de mort. Et comme un gouvernement ne peut prélever des impôts que là où il y a
quelque chose à prendre, vous ne tarderiez pas de voir que la contribution
foncière devrait presque seule supporter les charges de l'État.
Messieurs,
dans notre petit pays, cerné par quatre lignes de douanes, nous ne pouvons
exister sans traités de commerce. L'Angleterre est arrivée au point d'être
jalouse et de craindre la prospérité des autres nations.
Choisissez,
vous dit-on, le duc de Leuchtenberg, et
Autre
moyen. Louis-Philippe accordera une de ses filles au duc de Leuchtenberg, et
par cette alliance de famille, plus d'inquiétude sous aucun rapport. Vous le
savez, messieurs, la raison d'État est sans pudeur comme sans probité.
Rappelez-vous la conduite de l'Autriche à l'égard de Bonaparte. Deux fois
l'empereur François lui doit son trône, ni la reconnaissance, ni la fille des
Césars ne furent jamais des motifs pour empêcher le renversement du trône de
Napoléon.
Beaucoup
d'orateurs ont traité la question sous le rapport politique. Vous avez sans
doute remarqué avec moi que des mêmes arguments on a tiré des conséquences
diamétralement opposées. C'est ainsi qu'on parvient à la vérité, lorsqu'on
raisonne sur des conjectures, sur des probabilités. Je ne veux pas m'arrêter à
la discussion de toutes ces hautes combinaisons politiques ; j'avoue que je n'y
connais rien, et je pense que les événements seront plus forts que notre
propre volonté et que les dispositions des cabinets de l'Europe. Je m'abandonne
un peu à la destinée de
Cependant
ma boussole est
Par
la nomination du duc de Leuchtenberg, vous vous aliénez l'amitié de
Non,
messieurs, vous ne pousserez pas l'État dans cet océan de misères ! Je ne suis
pas des amis du duc de Leuchtenberg, mais je suis encore moins de ses ennemis,
et je considère le trône de
(page 366) Nous pensions parcourir de
longues années de prospérité, et toutes les opérations commerciales sont
arrêtées. Le grand, le médiocre, le petit commerce sont liés étroitement, et
l'un ne marche pas sans l'autre. Le grand commerce est mêlé aux affaires
publiques ; ainsi, si notre état politique est établi sur des bases fragiles,
jamais les grandes entreprises commerciales ne pourront avoir lieu. Nos grandes
villes manufacturières et commerciales sont pénétrées de ces vérités, et elles
ne sortiront de leur marasme et de leur inquiétude qu'après que vous aurez choisi
pour chef de l'État un prince qui pourra s'appuyer de toute la force de
Telle est
la situation du commerce de Bruxelles, de Gand, d'Anvers, de Liége, de Mons, de
Namur, etc. Je ne suis pas de ceux qui voudraient sacrifier le bien-être
général à l'intérêt d'une seule ville ; cependant je souhaite que Bruxelles
soit payée de ses journées glorieuses. Mais, je vous le demande, est-ce avec le
duc de Leuchtenberg que Bruxelles récupérera sa grandeur passée ? Cette ville
aura l'éclat d'un verre dépoli ; tandis que si elle réfléchissait les rayons de
Avec le
duc de Leuchtenberg, Anvers n'entendra plus les chants des matelots ; ses
bassins ne seront plus peuplés des navires des deux mondes : les anneaux de
ses quais n'attacheront plus que les barques des pêcheurs ; l'herbe croîtra
dans les rues de cette Tyr moderne, et ses négociants exhaleront des soupirs
superflus : leur ressource sera l'émigration.
Que Gand
ferme ses ateliers : son industrie fut étayée par le privilège ; il n'y a plus
de remède pour elle sans le marché de
Pour
abréger, je ne vous parlerai pas du malaise ni de la ruine des autres
industries. Ceux qui souffrent attendent avec confiance votre décision, et si
jamais les villes que je vous ai dénommées étaient frustrées dans leur attente,
je dois le dire, j'appréhende la guerre civile, et je la repousse en donnant
mon vote au duc de Nemours. (C. supp., 2 fév.)
M.
le baron de Stassart – Messieurs, lorsque le peuple attend avec une si vive impatience
la décision du congrès national, je me garderai bien de prolonger nos débats
par des discours inutiles ; je veux me borner à motiver mon vote en peu de
mots.
C'était un
devoir, sans doute, pour nous de songer aux moyens de terminer le mieux et le
plus promptement possible notre glorieuse révolution... Placer le drapeau belge
à côté du drapeau français, et choisir pour roi Louis-Philippe, tout en conservant
notre indépendance intérieure et notre constitution particulière, m'avait
paru, dès le mois d'octobre, le résultat le plus désirable. Mais ce plan, conçu
dans l'intérêt de notre patrie, nous a-t-il été permis de le réaliser ? Lé
cabinet du Palais-Royal ne s'est-il pas expliqué, de la manière la plus
positive, à cet égard ? Ne nous a-t-il pas refusé même le duc de Nemours ? Ce
refus ne vient-il pas encore d'être solennellement confirmé par un ministre à
la tribune de Paris ? Peut-on s'obstiner dès lors à vouloir l'impossible ?
Pour mon compte, je le déclare, il y a près d'un mois que j'ai senti la
nécessité de substituer, à des combinaisons devenues chimériques, le seul
projet qui pût assurer notre indépendance, nous conserver le maintien de la
paix, et donner à la couronne naissante des Belges l'éclat magique des
souvenirs. Un jeune prince, héritier des vertus de son père, un jeune prince
dont le nom seul commande la confiance et le respect, un jeune prince qui doit
finir par être agréable à toutes les puissances, par cela même qu'il n'est le
candidat d'aucune, le duc de Leuchtenberg enfin m'a semblé devoir être l'élu de
la nation. Lui confier les destinées de
- La
séance est levée à cinq heures. (P. V.)